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Citations de Delphine Horvilleur (640)


Avant, on rencontrait des gens qui étaient plein de choses à la fois : pied-noir, fils d'immigrés et homosexuel, communiste et gymnaste... ou alors juif-athée-joueur d'échecs et goyophile ; eh ben là, c'est ini. Chacun n'est plus qu un seul truc, catho, gay, vegan, qu'importe, mais exclusivement l'un ou l'autre. Les seuls « combo » qu'on t'autorise c'est quand tu es multi-défavorisé et que tu peux cumuler a priori les discriminations comme des bonus. Mais sinon, tu ne joues plus que dans une seule catégorie et tu es donc sans rapport avec qui que ce soit d'autre. Bien sûr, ça oblige à un certain niveau d'entre-soi pour préserver la pureté de l'édifice.
Entendons-nous bien : je n'ai rien contre un minimum d'entre-soi. Je ne crois pas du tout au grand syncrétisme du « tout le monde, il est pareil ». (p.68)
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Mais quand t'écris une story sur Insta, tu es tout de suite liké par ta copie conforme, et tu t'adresses à ton clone à qui tu ne vas rien apprendre parce qu'il le sait déjà. (p.67)
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Si t'es complètement, immanquablement toi-même, alors y'a rien à dire.
C'est le mutisme de la plénitude. (p.51)
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Nous sommes pour toujours les enfants de nos parents, des mondes qu'ils ont construits et des univers détruits qu'ils ont pleurés, des deuils qu'ils ont eu à faire et des espoirs qu'ils ont placés dans les noms qu'ils nous ont donnés.
Mais nous sommes aussi, et pour toujours, les enfants des livres que nous avons lus, les fils et filles des textes qui nous ont construits, de leurs mots et de leurs silences. (p.31)
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Permis et salutaire de ne pas se laisser définir par son nom ou sa naissance.
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C'est toujours le visage d'un non-soi qui menace l'intégrité de l'édifice. Gare à l'autre et vive le même ! (p.17)
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Nous sommes, encore un peu plus, esclaves des définitions figées et finies de nous-mêmes, de nos origines, de nos ancrages, de nos assignations ethniques ou religieuses. (p.15)
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A travers Ajar, Gary a réussi à dire qu'il existe, pour chaque être, un au-delà de soi ; une possibilité de refuser cette chose à laquelle on donne aujourd'hui un nom vraiment dégoûtant : l'identité. (p.14)
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Nous sommes là bien loin de ce que le discours religieux fondamentaliste assène si souvent: l'injonction de voiler un corps coupable, de se couper d'une altérité menaçante. La genèse de la pudeur véritable est une culture de la rencontre, et non de l'effacement. En cela, voiler l'autre pour étouffer le désir plutôt que de le susciter, est non seulement insensé mais coupable.
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Dans le monde religieux en général, il y a aujourd'hui une urgence à réhabiliter la voix des femmes en dialogue avec les textes et avec les hommes. Cette évolution n'est possible qu'à condition de cesser de percevoir le corps féminin comme une nudité exposée.
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L'hyper-génitalisation du corps de la femme n'est ni spécifique à la tradition juive, ni au monde religieux. Dans son tableau intitulé Le Viol, Magritte a peint le visage d'une femme dont la tête est remplacée ou symbolisée par les organes sexuels. Les yeux sont des seins, la bouche est un pubis. Le peintre semble suggérer que la violence faite aux femmes passe souvent par une transformation de leur visage en zone génitale, en objet de désir. Dans ce tableau, comme dans un certain fondamentalisme religieux, s'exprime une inégalité flagrante entre les sexes: si la voix de l'homme est un outil d'expression publique, celle de la femme n'est qu'un outil d'expression « pubique ».
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J'y pense souvent lorsque j'aperçois, dans les cimetières, de petits portraits ovales encastrés dans les pierres tombales. Je me demande souvent pourquoi telle photo fut choisie plutôt qu'une autre.
Lorsque des hommes ou des femmes meurent à un âge avancé, qui décide de figer dans le marbre une image d'eux à quatre-vingt-dix ans, plutôt qu'à trente ans ? Pourquoi une photo, et une seule, raconterait-elle un être, en gelant pour l'éternité sa vie sans un seul temps ?
Faut-il raconter un disparu par le visage de sa maturité, par une photo de lui en poupon joufflu, ou en adolescent ? Que âge voudrions-nous avoir pour toujours, dans la trace que nous laissons à ceux qui nous survivent ?
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Le Chant de la Paix affirme que ceux qui sont partis peuvent s'adresser à ceux qui vivent encore et leur dire : N'essayez pas de nous réveiller, faites plutôt venir la paix, et vivez.
