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Critiques de David Goodhart (9)
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La tête, la main et le coeur

Un essai à la lecture très stimulante. Il est centré autour du constat de la primauté accordée dans nos sociétés à l’intelligence cognitive (la tête) devenue quasiment le seul critère de sélection pour l’accès aux emplois et statuts sociaux rémunérateurs et valorisés . L’auteur y voit un facteur d’inégalités et de tensions sociales ( Le Brexit , Trump). La crise de la COVID rend évidente la revalorisation nécessaire des métiers de la Main (technique ,habileté manuelle… ) et du Cœur (soin , éducation ,relations sociales…) qui est inscrite aussi dans l’évolution future du marché du travail induite par les évolutions technologiques . Je ne suis pas d’accord avec tout mais cet ouvrage (principalement centré sur les pays anglo-saxons) ouvre un vaste champ à la réflexion sur le présent et l’avenir de nos sociétés.
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La tête, la main et le coeur

Le postulat de ce livre est intéressant, cependant au niveau de l'écriture on tourne en rond pendant des chapitres entiers pour répéter finalement toujours la même chose. Je pense que 50 pages d'essai aurait pu aussi bien exposer les idées de l'auteur.

Il est en plein dans les dérives de "la tête" qui se plait à étaler ses idées en longueur.
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La tête, la main et le coeur

Dans son dernier ouvrage, l'essayiste britannique David Goodhart s'interroge sur l'importance qu'ont prise les capacités cognitives et l'université dans nos sociétés au détriment des travailleurs qui ne sont pas passés par la fac. Dans une étude passionnante et argumentée, il montre l'urgence de sortir de ce système créateur de frustration pour les non-diplômés.






Lien : https://www.lesechos.fr/idee..
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La tête, la main et le coeur

David Goodhart avait déjà écrit un livre passionnant « Les deux clans », dans lequel il décrit la scission croissante, dans les sociétés occidentales (surtout l’Angleterre, les USA, l’Allemagne et la France) entre une population très mondialisée, performante et internationalisée les « Anywhere » et une population moins diplômée, moins rémunérée et attachée au territoire, les « somewhere », ou encore ceux opposés à la mondialisation.



Dans ce livre « La tête la main le cœur », l’auteur explore les différences de statut et leur évolution entre les métiers relevant de la tête (ceux marqués par l’intelligence cognitive) , les métiers manuels et les métiers « de cœur » (le soin, l’ éducation).



Il se trouve que le statut des métiers de main ou de cœur s’est plutôt dégradé dans les pays occidentaux comme les USA, la GB et la France. Différentes raisons sont analysées ici, comme par exemple la délocalisation des activités de production dans les pays émergents.



Le discours de Goodhart est simple : nous surpayons et survalorisons les travailleurs de la tête au détriment des autres, ce qui aboutit à une inflation des diplômes avec de jeunes diplômés qui ne trouvent pas toujours de débouchés et cela aboutit aussi à un ressentiment dans les classes populaires qui n’ont pas bénéficié d’études supérieures.



D’autre part certaines professions de la main et du cœur peuvent se complexifier et faire appel de plus en plus à l’intelligence cognitive. De l’autre côté la mondialisation peut maintenant mettre en concurrence des diplômés philippins, maghrébins ou autre avec des diplômés occidentaux. L’arrivée de l’Intelligence Artificielle va aussi bouleverser la donne et enlever du travail à de nombreux diplômés.



Illustration de ce malaise croissant : le Brexit et l’élection de Trump. A cet égard Goodhart rappelle qu’on pourrait voir le Brexit comme une conséquence de la politique mondialiste de Tony Blair, pourtant travailliste, notamment en matière d’immigration, les Européens de l’Est ayant été incités à venir travailler en Angleterre à cette époque.



La nécessité de rééquilibrage va être rendue plus forte avec la crise du Covid.

