J'adore l'éthique, j'ai même écrit un petit essai non publié.
La présentation de l'éthique par Aristote et celle de Spinoza sont peu claires. Celle de Baruch Spinoza se rapporte à des valeurs morales, à mon avis.
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Mais depuis ce temps, les religions et la morale sont moins prises en compte dans les sociétés occidentales, alors que la science et la technologie ont émergé.
Ce livre, à plusieurs siècles d'intervalle, affirme que l'éthique a beaucoup moins un aspect moral, mais joue plutôt un rôle de contre-pouvoir vis-à-vis des excès scientifiques.
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L'approche de Jacqueline Russ en philosophie est très analytique, et comporte de nombreuses références ( Spinoza, Kant, Habermas, Jonas, Rawls). Elle me fait penser à une thèse, ou du moins un travail de recherche ; et on a du mal à distinguer la pensée propre de l'auteure, qui se dégage quand même à la fin de son intervention.
En systématisant, je pense qu'elle substitue le dialogue social démocrate ( Jürgen Habermas) à la toute puissance de Dieu ( Spinoza), la responsabilité de l'homme considéré comme une personne ( Emmanuel Kant ) à la collectivité au service d'un but (Karl Marx, ou la société capitaliste) ou d'un dictateur, sans oublier la vision lointaine des générations futures à préserver ( Hans Jonas ).
Tout ça me convient dans l'ensemble ; fallait-il s'appuyer sur autant de références pour en arriver là ?
Mais cette intervention donne un aperçu du rôle de l'éthique dans la société contemporaine, au service de celle-ci.
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L'approche de Clotilde Leguil (ne pas l'oublier dans cet essai ! ) dans le domaine médical ( bioéthique) et psychologique, est plus engagée, et fournit des exemples concrets concernant la vie, la naissance et les excès de la PMA, comme cette Italienne ménopausée qui fait une demande de PMA avec son frère ! L'éthique a donc son rôle à jouer comme modératrice de la science.
De même, entre l'acharnement thérapeutique sur un "légume" comme Vincent Humbert et l'euthanasie aux dérives possible, l'auteure pense que les soins palliatifs sont une bonne idée.
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Pour ce qui est de l'éthique par rapport au domaine psychologique, et l'auteure pense à la dépression, elle s'engage vers la psychanalyse freudienne et lacanienne, personnalisée, individualisée, plutôt que les neurosciences de Jean-Pierre Changeux qui cherche à systématiser les symptômes, pour "mécaniciser " les maladies psychiques afin de les prévenir.
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L'impression qui ressort de cet essai est qu'il faut laisser à l'humain, trop humain sa place, ses choix, sa responsabilité, dans une société où l'omnipotence scientifico-technologique tend à remplacer la présence pesante de Dieu !
Le rôle de l'éthique, par les lois ( politique, principe de précaution ) et le respect de la personne ( décidément, faudra que je lise Kant ! ), loin de la morale, est de représenter le facteur humain dans ce monde technologique, trop technologique, va lequel on a tendance à aller, et qui me fait penser à "Le meilleur des mondes" ou à "1984" !
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Clotilde Leguil est philosophe et psychanalyste lacanienne. Dans cet essai, paru en 2015 et réédité cette année, en 2018, elle s'inscrit dans le débat sur le "genre" qui, à la suite des "gender studies" qui se sont épanouis aux Etats-Unis, prend également une place de plus en plus importante de ce côté-ci de l'Atlantique. Qu'est-ce que la psychanalyse, notamment après Jacques Lacan, a à dire à ce sujet ? En quoi l'approche psychanalytique diffère-t-elle des discours radicaux sur le genre, notamment ceux de Monique Wittig et de Judith Butler ?
Tout en reconnaissant que le débat est légitime, Clotilde Leguil entend montrer que la position de la psychanalyse en faveur de l'être, en particulier dans l'écoute de la singularité de chacun par rapport aux normes de genre peut donner un éclairage autre que celui que donnent ceux et celles qui font de ce débat un affrontement "classe contre classe", "hétéro-normés" contre "anti-genre". Chacun a un parcours différent dans son positionnement par rapport à son sexe biologique et aussi par rapport aux catégories "masculin/féminin" auquel il a été confronté dans son existence et en particulier son enfance. Il s'agit d'entendre ce que les individus racontent à ce sujet. Et c'est une des parties les plus intéressantes du livre où l'auteure analyse, par rapport à cette question du genre, les récits de plusieurs écrivains : Delphine de Vigan ("Rien ne s'oppose à la nuit"), Edouard Louis ("En finir avec Eddy Bellegueule"), Guillaume Galienne ("Guillaume et les garçons, à table!") et Pascal Bruckner ("Un bon fils").
J'ai trouvé que c'est un ouvrage très intéressant, évitant tout jargon et montrant que l'approche psychanalytique, en particulier lacanienne, à des choses à dire dans un débat très actuel.
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Clotilde Leguil, en bonne psychanalyste lacanienne, s'empare des mots pour défaire ce qui s'est fait avec les mots. Elle décrit le passage de l'ère des toxiques (19ième siècle) à l'ère du toxique, époque actuelle d'un malaise, d'une angoisse réelle.
Le toxique, on ne le voit pas venir ; il touche notre psychisme autant que notre régime pulsionnel. Le diktat de la jouissance sans limite ouvre la voie au toxique, destructeur du désir. Le toxique est synonyme de forçage dans l'intime et la civilisation.
Forçage de ses limites au travail, forçage des ressources de la planète, forçage de la dimension amoureuse. Le champ de la parole et du langage est abordé depuis l'effet sur le corps. Les mots emprisonnent et affectent le corps. La personne aux prises avec le burn out est intoxiquée par un discours qui accompagne son travail en le jugeant sans cesse.