(...)
La dernière chanson de Rabin affirme que ce qui est mort, et qu'il n'est pas de temps à perdre en projet de résurrection. Elle dit que l'heure n'est pas à ressusciter les disparus mais à réveiller les vivants. Elle dit aussi l'inutilité des prières, et la vanité de l'orgueil nationaliste.
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Les juifs affirment qu'ils ne savent pas ce qu'il y a après notre mort. Mais ils pourraient le formuler autrement : après notre mort, il y a ce que nous ne savons pas. Il y a ce qui ne nous a pas encore été révélé, ce que d'autres en feront, en diront et raconteront mieux que nous, parce que nous avons été.
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Et chaque génération, parce qu'elle vient après une autre, grandit sur un terreau qui lui permet de faire pousser ce que ceux qui sont partis n'ont pas eu le temps de voir fleurir.
Telle est la clé de la transmission que Dieu révèle à Moïse, un calame à la main, tout en haut d'une montagne de prophétie qui porte le nom d'une divinité ancienne de l'écriture. Il dit au plus grand des hommes : certes, tu vas mourir, mais tes enfants feront pousser ce qui n'est encore que la trace fragile laissée par ta vie. La grandeur de ton existence et de ton enseignement reste à être révélée, à travers ceux qui viendront après toi.
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Déni, Colère, Négociation, Dépression et Résignation. Pour le dire autrement, la plupart des mourants diraient tour à tour et dans cet ordre : "il doit y avoir une erreur", "c'est tellement injuste", "laissez-moi au moins vivre jusque tel ou tel événement", "à quoi bon" et "je suis enfin prêt".
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Personne ne sait parler de la mort, et c'est peut-être la définition la plus exacte que l'on puisse en donner. Elle échappe aux mots, car elle signe précisément la fin de la parole. Celle de celui qui part, mais aussi celle de ceux qui lui survivent et qui, dans leur sidération, feront toujours de la langue un mauvais usage. Car les mots dans le deuil ont cessé de signifier. Ils ne servent souvent qu'à dire combien plus rien n'a de sens.
Alors on dit "il est parti", "il est au ciel", ou "il nous a quittés"... et l'enfant ou le linguiste ou le poète, c'est-à-dire tous ceux qui prêtent aux morts un pouvoir qu'ils ont mais qu'on leur nie si souvent entendent dans ces paroles des mensonges.
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En français, comme dans la plupart des langues, il n'existe aucun mot pour désigner celle ou celui qui perd un enfant. Perdre un parent faire de vous un orphelin, et perdre un conjoint fait de vous un veuf. Mais qu'est-on lorsqu'un enfant disparait ? C'est comme si en évitant de la nommer, la langue croyait en écarter l'expérience, comme si par superstition, on s'assurait de ne pas en parler pour ne pas risquer de la provoquer.
En hébreu, en revanche, ce mot existe. Un parent qui perd un enfant est appelé Shakoul, un terme presque impossible à traduire. Il est emprunté au registre végétal et signifie la branche de la vigne dont on a vendangé le fruit. Un parent endeuillé est raconté en hébreu par une image, celle d'une branche amputée de ses grains, ou d'une grappe dont on a arraché le fruit. La sève coule en elle mais n'a plus où aller, et le bourgeon s'assèche car un bout de sa vie l'a quitté.
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Je dis toujours aux endeuillés, quel que soit l'être cher qu'ils perdent, qu'ils vont devoir, en plus de leur douleur, se préparer à vivre un étrange phénomène : la vacuité des mots et la maladresse de ceux qui les prononcent. Ceux qui vous rendent visite dans le deuil, ou tentent de vous y accompagner, vous disent souvent des bêtises et parfois même des horreurs, en pensant vous apaiser ou vous soulager. Des "les meilleurs partent les premiers" ou des "au moins, il ne souffrira plus" , des "vous serez à la hauteur de cette épreuve qui vous est envoyée", en passant par d'autres tentatives de greffer du sens à l'insensé. Les endeuillés doivent s'y préparer.
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Dans la plupart des familles de descendants de la Shoah, on reconnait cette dureté caractéristique : ont-ils survécu parce qu'ils l'étaient ou le sont-ils devenus pour survivre ? Nul ne peut répondre à cela.
On admet souvent dans ces familles que la communication y est complexe, souvent plus hurlée que parlée. Un ami, enfant d'une histoire semblable, m'a dit un jour : "J'ai longtemps cru que le Yiddish était une langue qu'on ne pouvait parler qu'en aboyant".
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