D’autre part, dans nos sociétés vieillissantes qui valorisent l’égalité des sexes, nous allons très probablement accorder une plus grande place à ceux qui prennent soin des autres.

Les impératifs écologiques qui se font de plus en plus sentir vont aussi nécessairement amener à réévaluer les métiers de la main : fini l’ère du « je jette, je rachète », nous entrons dans l’ère du « je répare ou je fais réparer »…



J’ai beaucoup aimé ce livre qui montre les limites de la méritocratie cognitive. Il devrait être lu par nos dirigeants politiques ! D’autant plus que la classe « cognitive » qui est au pouvoir de plus en plus depuis l’avènement de la mondialisation, tend à suivre ses propres intérêts tout en étant convaincue de servir le bien commun.



David Goodhart a un parcours intéressant : il a été journaliste au Financial Times. Il a travaillé sur l’anxiété des classes ouvrières britanniques devant l’immigration.

Son titre est un clin d’œil à une école privée anglaise très chic, Bedales, fréquentée par certains des enfants de Boris Johnson et dont la devise est justement « la tête la main le cœur ».

Le titre anglais est d’ailleurs plus explicite : « Head Hand Heart. The struggle for Dignity and Status. »



David Goodhart illustre encore ici sa capacité à nous expliquer les grands chamboulements de notre époque avec un travail de synthèse étonnant, qui nous fait penser aux travaux de son confrère israélien Harari. Il met à nu les tensions sociales et politiques avec leurs conséquences. Un livre passionnant !

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Les deux Clans

Les clivages politiques traditionnels n'ont plus de sens depuis l'avènement de la mondialisation. Le nouveau clivage se situe entre les Anywhere (ceux de Partout) et les Somewhere (ceux de Quelque-Part).

Les premiers font parti d'une élite éduquée, cultivée. La mondialisation est une chance et non un problème pour cette élite. Ces personnes disposent de réseaux leur permettant l'accès à des emplois bien payés (exerçant dans la finance, les affaires, le juridique, le médical). Elles ont des convictions libérales et professent le respect des droits de l'homme pour l'humanité entière.

Les seconds sont au contraire des individus moins mobiles. Ils vivent principalement dans leur région de naissance. Ces personnes sont conservatrices et jugent la mondialisation comme un danger pour leur existence. Elles ont l'impression d'être des « laissés pour compte ».

Si les seconds sont les plus nombreux les premiers dirigent la pensée économique et politique.

Cette fracture est une menace pour la démocratie et explique la vague de populisme. La gauche ne s'intéresse plus aux inégalités économiques mais au modèle culturel.

Pour l'auteur il est évident qu'il est nécessaire de trouver un compromis stable entre les Anywhere et les Somewhere. A défaut la violence dans les rues ne cessera de progresser.

Un ouvrage fort intéressant à lire, très riche intellectuellement.

Je remercie Les Arènes et Babelio de m'avoir permis de découvrir ce livre.
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Les deux Clans

Davis Goodhart soulève des questions pertinentes mais son parti pris de tout expliquer par la fracture entre les "Partout" et les "Quelque part" est trop réductrice.

Certes la démocratie souffre de la domination d'une élite (dont l'auteur fait partie puisqu'il est aussi issu d'Eton) mais les maux de la société sont plus dus aux inégalités créés par le libéralisme que par la sédentarité de la majorité de la population. Et si le réflexe bien exploité par les politiques est de rendre responsable l'étranger, le repli sur soi n'apportera aucune amélioration.

L'accumulation de chiffres cités par l'auteur nous perd, surtout que les sondages qu'il cite posent souvent des questions très tendancieuses.

Bref une lecture difficile qui veut tout brasser est des conclusions contradictoires qui n'apportent pas de solutions évidentes.

La bonne vielle lutte des classes de Karl Marx n'apporte pas plus de solutions mais décrivait de façon beaucoup plus convaincante les méfaits du capitalisme.
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Les deux Clans

David Goodhart a été journaliste au Financial Times et a fondé le magazine d'idées Prospect.

