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Citations de Constantin Cavafis (136)


LE SOLEIL DE L'APRÈS-MIDI

Cette chambre comme je la connais bien!
Elle est louée maintenant, avec celle d'à côté,
à des agences commerciales. L'immeuble entier n'est plus
que des bureaux, courtage, import-export, et autres Sociétés.

Ah, cette chambre comme elle m'est familière.

Près de la porte, ici, se trouvait le canapé,
et devant lui un tapis turc ;
à côté, l'étagère et ses deux potiches jaunes.
À droite ; non, en face, une armoire à glace.
Au centre la table où il écrivait ;
et les trois grandes chaises de paille.
Près de la fenêtre se trouvait le lit
où nous avons fait l'amour si souvent.

Ces pauvres meubles doivent encore exister quelque part.

Près de la fenêtre se trouvait le lit ;
le soleil de l'après-midi lui arrivait jusqu'au milieu.

... Un après-midi, à quatre heures, nous nous sommes séparés
pour une semaine seulement... Hélas,
c'est une semaine qui dure encore.
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Mer matinale



Que je m’arrête aussi, pour une fois,
contempler la nature. Mauves scintillants
d’une mer matinale, bleu translucide du ciel,
jaune du littoral – noyés de lumière.

Que je m’arrête surtout avec l’illusion
que je les vois vraiment (ils m’ont paru ainsi
l’espace d’un instant) et point encore
les mêmes phantasmes et souvenirs,
mirages de volupté.
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Ithaque

Quand tu partiras pour Ithaque,
souhaite que le chemin soit long,
riche en péripéties et en expériences.

Ne crains ni les Lestrygons, ni les Cyclopes,
ni la colère de Neptune.
Tu ne verras rien de pareil sur ta route si tes pensées restent hautes, s
i ton corps et ton âme ne se laissent effleurer
que par des émotions sans bassesse.

Tu ne rencontreras ni les Lestrygons, ni les Cyclopes,
ni le farouche Neptune,
si tu ne les portes pas en toi-même,
si ton cœur ne les dresse pas devant toi.

Souhaite que le chemin soit long,
que nombreux soient les matins d’été,
où (avec quelles délices !) tu pénètreras
dans des ports vus pour la première fois.

Fais escale à des comptoirs phéniciens,
et acquiers de belles marchandises :
nacre et corail, ambre et ébène,
et mille sortes d’entêtants parfums.
Acquiers le plus possible de ces entêtants parfums.

Visite de nombreuses cités égyptiennes,
et instruis-toi avidement auprès de leurs sages.
Garde sans cesse Ithaque présente à ton esprit.
Ton but final est d’y parvenir,

mais n’écourte pas ton voyage :
mieux vaut qu’il dure de longues années,
et que tu abordes enfin dans ton île aux jours de ta vieillesse,
riche de tout ce que tu as gagné en chemin,
sans attendre qu’Ithaque t’enrichisse.

Ithaque t’a donné le beau voyage :
sans elle, tu ne te serais pas mis en route.
Elle n’a plus rien d’autre à te donner.

Même si tu la trouves pauvre, Ithaque ne t’a pas trompé.
Sage comme tu l’es devenu à la suite de tant d’expériences,
tu as enfin compris ce que signifient les Ithaques.
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Constantin Cavafis
Mais un jour arrivèrent des vieillards, pour annoncer
qu'Achille s'était fait tuer à Troie.
Thétis se mit alors à lacérer ses vêtements de pourpre,
puis à s'arracher et à jeter
par terre ses bagues et ses bracelets.
Et dans ses lamentations, elle se rappela le passé ;
que faisait donc, demanda-t-elle, le docte Apollon,
où se trouvait-il, le poète, qui dans les banquets
parlait si bien, où se trouvait-il, le prophète,
pendant qu'on tuait son fils en sa prime jeunesse.
Et les vieillards lui répondirent qu'Apollon
en personne était descendu à Toie,
et qu'avec les Troyens, il avait tué Achille.
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Constantin Cavafis
Même si je ne peux pas parler de mon amour -
si je ne dis rien de tes cheveux, de tes yeux, de tes lèvres ;
ton visage pourtant reste gravé dans mon esprit,
le son de ta voix reste gravé dans ma mémoire,
et ces jours de septembre qui pointent dans mes rêves
donnent forme et couleur à mes mots, à mes phrases,
que que soit mon sujet, quelque idée que j'énonce.
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TERRE D’IONIE

Nous avons beau avoir brisé leurs statues,

nous avons beau les avoir chassés de leurs temples,

les dieux n’en sont pas morts le moins du monde.
Ô terre d’Ionie, c’est toi qu’ils aiment encore,

de toi leurs âmes se souviennent encore. 

