Limmersion dans le quotidien des inspecteurs de lunité des homicides de Baltimore en 1988 se poursuit dans cette troisième partie de ladaptation du livre de David Simon, à lorigine de sa série The Wire (Sur écoute). Retrouvez l'interview de Philippe Squarzoni : https://www.youtube.com/watch?v=JUvXxHeiq4kRésumé : Un flic a reçu deux balles dans le visage. Pas d'arme. Pas de mobile. Pas d'indices matériels. Mais Terry McLarney a été le sergent de Cassidy. Son ami. Et il fera tout pour découvrir le coupable. Alors que laffaire Latonya Wallace accapare toujours Landsman et Pelligrini, le tableau se couvre dencre rouge. Les corps s'empilent, le taux de résolution plonge et la pression augmente
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"il était vivant quand on est arrivés, leurs avait dit le premier officier sur les lieux
-Ah ouais ? avait fait Coleman, plein d'espoir.
-Ouais. On lui a demandé qui lui a tiré dessus.
-Et ?
-Il a dit : "Plutôt crever".
Pour les quartiers noirs déshérités de Baltimore, la présence de la fine fleur des gardiens de la paix ne fut, pendant des générations, qu'un fléau parmi d'autres : la pauvreté, l'ignorance, le désespoir, la police.
Peut-être la seule personne à Baltimore susceptible de s'intéresser vraiment à l'affaire est-elle sur un brancard en partance pour la morgue. Plus tard dans la matinée, devant la porte d'un frigo en face de la salle d'autopsie, le frère de Rudy Newsome identifiera le corps mais après ça, la famille du jeune homme n'aura pas grand-chose à offrir. Le journal du matin n'imprimera pas une ligne sur le meurtre. Le quartier, s'il reste quelque chose qui ressemble vaguement à un quartier dans les alentours de Gold et d'Etting, passera à autre chose. West Baltimore, patrie où l'homicide est une simple broutille.
Un cinglé. On lui file un flingue, un insigne et des galons de sergent, et on le lâche dans les rues de Baltimore, une ville qui a plus que son content de violence, de saleté et de désespoir.
Un témoin ment pour protéger ses amis et ses parents, même ceux qui ont versé le sang gratuitement. Il ment pour nier ses rapports avec la drogue. Il ment pour cacher le fait qu'il a déjà été arrêté, qu'il est secrètement homosexuel, ou même qu'il connaissait la victime. Avant tout, il ment pour se distancier du meurtre et la possibilité de devoir un jour témoigner devant la cour. A Baltimore, quand un flic vous demande ce que vous avez vu, la réponse de rigueur, un réflexe involontaire ancré dans la population urbaine depuis des générations, sort machinalement avec un lent signe de dénégation et un regard entendu :
" J'ai rien vu.
- Vous étiez juste à côté du type.
- J'ai rien vu."
Tout le monde ment.
Un inspecteur de Baltimore mène de front neuf ou dix enquêtes pour homicide par an à titre d'enquêteur principal et une demi-douzaine supplémentaire à titre d'inspecteur en second, bien que les directives du FBI suggèent une charge de travail moitié moins importante.
La gravité fécale. Définition parfaite de la hiérarchie.
C'est l'illusion de larmes et rien d'autres, l'eau de pluie qui s'amasse en petites perles et coule dans les creux de son visage. Les yeux marron foncé sont grands ouverts, ils fixent le trottoir mouillé ; des tresses noires d'encre encadrent la peau d'un brun profond, les pommettes hautes et un petit nez coquin, retroussé. Les lèvres sont entrouvertes, dans une moue presque imperceptible. Elle est belle, même maintenant.
Elle est allongée sur le côté gauche, la tête inclinée, le dos cambré, une jambe repliée sur l'autre. Son bras droit est posé au-dessus de sa tête, son bras gauche est déplié, et ses petits doigts fins se tendent sur l'asphalte comme pour attraper quelque chose, ou quelqu'un, qui n'est plus là.
(...)
Elle a 11 ans.
Chez les inspecteurs et les simples flics attroupés autour du corps de Latonya Kim Wallace, pas de plaisanteries faciles, pas d'échanges de blagues grasses, pas d'indifférence blasée.
Un pays armé jusqu'aux dents, enclin à la violence, trouve qu'il est parfaitement raisonnable de munir ses forces de l'ordre d'armes et de l'autorité d'en faire usage. Aux Etats-Unis, seul un flic a le droit de tuer à l'aune de son jugement et de son initiative personnelle. A cette fin, Scotty McCown et trois mille autres hommes et femmes étaient déployés dans les rues de Baltimore avec un Smith & Wesson calibre.38, pour lequel ils recevaient une formation au tir de quelques semaines et un passage annuel au stand de tir de la police. On considère que cette formation, alliée au bon jugement de chaque officier, constitue un savoir suffisant pour prendre la bonne décision à tous les coups.
C'est un mensonge.
" Qui c'est qui cogne à ma porte à une heure pareille ?
- Madame Thompson ?
- Ouais.
- Police.
- Nan ? "
Bon sang, pense Pellegrini : à part ça, qu'est ce qu'un Blanc en trench-coat pourrait bien foutre sur Gold Street après minuit ?