Dans son livre "Les deux clans" ("The road to somewhere - The new tribes shaping british politics ") il analyse les évolutions récentes de la société britannique et montre que, désormais, la ligne de fracture qui existe dans la société n'est plus l'opposition droite/gauche qui a duré longtemps mais plutôt l'opposition entre les "Anywhere" (les "Partout") et les "Somewhere" (les "Quelque-Part).

Cette fracture a été favorisée par le choc de la mondialisation économique, l’accélération de l’immigration, la massification de l’enseignement supérieur et la quête sans fin de la liberté individuelle.



Les "Partout", comme leur nom l'indique, sont à l'aise partout, ne ressentent point d'attachement territorial particulier ni de point d'ancrage. Ils croient à la libre circulation des hommes et des biens, sont favorables à l'immigration, bénéficient d'un haut niveau d'études et "font le poids" dans l'élaboration des grandes lignes politiques et économiques.



Cette "tribu" représenterait 25% des personnes.

Face à eux, les "Quelque-Part", 50% de la population, une majorité silencieuse, qui s'estime exclue des rouages des décisions. Une "tribu" beaucoup moins à l'aise avec la mondialisation, avec des diplômes moins prestigieux que ceux du premier clan et des emplois plus modestes.

Les "Quelque-Part" se sentent menacés par la mondialisation et par l'immigration de masse qui fournit une sorte de concurrence à leurs emplois.



Entre les deux, un quart de la population qui navigue entre les deux clans...

Et les soucis viennent du fait que les "Partout" façonnent le monde ... La majorité silencieuse a bien du mal à faire entendre son point de vue.

Ceci expliquerait l'essor des mouvements populistes dans divers pays d'Europe.



David Goodhart fournit une excellente radiographie de la société anglaise, une analyse qui s'appliquerait facilement aussi à notre société ou d'autres sociétés occidentales.

Pour lui il est essentiel d'arriver à un compromis entre les deux clans, pour éviter d'avoir une société totalement fracturée.



Selon lui il faut prendre en compte le point de vue des "Quelque-Part" dans le débat politique, offrir de meilleures chances d'intégration aux "recalés scolaires" et avoir une approche plus modérée de la question migratoire.

Son analyse des causes du Brexit est vraiment intéressante... à lire dans le livre, je n'en dis pas plus....
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Les deux Clans

Je vais vous raconter une histoire.

Mais au préalable, je n'oublie jamais de préciser que L Histoire, avec un grand tache, n'était, initialement, rien d'autre que cela, UNE simple histoire, racontée par untel ou unetelle : l'histoire selon Thucydide, l'histoire selon Strabon, l'histoire selon Suétone, etc. On savait très bien que le « untel » en question était partial, partisan, qu'il avait des visées particulières, qu'il choisissait lui-même qui étaient les bons et qui étaient les mauvais de son histoire, qu'il forçait généreusement le trait sur ceci et taisait plus ou moins volontairement cela… Voilà, c'était ça l'histoire, un peu comme quand votre grand-mère vous racontait comment cela se passait du temps où elle était gamine.



Ou, si l'on souhaite prendre une autre image, l'historien fait exactement le même métier que le monteur au cinéma (les Anglosaxons utilisent le terme " editor "). On lui présente toute une série de rushs, qui représentent bien plus que la longueur d'un film final. Il va repérer des séquences qui lui semblent particulièrement parlantes ou intéressantes, opérer une série de coupes, faire un travail de raboutage de ces séquences, afin qu'elles se suivent, s'enchaînent et s'ajustent les unes aux autres de manière harmonieuse, selon lui. Et, très important, il va ensuite synchroniser le son sur ces images : c'est le discours de l'historien.



