AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Derf Backderf (261)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Kent State : Quatre morts dans l'Ohio

30 avril 1970, Richfield, Ohio. Au cœur de sa ville, habituellement calme, Derf, alors âgé de 10 ans, est tout simplement ébranlé par ce qu'il vient de voir. Les routiers du dépôt de camions, alors en grève, veulent mettre la pagaille mais sont bien vite ralentis par la garde nationale de l'Ohio. Des dizaines de soldats pointant leurs armes sur des pères de ses copains de classe. C'est dans un climat tendu, entre manifestations géantes et batailles de rue, que ce même jour Nixon prend la parole. Lui qui avait promis, 15 jours auparavant, de mettre fin à la guerre du Vietnam, vient d'annoncer tout simplement que le conflit allait s'étendre au Cambodge. Si la plupart des étudiants ont exprimé clairement leur opposition à cette guerre et ce depuis 1968, certains n'hésitent pas à manifester. À Kent State, sur l'immense campus étudiant, un rassemblement anti-guerre est prévu pour le 4 mai...



Kent State Quatre morts dans l'Ohio. Un titre on ne peut plus explicite sur ce qui sera l'issue tragique de cette sombre journée. À partir d'un travail fouillé, en amont, aussi bien des recherches, des enquêtes, des interviews de personnes ou d'étudiants contemporains des faits, Derf Backderf déroule, avec une grande justesse et intelligence, du 30 avril au 4 mai, les différents événements qui ont conduit au drame. Cela est d'autant plus édifiant que tout n'a reposé que sur des rumeurs, des mensonges, des fautes. Plus édifiant encore, bien des années après, aucun tireur (pourtant, la Garde nationale n'est autorisée à utiliser les armes qu'en cas de légitime défense, or, aucun étudiant n'était armé), aucun représentant officiel ou homme politique n'a été tenu pour responsable. Cette reconstitution fait alors froid dans le dos. Au plus près des étudiants et des différents protagonistes, notamment ces jeunes hommes de la Garde nationale devenus bien malgré eux des tueurs, l'auteur exprime parfaitement leurs ressentis, leurs préoccupations, leurs peurs et leurs émotions, et retranscrit, avec finesse, la complexité du contexte d'alors.



Un album dense, passionnant et bouleversant...
Commenter  J’apprécie          670
Trashed

Voilà un mois que J.B glande chez sa mère et passe son temps à jouer ou à regarder la télé. Alors sa mère l'a prévenu, s'il ne compte pas retourner à la fac, il doit aller travailler. Elle lui montre alors la petite annonce dans le bulletin communal. Le service d'entretien recherche quelqu'un. Ça le branche bien, ça, J.B.... Tondre la pelouse, pourquoi pas ? Le jeune homme appelle le numéro et le rendez-vous est pris pour le lendemain matin. Sauf qu'il n'est nullement question de tondre les pelouses mais de ramasser les poubelles. Entre les mouches, les vers, les sacs qui dégoulinent, les odeurs pestilentielles, les éclaboussures du camion-benne, rien ne lui sera épargné !



Derf Backderf a lui-même exercé le métier d'éboueur entre 1979 et 1980. Il s'est donc inspiré de sa propre expérience qu'il a transposée à notre époque. L'on suit ainsi, pendant une année, le quotidien de J.B., un jeune homme de 21 ans qui va exercer le métier d'éboueur, supportant aussi bien les grosses chaleurs estivales que les tempêtes de neige ou les pluies cinglantes. Un métier mal jugé, méprisé par certains (au vu de certains comportements des usagers décrits dans l'album). L'auteur dépeint, avec humour et cynisme, les nombreuses anecdotes auxquelles sont confrontés J.B. et ses collègues. Entre les cadavres d'animaux, les moteurs, les sacs remplis de goudrons, de merdes de chien ou de couches (en plein été !), les bouteilles pleines de pisse des routiers jetées sur le bas-côté... Le quotidien de ces hommes n'est pas toujours rose ! L'auteur n'omet pas également de pointer le doigt sur l'économie car n'oublions pas que les déchets génèrent de l'argent (donc des profits) et des emplois. Un récit autobiographique à la fois édifiant et drôle...
Commenter  J’apprécie          664
Mon ami Dahmer

Dahmer, on le sait désormais, pratiquait assidûment le tueur en sérisme...

Mais quid de son bilan comptable une fois sa révérence tirée ? Réel petit artisan besogneux qui aura oeuvré au max de ses capacités où réel dilettante n'y voyant qu'un hobby à défaut d'une réelle passion ?

Alors Dahmer, Dahmer, de quoi t'as l'air ? Lamentable blague lactée 100 % bio.

Mort ( la ) : 100 % de réussite, indétrônable.

Variole ( la ) : plus de 300 millions de victimes, pas mal, devra faire des efforts au second semestre

Dion ( Céline) : fournisseur officiel chez Audika avec près de 240 millions de commandes déjà passées, série en cours...

Cinéman : Gérard d'or à vie du film pour lequel avant d'y aller t'avais un doute et après, une certitude. Près de 300000 gastro dénombrées à ce jour.

Andreï Romanovitch Tchikatilo surnommé l'ogre de Rostov, 52 victimes avouées.

Aaaaah, Dahmer, 17 égarements notoires qui lui vaudront de tirer sa révérence en tôle à l'âge de 34 ans sous les coups mortels d'un co-détenu peu enclin au fraternalisme. Bien fait !



