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Critiques de Elliot Perlman (109)
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La mémoire est une chienne indocile

Mon Dieu, quel grand roman !

Un jeune afro américain qui sort de prison, un historien en pleine perdition professionnelle et privée, un vieux monsieur atteint d'un cancer en phase terminale, rescapé des camps nazis, une oncologue petite fille d'un héros de couleur de l'armée américaine. Une radiographie d'un vingtième siècle témoin de la folie des hommes, Elliot Perlman nous donne un extraordinaire roman ou les petites histoires se heurtent à la grande dans toute sa barbarie et sa brutalité. Passant d'une époque à une autre, d'une histoire à une autre, l'édifice se construit avec une puissance narrative qui à de quoi vous laisser sans voix. Cette mémoire qu'on se doit de perpétuer coute que coute, car comme le hurle l'une des martyres de Auschwitz « Dites à tout le monde, ce qui s'est passé ici, dites à tout le monde ce qui s'est passé ici, dites à tout le monde ... ».

Universel et bouleversant.
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La mémoire est une chienne indocile

Comment aborder le racisme et l'anti sémitisme ? soit par la littérature où par le témoignage oral. Lamont Williams jeune délinquant en liberté conditionnelle va rencontrer un vieux monsieur dans l'hôpital où il travaille; monsieur Mandelbrot est un survivant de la Shoah. Tous les jours après son travail Lamont écoute le vieux monsieur raconter ce que fût sa vie à Auschwitz.

Dans un autre endroit de New-York Adam Zignelink, professeur d'histoire à l'université de Columbia voit sa vie sentimentale et professionnelle bouleversée. Il est le fils du célèbre avocat Jake Zignelink défenseur des droits civiques dans les années soixante.

Elliot Perlman aborde dans son roman " La mémoire est une chienne indocile" le devoir de mémoire, non seulement la monstruosité nazi mais aussi le racisme des afro-américains. Quel grand livre !!

Ce récit est une mine d'information, une enquête sur un pan de l'histoire que l'on ne peut oublier et que l'on ne doit pas oublier. J'en ai lu des reportages sur la Shoah et sur la ségrégation raciale, je ne m'habituerai jamais à cette banalisation du mal cher à Hannah Arendt.

Pour en revenir au roman j'ai adoré la façon qu'a l'auteur de nous faire participer aux recherches d'Adam à travers des vieux enregistrements d'époques. " La mémoire est une chienne indocile" est un magnifique roman choral. Un aller retour dans le passé et le présent .

" Dites à tout le monde ce qu'il se passe ici " c'est le cri de désespoir d'une détenue face à ses bourreaux.

Comment aborder le racisme et l'antisémitisme ?

" La mémoire est une chienne indocile. Elle ne se laissera ni convoquer ni révoquer, mais ne peut survivre sans vous ".

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Et si le cheval se mettait à parler

Stephen Maserov travaille dans un gros cabinet d’avocats dans lequel les membres du personnel qui ne sont pas associés se laissent exploiter dans l’espoir de le devenir un jour. En deuxième année dans ce cabinet, Stephen est sur la sellette car le principal associé, Hamilton, l’a pris en grippe. Stephen élabore un stratagème pour conserver son emploi en se faisant détacher auprès du plus gros client du cabinet, accusé de harcèlement sexuel. ● J’avais beaucoup aimé Ambiguïtés, mais je dois dire que ce nouvel opus m’a déçu. ● On y retrouve des qualités de style, une écriture bien particulière et originale, qui, sous une apparente simplicité, cache un riche sous-texte. ● Le roman décline avec un humour subtil et pince-sans-rire la thématique à la mode des relations femmes-hommes, que ce soit à l’intérieur d’un mariage, dans une relation extra-conjugale, dans une amitié, ou dans le monde de l’entreprise, qu’Elliot Perlman connaît bien puisqu’il est lui-même avocat. ● Mais le roman est décidément trop long ; beaucoup de passages font du sur-place ; le rythme est languissant.
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La mémoire est une chienne indocile

Par quel chemin tortueux le panel de personnages issu de l’imagination d’Elliot Perlman pourra t-il se rencontrer? Il faudra pour le savoir parcourir les quasi 600 pages de ce roman fleuve si dense. Ce sera loin d’être un pensum, car l’auteur sait nous les faire aimer :



Lamont, qui compte bien se racheter pour pouvoir partir à la recherche de sa fille, pas revue depuis qu’une bévue matinée de racisme ordinaire l’a confiné derrière les barreaux

Adam, fils de Jake, professeur d’histoire, que la prestigieuse université de Columbia risque bien d’éjecter, car il ne suffit pas d’être un bon pédagogue pour être admis ad vitam aeternam dans ces temps du savoir : il faut publier! Et Adam n’a pas l’ombre d’une idée de sujet digne de ce nom

La famille McCray, Sonia, Michelle et Charles, trop lisses pour être heureux

et bien d’autres personnages qui n’ont de secondaires que le temps d’apparition qui leur est imparti



Sur ce noyau dur, se grefferont des personnages cruciaux, appartenant au passé ou riche d’une mémoire accablante, artisans de la future rencontre, celle que l’on attend patiemment.



Derrière le décor planté, se dévoile peu à peu l’indicible, et qui pourtant doit être dit. C’est le leitmotiv d’un mourant et c’est celui de l’auteur : il faut que l’on sache ce qui s’est passé là-bas. Et là-bas, c’est Auschwitz. C’est la funeste destination de millions des déportés, durant la guerre qui a endeuillé le coeur du vingtième siècle. L’évocation de cette période est quasi-insoutenable, même si l’on sait, si on a vu Nuit et brouillard ou lu les nombreux récits qui relatent l’horreur. Mais il faut que l’on sache. Que le temps qui passe n’affadisse pas le crime.



