Citations de Cloé Mehdi (47)
Maman disait que les problèmes détestent la solitude. Quand l'un d'entre eux se pointe tu peux être sûr qu'il va ramener tous ses copains.
J'ai commencé à me taire un beau jour de janvier, quand les mots se sont mis à manquer, quand j'ai réalisé combien le langage est impuissant face à la profondeur, la complexité des choses. On se croit intelligents avec notre don de parole mais au final on ne sait jamais quoi dire lorsque les pires choses arrivent.
C'est ainsi que les choses fonctionnent, Mattia. La justice aux juges. La violence aux flics. La santé aux médecins. Les fous aux asiles, et ne t'avise pas de t'attribuer une place qui n'est pas la tienne.
un jour ma mère m'a dit qu'il fallait s'attacher à personne parce que tout le monde finit par t'abandonner.
Le bonheur ne dépend pas uniquement des personnes avec qui on partage sa vie.
Elle est comme moi, Gina. Elle remarque tout. Mais elle a hérité de ma mère l'art de taire les choses importantes, et de mon père l'art de la fuite.
« A 19 heures on passe à table. Gabrielle invite les travailleurs sociaux à se joindre à nous. Titre du documentaire : « La famille dysfonctionnelle dans la vie quotidienne ». Ça pourrait même faire une bonne émission de télé-réalité. J’imagine le pitch : Un meurtrier passionné de poésie, une dépressive suicidaire et un enfant perturbé tentent de vivre ensemble au-delà de leurs différences, mais les services sociaux s’en mêlent. Zé, Gabrielle et Mattia parviendront-ils à faire illusion et à déjouer la menace ? »
C'est ainsi que Damien devint un caillou, car les cailloux n'ont pas besoin de parler. Les cailloux se contentent d'exister, ils se suffisent à eux-mêmes et ne demandent rien à personne.
Les cailloux sont admirables de dignité.
[...] l’erreur est humaine à ce qu’on raconte. Le seul problème c’est qu’elle est tolérée pour certains et pas pour d’autres, et toujours les mêmes.
- C'est pour ça que tu ressembles à un enfant...dans ta tête t'as toujours treize ans.
Damien grimaça. Elle eut un petit rire triste
- C'est pas pour t'insulter. Mais c'est normal que tu fasses pas ton âge. C'est difficile de grandir normalement quand on est en prison.
- Même avant...
- quoi ?
- Avant la prison aussi c'était difficile.
Il faut que tu apprennes à faire la différence entre ce que les gens font semblant d'être et ce qu'ils sont réellement.
Grâce à eux, vous étiez de nouveau prêts à vivre en société. Vous étiez normaux. Heureux ? Tout le monde s'en foutait. Il fallait juste vous rendre aptes à habiter dehors, peu importe dans quel état. Peu importe si le monde autour de vous n'avait pas changé. Ils disaient que c'était à vous de vous adapter. Ils n'ont pas encore inventé de neuroleptiques pour modifier la réalité.
Tu sais qu'elle te ment presque tout le temps?
Oui.
Et ça te dérange pas?
Non.C'est plus intéressant que la réalité.
Les gens du quartier réclament justice. Ils croient en la République. Ils constituent un collectif autour de la famille de Saïd. Ils en appellent à la belle Mariane, la démocratie et tout le bataclan. Ils exigent que le responsable de la bavure soit condamné.
Il se sentait plus vide qu'il ne l'avait jamais été, comme si son esprit avait déserté son corps. Il avait déjà senti cette sensation. Elle lui était familière. A la maison...chaque fois qu'il avait subi des coups. Et par-dessus tout le jour où il avait pris la hachette, dans le garage. Une coquille vide. Un caillou. Il regardait la scène de l'extérieur, dans une dissociation salvatrice qui lui permettait de ne pas accepter la réalité des faits. La fuite ultime, celle qui mobiliserait ses dernières défenses.
Je me tourne vers la cage d'escalier avec l'envie de me boucher les oreilles et de fermer les yeux, pour les rouvrir sur une autre réalité où personne n'aurait envie de mourir parce que la vie serait super chouette - et où personne ne vous obligerait à vivre...Là ça me semble aussi cruel que de tuer.
Quand j'avais cinq ans je me demandais pourquoi la vie était injuste à ce point.
Quand j'avais sept ans je me disais que si elle avait été juste elle en aurait perdu tout son sens, car on ne serait pas poussés par l'espoir d'une amélioration.
Quand j'avais huit ans je cherchais désespérément un moyen de réparer les torts - mais je ne l'ai jamais trouvé parce que la plupart des injustices sont irréversibles, c'est pourquoi elles sont tellement insupportables.
A neuf ans j'ai décidé d'arrêter de me poser des questions.
J’ai appris à quel point les bonnes intentions peuvent meurtrir. Combien une phrase exprimée ou comprise de travers peut faire mal sans qu’on s’en rende compte. Combien les gens disent peu à quel point ils sont blessés. Je marchais sur la pointe des pieds, dans la terreur de faire du mal. Je me demandais pourquoi personne n’allait voir le garçon assis à l’écart à toutes les récrés, qui n’osait jamais regarder les gens dans les yeux. Pourquoi personne ne remarquait le regard embué de cette jeune prof qui n’arrivait pas à faire son cours dans le chahut ambiant. Pourquoi son collègue s’acharnait sur la fille qui posait toujours des questions que les autres élèves et lui jugeaient idiotes, alors qu’elle se mordait la langue en baissant la tête avec l’envie de disparaitre sous terre. Et pourquoi l’humiliation volontaire amusait tant, alors qu’elle est si méprisable
...il avait tellement perdu l'habitude de poser des questions qu'il n'arrivait pas à les formuler. Les cailloux ne sont pas curieux. Trahir son intérêt reviendrait à effriter les couches de granit qu'il s'était composées au fil des années.
Il attend la réponse judiciaire. Elle arrive au bout de trois ans : acquittement. Le flic sort de la salle d'audience porté en triomphe par ses collègues. Histoire trop banale.