Lorsque sur toi se lève un matin du mois d’août,
une vie venue d’eux passe en ton atmosphère ;
une forme adolescente, parfois,

aérienne, indécise, au pas vif,
passe au-dessus de tes collines.
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Epitaphe

Étranger, tu me vois reposer près du Gange,
moi qui suis de Samos. Sur cette terre trois fois barbare
j’ai vécu une vie de souffrance, de labeur et de larmes.

Cette tombe ici près du fleuve

enferme des malheurs sans nombre. Une soif d’or
inextinguible m’a poussé à des commerces infâmes.
La tempête m’a jeté sur la côte des Indes
et j’ai été vendu comme esclave. Jusqu’à mon dernier jour

j’ai peiné sans relâche, travaillé à perdre le souffle-
sans nulle voix grecque à mes côtés, si loin des rives
de Samos. C’est pourquoi je n’éprouve à présent

aucune frayeur, et je pars serein vers l’Hadès.

Là-bas, je retrouverai mes compatriotes.
Et je pourrai désormais parler grec avec eux.
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Lorsqu’elles s’éveillent
  
  
  
  
Efforce-toi de les conserver, poète,
même s’il en est peu qui se laissent capturer,
les visions de ton amour sensuel.

Glisse-les, à moitié cachées, dans tes phrases.
Efforce-toi de les conserver, poète,
lorsqu’elles s’éveillent dans ton cerveau,
la nuit, ou dans l’éclat du midi.


/Traduction du grec de Gilles Ortlieb et Pierre Leyris
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Mer matinale
  
  
  
  
Qu’ici je m’arrête.
Et qu’à mon tour je regarde un peu la nature.
D’une mer matinale et d’un ciel sans nuages
les bleus resplendissants ; le jaune rivage.
Tout cela beau et baigné de lumière.

Qu’ici je m’arrête, pour me donner à croire
que je les vois, ces choses (ne les ai-je pas vues en arrivant ?),
elles, et non plus mes chimères,
mes souvenirs, les fantômes du plaisir.


/Traduction du grec de Gilles Ortlieb et Pierre Leyris
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Si loin
  
  
  
  
Je voudrais l’évoquer, ce souvenir…
Mais il s’est effacé,
rien n’en reste pour ainsi dire
— C’est si loin,
c’est dans ma première adolescence qu’il repose.

Une peau qu’on eût dite de jasmin…
En cet août de jadis
— mais était-ce août ? —
le soir…
Quant aux yeux, c’est à peine…
Ils étaient bleus, je crois…
Ah ! oui, bleus…
bleu saphir.


/Traduction du grec de Gilles Ortlieb et Pierre Leyris
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À la toute fin
  
  
  
  
En proie aux craintes et aux doutes,
l’esprit troublé et les yeux apeurés,
nous n’avons de cesse de chercher à échapper
à la certitude du danger, à sa terrible menace.
Nous faisons erreur, pourtant, car ce n’est pas lui
qui est là devant nous ; les messages étaient erronés
(ou bien nous n’avons pas entendu, ou les avons mal compris).
Voici qu’une autre catastrophe, que nous n’aurions pu imaginer,
fond soudain sur nous, brutalement, sans prévenir
— il est trop tard, maintenant — et nous emporte.


/Traduction du grec de Gilles Ortlieb et Pierre Leyris
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Monotonie
  
  
  
  
Un jour monotone, puis un autre,
monotone, tout pareil.
Les mêmes choses viendront, viendront encore.
Pareils, les instants nous prennent, et nous laissent.

Un mois passe, en amène un autre.
On devine sans peine ce qui vient :
les choses d’hier, les choses routinières.
Et le lendemain n’a même plus l’air d’un lendemain.


/Traduction du grec de Gilles Ortlieb et Pierre Leyris
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Les Fenêtres
  
  
  
  
Dans ces chambres obscures où les journées me pèsent,
je tourne, je tourne çà et là cherchant les fenêtres.
Qu’il vienne à s’en ouvrir une, quel réconfort pour moi.
— Mais de fenêtres point, ou je ne sais pas les trouver.
Et peut-être est-ce mieux que je n’en trouve pas.
Peut-être la lumière serait-elle un nouveau supplice.
Qui sait quelles nouveautés elle révélera.