En filigrane, est évoqué une autre facette de la haine, et si les législateurs ont érigé sur le papier une égalité de bon aloi, le problème du racisme envers les populations autrefois accueillies à bras ouvert avec un statut équivalent à celui d’un animal, corvéable à merci, est loin d’être résolu dans les faits en ce début de vingt et unième siècle.



La littérature se mêle à l’histoire pour faire de ces témoignages un ingrédient romanesque et les personnages sont impliqués à des degrés divers dans le propos. L’ensemble est habilement construit. L’empathie succède à l’horreur.



Impossible de rester indifférente à ce récit, qui m’a bouleversée et n’est pas prêt de sortir de ma mémoire, chienne indocile ou pas



Merci à JOE5 de m’avoir suggéré cette lecture.
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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La mémoire est une chienne indocile

Le livre débute avec l’entrée en scène de Lamond, qui vient de sortir de prison : il a été condamné parce qu’il conduisait la voiture dans laquelle avaient pris place deux de ces amis qui on décidé de faire un vol à mains armées. Il n’y est pour rien mais il les a amenés, il a attendu dans la voiture et comme il est noir, il est forcément coupable, alors qu’il a toujours été un jeune sans problème, père d’une petite fille de 2 ans. Même son avocat ne l’a pas cru !!! Au début de l’histoire Lamond vient de sortir de prison et il a 6 mois de réadaptation à faire comme homme de ménage dans un hôpital.

En parallèle, on découvre Adam Zegnelik, historien à l’université, où il est en train de perdre son poste car, il n’a pas assez fait de publication. Petit-fils d'exilés juifs - ses grands-parents ont fui les pogroms -, cet intellectuel "épris de justice" aborde la quarantaine en se posant des questions existentielles, sur fond de dépression. C’est un homme peu sûr de lui, car il a vécu toute sa vie à l’ombre d’un père, célèbre avocat connu pour son militantisme pour la défense des droits civiques des noirs et la lutte contre la ségrégation avec l’épisode très dur du lynchage d’une jeune fille noire acceptée avec 8 autres dans un lycée jusque là réservé aux blancs. Sentant sa carrière lui échapper, Adam rompt sa relation avec la femme de sa vie Diana.

Le titulaire de la chaire d’Histoire à l’université est Charles, un ami de longue date d’Adam mais qui se battra peu pour que son ami puisse garder sa place. Le père de Charles, William va par contre jouer un rôle important en suggérant un sujet d’étude à Adam : prouver que des soldats Noirs ont fait partie des soldats américains qui ont ouvert les portes d’Auschwitz.

Nos deux héros, Lamond et Adam ont en fait quelque chose en commun : dès le premier jour de son travail a l’hôpital Lamond fait la connaissance de Henrik Mandelbaum, atteint d’un cancer et qui va se lier d’amitié avec lui et lui raconter sa vie en Pologne puis son internement à Auschwitz où il va être embauché dans le Sonderkommandos dont les membres étaient donc des déportés choisis en fonction de leur force physique, dont le rôle était de faire procéder au déshabillage , puis, après leur mort, à la crémation des cadavres des populations sélectionnées dès la sortie des trains à leur arrivée au camp.

De son côté Adam va essayer de trouver des témoins da la présence de soldats noirs à la libération des camps et il va mettre à jour des témoignages recueillis par le Pr Border, psychologue : il est allé en 1946 en registrer avec un appareil rudimentaire des témoignages de rescapés des camps en vue de faire un travail sur leur mode d’expression verbale (le quotient adjectif-verbe) il en publiera quelques uns dans un livre « je n’ai pas interrogé les morts ».

Le livre va donc évolué à l’heure actuelle avec le destin de Lamond et celui d’Adam, avec des retours en arrière, entre 1942 et 1945 où l’auteur décrit ce qui se passe dans les camps, par les récits d’Henrik, des passages par les années 60 avec les passages à tabac de Noirs car la ségrégation bat son plein, les années après-guerre avec les travaux de Border et son histoire personnelle qui joue un rôle important dans le livre : sa fille Elise, Callie la jeune femme noire qui entretient la maison et son fils (qui a vu son père se faire battre à mort sous ses yeux pour avoir osé monter dans un tram réservé aux blancs)

En fait, tous les héros vont se retrouver liés entre eux dans une magnifique histoire que je vous laisse découvrir.









Ce que j’en pense :



C’est le premier roman d’Elliott Perlman que je lis et encore une fois je suis sous le choc. Ces derniers temps j’ai lus des livres que j’avais longtemps attendus mais que j’ai tous aimés. Celui-ci est hors catégories.

L’auteur nous emmène de Cracovie à Auschwitz, en passant par Varsovie et son ghetto, de New-York à Chicago, avec un retour aux sources par Melbourne et en même temps on voyage dans le temps : 1942-45, les années soixante, l’époque actuelle, et les ghettos modernes.

En effet, c’est une belle réflexion sur la mémoire, la transmission sous toutes les formes possibles.

La mémoire orale : le récit de sa vie que fait un vieil homme rescapé d’Auschwitz à Lamond, jeune homme noir passé par la case prison, pour que personne n’oublie ce qui s’est passé dans les camps, le commando on utilisait des prisonniers juifs en forme pour sortir les corps gazés pour les emmener dans les fours crématoires, (ou des fosses quand le temps pressait) et aussi pour les accompagner aux chambres à gaz par rangs de 5, les femmes d’abord)

Aussi pour parler de son enfance en Pologne, toute trace de sa famille ayant disparu. Il tient lui aussi à laisser son témoignage et il a l’impression que ses descendants ne s’intéressent pas à ce qui lui est arrivé.