Or, par un vilain et fâcheux glissement sémantique, les « historiens », c'est-à-dire, originellement, ceux qui racontaient des histoires — et dont le principal talent était un talent de conteur — sont devenus au fil des siècles, petit à petit, habilement, sournoisement, les fournisseurs, pour ne pas dire les détenteurs officiels d'un savoir véritable, authentique, non critiquable, indiscutable, fixé dans le marbre — voire la loi —, bref, le nouvel évangile.



L'histoire que je vais vous raconter débute il y a bientôt 50 ans, un certain 15 août 1971, pour être précise, le jour où un certain Richard Nixon, connu par ailleurs pour sa grande probité, tant financière qu'intellectuelle, a décidé de stopper la convertibilité du dollar en or. Un battement d'aile de papillon, penseront certains. Certes, mais le papillon en question avait des ailes cent milliards de fois grandes comme les oreilles de Dumbo si bien que l'explosion de Beyrouth, à côté, ferait figure d'éternuement !



Les pays exportateurs de pétrole ont eu le sentiment (sentiment d'ailleurs totalement justifié) d'être alors payés en monnaie de singe quand ils étaient rétribués en dollars. L'OPEP a très vite réagi en augmentant drastiquement les prix du pétrole : BOUM ! Choc pétrolier, BOUM ! financiarisation de l'économie puisqu'il était à présent possible de jouer sur les monnaies comme en un casino du fait même qu'elles n'étaient plus étalonnées sur rien de concret, que ce soit de l'or ou n'importe quel autre référent tangible de la vraie vie.



S'en est suivi une décennie, les années 1970, où l'on a vu réapparaître le chômage en occident. le chômage, on ne savait presque plus ce que c'était, depuis les années 1930 on n'en avait plus entendu parler, seuls les petits vieux s'en souvenaient encore et savaient ce que ça faisait au peuple. Fini les lendemains qui chantent et donc, fini la natalité galopante. Les politiques se sont agités, qui dans un sens, qui dans l'autre, pour un résultat analogue partout, à savoir, aucun effet des politiques publiques sur l'enrayement du chômage.



Ce chômage a frappé qui ? D'abord et avant tout les revenus modestes, les personnes non diplômées dont la tâche pouvait être effectuée soit ailleurs à moindre coût, soit ici et à moindre coût mais par des machines, bien évidemment. L'État a alors cru bon de miser tout sur l'éducation, mais quelle éducation ? le collège unique, les études longues, le secondaire. Or, tout ceci, où cela se passe-t-il ? Dans les villes, dans les capitales régionales, dans les capitales d'État. de sorte que si vous êtes rural, loin de toute métropole digne de ces établissements secondaires ou universitaire et bien… et bien démerdez-vous !



Les roublards, les chacals aux petites couilles et dents très longues, ont vu dans cette période de trouble une occasion de tirer la ficelle vers eux. C'est le tournant néolibéral de 1979 en Grande-Bretagne avec l'arrivée au pouvoir de l'admirable et ô combien regrettée Margaret Tas-de-Merd… euh non, pardon, Tas-de-Chair, sosie quasi parfaite du Palpatine de Star Wars, et de l'autre ô combien grandiose, l'États-unien Ronald MacDo… euh non, pardon, Végane.



Bref, ces deux marionnettes aux mains de l'école économique de Chicago, cette dernière fortement influencée par Salma Hayek… euh non, pardon, ce n'était pas Salma, c'était Fruit-de-Riche Hayek, je crois, ces deux marionnettes, donc, ont fait en sorte de casser tout ce qu'ils ont pu de l'État social, des services publics et du code du travail mis en place après le traumatisme de la Seconde Guerre mondiale. Ce furent les désastreuses, calamiteuses, désolantes, répugnantes années 1980.