/Traduction du grec de Gilles Ortlieb et Pierre Leyris
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Les Murs
  
  
  
  
Sans égards, sans pudeur, sans pitié,
de hauts, de larges murs ils m’ont environné.

Et me voilà ici à me désespérer,
ne songeant qu’au destin qui dévore ma pensée.

Moi qui avais tant à faire au-dehors.
Ah, ces murs qu’on dressait, comment n’y ai-je pas pris garde.

Mais aucun bruit de bâtisseurs ne me parvenait, pas un son :
tout doucement, ils m’ont emmuré hors du monde.


/Traduction Gilles Ortlieb et Pierre Leyris
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L'IMPOSSIBLE

Il existe une joie, mais elle est bénie,
une consolation jusque dans ce malheur,
C'est que la fin nous délivre de tout ce fatras
de journées insipides et triviales.

Un poète a dit : "La musique la plus douce
est celle qu'on ne peut entendre
Et moi, je crois que la vie la meilleure
est celle qu'on ne peut pas vivre.

(février 1897)
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DESIRS

Beaux comme des morts qui n'ont point vieilli,
enfermés au milieu des larmes dans un mausolée splendide,
le front ceint de roses et jasmins aux pieds -
tels sont les désirs qui nous ont quittés
sans s'être accomplis ; sans qu'aucun n'atteigne
à une nuit de volupté ou à son lumineux matin.
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AUTANT QUE POSSIBLE

Et si tu ne peux pas mener la vie que tu veux,
essaie au moins de faire en sorte, autant
que possible: de ne pas la gâcher
dans trop de rapports mondains,
dans trop d’agitation et de discours.

Ne la galvaude pas en l’engageant à tout propos,
en la traînant partout et en l’exposant
à l’inanité quotidienne
des relations et des fréquentations,
jusqu’à en faire une étrangère importune.

1913

Traduit du grec par Dominique Grandmont.
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Constantin Cavafis
NICHORI



extrait 2

Les feuillages que tu verras là, n’espère pas les retrouver
dans un autre pays. Contemple depuis les hauteurs
la campagne alentour, et dis-moi comment ne pas aimer
      notre petit Nichori.

Ne crois surtout pas, étranger, que j’aime exagérer.
Il existe bien des endroits fertiles et productifs.
Mais ils ont quelque chose de plus, tu l’avoueras toi-même,
      les fruits et les fleurs de Nichori.

Si tu veux entrer avec moi dans l’église
de la Vierge de Koumari, pardonne à ma ferveur
excessive. Les prières ont, il me semble, un autre charme
      dans le pieux Nichori.

Et si tu ne peux pas rester, avant de partir, étranger,
il te faut descendre un dimanche sur le port, chez Grigor i;
tu y verras la paix, la jeunesse et la joie, alors tu comprendras
      ce qu’est notre Nichori.

                        (1885)


/ traduit du grec par Dominique Grandmont
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Constantin Cavafis
NICHORI



extrait 1

Étranger, quand tu verras un village où la nature est riante,
et où chaque platane abrite une jeune fille
aussi belle qu’une rose — alors arrête-toi, étranger ;
      tu es arrivé à Nichori.

Et si le soir venant, tu sors pour une promenade,
et rencontres sur ton chemin des noyers, ne poursuis pas
ton voyage. Où trouver ailleurs un endroit
      plus beau que Nichori.

Nulle part au monde les fontaines n’ont une telle fraîcheur,
les montagnes n’ont pas ailleurs la majesté de ses collines ;
et l’odeur de la terre suffira pour t’enivrer,
      si tu restes à Nichori.



/ traduit du grec par Dominique Grandmont
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“Une demi-heure

Je n’ai pas réussi à te plaire, et je ne pense pas
y arriver jamais. Quelques mots, une approche
comme avant-hier au bar, et rien de plus.
Que ce soit triste, je ne dis pas. Mais nous autres artistes,
à force de concentration, et bien entendu pour un court
laps de temps, il nous arrive d’éprouver un plaisir
qui a presque l’apparence de la réalité.
C’est ainsi qu’avant-hier au bar - la générosité
de l’alcool y étant pour beaucoup - j’ai connu
une demi-heure d’amour parfait.
Et tu as dû comprendre, il me semble,
puisque tu as fait exprès de t’attarder un peu.
C’était une grande nécessité. Car en plus
de mon imagination, en plus de la magie de l’alcool,
il fallait que je voie tes lèvres,
il fallait que ton corps soit proche.”
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