La mémoire orale aussi par les enregistrements effectués en 1946 par le Dr Border et le système qu’il a fallu imaginer pour enregistrer à cette époque.

La mémoire écrite avec les notes manuscrites du Dr Border qu’Alan découvre dans un carton au fond de la bibliothèque de Chicago (le livre qu’il en a tiré)

La mémoire olfactive, avec les chairs brûlées, les odeurs qui règnent dans le camp. La mémoire auditive (le slogan publicitaire qui trotte dans la tête de Lamond aussi bien que les hurlements Nazis.

En parallèle de la mémoire en tant que telle, l’évocation du racisme : antisémitisme, mais aussi haine raciale aux USA, avec le lynchage de la jeune fille noire admise dans un lycée en 1957, les luttes pour la reconnaissance des droits civiques des Noirs…

La mémoire partiale : on envoie des Noirs en première ligne parmi les soldats mais on ne se rappelle pas qu’ils ont participé à la libération des camps. On leur a rayé cette reconnaissance purement et simplement.

On a donc une étude de la mémoire collective mais aussi de la mémoire individuelle à travers l’histoire de chacun des héros. Leurs difficultés à assumer : pas facile d’être le fils d’un défenseur des droits civiques illustres alors qu’on est historien universitaire certes mais qui ne publie rien et se retrouve privé de son poste, et qui préfère mettre fin à son couple plutôt que ne pas être à la hauteur.

L’amitié aussi est étudiée dans ce livre : celle qui unit Adam et Charles, Adam et William (le père de Charles qui suggère ce thème de travail) celle aussi qui unit Lamond a ses anciens copains (à cause d’eux il fait de la prison alors qu’il n’a rien fait, sauf conduire une voiture mais personne ne l’écoute même pas son avocat car il est Noir. L’amitié entre Lamond et le vieil homme, la complicité qui s’installe entre eux : ces deux là se sont reconnus, et respectés d’emblée (cf. les efforts de Lamond pour se rappeler ces noms qu’il n’a jamais entendus avant : il s’est engagé à le faire pour témoigner au nom du vieil homme mais c’est difficile alors il répète toutes les nuits ces mots, ces noms à consonance étrangère)

L’amour n’est pas en reste dans ce livre : Adam qui met fin à sa relation avec Diane contre sa propre volonté et celle de la jeune femme car ils s’aiment mais il doute trop de lui-même pour construire un couple, du moins c’est ce qu’il croît.

L’amour du Dr Border pour sa femme Rosa et toutes les conséquences que sa jalousie va avoir nous touche comme l’amour qu’il éprouve pour sa fille. Ce professeur est inspiré d’un personnage ayant existé (comme beaucoup d’autres ainsi que l’auteur l’explique dans la postface et ses travaux aussi : il est un précurseur car son coefficient adjectif-verbe est un balbutiement de ce qu’on baptisera plus tard : le syndrome de stress post traumatique.

Il y a les héros tels Rosa, Noah qui refusent de plier dans les camps et se battront jusqu’au bout, en mettant en place un mouvement de résistance. L’auteur nous parle très bien de l’importance de prendre des notes tous les jours dans les camps pour raconter ce qu’il s’y passe, laisser des preuves qu’ils enterreront pour qu’un jour on les trouve et qu’on sache ce qui s’est passé.

Elliott Perlman vous démontre à merveille l’interaction entre les histoires personnelles des héros et la grande Histoire, comment des êtres si différents peuvent se rencontrer et écrire un morceau de l’histoire ensemble. Et aussi, les conséquences dramatiques que peuvent avoir nos actes sans que nous l’ayons réellement voulu, du moins pas à un tel niveau.

Il nous montre aussi que chacun détient une part de la vérité donc de la mémoire collective, et que chacune de ces parts réunies permettront de reformer le puzzle. Et on retrouve, cette loi de causalité qui fait qu’un événement minuscule qui se produit à un endroit de globe va entraîner des réactions en chaîne et lourde de conséquences.

C’est un livre qui ne s’avale pas d’un trait, car on est submergé par la somme des informations qu’il faut intégrer peu à peu afin d’apprécier la qualité du travail de recherche qu’a effectué l’auteur et par les émotions que l’on ressent tout au long de cette lecture. Certains évènements, certains récits sont durs, même si on connaît bien cette période et l’idée de mettre en parallèle l’antisémitisme l’extermination des Juifs et tout ce qu’ont subi les Noirs est remarquable.

Un très beau livre, bien écrit, car on n’est jamais dans le pathos, l’auteur reste au plus près de la réalité même quand il évoque les pires atrocités, ou les émotions plus ou moins dissimulées des héros, leurs forces et leurs faiblesses. On se sent proche de chacun d’eux, sans envie de les juger.

Je pense que ce sera mon coup de cœur de l’année 2014. Et je vais essayer de lire « Ambigüités » son précédent roman qui a été encensé par la critique aussi. J’espère vous avoir convaincus que c’est une pépite à lire absolument. Promis, vous ne serez pas déçus.



Note : 9+/10 car j’ai dû me résoudre à en mettre une mais il est hors catégorie pour moi.


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La mémoire est une chienne indocile

Je ne sais plus qui m’a conseillé ce livre publié en 2013 ; s’il me lit, qu’il sache que je lui rends grâce. Ce roman exceptionnel m’a embarqué pour un voyage inattendu et époustouflant dans le vingtième siècle, entre l’Amérique et l’Europe, sans oublier un court détour par l’Australie. Son titre en français, La mémoire est une chienne indocile, est à lui seul un sujet qui interpelle, d’autant plus qu’il n’a rien à voir avec le titre d’origine, The street sweeper, autrement dit, le balayeur.



