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Citations de Daniel Arasse (61)


À mon avis, la première, en tout cas la première qui m'intéresse, c'est la femme dans la vague de Courbet ; elle a les bras levés et on voit sa touffe sous les bras; il y va fort Courbet, comme d'habitude ; l'écume qu'il a jetée sur le corps de la femme, on dirait du sperme, une éjaculation, et il a signé en rouge, juste en dessous. Quel type quand même, ce Courbet!
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Parce que, pour peindre, il faut un pinceau et, un pinceau, c'est du poil. De ceci, de cela, mais du poil de toute façon. Donc, on a toujours peint à poils. Et ne dites pas que je joue sur les mots : pinceau, qu'est-ce que ça veut dire ? Hein ? D'où ça vient, pinceau ? ça vient du latin et ça veut dire petit pénis. Oui, monsieur, petit pénis, penicillus en latin, c'est Cicéron qui le dit, pinceau, petite queue, petit pénis. Quand vous y pensez, ça vous ouvre des horizons. Vous vous rendez compte, la taille des pinceaux de Velázquez ? Il se les faisait tailler spécialement pour lui, longs et minces, pas courts et épais. Les cours et épais, c'était pour Turner. Vous vous rendez compte, l'histoire de l'art qu'on ferait ? (....) Non, je vous dis, c'est toute l'histoire de la peinture qu'il faudrait refaire.
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Il y a deux catégories d'artistes, les uns qui font à chaque occasion le portrait d'une main (...) par exemple Corot, les autres qui font le signe d'une main, comme Delacroix.
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J'ai souhaité pourtant faire une étude historique de détail et du rapport de détail au tableau de peinture. Une curiosité m'y a poussé et le désir de répondre à quelques questions. Que se passe-t-il dans ces moments privilégiés ou un détail se voit ? De quelle surprise ces moments sont-ils porteurs ? Que fait celui qui regarde "de près" et quelle "récompense" imprévue cherche-t-il ?
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Cela me mène à une réflexion qui boucle la boucle : la contemporanéité - comme le XVe et le XVe siècle - est travaillée par plusieurs temporalités. Elle est elle-même anachronique, de même qu'une oeuvre du XVe siècle qui mélange les temps du passé. Or, ces oeuvres de l'art contemporain dont je me sens proche sont celles où les temps s'enchevêtrent, montrant par là qu'il n'y pas de temps n°1. Et la contemporanéité qui me passionne est travaillée par cet anachronisme, constitutif je crois de toute oeuvre d'art. Dans ce contexte, le rôle de celui qui écrit sur ces oeuvres, quelles que soient les époques, est celui d'un passeur. Un passeur sans prétention, une deuxième main qui passe après l'artiste. Tenter d'être un passeur entre le travail de l'artiste (qui peut n'avoir rien à dire ou bien des choses pas forcément intéressantes sur son travail) et les contemporains. Car la contemporanéité n'est pas la simultanéité, qui définit deux choses se passant en même temps. Pour qu'il y ait contemporanéité, il faut qu'il y ait interaction entre ces deux choses. Je veux dire que dans l'art contemporain, tout n'est pas contemporain, et pour qu'il y ait contemporanéité, il faut qu'il y ait partage des temps entre l'oeuvre et ceux qui la regardent. L'oeuvre du XVe siècle est donc ma contemporanéité puisque aujourd'hui je la regarde. Et certaines oeuvres d'aujourd'hui sont mes contemporaines parce que je les regarde. Celles que je ne regarde pas ne sont pas mes contemporaines.

p.336
Peut-on se faire historien de son temps ?
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L'expression "portrait du Diable" peut paraître ambiguë et paradoxale. Elle recouvre en effet, sans les distinguer, les figures de Lucifer ou Satan comme de ses acolytes, dont, en 1577 Jean Wier donne les 7405926 noms différents. (102)
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Durant les deux siècles du Trecento et du Quattrocento, un phénomène nouveau se marque avec une force de plus en plus grande : c'est l'émergence de la culture comme facteur déterminant dans l'élaboration et le perception de l'image picturale. Celle-ci se voit reconnaître des capacités nouvelles à transmettre des idées et des concepts d'une profondeur et d'une complexité équivalentes à celles que l'on rencontre dans les textes; l'image acquiert ainsi une dignité nouvelle à l'intérieur d'une culture dont l'impact social est présent partout, au point d'en faire pratiquement un "troisième pouvoir " (Chastel).
