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Citations de Daniel Adam Mendelsohn (214)


Laissez-moi vous dire une chose.On n'est jamais trop vieux pour apprendre.
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Les transformations magiques opérées par les dieux ne sont que le pendant surnaturel de la force bien réelle qui transforme nos visages et nos corps, qui nous abîme, nous fait perdre nos cheveux et nous creuse des rides : le Temps. Quand l’apparence extérieure, le visage et le corps ont changé au point d’être méconnaissables, que reste-t-il ? Existe-t-il un moi intime qui résiste au temps ?
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Mon père détestait les signes de faiblesse, à commencer par la maladie, pour laquelle il affichait une sorte de mépris, comme si le fait d’être souffrant était une défaillance éthique plutôt que physique. Quand il nous arrivait de devoir rester à la maison parce que nous étions malades, il passait la tête par la porte de notre chambre avant de partir travailler et soupirait d’un air las et excédé, comme si cette grippe ou cette varicelle signifiait le début de quelque irréversible décadence morale.
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Jenny tenait son ADN intellectuel, cette propension à la rigueur, de son père qui avait été son professeur, un certain Strauss, spécialiste de lettres classiques et de philosophie politique qui avait grandi en Allemagne et était le produit de la formation classique particulièrement intransigeante qui faisait la réputation de ce pays ; elle le tenait aussi du professeur de Strauss et de son maître avant lui, et ainsi de suite jusqu'à remonter à Friedrich August Wolf en personne, le fondateur allemand de la philologie classique. Ces chaînes de filiation entre les étudiants et leur professeurs - les Allemands, avec leur mélange unique de sentimentalisme et de respect pour l'autorité intellectuelle appellent fort justement ces mentors intellectuels "Doktorväter", des "docteurs pères" - remontent dans le temps aussi sûrement que les rameaux effilés d'un arbre généalogique, formant une lignée d'études et d'érudition, de goûts et de particularismes intellectuels, qui s'exprime, comme les vrais liens du sang, dans des ressemblances qui persistent d'une génération à l'autre.

p. 126
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Car avec le temps tout disparait : les vies des peuples désormais éloignés, les vies auxquelles il peut être agréable de songer aujourd'hui, en définitive disparues et impossibles à connaître d'à peu près tous les Grecs, les Romains, les Ottomans, les Malais, les Goths (...) de ceux qui ont été massacrés et de ceux qui sont morts dans leur lit, des comtes polonais et des boutiquiers juifs, les sourcils blonds et les petites dents blanches que quelqu'un a autrefois aimé chez tel garçon ou fille parmi les cinq (ou six ou sept) millions d'Ukrainiens qui ont été affamés à mort par Staline (...), les rires et la terreur de six millions de Juifs tués pendant l'Holocauste sont maintenant perdus ou seront bientôt perdus, parce qu'aucun livre, quel qu'en soit le nombre, ne pourra jamais les documenter toutes.
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J'étais le seul à ne pas avoir voulu y aller. J'étais méfiant. Pour moi, Auschwitz représentait le contraire de ce qui m'intéressait et (...) de la raison pour laquelle j'avais fait ce voyage. Auschwitz, désormais, est devenu, en un seul mot, le symbole géant, la généralisation grossière, la formule consacrée de ce qui est arrivée aux Juifs en Europe (...) Mais, même si nous acceptons Auschwitz comme symbole, ai-je pensé en arpentant son périmètre si étrangement paisible et impeccablement soigné, il y a quelques problèmes. C'était pour sauver mes parents des généralités, des symboles, des abréviations, pour leur rendre leur particularité et leur caractère distinctif que je m'étais lancé dans ce voyage étrange et ardu. "Tués par les nazis" - oui, mais par qui exactement?
Effroyable ironie d'Auschwitz - je m'en suis aperçu en traversant les salles remplies de cheveux humains, de prothèses, de lunettes, de bagages destinés à ne plus aller nulle part -, l'étendue de ce qui est montré est tellement gigantesque que le collectif et l'anonyme, l'envergure du crime, sont constamment et paradoxalement affirmés aux dépens de toute perception de vie individuelle.
