Citations de Daniel Picouly (328)
Mon écriture illisible remplace le minuscule cadenas de mes petites sœurs sur leur journal intime. J'ai fabriqué des hiéroglyphes amoureux dont je suis le seul à avoir la clé. Même Champollion ne pourrait pas nous déchiffrer, Albertine et moi. Il n'existe pas de pierre de Rosette pour notre amour.
page 82
Qu'il (Léon Tolstoï) pousse un soir jusqu'à chez nous et vienne avec sa barbe mal taillée manger la soupe. Là, il verrait si notre famille ressemble à toutes les autres. Quelle sale manie chez les nantis de vouloir retirer aux pauvres le peu qu'ils ont dans l'assiette.
page 80
Les rédactions, c'est du brouillon pour plus tard. Un jour, je mettrai au propre. mais je crains que le manque pousse au remplissage et l'absence de redite.
page 55
J’imagine une Albertine fauve comme la Du Barry. Sur l’échafaud, elle me demanderait : « Encore un baiser, monsieur le bourreau », et je lui donnerais. Mais Albertine n’est ni rousse, ni blonde, ni brune. Sa chevelure a la couleur des premières impressions : changeante. Pour Albertine, ce doit être pareil. Je me demande de quelle couleur elle m’a vu. Bronzé ? comme dit son père. Possible. Notre rencontre a eu lieu pendant les vacances de Noël. Albertine a pu croire à un bronzage de sport d’hiver. Elle en revenait et portait ce regard de loutre aguicheuse que donne la marque des lunettes de ski. D’une voix de fondue savoyarde, elle m’aurait demandé : « Vous, c’est Courchevel ou Méribel ? – Moi ? C’est Villiers-le-Bel. »
On a failli avoir un HLM dans le quartier de la Cerisaie. C’était « quasi sûr ». Comme d’autres promesses de relogement quasi sûres et jamais tenues. Tant mieux. Je n’aurais jamais connu Albertine à Villiers-le-Bel. C’est fou comme la vie peut basculer à un HLM près. Je ne suis jamais allé au ski. Chez nous, le plâtre, c’est un travail, pas une fracture du scaphoïde à Garmish Partenkirchen, Kitzbühel ou Cortina d’Ampezzo. Des noms qu’il suffit de prononcer en rêvant pour gagner sa première étoile sans rien se casser.
« Tu vois, Paulette, le Marcel, il te prend des morceaux de tôle de rien et il t’en fait un truc chromé qu’existe pas, mais qui vole, faut voir comment. Et sans plan, encore ! Du bel ouvrage. J’aurais aimé le rencontrer. Je l’aurais emmené à l’usine. Ça l’aurait changé… »
C’est justement pour mieux rompre que Mlle Arpajon a choisi d’être professeure d’italien, la lingua dell’amore, dit-elle. Mais surtout de la rupture. Pour se déclarer, il faut des mots plein les gestes et des gestes plein les mots, mais pour rompre, un seul suffit. Ciao !
On y est bien dans ma cité. J’avouerais même que j’y suis heureux, mais c’est trop risqué. Chez moi, on dit que les pauvres ne doivent pas se vanter d’être heureux, sinon on risque de leur taxer le bonheur.
La m'am n'a pas relevé mon gros mot.A partir de maintenant ,je sens qu'il va falloir que je me débrouille tout seul.Je m'assois en tailleur ,ma boite en bois entre les genoux en écritoire. Je pense à l'histoire à raconter à mes petites soeurs. Celle qui doit commencer par faire peur et se terminer bien,mais où on doit quand même pleurer un peu.Peut-être une histoire de vélo perdu au champ de personne.
J'ouvre mon cahier à la première page blanche. Je la lisse avec la main.Je respire fort.Une longue inspiration avec le ventre.Et je vois ma main écrire.......( page 329).
J’aime bien le verbe « savourer ». On le prononce, et on le savoure déjà.
- CHUT! On ne dit jamais l'âge des tortues, demoiselle, sinon ça les rend moins belles.
- Pourquoi aller chercher je-ne-sais-où ce que l'on a déjà juste en dessous?
La douce terre? Nous l'avons! Grasse et bien binée, pour faire pousser les beaux légumes de notre potager.
Le bel air? Nous l'avons! Là, partout autour de nous!
Avec, on crie, on sifflote, on rit, on fait hou! hou!
La bonne eau? Nous l'avons! A la rivière, au lavoir, au robinet...
Pour une toilette de chat, s'éclabousser ou jouer aux ricochets.
Chaque matin, je verse le lait et le café dans mon bol, en les dosant de façon que le mélange doit exactement de la même couleur que le dos de ma main.
Mr et Mme Kétié sont deux vieux petits amoureux, avec le même sourire en porcelaine, des cheveux blancs et des yeux bleus.
On les croirait peints à la main.
On a eu de la chance, comme on avait rien, on a pas perdu grand-chose.
Dans la vie, la vérité, c'est de la savonnette mouillée, ça sent bon mais c'est pas facile à attraper...
Souvent, en classe, je me sens comme le boxeur dans les cordes.
J'attends d'être sauvé par le gong.
Allez, les fautes! Alignez-vous! Qu'on vous voit toutes!
Je vais faire comme Roland quand il a mis le feu à la maison de la Grand-Rue.
— Je t’ai déjà dit de ne pas dire ça devant le monsieur de l’assurance !
— Pour moi aussi m’am, on dira « court-circuit ».
Il faut que je brûle la maison. De toute façon, elle est trop petite, et on va être expulsés au printemps. Dans la vie, les soucis, c’est comme les poupées russes, quand tu en as un petit, cache-le sous un gros… Elle a raison Mme Piponiot. Il faut que je fasse disparaître le petit vélo de la m’am dans un gros incendie. Et mon carnet de correspondance par la même occasion.
Après réflexion, la Garlaban décida d'être une "livreuse", une porteuse de livres. Elle se chargea d'almanachs, de dictionnaires, de recueils de recettes, de magie, de prières, de bibles, de romans... Bref, tout ce qui peut voyager sur une tête et à l'intérieur. La Garlaban devint une bibliothèque qui marche et raconte. Quand elle s'arrêtait, on s'attroupait, elle lisait et plus rien ne bougeait.
A entendre comment ça braille au dessus de ta tête, Jack, ta peau intéresse du monde. Ils ont payé cher pour voir jeffries la mettre à sécher au soleil.