L’auteur, Elliot Perlman, n’est pas un poète. Dans les six cent pages de son livre, nulle envolée lyrique, quasiment pas de représentation de paysage, de description de décor, ni de portrait – on ne sait même pas à quoi ressemblent les personnages ! Cet Australien, issu d’une famille juive d’Europe Centrale, est avocat de profession. Son livre, un roman-témoignage d’envergure magistrale, met en perspective racisme et antisémitisme, se déploie sur la lutte contre les droits civiques aux Etats-Unis, pour conduire à la Shoah en Pologne.



Deux histoires cheminent en même temps dans la même Histoire.



Dans un hôpital de New York où il est traité pour un cancer en phase terminale, un homme très âgé, juif, rescapé d’Auschwitz, Henry (Henryk) Mandelbrot, livre ses souvenirs à un Afro-américain du Bronx, Lamont Williams, un homme mis à l’épreuve dans un poste de balayeur (street sweeper !) à l’issue d’une lourde peine pénale pour… disons, naïveté et mauvaises fréquentations. Le traitement des Juifs par les nazis et sa gradation année après année est une découverte pour Lamont, qui en retiendra tous les détails : les ghettos, les camps de concentration, les camps de la mort, Auschwitz, le rôle de Mandelbrot au sein du sonderkommando, ce qu’il a pu voir à l’intérieur des chambres à gaz... Des images... terrifiantes, horrifiantes ? Aucun mot ne peut convenir, les hommes n’ayant pas prévu d’en concevoir un pour qualifier de telles choses.



Dans le même temps, un autre Juif ashkénaze, Adam Zignelik, professeur d’histoire à Columbia, très investi dans le Mouvement des droits civiques, est à la recherche d’éléments attestant l’engagement d’un bataillon de combattants afro-américains dans la libération du camp de concentration de Dachau. L’enquête bifurque et conduit Adam à approfondir les travaux d’un professeur de psychologie de Chicago nommé Border, qui s’était rendu en Europe dans l’immédiat après-guerre, et avait enregistré des témoignages de Juifs faisant partie de ce qu’on appelait alors des « personnes déplacées ».



Question : à une époque où l’on n’avait pas encore pris conscience de l’ampleur de la « solution finale » mise en œuvre par les Nazis, pourquoi le professeur Border avait-il choisi d’orienter son étude sur les seuls Juifs ? Et surtout, pourquoi, plus tard, avait-il tout fait pour dissimuler l’un des enregistrements ?



C’est là que le roman reprend ses droits. Au fil des chapitres, autour de Lamont, Adam, Mandelbrot et Border, chacun traversé par ses peines et ses remords, animé par ses convictions et ses projets, parfois saisi par des souvenirs inattendus – indocile mémoire ! –, viennent se greffer de nombreux personnages, des femmes et des hommes comptant ou ayant compté dans leur quotidien. L’ouvrage prend ainsi la consistance d’une vaste fresque romanesque étendue sur huit décennies.



Il m’est souvent arrivé d’avertir le lecteur que les romans aux ramifications les plus prolifiques exigent un minimum de patience, surtout au début, à un moment où l’on ne sait pas où l’auteur a l’intention de nous emmener. Dans La mémoire est une chienne indocile, une fois mis en place le contexte dans lequel évoluent les personnages principaux, la lecture devient aisée et attachante, les péripéties s’enchaînant en courtes séquences, sous la houlette d’un narrateur unique et universel.



Au final, les trajectoires convergent pour atteindre l’objectif primordial, l’exhortation répétée presque convulsivement par ceux qui allaient mourir : « Dites à tout le monde ce qui s’est passé ici ; dites à tout le monde ce qui s’est passé ici » ! Comme Mandelbrot l’y enjoignait, Lamont a tout retenu, tous les détails. Mémoire transmise au balayeur noir du Bronx.



Le dénouement de la fiction est très émouvant, mais je ne l’ai pas trouvé tout à fait à la hauteur des ambitions romanesques de l’ouvrage. Faut-il en conclure que l’imagination du romancier peut aussi se comporter en chienne indocile ?


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Trois dollars

Enfant, Eddie Harnovey a été séparé de sa meilleure amie Amanda Claremont car, issu de la classe moyenne, il ne correspondait pas aux critères de sélection de madame Claremont. Malgré cette déconvenue, Eddie a continué son bonhomme de chemin. Il a fait des études, est devenu ingénieur chimiste, comme le père d'Amanda, est tombé amoureux de Tanya, l'a épousée, lui a fait une merveilleuse petite fille et a emprunté pour acheté un pavillon en banlieue de Melbourne. Mais si tout cela ressemble au bonheur, ce n'est pas tout à fait le cas. Les fins de mois sont difficiles pour le jeune couple qui peine à joindre les deux bouts. Tanya prépare son doctorat tout en donnant des cours à la fac, Eddie travaille pour le Ministère de l'environnement, leurs deux salaires sont tout juste suffisants pour assurer le quotidien et rembourser leur crédit immobilier, véritable épée de Damoclès sur leurs têtes obnubilées par la possible perte de la maison au moindre défaut de paiement. Et puis un jour, la corde raide lache. Tanya perd son travail, Eddie remet un rapport qui ne convient pas à ses supérieurs, insiste et se fait licencier. Incapable d'en parler à sa femme, effondré quand il s'aperçoit que le cabinet en recrutement qu'il a choisi est dirigé par Amanda, Eddie perd pied. Il a trente-huit ans, trois dollars en poche et risque de tout perdre.