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Car, avec le temps, tout disparaît : les vies des peuples désormais éloignés, les vies, auxquelles il peut être agréable de songer aujourd’hui, en définitives disparues et impossibles à connaître d’à peu près tous les Grecs, les Romains, les Ottomans, les Malais, les Goths, les Bengalis, les Soudanais, les peuples d’Ur et de Kusch, les vies des Hittites et des Philistins qui ne seront jamais connues, les vies de peuples plus récents que ceux-là, des esclaves africains et des trafiquants d’esclaves, des Boers et des Belges, ce ceux qui ont été massacrés et de ceux qui sont morts dans leur lit, des comtes polonais et des boutiquiers juifs, les cheveux et les sourcils blonds et les petites dents blanches que quelqu’un a autrefois aimés ou désirés chez tel garçon ou telle fille, tel homme ou telle femme, parmi les cinq millions (ou six ou sept) d’Ukrainiens qui ont été affamés à mort par Staline, et les choses en effet intangibles, au-delà des cheveux et des dents et des fronts, les sourires, les frustrations, les rires, la terreur, les amours, la faim de chacun de ces millions d’Ukrainiens, tout comme les cheveux d’une fille juive ou d’un garçon, d’un homme ou d’une femme que quelqu’un a autrefois aimé, et les dents et les fronts, les sourires et les frustrations, les rires et la terreur de six millions de Juifs tués pendant l’Holocauste sont maintenant perdus ou seront bientôt perdus, parce que aucun livre, quel qu’en soit le nombre, ne pourra jamais les documenter toutes, même si ces livres devaient être écrits, ce qu’ils ne seront pas et ne pourront pas être ; tout cela sera perdu aussi, les jolies jambes et la surdité, et la vigueur de leur démarche en descendant du train avec une pile de livres d’école sous le bras, les rituels secrets des familles et les recettes pour les gâteaux, les ragouts et les golaki, la bonté et la méchanceté, les sauveurs et les traitres, leur sauvetage et leur trahison : presque tout sera perdu, à la fin, aussi sûrement que ce qui faisait l’essentiel de la vie des Egyptiens, des Incas, des Hittites a été perdu. Mais pendant un certain temps, une partie peut être sauvée, si seulement, face à l’immensité de tout ce qu’il y a et de tout ce qu’il y a eu, quelqu’un prend la décision de regarder en arrière, de jeter un dernier coup d’oeil, de chercher un moment parmi les débris du passé pour voir non seulement ce qui a été perdu, mais aussi ce qui peut encore y être trouvé.
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Plus nous vieillissions et nous éloignions du passé, plus ce passé, paradoxalement, devenait important
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Le Yiddish était la langue de l'Europe, du vieux continent, ses sons humides et riches s'enroulent autour de mes souvenirs, familiers et cependant mystérieux, de la même façon que les lettres de l'Hébreu ondulent sur une feuille de papier ou sur une pierre.
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La réussite singulière du roman de Littell tient à son art de nous faire côtoyer inconfortablement la pensée d'individus qui,par leur carrière, ont franchi le pas entre travail policier et pratique de l'euthanasie, voire pire. Le procédé est habile, car alors Aue essaie de se glisser dans l'esprit d'un homme ordinaire de la classe ouvrière comme Döll, Littell éclaire de façon très convaincante les pensées qui passent par la tête de son personnage.Et pourquoi pas ?Après tout, c'est un être cultivé, sensible,qui aime la musique, a beaucoup lu et qui, loin d'être monstrueusement indifférent aux crimes auxquels ils assistent et que lui même est appelé à commettre, passe beaucoup de temps à méditer sur les questions de culpabilité et de responsabilité, que tout individu doté d'une once de conscience devrait se poser.Littell tient à ce que Aue - du moins, au début, avant qu'il ne sombre dans un Gotterdämmerung relativement théâtral -refuse de se décharger de toute responsabilité, l'axe de défense qui devint le leitmotiv tristement célèbre des procès des criminels de guerre:
" Je ne plaide pas la Befehlnotstand, la contrainte par les ordres si prisée par nos bons avocats allemands. Ce que j'ai fait, je l'ai fait en pleine connaissance de cause, pensant qu'il y allait de mon devoir et qu'il était nécessaire que ce soit fait, aussi désagréable et malheureux que ce fût. La guerre totale, c'est cela aussi : le civil, ça n'existe plus, et entre l'enfant juif gazé ou fusillé et l'enfant allemand mort sous les bombes incendiaires, il n'y a qu'une différence de moyens;ces deux morts étaient également vaines ..."
« Mon devoir» et « il était nécessaire que ce soit fait» : ces deux expressions soulèvent bien évidemment la question de la moralité qui sous-tend l'idéologie nazie, l'attachement farouche de Aue à ces « absolus» étant censé trouver une explication dans les éléments mythico-sexuels du livre, paysage de l'aberration psycho-sexuelle: un cliché psychologisant que beaucoup de critiques ont balayé d'un revers de manche. Je pense pourtant que, dans la volonté de Littell de nous montrer une image de l'idéologie en action, il y a quelque chose du tour que peuvent prendre les événements lorsque des gens ordinaires, voire attentionnés, contribuent à appliquer des idéologies qui peuvent paraître effroyables à d'autres - que ce soit la Destinée manifeste, l'Irak ou la Cisjordanie.