Mais avant de pratiquer le viol, le cannibalisme, le démembrement et la nécrophilie, Dahmer fut un adorable bambin comme un autre. N'était un alcoolisme galopant, une propension à récupérer des cadavres d'animaux pour les collectionner dans des bocaux d'acide et un mutisme plus qu'inquiétant, ce petit bonhomme ne dépareillait alors pas dans l'univers si hostile de l'adolescence.

Et c'est ce que va s'évertuer à nous démontrer l'auteur qui l'aura côtoyé au gré des bancs de classe partagés, avant que Le Cannibale de Milwaukee ne soit méchamment taxé de psychopathie.



D'un trait bicolore presque minimaliste car essentiellement focalisé sur les personnages, Backderf, prix révélation d'Angoulême 2014, s'cusez du pneu, s'essaye brillamment au récit cathartique. Il y décrit un personnage déjà complexe et torturé totalement dévasté par les scènes de ménage journalières et viscéralement incapable de développer la moindre relation avec ses congénères. Âge ingrat s'il en est, il sera celui d'une solitude abyssale pour ce futur chouchou des gazettes nationales. S'appuyant sur ses propres souvenirs, des recherches approfondies et des entretiens prolixes glanés par le FBI, Backderf restitue à merveille un environnement familial et scolaire particulièrement étouffant tout en se voulant le plus factuel possible. Ni jugement, ni interprétation d'aucune sorte mais la volonté affichée de présenter ce terrifiant galopin de Dahmer sous un autre jour.

Intelligent et brillant.



Mon ami Dahmer...il ne vous veut pas que du bien...
Commenter  J’apprécie          634
True stories

Des SDF dragueurs, des mères adolescentes dépassées, des papas énervés, des clients agacés, râleurs ou exigeants, des chiens bouffeurs de chaussettes, des vieux un peu barjes, des voyageurs gueulards, des illuminés... Des centaines de personnes peuplent cet album composé de près de 200 strips, la plupart publiés dans le cadre d'un strip baptisé "The City". Pendant presque 25 ans, Derf Backderf a sillonné les rues, fréquenté les magasins de sa ville natale, Cleaveland. Et a ainsi pu assister à des situations pour le moins déjantées.



De son œil avisé, parfois cynique, drôle ou désabusé, l'auteur décortique l'Amérique profonde et un brin foutraque. Et le résultat s'avère... comment dire sans vexer ces Américains... affligeant mais certainement criant de vérité ! À la fois drôle, désespérant, consternant, amer, ce recueil nous plonge dans des situations navrantes ou absurdes. Brut et sans concessions. Une peinture sans fard et finalement peu flatteuse de l'Amérique.

En noir et blanc, rarement en couleurs, le trait s'affine au fil des ans mais reste caricatural.

Étonnant !
Commenter  J’apprécie          560
Mon ami Dahmer

Derf Backderf habite une petite ville tranquille dans l'Ohio. C'est au cours des dernières années de collège, dans les années 70, qu'il va faire la rencontre de Jeff Dahmer. Adolescent solitaire, peu sociable, il n'aura quasiment aucun véritable ami au cours de sa scolarité. Il faut dire qu'il a un drôle de passe-temps:il aime dissoudre les animaux dans l'acide, acide qu'il récupère auprès de son père, chimiste de profession. Il les garde précautionneusement dans sa hutte, dans les bois, à l'abri de tous les regards. Il se fait souvent railler par ses camarades d'école mais il ne pipe mot. Il se fait remarquer par Derf et ses amis un jour où il imite, selon ses dires, le décorateur qu'a employé sa mère. Handicapé moteur, pris de tressaillements, et sujet aux crises d'épilepsie celui-ci l'imite à la perfection, faisant sourire les autres collégiens. Voilà comment est né le "Dahmerisme". Dahmer devient un peu plus populaire, même un fan-club en son honneur est créé. Mais, sous ses airs timides et étranges se cache un adolescent très mal dans sa peau, se cherchant sexuellement et très solitaire. Ses parents qui se disputent sans arrêt, sa maman étant de surcroît dépressive et son papa plus attiré par ses tubes à essai que l'éducation de son fils, ne voient pas le mal-être de leur enfant et encore moins la descente aux enfers dans laquelle il se dirige sournoisement...



Derf Backderf a réellement fait un travail époustouflant, tant sur le fond que sur la forme. Ayant côtoyé quelques années Dahmer, connu également sous le nom du «Cannibale de Milwaukee», auteur de 17 meurtres, accusé de cannibalisme, de nécrophilie et de viols et condamné à 957 ans de prison, l'auteur s'est penché sur les années précédant ses crimes et a tenté d'en expliquer, pour peu qu'on puisse le faire, le pourquoi et le comment Dahmer en est arrivé là. Pourquoi a-t-il sombré progressivement dans les ténèbres, comment personne ne s'est rendu compte de rien, à commencer par ses parents et les professeurs, pourquoi s'est-il isolé à ce point pour finalement perdre tout contact avec la réalité? Autant de questions qui sont soulevées ici auxquelles l'auteur tentera d'y répondre. Cet album riche et très bien documenté permet d'éclaircir le lecteur sur la personnalité froide et inquiétante de Dahmer. Témoin de cette déchéance, il ne porte aucun jugement pour autant, la voix-off lui permettant ainsi de se détacher. Ce dessin si particulier, au trait parfois grossier parfois anguleux et souvent agressif, rend parfaitement compte de l'état d'esprit des protagonistes et nous plonge dès les premières pages dans cette Amérique des années 70. La préface de Backderf et d'un écrivain spécialisé en criminologie ainsi que plusieurs pages de notes se référant au déroulement de l'histoire donnent encore plus de poids et de gravité à cet album à la fois troublant, tragique et captivant.



