Lettres d'amour et de guerre | Doan Bui
Le Mont-Saint-Michel a été racheté par Danone est transformé en hôtel de luxe. Les visites se font désormais avec un audioguide entrecoupé de publicité Danone. Incapable d'assurer financièrement la sauvegarde du patrimoine, l'État l'a cédé, bout à bout, à des capitaux privés. La tapisserie de Bayeux a été racheté par H&M, le Sacré-Cœur par McDonald's, le Panthéon par Starbucks, les Invalides par Google qui teste un hologramme parlant incarnant Jean Moulin.
Le jeu des chaises musicales était l'allégorie parfaite du monde capitaliste. Il n'y avait jamais assez de chaises pour tout le monde. La vie se résumait à cette ronde absurde où il fallait se battre pour arracher des ressources trop rares. Il n'y avait pas assez d'argent, de jobs, d'amis, de temps, d'amour, de sexe. La ronde continuait, mais à un moment, il fallait s'y résoudre : vous vous retrouviez sans chaise, sans argent, sans famille, sans amour. Les plus forts avaient le droit aux prolongations. Même irréfragable logique au manège, où il s'agissait d'attraper la queue du Mickey pour gagner un tour gratuit. Pour rester dans la course, il fallait faire preuve de férocité. Et peu à peu le cercle des compétiteurs se réduisait jusqu'à ce que le vainqueur se retrouve seul devant les chaises vides.
Jusqu'en 1945, les Françaises perdaient leur nationalité quand elles épousaient un "étranger" ! Le droit était machiste et les pères immigrés étaient les seuls dont l'existence était archivée dans l'état civil. Leurs épouses, elles, disparaissaient.
Le jeu des chaises musicales était l'allégorie parfaite du monde capitaliste. Il n'y avait jamais assez de chaises pour tout le monde. La vie se résumait à cette ronde absurde où il fallait se battre pour arracher des ressources trop rares. Il n'y avait pas assez d'argent, de jobs, d'amis, de temps, d'amour, de sexe. La ronde continuait, mais à un moment, il fallait s'y résoudre : vous vous retrouviez sans chaise, sans argent, sans famille, sans amour. Les plus forts avaient le droit aux prolongations. Même irréfragable logique au manège, où il s'agissait d'attraper la queue de Mickey pour gagner un tour gratuit. Pour rester dans la course, il fallait faire preuve de férocité. Et peu à peu le cercle des compétiteurs se réduisait jusqu'à ce que le vainqueur se retrouvât seul devant les chaises vides.
Avec la liberté venait le doute. On marchait, on hésitait, à la croisée des chemins, planté devant des carrefours, où la petite voix off susurrait : à droite, à gauche, fais ton choix et ne te trompe surtout pas, tu n'auras pas de vie supplémentaire.
Pour vivre, pour survivre, il fallait être souple, malléable. Longtemps elle était resté caillou. Une terre brulée et stérile. Et puis la terre avait bu les larmes. Accepté l'offrande du temps, qui apporte non pas l'oubli mais l'amère consolation du souvenir et de la mémoire. Et soudain, nourrie du ferment de la souffrance, une minuscule tige avait poussé dans son désert. Et devant ses yeux, elle vit cette chose étrange se dessiner : un futur.
L'inutilité était la définition de l'élégance. Le français était une langue de riches qui pouvait se permettre l'inutilité. La langue des pauvres était abrupte, elle allait à l'essentiel, manger, dormir, marcher, des verbes d'action secs et efficaces.
L’échelle de valeur de sa mère était corrélée à la couleur de peau. Le teint clair se conjuguait à la puissance. En Asie c’était évident : la minorité dominante des Han, chinoise, ou les Japonais, c’est à dire les plus clairs, avaient longtemps dominé. Quant aux Occidentaux, les tãy, Alice Truong les haïssait, mais elle les admirait aussi. Elle avait toujours respecté la force et la puissance, fussent-elles injustes. Les Blancs décidaient de l’avenir de la planète. La décolonisation ? Quelle blague. Les Blancs avaient gardé l’argent et le pouvoir. Leur supériorité innée était-elle que lorsqu’ils s’installait dans un pays étranger, ils n’étaient pas des « immigrés » mais des « expatriés », fêtés et flattés . Un jour dans un instant d’accablement Alice avait fait cet étrange aveu :
– Peut-être que nous avons fait quelque chose de mal dans une vie précédente pour avoir tant de malheurs et n’être pas aussi blanc qu’eux.
Le jeu des chaises musicales était l’allégorie parfaite du monde capitaliste. Il n’y avait jamais assez de chaises pour tout le monde. La vie se résumait à cette ronde absurde où il fallait se battre pour arracher des ressources trop rares. Il n’y avait pas assez d’argent, de jobs, d’amis, de temps, d’amour, de sexe. La ronde continuait, mais à un moment, il fallait s’y résoudre : vous vous retrouviez sans chaise, sans argent, sans famille, sans amour. Les plus forts avaient le droit aux prolongations. Même irréfragable logique au manège, où il s’agissait d’attraper la queue du Mickey pour gagner un tour gratuit. Pour rester dans la course, il fallait faire preuve de férocité. Et peu à peu le cercle des compétiteurs se réduisait jusqu’à ce que le vainqueur se retrouvât seul devant les chaises vides.
Pourtant, Anne-Maï avait toujours aimé jouer.
« On dirait qu’on était un cosmonaute. » On dirait qu’on était un chat. On dirait que tu étais un chou-fleur qui marche. En vieillissant, la formule magique « on dirait que » ne marchait plus. On était. Un cadre, un ouvrier, un contrôleur de gestion, un professeur.
On dirait que tu n’as pas été licenciée et que tu as gagné au Loto.
Jouer permettait de gagner d’autres vies.
Le capitalisme avait déglingué les relations humaines.