En France, ce fut l'affaire du fidèle autant que probe Mythe errant, le mythe du socialisme, le mythe du progrès, le mythe de l'alternance, le mythe de la gauche et le mythe d'une élite politique visionnaire. C'est durant ces années qu'ont été lancées toutes les dérégulations du secteur privé, toutes les privatisations de services publics (France Télécom, La Poste, SNCF, etc.), qu'ont été donnés les premiers coups de pied dans les chevilles de l'hôpital et de l'école visant à rendre ces deux derniers secteurs « rentables », lesquels secteurs qui n'ont pas vocation à l'être puisqu'ils sont les garants de la rentabilité de tout le reste.



Tout cela ne s'est pas fait tout seul, il a fallu mettre le paquet en terme de communication. C'est alors qu'ont fleuri les « conseillers en communication », lequel conseil en communication qui s'appelait avant, simplement et honnêtement, propagande. Qu'observe-t-on ? Pullulation de nouveaux médias, tous privés, bien entendu : les radios « libres », les télés « libres », la presse « libre » (un peu comme l'école « libre » et l'exercice médical en « libéral »). Ouais, Ok, je crois commencer à saisir ce que signifie le mot « libre » dans cette acception : aux bottes du financier, lécher les pompes à grands coups de langue.



TF1 cesse d'être un service public et vend, depuis lors, du temps de cerveau disponible pour les annonceurs. Bon, s'il n'y avait que TF1, encore, ce serait acceptable, mais quel médium, dans le fond, n'est pas un ersatz plus ou moins avoué de TF1 ?… Quel médium n'est pas aux bottes du pouvoir ? de quel pouvoir d'ailleurs ? Celui des grandes villes, le reste du territoire, on s'essuie les pieds avec. le modèle suprême de ces années 1980 est, devinez qui ? Bernard Tapie ! Voilà l'être auquel chacun de vous doit vouloir s'identifier. En voilà un autre gars probe. C'est rudement habile parce qu'avec sa gouaille, il fait « peuple », il fait « vous voyez, vous aussi vous pourriez être comme lui », il fait « devenez l'entrepreneur de votre propre vie, jouez perso, entubez les autres, s'ils n'y arrivent pas, c'est que ce sont des loosers ». Aaah ! Bernard Tapie de mon coeur, comme je vous aime…



Si j'ai commencé cette contribution en parlant de l'histoire, c'est aussi et surtout parce que ceux qui « font » l'histoire, c'est-à-dire, ceux qui rédigent les versions officielles, sont toujours proches du pouvoir, dans les grandes villes, dans les grandes universités, loin, très loin du peuple, très loin aussi, le plus souvent de ceux qui ont pris les coups sur la tête. Lisez un livre d'histoire et, si vous avez la chance d'en connaître encore, faites-vous raconter la même histoire par ceux qui l'on vraiment vécue. Vous y constaterez des différences fondamentales, énormes, colossales. La version « du peuple » n'est pas moins bonne, ni moins valable que la version « des élites », c'est juste qu'elle ne poursuit pas le même but. La première part du sol et a vocation à transmettre des émotions : « J'ai vu ça, j'ai ressenti ça quand il s'est passé ça. » La seconde part d'en haut et a des velléités à l'édification des masses, à la légitimation d'un pouvoir politique en place, car, comme l'écrit Noam Chomsky, l'opinion, ça se travaille…



Retour à mon histoire. N'oublions pas qu'entre temps, pile la même année, pile au moment de ce basculement des années 1970 aux 1980, se produisent deux événements importants dans le monde, tous deux imputables à des dommages collatéraux de la guerre froide entre les États-Unis et l'U.R.S.S. : il s'agit de la révolution iranienne de 1979 et de l'invasion de l'Afghanistan la même année. Révolte des Musulmans contre l'impérialisme américain en Iran, même chose en symétrique contre les Russes en Afghanistan. Bien entendu, les Amerlocs soutiennent les Afghans et les Ruskofs les Iraniens, histoire que tout s'apaise vite et au mieux pour les populations locales…