Mon ami Dahmer... Damned!
Commenter  J’apprécie          560
Punk rock & mobile homes

Je me suis franchement régalée a lire cette BD, mais surtout avec la play list ... Et puis ça fait du bien aux oreilles de retrouver les Ramones, Patti Smith , les B52's et bien d 'autres.



Des graphismes un peu a la Gotlib, avec un humour un peu a la Gotlib aussi. (Je n'ai pas pu m'empêcher d'y penser), sont super adaptés a cette histoire ou Otto ado un peu bizarre en classe de terminale, qui regarde les filles, enfin plutôt une en particulier , pompom girl avec une paire de seins a faire damner un saint. Avec deux copains, ils décident d'aller a des concerts a the bank . Lieu culte du punk perdu dans le trou du cul du monde, mais qui rameute pas mal de groupes connus et moins connus. La vie d'Otto va complètement changer à partir de ce jour là.



Cette BD est juste hilarantes , brillantes, pleines de détails. Une BD qui sort des normes et qui fait du bien
Commenter  J’apprécie          534
Mon ami Dahmer

Il y a quelques années (doux euphémisme) je lisais pas mal de livres sur les tueurs en série. Un peu par voyeurisme (on va pas se mentir hein). Et surtout parce que depuis longtemps je m’intéresse à la frontière entre la normalité et la folie. Frontière parfois très mince. On est tous plus ou moins névrosés. On s’est tous dit un jour « je deviens dingue » sans que cela soit vrai mais parfois on s’approche tellement près de la folie que le vertige guette… Et on se demande « mais qu’est-ce que la folie ? », question qui me fascine. C’est ce questionnement qui m’avait amenée à m’intéresser aux tueurs en série. Dans la grande majorité des cas, la folie n’est pas retenue lors des procès des tueurs en série. Officiellement, ces types ne sont donc pas fous. Même s’ils font des trucs complètement barjos. Même le fils de Sam, le type qui parlait avec le chien du voisin (c’est même lui qui lui disait de tuer). Cela m’a toujours paru invraisemblable, inconcevable. Pour moi, ils sont complètement pétés de la tête. Et le cas Dahmer ne fait pas exception. Pour moi, un type qui nique des cadavres, en bouffe des morceaux et garde des têtes dans son frigo en souvenir, il est cinglé. Et salement cinglé ! Mais il parait que non… J’avais déjà rencontré Dahmer au cours de mes lectures, Bourgoinesques notamment, mais cette B.D promettait un point de vue inédit qui pourrait peut-être éclairer ma lanterne et me permettre de concevoir la non-folie de l’individu. En effet, l’auteur a fréquenté Dahmer lorsqu’ils étaient élèves dans le même lycée. J’allais donc découvrir la jeunesse de Dahmer, être témoin du point de basculement, assister à la naissance d’un monstre… Et bien non. « Mon ami Dahmer » ce n’est pas ça. Et c’est tant mieux !



Tout d’abord, je voudrais évoquer ce titre qui n’est pas, à mon avis, vraiment approprié. « Mon ami Dahmer » ? L’auteur, Backderf, n’a pas été l’ami de Dahmer. D’ailleurs, personne n’a été l’ami de Dahmer. Pour Backderf, comme pour d’autres garçons du lycée, Dahmer a juste été un mec qu’ils ont côtoyé. Ce qui m’a frappée c’est le décalage total de Dahmer par rapport à tout ce qui l’entoure. On a un lycée, tout ce qu’il y a de plus banal avec des élèves, certains un peu plus bizarres que d’autres, mais tous banals. Et puis il y a Dahmer, extérieur à tout et à tout le monde. Peut-être même à lui-même. Il semble toujours posé là sans y être réellement, absent. Où est-il vraiment ? Ailleurs, nulle part. Tout au long de la B.D j’ai eu le sentiment que Dahmer était étranger à tout, au monde et aux autres. Backderf dit ne pas s’être tout de suite rendu compte de l’existence de Dahmer. Même sa mère ne semble pas le voir. En fait la plupart du temps, on le remarque à peine et lorsqu’il cesse d’être invisible aux yeux des autres, est-il vraiment perçu comme une personne ? J’ai plutôt eu le sentiment que ses « camarades » de lycée le voyaient comme une sorte d’abstraction que comme une vraie personne. Backderf et ses potes créent le « fan-club de Dahmer » mais jamais ils ne l’incluent réellement dans leur groupe, ça n’est même jamais envisagé. Dahmer ne semble pas affecté par cette exclusion de fait. Rien de ce qui est externe à lui-même ne semble l’atteindre. Seuls ses démons intérieurs semblent l’affecter. Si le départ de sa mère, qui donne une réalité à sa peur de l’abandon, l’affecte ce n’est pas par amour envers elle mais bien parce que ce départ signifie que Dahmer va se retrouver seul avec lui-même, seul avec les fantasmes tordus qui l’habitent. De temps en temps il va tenter de singer ce qui s’apparenterait à une interaction sociale, lorsqu’il mime les crises d’épilepsie en public par exemple. A chaque fois, ces tentatives sonnent faux, il ne s’agit pas de véritables interactions avec autrui mais bien d’imitation, ce que Dahmer ne peut ignorer comme le montre la scène où il se rend au bal de promo qu’il quitte immédiatement, n’y ayant pas sa place. Au cours de ma lecture, Dahmer m’est apparu comme quasiment vide, le peu de sa personne humaine étant en équilibre au bord d’un abîme insondable. Le néant portant un masque d’Homme.