C'est pour cela que Littell s'emploie à nous rappeler que Aue est lui-même dégoûté par les sadiques sans scrupule qu'il rencontre, opposant avec raison que « les hommes ordinaires dont est constitué l'État - surtout en des temps instables -, voilà le vrai danger. Le vrai danger pour l'homme, c'est moi, c'est vous. »
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Une des questions morales intéressantes, soulevées par le sacrifice d'Isaac - et, par conséquent, par la Parachah toute entière - c'est que la présentation de ce que signifie une personne bonne (Abraham qui obéit à Dieu même dans des circonstances extrêmes est troublante) est aussi plate et insatisfaisante, aussi évasive que la présentation de ce signifie être une personne mauvaise (un Sodomite, quoique cela puisse signifier exactement). En fait, tout ce qu'indique le texte de cette Parachah, c'est que la bonté consiste en l'obéissance à Dieu et la méchanceté en la désobéissance, comme si la moralité était une structure de comportement superficiellement cohérente et sans contenu réel.
- Même si, pour prendre les exemples de cette lecture hebdomadaire de la Torah, ce que font les Sodomites, qui est peut-être dépravé mais n'aboutit pas à l'empilement de cadavres, est beaucoup moins horrible que ce que Dieu exige d'Abraham.
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Car, lorsque Shmiel s'est assis pour écrire cette lettre, ce lundi de janvier 1939, il avait besoin d'argent pour sauver son camion ; à la fin de l'année, ce serait pour sauver sa vie qu'il supplierait qu'on lui envoie de l'argent. [...] un argent destiné non plus à ses camions ou à des réparations, mais à l'achat de papiers, de déclarations sous serment [...].
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Et c'est peut-être pourquoi Éric, le frère que, dans ma vanité et mon arrogance, dans ma croyance égocentrique que ce qui m'intéressait l'intéresserait forcément, dans mon désir de le transformer en satellite lunaire de la planète que j'étais, celui dont j'avais cru faire mon compagnon, est devenu le frère que je me suis aliéné, après toutes ces années d'insouciance de ma part.
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Se retrouver sali, ce qui n’était pas permis à la maison quand j’étais petit, me semble à présent être le signe de l’authenticité, du fait que vous êtes réellement dans le monde, que vous participez à son désordre et à son imprévisibilité.
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Daniel Adam Mendelsohn
Will fergessen, Zol nihst fergessen, kann nicht fergessen
On veut oublier, mais on ne doit pas oublier , on ne peut pas oublier.

ceux qui ont été tués n'ont pas été les seuls qui ont disparu
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Pourtant, cette réticence à envisager quoi que ce soit de bon chez les Ukrainiens me frappe pas son irrationalité , puisque chaque survivant à qui j'ai parlé a été sauvé par un Ukrainien . Je ne leur ai pas dit, mais il me semble que les Juifs, plus que n'importe qui d'autre, devraient être conscients du danger qu'il y a à condamner des populations entières.
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Depuis cette petite ville, les rares survivants devaient, après la guerre, se répandre dans toutes les directions, vers de lointaines parties du monde – des lieux qui, quinze ans plus tôt à peine, leur auraient paru improbables, voire absurdes comme destinations, et plus encore comme lieux de vie : Copenhague, Tachkent, Stockholm, Brooklyn, Minsk, Beer-Shevah, Bondi Beach. Ce fut dans ces villes que j’ai dû me rendre soixante ans plus tard, pour m’entretenir avec les survivants et entendre ce qu’ils avaient à raconter sur ma famille. Le seul moyen d’atteindre le centre de mon histoire était de prendre des détours compliqués vers de lointaines périphéries.
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Les couples gay heureux de ma connaissance ont tous une chose en commun: ils cherchent et trouvent des satisfactions sexuelles en dehors de leur relation amoureuse. (…) Cela suggère simplement une chose évidente (…): le sexe pour les hommes est finalement séparable de l’affect. Trios, cuir, orgies, jeu de rôle: pour les gays le sexe peut être séparé du moi, du sujet.
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Si l’objectif émotionnel du rapport sexuel est de connaître totalement l’autre, le sexe gay est peut-être parfait, puisqu’il rend enfin possible la connaissance totale de ce que l’autre éprouve. Mais dans la mesure où l’objet de cette connaissance est déjà entièrement connu de chacun des partenaires, l’acte est aussi d’une certaine manière redondant. Sans doute est-ce pour cette raison qu’un grand nombre d’entre nous ne cesse de chercher la répétition, comme si la profondeur était inaccessible. (p. 110)
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Il allait s'écouler de nombreuses années avant que je me rende compte à quel point il était attentif, mon beau et drôle de grand-père, qui connaissait tant d'histoires, qui s'habillait si fameusement bien : avec son visage ovale si délicatement rasé, ses yeux bleus qui clignaient et son nez droit qui s'achevait par un renflement à peine suggéré, comme si celui qui l'avait conçu avait décidé, à la dernière minute, d'y ajouter une touche d'humour ; avec ses cheveux clairsemés, soigneusement peignés, ses vêtements, son eau de Cologne, ses manucures, ses plaisanteries notoires, et ses histoires intriquées et tragiques.
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