Elisa Sebbel nous offre un récit poignant, criant de vérité basée sur des faits historiques avérés, capable de chambouler, de faire pleurer et sourire. L’angoisse est au rendez-vous autant que l’appréciation de petites scènes simples, mais synonymes de tant d’allégresse pour ses personnages.
Avant toute chose, avant même votre lecture, je (oui « je ») vous conseille de jeter un œil à la bibliographie et galerie disponible à la fin de l’ouvrage. J’ai regretté de ne pas l’avoir fait avant, malgré les guidances d’Elisa dans son prologue. Cela m’aurait permis une meilleure immersion et des supports à mon imaginaire, sans compter que c’est une grande richesse. Quittons à présent le « je » …
Elisa Sebbel parvient à dépeindre la vie après l’arrivée de tous ces soldats, marins, officiers et vivandières sur cette île de Cabréra avec une dureté curieusement tendre. C’est là tout le talent que l’on peut souligner : une qualité d’écriture indéniable au service d’une poésie relatant des conditions inhumaines, intolérables à nos jours – et pourtant encore si vraies, quelque part dans ce monde – avec finesse, passion, investissement. L’éloquence littéraire est si agréable, si accessible à la fois si soignée et soutenue ! Cette poésie dans les mots correspond bien au caractère d’Héloïse qui tente de se raccrocher au moindre bonheur, au moindre rayon de lumière à travers un ciel obscurci.
Son travail de recherches est digne de respect, sans compter que l’autrice réussit à nous inculquer de l’Histoire, des anecdotes, des mœurs avec une pédagogie au récit romancé avec classe. Peu de longueurs, jamais une page sans intérêt. Tout y est.
Quant aux personnages, ils sont humains dans leur déshumanisation.
C’est bouleversant, aidé par les backgrounds travaillés que leur confère Elisa. Aucun de ceux qui sont mis en avant ne sont laissé pour compte, et ont chacun leur propre passif et devenir, caractère, profondeur. Il est possible de s’identifier à au moins un protagoniste.
Elisa ne nous présente pas non plus une simple narration traitant de l’internement sur Cabréra. Elle soulève des interrogations, des morales (ou des immoralités) sur lesquelles nous pouvons nous poser et réfléchir. Qu’aurions-nous fait, nous ? Aurions-nous abandonné ? Nous serions-nous raccrochés à la vie ? Dans cette situation-là, quelle aurait été mon alternative ?
Si nous commettons un tel acte, sommes-nous bons… ou mauvais ?
Pouvons-nous parler de manichéisme lorsqu’il est question de survie ?
À côté de cela, madame Sebbel met en lumière la condition féminine à cette époque, exacerbée par le mode de vie sur ce fameux rocher. Des situations qui nous soulèvent le cœur, contractent l’estomac, nous fait grimacer… et d’autres qui nous rassurent, nous font soupirer de soulagement.
Difficile de ne pas verser une petite larmichette à défaut de sangloter à la lecture de certains passages. Les émotions sont vivaces, limpides.
En réalité, Elisa Sebbel a réussi un coup de maître : son roman n’est pas un témoignage ou une fiction basée sur des faits historiques, un pan de notre Histoire oublié. C’est l’Humain que l’on découvre au travers de ses pages.
Et ça, c’est beau.
Tout est bien dosé, pas de pathos inutile. La romance ne prend pas le pas sur le reste et est agréable, loin d’être niaiseuse. Les relations et explications un peu plus poussées, narration romancée, sont équilibrées.
Elisa Sebbel est une orfèvre. Ce livre est un somptueux bijou avec pour écrin une superbe écriture.
Bravo pour toutes ces recherches. Ce travail faramineux.
Bravo pour cette scénarisation au service de l’Histoire sans la dénaturer.
Bravo à l’autrice.
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