Je vais arrêter là la psychologie de bazar, j’en ai déjà trop fait étalage dans les lignes qui précèdent. Est-ce que cette B.D m’a fait admettre l’idée que Dahmer n’était pas fou ? Non, je reste persuadée qu’il était fou. L’incapacité de ressentir des émotions n’est-elle pas une forme d’aliénation mentale ? Ah zut, je recommence avec ma psychologie de bas étage… Je vais finir là-dessus, « Mon ami Dahmer » est une œuvre très intéressante narrativement et visuellement. De plus Backderf réussit le prodige de ne pas tomber dans le voyeurisme racoleur en proposant un récit subtil et très humain qui amène le lecteur à se questionner encore et toujours sur la folie.

Commenter  J’apprécie          420
Mon ami Dahmer

Tout dans cette BD fait froid dans le dos : la solitude et le mal-être de Dahmer, l'indifférence de tous face à sa cruauté et ses bizarreries de monstre en devenir, le trait assez dur et froid du dessin, et surtout le fait que l'histoire soit vraie...



L'auteur Derf Backderf a côtoyé le tueur en série Jeff Dahmer pendant ses années collège et lycée, il a même (presque) été son ami et le 'ministre de la propagande' de son fan-club, groupe de lycéens à l'affût de ses imitations caricaturales de handicapés et des autres dahmerismes... Il raconte ici ses souvenirs, relatant d'abord les anecdotes tragiques ou inquiétantes de son adolescence, s'arrêtant au moment où Dahmer tue pour la première fois et terminant par une notice rédigée sur ses recherches et les protagonistes.



Si sa volonté de se dédouaner, lui comme ses jeunes camarades, de n'avoir rien vu, rien compris, rien dénoncé, au prétexte qu'ils étaient jeunes et bêtes, m'a semblé un peu agaçante, la misère profonde de Dahmer et l'aveuglement des adultes face à sa maladie sont proprement hallucinants. Non seulement Dahmer n'a pas d'amis, mais son hobby est de feindre des crises d'épilepsie ou de démence, quand il n'est pas occupé à tuer des animaux, à se saouler ou à fantasmer sur des meurtres... Tout ça sans que personne remarque que quelque chose cloche ou s'occupe de lui le moins du monde, pas même ses parents.



Le récit fait vraiment bien passer cette atmosphère malsaine et dérangeante, et m'a beaucoup intéressée en cela. Un bémol toutefois : à cause du format BD et du point de vue retenu (celui de Derf), on reste assez loin de Dahmer lorsqu'il bascule dans le mal. C'est pourtant ça que j'aurais aimé 'comprendre', pour autant que ce soit possible...



Mon ami Dahmer... si seulement Dahmer avait eu un ami, peut-être que cela aurait tout changé...
Commenter  J’apprécie          410
Trashed

Avec « Trashed », c’est un petit miracle qu’accomplit Derf Backderf. Sur un sujet qui a tout du repoussoir il parvient à intéresser son lecteur. En effet, quoi de moins séduisant que le thème des déchets ? Et bien Backderf réussit à évoquer ce sujet de façon passionnante.



Pour donner vie à ses personnages, des éboueurs dans une ville américaine, l’auteur s’est inspiré de sa propre expérience puisqu’il a lui-même exercé cette profession pendant environ une année mais il s’est indéniablement documenté. Ainsi, non seulement on suit le quotidien des éboueurs mais on apprend également plein de choses sur le sujet.

Le scénario est beaucoup plus subtil et beaucoup plus fin que ce que peuvent laisser penser la trivialité et la crudité de certaines situations. A travers le thème des déchets Backderf propose une véritable peinture de notre société. Le problème écologique est bien sûr largement mis en lumière. On ressent comme un vertige à la vue de certaines cases montrant les immenses décharges. Et puis, on a beau savoir qu’on produit énormément de déchets, suivre la tournée quotidienne des éboueurs en donne une idée plus concrète. A ce titre, le côté répétitif des tournées de ramassage est particulièrement parlant. De plus, certaines informations font vraiment froid dans le dos. Le propos est fort et laisse une grosse impression, bien plus efficace selon moi que les discours des politiques en matière d’écologie. Et ce d’autant plus que Backderf ne se prétend pas meilleur que les autres, il ne prétend pas avoir les solutions. Il invite à la prise de conscience et à la réflexion personnelle.



Ce qui permet également de voir que l’auteur est sincère et qu’il ne s’agit pas d’une posture, c’est qu’il a une vision assez globale des choses. Son propos, il ne le limite pas à l’aspect environnemental. Avec finesse, il évoque les aspects économiques et sociétaux. Ainsi au détour d’une case sera évoqué le drame des victimes de la crise qui, expulsés de leur logement, laissent sur le trottoir ce qu’ils n’ont pas pu emporter.

Backderf fait le lien entre le système ultra-libéral de sur-consommation et le problème écologique. C’est en ce sens que je trouve son discours plus pertinent que celui de personnes comme Greta Thunberg. Je n’ai rien contre cette jeune femme, son discours a certains mérites mais il a aussi des limites flagrantes. Quand lui est posé la question de ce qu’elle pense des traités type Ceta Mercosur, elle répond qu’elle n’a pas d’avis. C’est là selon moi la limite de son discours. Le problème écologique est intrinsèquement lié à l’économie et à la politique. Il me semble illusoire de penser le contraire. Backderf fait donc ce lien entre notre société de consommation et écologie. Il invite donc chacun de nous à se poser des questions sur son mode de vie. Pour autant, il n’est jamais donneur de leçon. Son regard est juste, pertinent, utile.