Revenons à notre ami Nixon. Grâce à son yo-yo boursier, les cours de monnaies et des matières premières fluctuent désormais dans des proportions jamais vues, et l'U.R.S.S. de Brejnev qui a fait tout ce qu'il fallait pour que ça n'aille pas n'est plus qu'un château de cartes. Encore une ou deux fluctuations sur le cours des matières premières et il n'y aura même plus besoin de lui donner un coup d'épaule pour qu'elle s'effondre tant son économie — très dépendante des exportations de matières premières — bat de l'aile. L'aile d'un papillon suffira…



À la charnière des années 1980-1990, le bloc de l'Est implose, s'atomise façon puzzle aux quatre coins de la planète. En occident, dès lors, puisqu'il y a un « vainqueur » à la guerre froide, toute idée, vaguement sympathisante à l'idée d'égalité, de socialisme (au sens vrai, pas au sens Mitterandien du terme, cela va sans dire), de redistribution est automatiquement ringardisée, caricaturée, comparée aux pires errements du communisme soviétique, qui, est-il besoin de le préciser, n'avait rien à voir avec l'idée même du communisme mais qui était ni plus ni moins qu'un capitalisme d'État, précision et nuance que je crois importantes.



Bref, même plus besoin de faire semblant, puisqu'il n'y a plus de modèle alternatif, allons-y gaiement dans le capitarasitisme, miam, miam, miam, à pleines dents, croc, croc, croc, rien à foutre des gens, je peux le produire ailleurs à 10 fois moins cher, et si t'es pas contente, va voir chez les Russes si c'est mieux ! Transitoirement, l'annexion de la RDA par la RFA, on s'en fiche, Gerhard Schröder, ah ! voilà un gars bien ! Voilà un gars qui fait du bien à son peuple, qui les fait bosser jusqu'à 67 ans pour qu'ils jouissent du bonheur de travailler jusqu'à la mort pour un salaire amputé car, n'oublions jamais cela : Arbeit macht frei !



Aux USA au même moment, le très beau, très crooner Bill Clinton, Ah! Magic Clinton ! Monica Lewinsky s'en souvient encore quand elle fait ses lessives. Au Royaume-Uni au même moment, Tony Blair ? Ah ! fantastique Tony Blair ! Tous ceux-là, ils sont jeunes, souriants, sympathiques… polyglotte même pour Blair. Ah ! Ça c'est un mec dynamique, lui il est vraiment de son temps, fini les gars qui disent « nous autres Britanniques ». C'est dépassé tout ça, nous vivons dans un grand village planétaire, où nous sommes tous frères et soeurs… Bon OK, certains sont un peu plus frères et soeurs que d'autres, certains sont un peu plus libres et un peu plus égaux que les autres mais dans l'ensemble, George Orwell est un vrai con, we are the world, we are the children, et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.



Si vous ne trouvez pas que ce monde est le meilleur des mondes possibles, vous êtes : 1°) vieux, 2°) con, 3°) raciste, 4°) complotiste, 5°) ignorant, 6°) rétrograde, 7°) incompétent, 8°) dangereux, 9°) terroriste, 10°) obscurantiste, 11°) paysan, 12°) alcoolique, 13°) misogyne, 14°) homophobe… faut-il que j'en mette encore ?



Eh bien, au risque de vous surprendre, les vieux, cons, racistes, complotistes, ignorants, rétrogrades, incompétents, dangereux, terroristes, obscurantistes, paysans, alcooliques, misogynes, homophobes sont plus de la moitié dans chaque pays occidental. Au Royaume-Uni, ils votent Brexit, aux USA, ils votent Trump, en Italie, ils votent Salvini, en France, le Pen, etc. Si j'ajoute à cela le 11 septembre 2001, la survenue des attentats, etc. Il est facile de maquiller en terrorisme, en problème religieux, de donner une couleur musulmane à ce qui n'est, en tout, et pour tout, qu'un énième avatar de la lutte des classes. Donnez du travail aux gens, considérez-les dignement et, ô magie, musulmans ou pas musulmans, ils seront très paisibles, ne crieront, ni ne casseront quoi que ce soit, ils feront corps avec le pays dans lequel ils vivent.