A travers le destin de son héros, Elliot Perlmann raconte l'Australie des années 90 et son entrée fracassante dans le néo-libéralisme. Fracassante pour la classe moyenne qui a vu tous ses rêves s'effondrer, enfouis sous la mondialisation, la réforme des retraites, les réductions budgétaires, le capitalisme débridé, etc.

Si le livre dans son ensemble souffre de quelques longueurs, il n'en est pas moins le terrible constat d'une situation, ici australienne, mais qu'on peut étendre à l'ensemble des pays dits riches. C'est le Capital qui dirige les états. L'argent décide de tout et passe par-dessus toute autre considération, qu'ils s'agissent des acquis sociaux sans cesse remis en cause, de l'enseignement, des soins ou de l'écologie. Et corollaire de cette société sans âme : la montée en puissance des partis d'extrême-droite.



''...la superficialité intellectuelle et la vacuité morale sont sorties ensemble bras dessus, bras dessous, dans la nuit épaisse de la déraison, ont dansé joue contre joue et engendré vite fait une portée de rejetons grotesques que leur incapacité à douter a autorisés à évacuer les préoccupations des gens bien...''

Voilà résumées par l'auteur, les circonstances de la déchéance d'une famille sans histoires issue de la classe moyenne et qui se bat tous les jours pour s'y maintenir. Des mots qui trouvent un troublant écho dans la France de 2020... A méditer.
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Ambiguïtés

J'ai découvert cet auteur par mon libraire et j'avoue que la richesse de ce livre m'a entousiasmée. Elliott Perlman nous conte l'histoire d'un rapt d'enfant par son père qui espère par ce geste renouer une hypothétique relation avec la mère de celui-ci. Par le témoignage de personnages plus ou moins lié au kidnappeur, Perlman met en place un subtil puzzle dont chaque pièce apporte un éclairage nouveau sur la personnalité du ravisseur.

Passionnant et hypnotique.
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La mémoire est une chienne indocile

En exergue:

"Devant tant de malheurs les montagnes s'inclinent..

Mais l'espoir ne cesse de chanter au loin." (Anna Akhamatova)



Le titre anglais de ce long roman écrit par un auteur australien descendant d'une famille juive immigrée est Le balayeur de rue.

Le titre français vient du début du texte:

"La mémoire est une chienne indocile. Elle ne se laissera ni convoquer, ni révoquer, mais ne peut survivre sans vous.."



Et beaucoup plus tard dans le texte:

"Qu'est- ce que la mémoire? C'est le stockage, la rétention et la remémoration des composantes , brutes ou nuancées , de l'information. Comment la mobilise-t-on? Une certaine protéine du cerveau, une enzyme, agit sur une série de neurones en succession rapide, comme une forme d'allumage, de manière à tracer une image ou à prononcer un mot, comme pour amener un arpège de données de stockage cellulaire à jouer une mélodie depuis longtemps gardée en réserve dans votre esprit, de sorte que vous vous remémoriez le visage de cet être, sa voix, son rire, la manière qu'il avait de bouger, un propos qu'il avait tenu....... Dès qu'elle n'est plus là, cette cascade de données cellulaires, c'est tout ce qu'il vous reste d'elle. Chaque neurone contient quelques pixels, quelques données, et il suffit que l'un deux se perde pour que la séquence soit interrompue. Et là, vous avez déjà commencé à oublier."

C'est effectivement un roman qui va nous parler de la mémoire. Et de son corollaire, la transmission.



De la mémoire, d'ailleurs, il en faut au lecteur dans sa progression dans ce roman puzzle , les pièces à rassembler étant toutes des personnages, et il ne faut pas en perdre un en route!

Personnages de fiction pure comme ce fameux balayeur de rue, un jeune Noir qui vient de sortir de prison , un historien des droits civiques américains , et de nombreux autres.

Mais aussi personnages fictifs inspirés par des individus bien réels comme David Boder, psychologue ayant recueilli les déclarations de certains rescapés de l'Holocauste (publiées sous le titre: "Je n'ai pas interrogé les morts") ou Henryk Mandelbaum, l'un des rares survivants des Sonderkommandos,et d'autres encore, tous cités dans l'appendice donnant les références des livres consultés.

Les évènements eux-mêmes appartiennent bel et bien à l'Histoire.



Je voudrais juste m'attarder un peu sur ces Sonderkommandos dont les membres étaient donc des déportés choisis au hasard, qui avaient pour rôle de faire procéder au déshabillage , puis, après leur mort, à la crémation des cadavres des populations sélectionnées à la sortie des trains. Certains membres avaient écrit et enterré leurs témoignages, dans l'espoir qu'ils soient un jour retrouvés. Ils l'ont été à la libération des camps, mais publiés très tard, pour des raisons obscures. On peut lire par exemple: " Au coeur de l'enfer" , le témoignage de Zalmen Gradowski. D'autres textes ont été rassemblés et publiés en France en 2006 sous le titre " Des voix sous la cendre".

Eliott Perlmann les a lus, et les utilise ici dans des pages assez insoutenables , mais bien sûr tout à fait historiquement conformes. Et décrit aussi cette révolte , unique en son genre semble-t-il , des Sonderkommandos.



Qui dit livre-puzzle dit bien sûr que les pièces de ce puzzle sont toutes reliées entre elles et que le talent de l'écrivain va être de les rassembler par de constants allers et retours dans le temps et l'espace sans en perdre une seule, ni le lecteur d'ailleurs!

En cela, c'est une réussite, quelle construction!

Avec , peut-être , les défauts de cette construction volontairement complexe, et avec tant de personnages qu'il faut bien rattacher à un moment ou à un autre, une certaine impression de " fabrication" , mais c'est un peu ergoter pour ce roman foisonnant, historiquement passionnant et qui fait, à certains moments, monter les larmes aux yeux.