Il y a un autre aspect que je trouve très appréciable dans cette B.D, c’est le côté humain. Bien que le thème soit un sujet global, le récit n’est pas déconnecté de l’humain. L’auteur n’oublie pas qu’il raconte une histoire. Il créé des personnages auxquels on s’attache malgré leur banalité, parfois même leur médiocrité. On suit leur difficile quotidien avec pas mal d’empathie et avec le sourire. Parce que oui, la B.D de Backderf est drôle. Il donne vie à une galerie de personnages assez irrésistible et imagine des situations qui permettent au récit de ne pas sombrer dans un pessimisme désespéré. Je ne vous pas Backderf comme un misanthrope, mais plutôt comme un humaniste pessimiste. S’il ne se fait plus d’illusion sur l’Homme, s’il ne croit plus en lui, il n’en fait pas une raison de le haïr. Son regard n’est pas méchant, simplement lucide. Il aime les gens malgré leur connerie. Cela se sent tout au long du récit.



Derf Backderf est décidément un auteur de grand talent. Avec « Trashed » il démontre qu’on peut avoir un propos fort qui ne brosse pas le lecteur dans le sens du poil tout en le faisant rire. Une très bonne B.D que je recommande très vivement.

Commenter  J’apprécie          400
True stories

True Stories, géniale chronique de l'Amérique qui ne s'exporte pas, qui ne fait pas fantasmer, que l'American Dream cache sous le tapis et qui plus généralement donne carrément envie de se tailler les veines avec sa carte verte (vous voyez l'image quoi).



On trouve donc au pays de l'oncle Sam ce qui fait (aussi) la réalité de cette nation. Des doux-dingues, des macdobèses, des filles-mères célibataires et exubérantes option vulgaire transmettant des valeurs qu'on ne peut qu'envier à une progéniture déjà totalement tracassée du civet, des racistes ordinaires, des traîne-savates aux fils qui se touchent et parfois aussi l'éclair de génie du gonze lambda. Bref, Derf Backderf a l'oeil affuté et nous fait profiter du magistral talent d'observateur qu'il pose sur ses semblables à travers une suite de strips parfois effrayants, quelque fois émouvants, de temps en temps mystiques mais toujours hilarants et jamais malveillants.



Tous ces anti-héros qui ondulent de la toiture et dont Backderf croque ici la folie quotidienne, pas besoin d'en avoir lourd dans le chignon pour voir qu'il y a de la tendresse et de la compassion sous cette plume dont le style est reconnaissable au premier coup d'oeil. Rhââââ qu'est-ce que j'avais eu du mal à m'y faire à ces dégaines un brin simiesques surmontées de quadrilatêtes lors de la lecture de Mon Ami Dahmer, mais c'était mon premier Derf Backderf et de l'encre de Chine a coulé sur le Canson depuis.

De là à dire que maintenant son coup de crayon me botte vachement, il n'y a qu'un saut de moucheron nain que je m'empresse de franchir.

Pas compliqué, à chaque fois que j'aperçois ce graphisme si particulier je sais que je vais passer un bon moment, rien à demander de plus.



Combien de temps maintenant avant le prochain album ? Ça va être long, je le sens, ça va être loonnnng.

Commenter  J’apprécie          397
Mon ami Dahmer

Peut-être connaissez vous quelqu'un qui se flatte d'avoir connu une célébrité dans sa jeunesse ?

J'avais un voisin qui se vantait d'avoir fait son service militaire avec Jean-Paul Belmondo, j'ignore si c'est vrai...

Derf Backderf, lui, a usé ses fonds de jeans sur les mêmes chaises de classe que Jeffrey Dahmer, un gentil garçon incompris, qui commis quelques crimes atroces qui lui valurent le coquet surnom de "cannibale de Milwaukee".

Dahmer, un ado presque comme tant d'autres, solitaire, un peu bizarre, déconnant volontiers en jouant les handicapés...

Pas pire qu'un autre à priori, pas dangereux.

Comme devaient paraitre ces ados américains qui, un beau matin arrivent au lycée avec des flingues et massacrent leurs profs et camarades de classe.

Dans le lycée de Backderf, il y avait d'ailleurs un autre "weirdo", un certain Figg, lui franchement inquiétant, à tel point que quand l'auteur apprend en 1991, que l'un de ses anciens compagnons de bahut est un tueur en série, Dahmer n'est que son second choix, il pense d'abord à Figg.

Dans ce roman graphique, Backderf raconte la lente descente d'un jeune homme vers la folie homicide.

Ce jeune Dahmer était d'une banalité apparente qui est sûrement ce qu'il y a de plus effrayant dans ce récit.

Dahmer, accusé de 17 meurtres est mort assassiné par un co-détenu en 1994.

Un nouvel album de Backderf est paru récemment en France ("Trashed").

Je ne sais pas ce qu'est devenu Figg...
Commenter  J’apprécie          374
Mon ami Dahmer

Qui peut se vanter d'avoir connu et côtoyé un futur tueur en série ? Eh bien, Derf Backderf, l-auteur et dessinateur de cet ouvrage, lui, le peut et bien qu'il ne s'en vante pas, il a longuement mûri le projet de coucher son expérience sur papier.



Cela se déroule dans une petit ville de l'Ohio où Derf se retrouve dans le même lycée que Jeffrey Dahmer, celui qui, à la fin de sa vie, comptabilisera dix-sept meurtres à son actif, sans oublier les atroces souffrances qu'il a fait subir à certains animaux, "curieux de voir ce qu'il y avait à l'intérieur". Jeff ou Dahmer comme on l'appelle alors à cette époque est un adolescent perturbé. Privé de l'amour de ces parents qui se disputent sans cesse, manipulé par ses camarades qui l'utilisent afin de se moquer de lui, Jeff est un peu "la tête de turc" de son lycée.