Tous les pays occidentaux sont clivés comme jamais. D'un côté, ceux des villes, c'est-à-dire, ceux de n'importe quelle ville, tant que c'est une grosse métropole, ça leur convient. Cela peut être Londres, Paris, Berlin, Moscou, Shanghai ou Seattle, peu importe, ils sont plus proches entre eux, par exemple, qu'un Parisien avec les gens de Provins, que, pour l'occasion, je n'appellerai pas Provinois mais les provinciaux de leur propre pays. C'est ce que Christophe Guilluy appelle La France périphérique pour la France (mais on peut sans problème transférer le concept dans chaque pays incriminé) et c'est ce que David Goodhart s'ingénie à décrire, interpréter et comprendre avec honnêteté et exactitude.



Son essai est remarquable et apporte des clefs de compréhension à toutes celles et tous ceux qui seraient désireux de comprendre l'époque que nous vivons en ce moment en occident. Il parle du cas britannique mais tout est absolument transposable partout en occident. En France, on associe cela aux Gilets jaunes mais c'est fondamentalement le même phénomène partout, c'est une lutte des classes entre les gagnants de la mondialisation et les perdants, dit autrement, entre les « partout » et les « quelque part ».



Ce sont deux visions de la vie radicalement différentes : les « quelque part » privilégient la famille, le local, les traditions collectives. Les « partout » privilégient eux la réussite individuelle, le statut social, la technique et, d'une façon un peu crue mais tout de même bien réelle, l'argent. Si vous trouvez cette distinction grossière, vous avez raison : David Goodhart l'exprime beaucoup plus clairement, finement, dans le détail et dans les implications. Il y a aussi, ceux qui se situent à cheval entre les deux clans, un pied dans l'un sur certaines questions, un pied dans l'autre sur d'autres thématiques. Bref, d'après mes critères d'appréciation, un essai admirable, mais le mieux est, comme à chaque fois, de le lire par vous-mêmes et de ne jamais oublier qu'il ne s'agit ici que d'un avis, c'est-à-dire, fatalement la vision d'un clan et d'un seul, autant dire une hémiplégie, pas grand-chose.
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Les deux Clans

Dans cet ouvrage l'auteur s'interroge sur les fractures de notre société actuelle. Selon lui la distinction entre partis conservateurs et partis progressistes n'a plus de sens depuis l'avènement de la mondialisation. Le nouveau clivage se situe entre les Anywhere (ceux de Partout) et les Somewhere (ceux de Quelque-Part).

Les Anywhere sont ceux qui dictent les politiques économiques et fiscales de notre société. Ils appartiennent aux premiers de cordée. Ce sont des personnes éduquées et cultivées. Pour eux la mondialisation est une véritable chance. Connectées, disposant d'un bon carnet d'adresse elles peuvent prétendre à occuper des fonctions rémunératrices. Elles sont pour le libéralisme et l'extension de cette idéologie dans le monde entier.

Au contraire des Anywhere, les Somewhere sont attachés à un lieu, la nation, leur territoire. Ce sont des individus beaucoup moins mobiles. Ils prônent les valeurs de la famille qui restent pour eux un excellent point de repère et d'attache. La mondialisation est vécue comme dangereuse et leur fait peur.

Ces clivages sont un danger pour la démocratie. Les politiques ont un grand intérêt à réduire cette fracture et trouver un compromis stable entre ces deux façons de vivre et de voir les choses.

Ce livre est un bon stimulant intellectuel.

Je remercie Les Arènes et Babelio de m'avoir permis de découvrir ce livre.
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