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La mémoire est une chienne indocile

"the street sweeper", c'est le titre anglais de ce roman qui essaye de faire un lien entre la mémoire des génocides et celle des combats pour les droits civiques du XXème siècle.

Le balayeur, c'est un jeune noir qui sort de prison et qui à l'occasion de son travail dans le cadre de sa probation, rencontre un ancien déporté, un compagnon de détention, en somme, qui lui conte son histoire et le charge de la mission de la transmettre à son tour.

C'est aussi l'histoire d'Adam, historien, qui cherche à comprendre pour quelles raisons l'histoire officielle a effacé la présence des soldats noirs lors de la libération des camps de concentration. Il suit une piste qui ouvre sur l'histoire d'un psychologue qui dans l'immédiat après-guerre a enregistré les témoignages à chaud des déportés.

Des récits entrelacent les portraits de nombreux personnages liés entre eux par des liens familiaux, des amitiés, des erreurs de jugement, des évènements dramatiques.

Ce livre est passionnant, dérangeant, fortement bouleversant pour les âmes sensibles. Il nous dit que l'humanité fait du sur-place sur la question des droits de l'homme et des discriminations, que si on veut des droits pour sa communauté, il faut en revendiquer pour tous. C'est un peu la leçon que tirent les syndicalistes des abattoirs de Chicago, en allant chercher l'appui des travailleurs noirs et en les aidant à lutter contre les discriminations du quotidien.

Construit, avec une alternance rapide des récits, et l'immersion dans les pensées des protagonistes, on passe ainsi de New York de 2013, à Chicago de l'après-guerre, à Auschwitz en 1944, puis à Melbourne. C'est une façon d'aller au-delà des histoires particulières pour les transcender.

On ne peut lâcher la lecture même quand c'est insoutenable.



Je dédie cette lecture à la mémoire de Violette Silberstein, matricule 51937 à Auschwitz, "que des chiffres impairs" disait-elle, le jour où dans sa vie est arrivé un chiffre pair c'était dans la date de son mariage, et "ça s'est mal terminé".... Violette est décédée il y a deux ans, je l'ai rencontrée deux fois, elle m'a tellement étonnée par son dynamisme, sa joie de vivre, son humour et l'impérieux besoin de témoigner jusqu'à la mort. Une mémoire que je ne peux m'empêcher de faire vivre ici à mon tour.



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Et si le cheval se mettait à parler

Grâce aux Editions Robert Laffont et à Babelio (que je remercie bien évidemment), j'ai eu le plaisir de recevoir le dernier roman d'Elliot Perlman. Et en effet le plaisir est bien là. Comédie sur le monde du travail avec un sujet loin d'être source de rigolade (le harcèlement moral et sexuel ), mais aussi sur les relations hommes/femmes, Perlman avec justesse, brosse le portrait de plusieurs personnages que l'on suit avec empathie. Le roman à l'écriture très cinématographique je trouve, est richement dialogué et de nombreuses joutes verbales sont un vrai bonheur. Le roman aborde aussi la dureté de milieux professionnels ou les mesquineries et jeux d'influences peuvent être destructeurs pour des salariés considérés comme matière jetable. Vous l'aurez compris, Elliot Perlman confirme tout le bien que je pensais de lui à travers ces romans précédents. "Et si le cheval se mettait à parler" est à lire pour passer un agréable moment.
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La mémoire est une chienne indocile

Un roman a la hauteur de ses ambitions. La mémoire comme trame de fond, le passé et le présent qui s'emmêlent, des destins et des personnages tellement différents qui se croisent. On réalise que chacun peut influer sur la vie de l'autre sans même s'en rendre compte. On réalise que le passé est toujours présent, autant dans nos mémoires que dans les faits d'une certaine manière. Enfin on réalise que Elliot Perlman est un excellent écrivain qui aurait facilement pu perdre le lecteur dans cet enchevêtrement de récit et pourtant on referme ce livre totalement satisfait du voyage.
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La mémoire est une chienne indocile

J'ai lu il y a longtemps Ambiguïtés d'Elliot Perlman, et j'en ai le souvenir d'une lecture extraordinaire, avec les personnages les plus vivants que j'aie rencontrés dans un livre. Alors, évidemment, j'ai été un chouilla déçue par La Mémoire est une chienne indocile.



C'est un livre qui ne manque pas de qualités, qui met en scène des personnages très intéressants et s'attaque à des sujets forts. Mon préféré, Adam Zignelik, professeur d'histoire à la dérive dans sa vie professionnelle comme dans sa vie privée, trouve une bouée de sauvetage quand un vieil ami, ardent militant des droits civiques, lui demande d'explorer le rôle des vétérans noirs américains de la Seconde Guerre mondiale : « Adam, quelqu'un doit le leur dire. Quelqu'un doit dire aux gens ce que nous avons accompli. » J'aurais aimé que le roman reste plus centré sur ce personnage particulièrement attachant.

Pourtant, Lamont est bien sympathique aussi; après six ans de prison, injustement condamné pour vol à main armée, il travaille au service d'entretien d'un hôpital où va se tisser une belle relation entre ce jeune Noir du Bronx et un patient rescapé des camps qui va lui raconter l'enfer vécu à Birkenau, et lui demander de raconter à son tour « ce qu'on a pu faire à votre ami et à son peuple ».

Beaucoup d'autres beaux personnages - presque trop peut-être.

Beaucoup de choses fortes aussi, sur le devoir de mémoire, les camps de la mort, le racisme, l'injustice sociale...