Humilié, mal-aimé, Jeff va donc se plonger dans l'alcool, seul remède qu'il trouve pour oublier qui il est et faire taire toutes les voix qui se bousculent dans sa tête.



L'auteur nous raconte ainsi l'adolescence de cet homme qui aller devenir une véritable bête humaine,mettant en branle-bat-de-combat tout l'état de l'Ohio. Si l'auteur a pu éprouver de la sympathie pour Jeff avant que celui-ci ne commette son premier meurtre, il en est tout autrement une fois que Jeff aura tué sa première victime. Il prévient ainsi ses lecteurs avec ces termes "Ayez de la pitié pour lui mais n'ayez aucune compassion."

Oui, de nombreux enfants ont probablement eu une enfance difficile, propre à celle de Dahmer, voire même pire parfois. Est-ce que cela a fait d'eux des tueurs en série pour autant ? Non...et heureusement d'ailleurs !



Enfin, je ne peux que vous recommander cette lecture avec ses dessins en noir et blancs (ce qui accentue un peu le drame de l'affaire à mon goût et aide le lecteur à se mettre dans l'ambiance), assez caricaturaux pour certains (là encore, cela accentue le mal-être du lecteur et c'est fait pour) et avec des notes biographiques très enrichissantes pour nous aider à comprendre qui était réellement Jeffrey Dahmer ! A découvrir !
Commenter  J’apprécie          360
Kent State : Quatre morts dans l'Ohio

De tous les titres de Derf Backderf parus en France, il n’y avait que « Kent State » qui me restait à lire. Alors que j’ai aimé toutes ses autres B.D, bizarrement celle-ci ne m’attirait pas. Je me suis finalement laissée tenter. Et j’ai bien fait, « Kent State » est une B.D très intéressante.



Avec « Kent State » Backderf propose une véritable enquête, fouillée, sourcée et documentée. Il s’intéresse ici aux événements survenus à l’Université de Kent State dans l’Ohio en 1970. En mai, une manifestation d’étudiants opposés à la guerre du Vietnam est violemment réprimée. Le bilan est lourd : 4 morts et de nombreux blessés. L’auteur s’attache à reconstituer minutieusement ces événements tragiques.

Un des aspects que j’aime le plus chez Backderf, c’est son humour. Dans ses autres titres, il parvient toujours à injecter une dose d’humour dans son récit. Ici, ce n’est absolument pas le cas. Aucune trace d’humour ne vient alléger le propos. C’est sans doute pour cette raison que j’ai moins aimé « Kent State » que les autres B.D de l’auteur.

Mais j’ai tout de même trouvé cette lecture passionnante et Backderf prouve qu’il excelle aussi dans ce registre purement documentaire.

Je craignais un peu que la B.D n’adopte un angle trop partisan. Ce n’est pas le cas, Backderf fait preuve de mesure et de finesse. Bien sûr, on sent bien qu’il partage plutôt le point de vue des étudiants mais la façon dont il dépeint les membres de la garde nationale est loin d’être caricaturale. Il les montre comme des hommes perdus, épuisés, terrorisés et surtout mal dirigés par des incompétents. Car ce sont bien les gradés et les autorités locales qui sont responsables de ce désastre. La complexité du contexte et des événements est très bien rendue.



Même si je préfère quand Backderf apporte une note d’humour, franche ou plus acide, à ses récits, je reconnais que dans le registre documentaire ce « Kent State » est vraiment très bon. C’est vraiment une lecture passionnante avec laquelle on a l’impression d’apprendre des choses. Derf Backderf est décidément un de mes auteurs de B.D favoris.

Commenter  J’apprécie          352
Trashed

L'auteur s'est inspiré de son expérience d'éboueur pendant un an, lorsqu'il était jeune, dans cette bande dessinée très détaillée, drôle et vraiment instructive.

Il nous montre l'envers du décor de cette profession souvent décriée, il nous fait partager son quotidien, entre la saleté omniprésente, les odeurs pestilentielles, les horaires infernaux, les conditions climatiques, que ce soit la chaleur accablante de l'été ou le froid mordant en hiver, les collègues un peu étranges, la hiérarchie et ses lubies, les passe-droits de certains, l'utilisation abusive des services municipaux pour le bon plaisir de certains élus, le total irrespect de quelques citoyens, les attaques fréquentes de chiens, et même les dégâts provoqués par les ratons-laveurs !

Il nous raconte le fonctionnement des décharges municipales, il nous explique comment s'effectue le ramassage des ordures et le tri, il nous montre l'évolution de notre façon de consommer, j'ai appris par exemple que c'est en Alaska qu'il y a les plus grandes décharges d'ordures.

Le sujet est original et m'a véritablement passionné, en plus, j'ai adoré les dessins qui sont bourrés de détails pertinents.

L'humour est bien présent tout au long du récit et donne un peu de légèreté au propos qui pourrait sembler un peu pessimiste pas ailleurs.
Commenter  J’apprécie          350
Trashed

Eboueur, 'agent de traitement des déchets' en politiquement correct des années 2000, 'jaillou' en vendéen des années 70.

Derf Backderf a exercé ce métier aux Etats-Unis entre 1979 et 1980. De même qu'il avait relaté dans un roman (autobio)graphique ses années de lycée avec le tristement célèbre tueur en série Jeffrey Dahmer, il raconte ici cette expérience professionnelle.

