Edwige Antier

Tout à coup, le médecin sourit.

La gestation en est assez longue ; je le publie en 1984, sous un titre un brin provocateur : Mémoires d'un nouveau-né. "Mémoires" car mon petit héros narrateur n'est pas tout neuf. Il est arrivé en notre bas monde, expliqué-je , doté d'une vie antérieure à sa naissance, d'un passé qui lui a déjà constitué une personnalité. Il se raconte à la première personne , je réagis à ses propos, en faisant entendre ma parole de pédiatre.

Mon meilleur ennemi est mon confrère Aldo Naouri. Nous avons déjà abordé ensemble le sujet dans un livre à deux voix. Faut-il être sévère avec nos enfants ?
Lorsque je dépose ma proposition de loi, sa position est la suivante : bien que formellement opposé aux"châtiments corporels", il refuse violemment toute loi.

Il faut cesser de convertir les pères en pères maternants. Cette tendance actuelle est tout à fait ridicule et dérisoire. Le rôle du père est de protéger la mère, la valoriser en tant que mère et en tant que femme. Il faut que chacun ait sa place. Pour l'enfant le meilleur des papas est celui qui aime et qui protège...maman!

L'autorité permet à l'enfant de se confronter aux pulsions qui le traversent, d'accepter de renoncer à un plaisir immédiat, pour obtenir plus tard un plaisir supérieur, celui de la force de la relation qu'il instaure avec son parent.

Il faut que les parents cessent de penser qu'on va leur donner un monde complètement sécurisé de sorte qu'ils seront dispensés de surveiller leurs enfants.

Le plus grand nombre d'enfants à problèmes ne se trouve ni chez les très riches, ni chez les très pauvres, mais dans la classe moyenne, celle qui est passée de la société de pénurie à la société d'abondance, qui a souscrit au message de la démocratie totale entre parents et enfant, qui substitue la relation horizontale à la relation verticale.

Dans le monde imaginaire des mamans est inscrit le souvenir des grands-mères coercitives essayant de dresser de tout jeunes enfants se tenant à peine assis à faire dans le pot.
Les parents d'aujourd'hui ont bien juré qu'on ne les y reprendrait plus, attentifs qu'ils sont à l'épanouissement de leur enfant et au respect de sa maturité.

Prenons l'exemple des députés qui ont signé le manifeste intitulé "entente parlementaire" contre l'homoparentalité. Lors d'une émission télévisée en décembre 2006, l'un des initiateurs de la pétition est interpellé par Eric Garnier, le président de l'APGL. Celui ci lui montre quelques-unes des plus récents ouvrages scientifiques publiés sur l'homoparentalité et lui demande s'il les a lus. Bien embarrassé, le député avoue que non il n'en n'a lu aucun.

L'ignorance et l'intolérance sont préjudiciables aux enfants élevés par des homosexuels. Le respect à l'égard de leur famille est indispensable pour qu'ils puissent se développer dans l'estime de soi.

Construire un enfant est un honneur, c'est une énorme responsabilité, car le socle que vous lui aurez donné le portera pour les cent ans que cette génération aura à vivre.

Pour votre enfant aux racines affectives bien nourries, à la sexualité infantile respectée, accéder au savoir est la condition même de l'épanouissement. A l'inverse, se rendrecompte qu'il apprend moins vite- et les enfantd ont une grande lucidité sur leur compétences- et vous voir déçu par ses résultats est la plus grande des blessures.

Vous faire comprendre, à vous, les hommes, les douleurs intimes que subissent les femmes plus que jamais, à notre époque, devrait vous donner conscience du rôle qui est le vôtre : protéger celles qui font vos enfants, qui les instruisent, qui les conduisent sur le chemin de la vie, est la plus noble des missions.

N'attendez pas d'elles qu'elles fassent votre place d'homme et de père, assumez votre rôle.

Protégez-vous ! Devenez malignes, comme vos grands-mères étaient bien obligées de l'être.

Bien sûr, vous devez faire des études qui vous donnent un métier et vous fassent respecter ; et surveillez celles de vos filles.

Bien sûr, vous devez choisir un homme qui vous mérite, sans attendre cependant des années, car comme il changera peut-être, vous ne pourrez jamais être vraiment sûres d'avoir fait le bon choix.

Mais alors, quand vous vous lierez, vous veillerez à vous sécuriser financièrement. Puisque vous lui donnerez votre capital (vos années de beauté), vous devez être en sécurité matérielle (...) ; vous établirez un contrat de mariage qui vous protégera en cas de séparation ; vous travaillerez pour toujours garder un pied dans la vie professionnelle.