Un bon roman, mais je m'attendais à ce qu'il soit encore meilleur.
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Ambiguïtés

A partir d'un fait divers relativement banal (un homme, Simon, kidnappe Sam, l'enfant de son ex pour tenter de se rapprocher d'elle...), Elliot Perlman nous offre 8 romans en un seul !

Dans une construction subtile, l'auteur, après nous avoir livré les faits bruts, le coup de folie de Simon, décortique les témoignages de 7 personnes plus ou moins liées à l'affaire, imbriquant les histoires les unes dans les autres pour former une toile complexe : on découvrira ainsi l’histoire de Joe, le mari d’Anna et père de Sam qui travaille dans la finance et joue de son bagout, puis le personnage d’Alex Klima, psychiatre ayant Simon pour patient, une call-girl atteinte de sclérose en plaque, la fille du psychiatre... On obtiendra à la fin une juxtaposition de faits de ressentis, de souffrances, de non-dits et le portrait final d’un homme complexe et d’une société australienne qui se délite

Elliot Perlman radiographie son époque et analyse les bouleversements qu’un fait divers provoque dans les existences des uns et des autres.

MAGISTRAL

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La mémoire est une chienne indocile

Ce roman est fabuleux ! Il mérite beaucoup plus que 292 lecteurs sur Babelio ! Il est difficile à décrire ...C'est une brique (585 pages bien serrées)... Perlman met en place le récit du destin d'hommes et femmes dont les vies se croiseront à travers la toile remarquable qu'il a tissée.... Histoires de vie qui traversent l'Histoire du 20ème siècle.... Dans ce grand roman plein d'humanisme, d'Histoire, vous apprendrez quantité de choses sur la lutte contre la ségrégation aux États-Unis, sur les camps de concentration pendant la deuxième Guerre, sur la psychologie, les personnages sont forts, faibles, lâches, ils sont traités injustement, ils sont dépressifs, ils s'écrasent, ils fuient, ils se relèvent, ils sont Blancs, Afro-américains, ou de confession juive, j'espère qu'ils vous captiverons comme ils m'ont captivée, wouah, quelle claque ! Un auteur à découvrir, à suivre.

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La mémoire est une chienne indocile

La mémoire est une chienne indocile est un roman puzzle, une fresque, une œuvre pointilliste qui distille par touches les éléments de plusieurs histoires à diverses époques.

Il faut être patient et laisser aux choses le temps et le soin de se mettre en place pour entrer dans le vif du sujet.

Ainsi en va-t-il de l’histoire de Lamont, Noir Américain en conditionnelle, qui fait la rencontre de Monsieur Mandelbrot, immigré Juif Polonais hospitalisé au service oncologie, de l’hôpital où il exécute une tâche d’homme d’entretien durant sa période de mise à l’épreuve. Ensemble, ils se lient d’amitié et le vieux Juif mourant lui confiera son passé au camp d’Auschwitz, dans l’une des pires affectations qui y fut : le Sonderkommando.

Ainsi en va-t-il de Adam Zignelik, historien à la déroute qui part faire des recherches pour tenter d’attester que des Noirs Américains parmi les troupes alliées étaient présents à la libération du camp de Dachau. Mais il fait finalement une autre découverte : celle d’enregistrements audios inédits de personnes déplacées ayant survécu à l’Holocauste…

Le roman bascule d’une époque à une autre, développe et entrecroise une multitude de personnages. Il faut maintenir son esprit attentif, le roman est exigent. Puis passées les 200 premières pages, on est tiré d’une semi-torpeur, d’où le contexte de l’histoire particulière de chaque personnage est posé pièce par pièce avec une certaine lenteur, et là, l’émotion vient nous cueillir et nous emporte avec elle au fil des pages.

La narration de Monsieur Mandelbrot, alternée par des sauts dans le passé où l’histoire se vie au présent, sur les atrocités vécues au sein du Sonderkommando, la détresse qui y est décrite, les scènes épouvantables que l’on se représente sans mal, donnent peine à déglutir pour ravaler ses larmes. Cela horrifie d’autant plus que ce qui nous est relaté s’appuie sur des bases réelles. L’auteur précise en fin de livre un nombre considérable de sources consultées et indique que certains personnages sont bien réels, d’autres fictifs mais s’inspirant de personnes ayant bien existé. Et que les événements du milieu du XXème siècle qui nous sont narrés « sont tous réellement arrivés, et appartiennent à l’Histoire. »

Non seulement cela émeut, mais personnellement j’en ai encore appris sur l’Holocauste, comme sur la révolte du Sonderkommando ou aussi sur l’extrême souffrance, pas seulement morale, du gazage. Certains passages sont très durs, mais l’auteur a su les distiller pour nous laisser reprendre notre souffle.

A la fin du livre, progressivement, toutes les pièces du puzzle s’emboitent et nous donnent à voir l’histoire dans son ensemble. Et cela donne une impression de maitrise remarquable du récit. Chacun des personnages à leur manière, joue un rôle dans cette histoire, parfois indirectement. Et chacun possède une étoffe particulière avec une histoire propre qui nous le rend attachant.

En bref, je vous recommande vivement cette lecture qui laisse cette impression de regret une fois terminée, malgré les 764 pages qu’elle compte, on en aurait voulu encore plus. Une histoire marquante et émouvante qui nous laisse l’impression d’être différent après l’avoir lue. Un livre qui nous adresse comme message que la mémoire est faite pour la transmission, pour que l’injustice ne soit pas le fait de l’oubli.