Comme il le précise en postface, le travail n'a guère changé en quarante ans, à part le tri sélectif. C'est un boulot ingrat, dur, salissant, où l'on se prend en pleine gueule (au sens littéral) tout le manque de respect dont peuvent être capables ses concitoyens : les ordures jetées sans sac, les sacs qui fuient, ceux dont le fond se rompt, les petits malins qui planquent leurs déchets verts ou toxiques au fond de la poubelle. Ceux qui déposent sans vergogne les encombrants sur le trottoir, etc. Et puis les chiens qui vous coursent, les intempéries, les exigences de m'sieur le maire qui veut rendre service à des copains, et tant pis si ça n'entre pas dans vos attributions...



Album très instructif, plein d'anecdotes intéressantes (les bouteilles pleines d'urine jetées par les camionneurs sur le bas-côté, par exemple, parce qu'ils n'ont pas le temps de s'arrêter).

Le dessin chargé et très carré façon Gotlib rend la lecture un peu fastidieuse sur la durée. D'autant qu'à l'image de ce boulot, l'histoire est assez répétitive - mais du fond de notre fauteuil, bien assis, sans les odeurs, c'est déjà beaucoup plus supportable qu'in situ...

L'exposé est en tout cas très complet, en particulier grâce à la postface où l'auteur ouvre le sujet : quid des ordures aujourd'hui, de leur gestion alors qu'elles croissent de manière exponentielle...



Quelques extraits :

■ « Imagine l'économie comme un immense tube digestif. Et nous on est là, devant le trou du cul du libéralisme, à nettoyer. »

■ « J'ai lu que des économistes se basent sur les ordures comme indicateur économique ! Plus il y en a sur le trottoir, plus l'économie est saine ! »

■ « Le principal poste d'exportation des USA vers la Chine, pour plus de 10 milliards de dollars par an, sont les déchets ! »

■ « Le liquide toxique produit par les déchets compressés se nomme le lixiviat. C'est un mélange de solvants, de produits chimiques ménagers, de vieilles peintures et de trucs bien pires (et souvent illégaux) qui se retrouvent dans les décharges. Tout ça suinte vers le bas, tout droit vers la nappe phréatique. Les décharges modernes se vantent d'être équipées d'un 'revêtement' conçu pour contenir cette mixture cancérigène. Ils sont particulièrement inefficaces. L'EPA a découvert en 1989 que TOUS les revêtements fuyaient. TOUS ! » [EPA : Environmental Protection Agency]

Commenter  J’apprécie          333
Mon ami Dahmer

Jeffrey Dahmer, je ne connaissais pas avant la lecture de cette BD. Un bien joli dysfonctionnement de la société me semble-t-il.

Une BD qui relate les années college et lycée de cet ado qui deviendra bientôt un tueur en série épouvantable. Cette BD est l'oeuvre de Derf Backderf et cela fait toute la différence car, outre le fait qu'il domine le trait de son crayon noir et blanc de manière incontestable, il a connu Dahmer pendant ces années. Son regard, n'excuse rien, mais questionne cette société où aucun adulte n'a voulu voir ce que les ado pressentaient...

Un livre marquant.
Commenter  J’apprécie          293
True stories

J'ai découvert Derf Backderf il y a quelques années avec son -excellent- roman graphique "Mon ami Dahmer".

"True stories" est une compilation de courts strips (rarement plus d'une page) publiés dans différents journaux durant 25 ans.



Les toutes premières pages (les plus anciennes vraisemblablement) sont à mon avis assez laides...Backderf devait se chercher et son style de l'époque pour être original n'est pas vraiment plaisant…



Heureusement, on retrouve vite le style qui l'a adopté pour ses romans graphiques, un graphisme assez "underground" (comprenez : éloigné des standards des comics des grands éditeurs)



"True stories", se sont donc des histoires vraies, des instantanés, des choses vues par Backderf, qui se met parfois en scène dans ses strips.



On le savait, l'Amérique est la terre de tous les excès, du XXXL, c'est bien ce que nous montre Backderf, et si certains personnages et certaines scènes sont typiques des Etats-Unis, d'autres sont universelles, comme celles qui concernent l'usage du téléphone portable.



J'ai trouvé que les scénettes, parfois cocasses ne sont pas toujours drôles et même parfois presque tragiques quand elles présentent la misère et la folie ordinaires.



Malgré quelques réserves, je pense que ce choix de "True Stories" est un témoignage très intéressant-et fort peu flatteur !- sur la société Nord-américaine.



Commenter  J’apprécie          280
Mon ami Dahmer

Derf Backderf aime nous présenter l'Amérique profonde, celle qui tend vers le glauque et le sordide. C'est ma deuxième lecture de cet auteur, j'ai découvert avant “Punk rock et mobile homes”. Mais ici le propos est bien plus sombre et glaçant. Dahmer est un tueur en série bien réel, que l'auteur, Derf Backderf a côtoyé au lycée. le graphisme est sombre, en noir et blanc, traité comme en gravure avec un trait épais, de silhouettes un peu difforme, juste ce qu'il faut pour mettre le lecteur mal à l'aise. L'histoire ne s'attarde pas sur les crimes commis par Dahmer, mais est surtout centré sur la période qui les a précédés, l'époque ou Dahmer se dé-sociabilise progressivement. Il n'y a pas de voyeurisme morbide dans ce récit, c'est une histoire de lycéens assez banale, avec ses exclus, ses personnages bizarres qui sortent du moule, les blagues potaches des uns et le mal être des autres. Ce qui est glaçant, c'est justement cette banalité, c'est une histoire de manque d'attention du monde des adultes sur le monde de l'adolescence, une histoire d'indifférence voire d'aveuglement volontaire. En fin de compte, cette lecture vraiment dérangeante et forte, justement parce que Derf Backderf n'essaie jamais d'entrer dans la tête de Dahmer, il reste à sa place, témoin d'une simple bizarrerie de la nature humaine, un témoin qui ne peut que constater les dégâts.
Commenter  J’apprécie          251
Punk rock & mobile homes