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Décidément, les iconographes sont les pompiers de l'histoire de l'art: ils sont là pour calmer le jeu, pour éteindre le feu que risquerait d'allumer telle ou telle anomalie, parce qu'elle vous obligerait à y regarder de plus près et à constater que tout n'est pas aussi simple, aussi évident que vous le souhaitez.
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Je n'ai ni texte ni documents d'archives pour prouver ce que j'avance et, donc, ce n'est pas historiquement sérieux. mais je crains, moi, que ce sérieux historique ne ressemble de plus en plus au "politiquement correct", je pense qu'il faut se battre contre cette pensée dominante, prétendument historienne, qui voudrait nous empêcher de penser et nous faire croire qu'il y a jamais eu de peintres 'incorrects".
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La peinture est un objet historique produit à un certain moment dans des conditions précises, mais la pensée de la peinture peut aller au-delà des conditions historiques de la pensée de son temps.
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... parce que depuis toujours, les cheveux, c'est dans l'intimité qu'elle les dénoue, une femme. Dans sa chambre, sa salle de bains, son gynécée, au lit, sur la machine à coudre, où vous voudrez, mais pas dehors. Aujourd'hui tout a changé : on sort comme on veut, habillé et coiffé n'importe comment. Mais, avant, sortir "en cheveux", comme on disait, ça faisait désordre. Une femme qui sortait en cheveux, c'est qu'elle n'avait pas mis son chapeau. Et une femme qui fait désordre, ça veut dire qu'elle mène une vie désordonnée. Vous me suivez ?
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Vous savez ce que c'est : on réfléchit, on réfléchit, on n'avance pas et puis, tout d'un coup, ça y est, on voit. On voit ce qu'on avait sous les yeux, qu'on n'avait pas encore vu alors que c'était, justement, de l'ordre de l'évidence.
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On dirait que tu pars des textes, que tu as besoin de textes pour interpréter les tableaux, comme si tu ne faisais confiance ni à ton regard pour voir, ni aux tableaux pour te montrer, d'eux-mêmes, ce que le peintre a voulu exprimer.
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La fenêtre d'Alberti n'ouvre pas du tout sur le monde, ce n''est pas un détail du monde qu'on voit à travers cette fenêtre, c'est le cadre à partir duquel on peut contempler l'histoire.
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On a inventé Madeleine en condensant plusieurs figures de femmes et, à leur tour, ses cheveux condensent plusieurs choses. Ils indiquent à la fois les péchés anciens de Madeleine et leur exclusion, leur rejet ; ils exhibent sa pénitence actuelle et son impudeur passée. En fait, ils montrent, révèlent, dévoilent la péché dans la figure qui l'exclut, «puella sed non virgo»
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[...] une peinture pense de façon non verbale ; et certaines peintures m’attirent, me fixent, m’arrêtent, me parlent comme si elles avaient quelque chose à me dire, or en fait elles ne me disent rien, et c’est cette fascination-là, cette attente, qui m’arrête et me fixe. Le Verrou de Fragonard, par exemple : quand je l’ai vu pour la première fois à l’occasion de l’exposition Fragonard, alors que je le connais­sais déjà par ses reproductions, j’ai eu un choc, et j’ai compris après coup que ce qui m’appelait dans ce tableau de petite dimension tenait au fait que, comme l’a dit un grand spécialiste qui s’est d’ailleurs trompé ou bien a plus raison qu’il ne le pensait, la moitié gauche du tableau est occupée par rien. Cela m’a arrêté. Ce peintre me raconte en fait une anecdote, un jeune homme qui enlace une jeune fille pour la mettre ensuite sur le lit, et cet « ensuite » est déjà là, dans cette deuxième partie du tableau faite uniquement de plis, de draps, de froissures. Et cela m’a fasciné. J’avais là, devant moi, ce que Delacroix, je crois, a appelé « la silencieuse puissance de la peinture ». C’est cela qui me fascine et qui fait que certains tableaux me touchent plus que d’autres. Dans le cas de Fragonard, c’était cette silencieuse puissance du pictural, qui a bien sûr un sens, car après cela l’historien ou l’interprète que je suis a besoin de se demander ce que signifie ce rien, ces draps plissés. Si vous allez voir Le Verrou, vous verrez qu’il signifie des choses extrêmement précises, qui sont en fait l’explication de ce qui se passe à droite du tableau : à la fois le passé et le futur. (p. 22-23)
