"Il est facile de vivre les yeux fermés" (film 2013)
Au cours de la soirée , Helga m'avait raconté que le choc de la séparation nous conduit toujours à idéaliser l'autre , à le rendre plus consciencieusement plus parfait , plus désirable , plus irremplaçable . On fait ça , m'avait - elle dit , pour se faire encore plus de mal . Cet idéal nous accable , c'est une insulte à nous - mêmes , qui pendant des mois ou des années nous empêche d'aimer quelqu'un d'autre et nous fait regarder les hommes et les femmes comme de lamentables pastiches de l'être irremplaçable qu'on vient de perdre . Un jour on découvre que notre souvenir devient plus précis et plus juste et , à ce moment , on peut à nouveau penser à être moins malheureux . Voilà ce que m'avait dit Helga , assise dans le canapé , avec une conviction qui m'avait séduit .
Elle avait dû être très jolie quand elle était jeune , et cette pensée me sembla insultante . C'est une expression malheureuse , m'avait corrigé un jour un professeur d'université lors d'une conversation informelle . Quand on est jeune , on est jeune , la beauté passe par une autre voie . Ou devrait passer par une autre voie , m'avait - il expliqué .
Nous connaissons tous la fin. Et elle n’est pas heureuse. C’est une drôle d’histoire : nous en savons le dénouement mais en ignorons la trame. Nous sommes à la fois visionnaires et aveugles. Sages et stupides. De là vient ce mal-être que nous partageons tous, ce soupçon qui nous fait pleurer les jours gris, nous empêche de dormir à minuit, ou nous inquiète quand l’attente d’un être cher se prolonge. De là viennent la cruauté démesurée et la bonté inattendue des hommes: du fait de connaître la fin, mais pas l’histoire. Étrange règle du jeu qu’aucun enfant n’accepterait. Les enfants ne veulent pas qu’on leur raconte la fin. Ils ignorent que c’est la seule manière de profiter pleinement de l’histoire.
Il y a un corbillard devant la maison.
Ne demande pas à ton ami ce qu'il ne peut pas te donner et il restera ton ami très longtemps.
L'amour familial, comme tout ce qu'on possède sans l'avoir conquis, nous paraît superflu, n'entre jamais dans nos plans de sauvegarde les plus urgents, alors qu'il s'ouvre pour nous comme un parachute et freine notre effondrement avec sa puissance de poutre maîtresse.
les larmes d'un père sont en plomb.
(las lagrimas de un padre son de plomo.)
Le désir travaille comme le vent. Sans effort apparent. Voiles déployées, il file à une vitesse folle. Portes et volets clos, il cogne en quête de brèches ou de rainures pour s'infiltrer. Le désir associé à un objet nous condamne à lui. Mais il peut prendre une autre forme, abstraite, déconcertante, qui nous enveloppe comme un état d'âme et annonce que nous sommes prêts. Il nous reste alors juste à attendre, toutes voiles dehors, qu'il souffle vers nous. C'est le désir de désirer.
Regarde, l'entreprise la plus rentable du monde, c'est l'Eglise. Ensuite, il y a le football. L'un et l'autre vivent de la foi des gens, rien de plus. C'est pas fou, non?
Bien avant que tout ceci arrive, entre ton père et moi il ne restait que l'habitude pratique de vivre ensemble, de t'élever, de nous réunir avec des amis et pas grand-chose d'autre ; regarder passer la vie, avoua t-elle à Sylvia. Les mères n'abandonnent pas les pères et encore moins leur fille, pensa Sylvia. À cette occasion, traumatisante et édifiante, Sylvia posa un autre regard sur sa mère : c'était aussi une femme, plus seulement une mère, cette espèce électrodomestique sentimentale.
J'ai pensé que les distractions cessent d'en être quand elles deviennent obligatoires.