Il a suffi d’une petite poignée de B.D pour que Derf Backderf devienne un de mes auteurs de B.D préférés. Il faut dire que cet auteur a indéniablement un ton et un style personnels et il se montre souvent plus subtil que ce qu’on pourrait penser de prime abord. Backderf est capable d’être trash sans que ça ne sonne gratuit, et ça ce n’est pas donné à tout le monde. « Mon ami Dahmer » parvenait à éviter tout voyeurisme malsain sur un sujet pourtant propice aux débordements les plus craspecs. « Trashed » évoquait un problème majeur de notre époque tout en étant drôle. « Punk rock et mobile homes » confirme tout le bien que je pense de l’auteur. Ce récit initiatique à la sauce punk est jouissif.



Le récit est bien mené et s’avère finalement plutôt fin. Derrière l’humour bas de plafond (mais vraiment drôle) il y a une tonalité douce-amère, un regard plein de nostalgie sur un moment éphémère, sur cette parenthèse géniale qu’a été le mouvement punk. Les personnages sont très bien caractérisés. Impossible de ne pas s’attacher à Otto et ses potes. Je me suis marrée tout au long de ma lecture mais un rire teinté d’une pointe d’émotion. Il est fort ce Backderf !



Et puis une B.D qui évoque les Ramones, les Clash, les Plasmatics etc… tout en crachant sur Journey et le rock FM dégueulasse est forcément bien.

Commenter  J’apprécie          240
Mon ami Dahmer

Même sans avoir lu la préface, on sent immédiatement qu’on file droit vers l’horreur. Il sera en effet question de l'adolescence d’un serial killer, de plus en plus marginale, de plus en plus sombre, de plus en plus inquiétante.



Si l’on considère qu’une BD réussie est un album qu’on ne peut pas s’empêcher de lire d’une traite, alors c’est le cas.



► Mais :

- l’auteur se donne une place excessive dans l'histoire, déjà avec le titre « mon ami »… C’est en effet toujours spectaculaire et bêtement glorifiant d’avoir côtoyé une célébrité, fut-ce un criminel (la postface, où l'auteur détaille son travail d'écriture, a un peu nuancé cet avis)

- le graphisme est dérangeant dès les premières pages – ce qui colle avec le personnage, cela dit. La symétrie du dessin frappe et perturbe, non pas d’un point de vue esthétique, mais par le malaise qu’elle induit

- toujours côté graphisme : un trait carré qui me fait penser à Gotlieb, notamment à son Gai Luron qui m’effrayait enfant (publié à tort dans la série jeunesse des Pif)

- effet de manches lourds et malvenus dans ce contexte de la part de l’auteur, façon ‘Et c’est là que tout a basculé’ à plusieurs reprises, et caractères gras pléthoriques dans le texte pour appuyer des mots, des phrases

- quelques clichés comme : "Le lycée des années soixante-dix n'avait rien à voir avec l'institution d'aujourd'hui, qui pratique haute sécurité et tolérance zéro. Il n'y avait pas de caméras de surveillance, pas de fouilles. Les élèves fumaient de l'herbe dans les toilettes et descendaient des bières dans les vans sur les parkings" (p. 84). Je ne suis pas si optimiste : on repérerait aujourd'hui l'alcoolisme et la toxicomanie juvéniles, on y remédierait (pas en France, en tout cas), mais on ne verrait pas venir les massacres en série perpétrés par des élèves dans les établissements scolaires !? curieux !



► Ce que j’ai apprécié en revanche : c’est très glauque, sans ambiguité, mais l’auteur ne tombe pas dans le sensationnalisme. Le plus sordide ne sera que suggéré, pas montré.

Autre habileté de l'auteur : comme dans le roman-doc 'Avenue des géants' (Dugain), dont l’histoire est très proche, le tueur a beau être répugnant et effrayant, on s'y attache. Sa souffrance et ses tentatives pour ne pas obéir à ses pulsions sont bouleversantes.



[ Lu au coeur de la nuit, et ça, ce n'était vraiment pas une bonne idée ]
Commenter  J’apprécie          240




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Derf Backderf (1170)Voir plus

Quiz Voir plus

Peinture : Impressionnisme (4)

Considéré comme précurseur de la peinture moderne cet avant-gardiste admirateur de Velàzquez et Goya fit scandale avec deux tableaux mémorables, l'un exposé au Salon des refusés (1863) l'autre présenté au Salon officiel (1865). Très proche des impressionnistes qu'il soutient dans leur positionnement esthétique ainsi que matériellement mais soucieux de ne pas rompre avec le Salon officiel, il conserve une grande indépendance à leur égard et ne participe à aucune des expositions du groupe quand bien même il devient apparenté à l'une de ses membres en 1874, date de la première exposition impressionniste. Vous avez reconnu :

Gustave Courbet
Eugène Boudin
Camille Corot
Édouard Manet
Henri Fantin-Latour

1 questions
9 lecteurs ont répondu
Thèmes : peinture , histoire de l'art , impressionnismeCréer un quiz sur cet auteur

{* *}