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« Le Verrou de Fragonard a été pour moi l’occasion d’une assez grande surprise. Le tableau est de dimensions moyennes. Sur la droite, le jeune homme enlace la jeune femme, et de la main droite pousse le verrou du bout du doigt, ce qui est assez irréaliste. La jeune femme serrée contre lui se pâme et le repousse. Toute la partie gauche du tableau est occupée par un lit dans un extraordinaire désordre : les oreillers épars, les draps défaits, le baldaquin qui pend. Un spécialiste de Fragonard a eu cette formule admirable pour décrire le tableau : « à gauche, le couple, et à droite, rien. » Ce rien représente quand même la moitié du tableau, mais ce spécialiste avait tout à fait raison, car ce rien correspond au res que j’évoquais il y a quelque temps et qui est la chose elle-même. Il n’y a pas de sujet dans cette partie du tableau, juste des drapés, des plis, donc finalement de la peinture.


Et j’ai eu une surprise en observant les oreillers du lit. Leurs bords étaient anormalement dressés, comme des pointes vers le haut. En regardant dans la direction de ces pointes, j’ai vu que dans le baldaquin s’ouvrait légèrement un tissu rouge, avec une belle fente allant vers l’obscur. Ce baldaquin est d’ailleurs invraisemblable puisqu’il y a un verrou ridicule de chambre de bonne, et comment une chambre de bonne contiendrait-elle un tel baldaquin ? Ce repli noir dans le tissu rouge peut cependant avoir du sens par rapport à ce qui va se passer, d’autant plus que le drap de lit qui l’angle au premier plan jouxte la robe de la jeune femme et est fait du même tissu que cette robe. Si vous regardez bien cet angle, c’est un genou. Il apparaissait donc étrangement que ce rien était en fait l’objet du désir ; il y a le genou, le sexe, les seins de la jeune femme, et le grand morceau de velours rouge qui pend sur la gauche et qui repose de façon tout-à-fait surréaliste sur une double boule très légère avec une grande tige de velours rouge qui monte. C’est une métaphore du sexe masculin, cela ne fait aucun doute.Dès lors que je le dis aussi grossièrement, le tableau se trouve évidemment dénaturé, car celui-ci ne dit rien. Justement, il n’y a rien. Mais on voit ou on ne voit pas. On a envie de voir ou pas. Et s’il est vrai qu’il n’y a rien, il y a quelque chose de proposé, et je crois que c’est exactement cela, la peinture.

Cette partie gauche du tableau de Fragonard, ce rien, est un détail qui prend tout de même la moitié de la toile et qui est lui-même composé d’une multiplicité de détails qu’on pourrait démultiplier à leur tour. Tout ce que je peux dire de ce détail qui occupe la moitié du tableau, c’est que c’est un lit en baldaquin en désordre, et si je commence à nommer la chose, mon discours se teinte d’une vulgarité qui ne correspond pas du tout au tableau. Or ce n’est rien d’autre que de la peinture, du drapé, et l’on sait bien que le drapé est le comble de la peinture. Être confronté à l’innommable est aussi ce qui m’a passionné dans Le Verrou. Nommer le lit comme genou, sexe, sein, sexe masculin dressé, est scandaleux, car c’est précisément ce que ne fait pas le tableau. Il ne le dit pas, ne le montre même pas, à moi de le voir ou non.
Je suis donc confronté à l’innommable, non parce que la peinture est dans l’indicible, ce qui impliquerait une notion de supériorité, mais parce qu’elle travaille dans l’innommable, dans l’en deçà du verbal. Et pourtant, ça travaille la représentation, mais dès que je nomme, je perds cette qualité d’innommable de la peinture elle-même. [...] »
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Je l'avais emprunté à la bibliothèque mais je me suis vite résolue à l'acheter, une mine de clés de lecture des tableaux qui forment notre univers culturel !...
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