Et si vous acceptez un temps partiel pour donner votre attention à vos (et ses) enfants, vous organiserez avec le père et le banquier une compensation qui vous permette d'avoir une sécurité financière et une retraite égale ; vous aurez votre propre compte en banque, que vous gérerez vous-même, vous aurez des rendez-vous réguliers avec votre banquier, même si vous gagnez peu.

Vous saurez refuser des actes sexuels qui ne vous donnent pas de plaisir.

Et si vous découvrez qu'il vous trompe, ne vous emballez pas. (...)
Vous prendrez sans mot dire le conseil d'un avocat. (...)

N'ayez pas peur de la vieillesse, les femmes savent mieux la gérer que les hommes. Ne perdez jamais le lien avec vos enfants qui deviennent adultes, donnez du temps à vos petits-enfants et ne vous coupez jamais de votre cercle d'amis.
La vie des femmes est bien remplie, ce qui vous garde plus toniques que les hommes.

Vous êtes précieuses, sachez vous protéger.

J'ai voulu témoigner des pressions multiples subies par les femmes.

Oui, elles ont gagné le droit de vote, la maîtrise de la procréation, l'accès à la plupart des professions, des places emblématiques en politique, la transmission de leur nom à côté de celui du père.

Mais à quel prix ! Elles font tout.
Elles s'échinent à mener de pair des vies multiples, professionnelle, maternelle, féminine ; mais elles manquent de sommeil, de temps, pour penser leurs vies. Ce surmenage les épuise ; prises dans les mille urgences d'une vie quotidienne emplie de responsabilités vitales, elles sont fragilisées.

Je le dis aux jeunes filles : faites vos études, gagnez votre vie, ne vous dirigez pas vers un métier "qui vous plaît" quand eux se dirigent vers un métier "qui rapporte".
Vous pouvez concilier métier passionnant et liberté financière.
Et vous vous ferez d'autant plus respecter.
On a tellement élevé les filles hors des filières scientifiques, et donc économiquement porteuses, alors qu'elles sont meilleures élèves et seront meilleures gestionnaires que les garçons.

Au clair avec la sécurité éprouvée quant à ce que vivaient mes enfants en même temps que je travaillais, j'étais plus disponible pour me concentrer sur mon travail.
J'encourage donc tous les employeurs à créer des lieux de garde près de leur entreprise pour que les parents puissent vivre dans la sérénité.
Une touche de tendresse ne fait absolument pas de mal à une atmosphère professionnelle !

Même lorsqu'elles ont pu bénéficier d'une garde professionnelle, les mères Courage partiront le cœur lourd de se séparer - huit heures de travail, l'heure de déjeuner, et le temps de transport ..., soit dix heures d'absence, une éternité pour un bébé !

(...) "Les femmes ont toujours travaillé plus que les hommes", disait Claude Lévi-Strauss lors d'une conférence à laquelle j'assistais en 1990 à l'Assemblée Nationale. Il faisait remarquer qu'avant la société industrielle elles transportaient leur enfant sur leur lieu de travail, qu'elles aillent dans les champs, qu'elles tissent sur le métier, qu'elles s'accroupissent au marché, le couffin à côté des paniers.
C'est l'avènement du travail en usine et en bureau qui a obligé les femmes à se séparer de leur enfant. Il est donc légitime de rapprocher maintenant le lieu de garde de ces structures. (...)
Oui, la crèche d'entreprise, en ce qu'elle rapproche le bébé de sa mère ou fait réellement participer le père, est un véritable baume sur le cœur des mères Courage.

La vraie parité passe par les études. Quand les filles, à notes égales, se dirigeront autant que les garçons vers les disciplines leur donnant la liberté et la dignité, lorsque l'on en verra autant dans les filières financières que dans les filières littéraires, alors, oui, elles deviendront des femmes respectées.
Mais, aujourd'hui encore, les parents sont complaisants à les laisser s'orienter vers des études sans débouchés sérieux, beaucoup plus complaisants que pour leurs garçons.

Astuces d'une mère qui tient à sa liberté

Formez-vous, poussez vos filles à faire des études comme vos garçons.
Trouvez toutes les astuces : travail à temps partiel, travail depuis chez vous, télétravail ... Si vous n'êtes pas en profession libérale, montez votre entreprise, travaillez pour vous plutôt que pour les autres si l'on ne vous donne pas assez de souplesse dans votre temps.

Mais ne lâchez ni votre profession ni vos enfants.

Leur temps de développement est court (vingt ans), vous avez au moins cinquante ans de vie adulte et bien le temps d'en "profiter" dans le sens épicurien du terme. La plus grande réussite et la plus grande joie, c'est de voir vos enfants quitter le nid avec tout leur potentiel.