Nous subissons une forme d'assujettissement, bien qu'aucune menace n'ait été proférée. Nous devenons vulnérables, angoissés et demandeurs de limites à la jouissance forcenée, présentée comme le bonheur absolu.
L'auteure illustre son propos en citant mythes (Héraclès), littérature (Emma Bovary et l'élève Törless, ce dernier radiographié longuement), cinéastes (Cronenberg) et bien sûr, fonde son propos sur les dits de Freud et Lacan, en ponctuation des exemples nombreux de piqûres du toxique.
Je reste un peu sur ma faim. L'auteure tarde parfois à pénétrer dans le vif du sujet : en abusant des tournures indirectes, des préalables redondants et de questions à la chaîne, elle atténue la percussion de ses idées-forces, notamment lorsqu'elle décrit longuement le rêve-clé de l'interprétation des rêves en clôture de son essai. Clotilde Leguil en revient toujours à une terminologie analytique, comme si elle s'interdisait de dire simplement ce qui nous ronge à notre insu, bombardés que nous sommes d'informations bidon, de management sadique, de patriarcat dominant.
Son remède à l'empoisonnement par le toxique : "le désir - le désir de savoir ce qui m'a empoisonné."
Merci à la psychanalyse de se confronter au réel, signe de dynamisme d'une discipline en quête de regain.
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J'ai tellement aimé ce livre de cours, que pour la première et la dernière fois de ma scolarité. Je n'ai pas rendu ledit manuel à la fin de l'année. Pour une fois que j'avais l'impression d'avoir appris quelque chose dans un bouquin de cours... je l'ai racheté au lycée, et depuis, je le consulte toujours. Il propose une approche à la fois thématique et chronologique de la pensée antique jusqu'à la philosophie moderne. Un dossier en couleur avec quelques reproductions de peintures pas forcément attendues permet d'aborder la réflexion esthétique d'une manière originale. Merci Jacqueline Russ, tu m'as fait grave kiffer la philosophie !
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Je me demande ce que Clotilde Leguil pense de la série En Thérapie (saison 2 sur Arte), qui continue à séduire une belle clientèle de téléspectateurs. En 2013, la disciple de Freud et de Lacan avait évalué la psychanalyse américaine après la vision de In Treatment, où le thérapeute Paul Weston déformait régulièrement le cadre, au point de faire écrire à l'auteure de Lost in therapy que la série était un « anti-manuel de psychanalyse ».
Le ton est donné d'un essai amusant à lire, instructif sur les grands concepts de la thérapie par la parole, intéressant sur le décryptage des troubles évoqués par une huitaine d'analysants.
J'ai lu l'opuscule (205 pages) juste après avoir vu dans mon salon les 75 séances achetées en bloc chez un libraire (ce qui explique que je regarde très peu En thérapie). J'ai donc eu le temps de cerner l'ami Paul que C.Leguil éreinte allégrement (avec un zeste de compassion), sur un ton parfois péremptoire. Philippe Dayan étant beaucoup plus orthodoxe que son collègue, il n'y aura peut-être pas de livre sur la version française. Mais l'engouement du public vaudrait une étude à lui seul.
Je reviens au sujet. Pourquoi tant de critique ironique à l'égard de la psychanalyse relationnelle telle que pratiquée outre-Atlantique ? Je suppose qu'en bonne freudienne, elle crie haro sur les entorses aux principes fondamentaux d'une discipline rétive à l'innovation. Querelle d'école qui ne dit pas son nom. Ce courant américain donne au thérapeute la place de l'entourage du client, afin de permettre au parlant de saisir les types de conduites qu'il reproduit.
Le ton caustique m'a gêné au début puis je m'y suis fait, trop content de lire sur ce qui m'avait passionné durant 1875 minutes (je suivais une formation de thérapeute narratif). Car, ne nous y trompons pas : si ce livre a vu le jour, c'est que son auteur a apprécié à sa manière ces mises en situation d'un métier impossible, qui le restera pour l'éternité, comme l'a énoncé Sigmund.
P.S. Même si le style n'est pas trop jargonnant, mieux avoir vu l'ensemble de En analyse (In Treatment) avec l'inoubliable Gabriel Byrne. Je suis content d'avoir doublé le nombre de lecteurs - de un à deux -, d'avoir posté la première notice et quelques citations.
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Au lycée, j'étais particulièrement nul en explications de textes et suis mort d'ennui plusieurs fois en cours de français ; ne comprenant jamais pourquoi un texte avait besoin d'être expliqué.
Ici, C.Leguil me convainc, extrêmement tard certes, de l'intérêt de l'exercice d'explication. Il ne s'agit pas de textes, mais de films, que j'avais déjà vus : Mulholland Drive (plusieurs fois), La vie des autres et Virgin suicides. Films que j'ai revus avec un autre oeil et une autre oreille (importance des mots pour la psychanalyste C.Leguil) pendant la lecture de ce livre.
Je recommande donc cette lecture aux cinéphiles qui ont envie de savoir ce qui peut se cacher dans les replis d'un scénario et d'une mise en scène.
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On m'a offert ce livre en pensant qu'il abordé le sujet des addictions, sujet dont je suis friande.
Or, j'ai été surprise de voir que ce livre était davantage un essai sur le mot "toxique" et tout ce qu'il englobe.
Le début m'a semblé un peu ennuyeux mais lorsque des histoires sont implantés, le livre devient plus concret. C'est ce que j'ai apprécié.
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