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Ambiguïtés

il est très rare que j'abandonne un livre mais c'est chose faite avec ambiguïtés de Elliot Perlman. Je suis déçue, d'autant plus que les critiques sont toutes très bonnes. J'ai lu plus de 200 pages et je n'arrive toujours pas à entrer dans l'histoire. je trouve qu'il y a des longueurs et j'ai du mal à me repérer . Si la construction semble plaire aux lecteurs, moi, au contraire elle me dérange, je n'arrive pas à saisir et à bien situer les personnages. Tant pis, j'abandonne :-(
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La mémoire est une chienne indocile

Le sujet est passionnant: un retour sur la Shoah à la lumière de la lutte des Afro-américains pour leurs droits civiques. Le parallèle est éclairant, lorsqu'un personnage découvre que ce ne sont pas seulement les Noirs qu'on a enfermés dans des ghettos, mais surtout lorsque l'auteur rappelle que les troupes US, débarquées en Europe pour combattre le nazisme, étaient le lieu d'un strict apartheid; les Noirs appartenant à une sous-race n'étant pas dignes de monter au combat.

Perlman s'est appuyé sur une histoire vraie, ce qui lui permet d'évoquer Birkenau et le rôle des Juifs chargés de la disparition des corps avec beaucoup de rigueur et de précisions.

Mais. Mais le roman possède à mon avis deux défauts majeurs.

1) c'est un roman choral qui entrelace 1/2 douzaine d'intrigues qui ne sont pas toutes d'intérêt égal, loin s'en faut. Ce qui donne un chapitre sur la découverte de documents exceptionnels sur les sonderkommandos / un chapitre sur un couple qui se fait la gueule parce que Monsieur travaille trop / un chapitre sur la Résistance à Birkenau / un chapitre sur l'enterrement de mémé... Devant l'Histoire avec sa grande H, les anecdotes de la vie quotidienne ne font pas le poids et ne donnent qu'une impression de délayage et remplissage particulièrement incongrue.

2) Bien entendu, toutes ces histoires finissent par se rejoindre. On obtient un livre malin, bien construit, bien ficelé, avec un beau ruban autour. Et qui se termine bien, en plus! Le gentil Noir garde son travail, les gentils couples se réconcilient et si la gentille mémé ne ressuscite pas, du moins sa mort permet-elle à sa famille de se retrouver...

Donc Hitler est mort, le Ku-Klux-Klan a disparu et le règne des bisounours a commencé. Perlman veut croire que raconter l'histoire évite de la revivre. Je n'y crois pas.
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La mémoire est une chienne indocile

A quoi reconnaît-on un très bon, un excellent roman ? Pas seulement au fait qu’il se dévore en cinq ou six jours, ce qui n’est pas mal, compte tenu de son format respectable ! Ce qui fait de ce Street sweeper un roman hors du commun est le dosage parfait entre érudition, brassage de thèmes divers et passionnants, et galerie de personnages bien campés et crédibles…

Deux hommes sont au cœur de ce roman, et eux-mêmes à un moment crucial de leurs vies respectives. Lamont Williams, un jeune habitant du Bronx, obtient, au sortir de huit années de prison, un travail à l’essai pour six mois dans un hôpital de Manhattan. Il doit absolument y faire ses preuves, cela compte pour lui plus que tout, car il espère retrouver la trace de sa fille qu’il n’a pas vue depuis des années. Adam Zignelik enseigne à l’Université de Columbia, mais craint pour la pérennité de son poste, faute de publication récente. C’est aussi le moment où il se sépare de la seule femme qu’il ait jamais aimé et aime encore.

Voilà pour les personnages de premier plan, mais bien d’autres vont s’inviter dans la ronde, et surtout l’Histoire avec un grand H va entrer en scène.

Les thèmes de la mémoire individuelle et de la mémoire collective, du rôle de l’historien, de la transmission orale, vont venir servir des sujets forts et poignants tels que l’obtention des droits civiques au cours du XXème siècle aux États-Unis, le rôle des Zonderkommandos dans les camps de la mort en Pologne, la libération de certains camps par les noirs américains, le travail d’un psychologue sur les témoignages des rescapés des camps.

Ce roman touffu est magnifique rien que pour l’idée du vieux juif malade qui transmet sa mémoire au jeune agent d’entretien noir, mais tant d’autres scènes sont formidables… Il porte de superbes moments d’émotions, lorsque ressurgissent des souvenirs enfouis, il donne vie à des personnages tellement humains et touchants, il éclaire sur l’histoire du vingtième siècle, bref, c’est un roman à lire si ce n’est pas encore fait !
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La mémoire est une chienne indocile

Réquisitoire brûlant contre le racisme et l’antisémitisme et vibrant appel pour se souvenir de l’Holocauste et de la Ségrégation.

Dans ce nouveau roman d’Eliott Perlmann une myriade de personnages évoluent autour de trois principaux acteurs : l’universitaire Adam Zigelnik qui voit s’effondrer simultanément sa vie sentimentale et sa carrière universitaire, Henrik Mandelbrot, juif polonais rescapé d’un Sonderkommando dans un camp de la mort, Lamont Williams, un jeune noir qui a été condamné à tort à 6 ans de prison et qui purge une période probatoire de 6 mois comme balayeur dans un hôpital de Manhattan.

Adam Zigelnik, descendant de juifs polonais et fils d’un ardent défenseur des droits civiques est amené à faire des recherches sur la libération des camps d’extermination en 1945 alors que Henrik Mandelbrot, au seuil de la mort, raconte la Shoah à Lamont Williams pour que le monde n’oublie pas.

Dans une narration sans chronologie, l’auteur englobe le 20e siècle et un kaléidoscope de personnages reliés les uns aux autres par la défense des droits civiques ou l’expérience des camps ; le lecteur découvre au fur et à mesure des flashes et avec un luxe de détails les circonstances motivant leur intervention dans cette histoire.

Brillant et ambitieux un roman passionnant qui questionne et analyse avec beaucoup d’humanité.

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