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Citations de Emilie Frèche (205)


Vivre-ensemble, vivre-ensemble, on dirait qu'ils n'ont plus que ce mot à la bouche. Moi je n'en peux plus du vivre-ensemble.
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Je ne la contredis pas. L'amour est une denrée trop précieuse pour refuser d'en recevoir, d'où qu'il vienne.
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Nous n'avons pas pu, à cause de la législation française sur la fin de vie, leur dire une dernière fois notre amour, et entendre le leur.
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L’enfance est comme le ressac, toute la vie, elle vous revient, parfois avec douceur en vous caressant l’âme, mais parfois pourvue d’une violence qui vous démolit si vous allez contre. Il faut donc lâcher prise. Accepter d’être malmené pour avoir une petite chance, une fois la tempête passée, de se retrouver sain et sauf sur le rivage.
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On aurait dit qu'ils dormaient, tout simplement, et le médecin est demeuré une minute ou deux immobile face au lit, à les regarder et à penser que la mort devrait toujours être comme ça, comme la naissance, une affaire de choix.
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Ezra et Maud avaient-ils eu la curiosité de visiter cette Cour de justice, les fois où ils étaient venus à Kirchberg rencontrer leur conseiller financier ? Avaient-ils seulement réalisé, en passant en taxi devant ces tours, qu’elles avaient été érigées pour que d’autres ne subissent pas ce qu’eux-mêmes avaient vécu dans leur chair ? Et sur le chemin du retour, dans le train qui les ramenait en France, que pensaient-ils au fond d’eux-mêmes ? N’avaient-ils jamais éprouvé l’absurdité qu’il y avait à s’en être sortis pour soixante-dix ans plus tard, contourner une redistribution des richesses qui aurait dû atténuer les inégalités et, par là même, empêcher la formation d’un terreau fertile à toutes les haines ? Qui permettait cela ? Qui laissait germer, au cœur même du pouvoir européen, un paradis fiscal qui engendrerait un autre enfer ? Car il ne fallait pas se leurrer, l’argent qui dormait ici – six mille cinq cents milliards de dollars –, c’était autant d’écoles, d’hôpitaux, de prisons, de crèches, d’universités, de collèges et de centres éducatifs en moins. Il n’y avait donc jamais aucune leçon à tirer de rien ?
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Ce que la vieillesse fait à un corps humain, seul son spectacle peut le révéler. C’est le tableau d’une entreprise de démolition massive, un anéantissement de tout ce que nous avons été, esprit et corps, corps et esprit, et de tout ce que nous avons patiemment construit au fil des ans. C’est une tour que quelqu’un vient de faire péter à la dynamite et que nous regardons, impuissants, s’affaisser sur elle-même.
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Et même s’ils avaient eu encore plein de rêves secrets et d’envies d’ailleurs et d’autres choses, n’auraient-ils pas été physiquement empêchés ? Certes, ils se tenaient toujours droits et dignes, mais ils avaient l’âge qu’ils avaient. Cela voulait dire qu’ils souffraient de mille petits maux invisibles à l’œil nu – arthrose, goutte, hypertension, diabète, glaucome –, lesquels n’avaient fait que rétrécir et rétrécir encore leur univers. Depuis longtemps déjà, celui-ci n’était plus le vaste monde qu’ils parcouraient jadis à sauts de puce en prenant des avions sans cesse, ni la France qu’ils traversaient chaque week-end en TGV pour rejoindre leur Midi chéri, ou même tout simplement Paris qu’un métro, un bus ou un taxi leur permettait d’arpenter à leur guise pour rendre visite à un ami, faire une course, aller chez un médecin. Même s’ils continuaient de marcher, c’était désormais sans but, toujours et toujours le même circuit, dans l’unique souci de ne pas rouiller. Leur univers était devenu leur intérieur – leur chambre, leur salle de bains, leur salon, leur cuisine, et à Ramatuelle, leur terrain. Mais ils ne pouvaient plus en faire le tour. Tout était devenu trop dangereux, les parterres de gravier qui faisaient perdre l’équilibre, les chemins en pente où l’on pouvait glisser, les sillons terreux entre les vignes dont la longueur réclamait trop de force dans les jambes, et puis tous ces espaces sans ombre exposés au soleil brûlant du Sud qu’ils auraient dû traverser en courant – une pure folie. Était-ce ce rétrécissement inéluctable qui avait guidé leur choix ? La peur de devenir dépendants, de perdre la boule, de se retrouver seuls, d’être placés en Ehpad ? Depuis quand la peur avait-elle guidé leur existence ?
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Deux ans plus tôt, l’épisode caniculaire qui s’était abattu sur la France nous avait contraints d’interdire à mes parents de sortir des Bulles. Nous les avions consignés à l’intérieur une semaine entière, les volets clos pour les protéger de la chaleur et du soleil, et sur les conseils de leur médecin traitant, nous les avions forcés à boire quotidiennement trois litres d’eau chacun. Magali s’en était chargée, non sans mal. Résultat, ils avaient eu constamment envie de pisser, ce qui s’était avéré un emmerdement pas possible puisque, plusieurs fois par jour, il leur avait fallu déplier leur corps pour se lever, aller à la salle de bains, baisser leur pantalon, leur slip, plier leurs jambes, s’asseoir sur la cuvette, se relever, remonter leur slip, leur pantalon, retourner au salon, se rasseoir dans un fauteuil, puis une demi-heure plus tard tout recommencer, déplier à nouveau leur corps, déplier un corps, se rend-on compte de l’énergie que cela réclame à quatre-vingts ans passés ? Non, personne ne peut l’imaginer. Il faut avoir atteint cet âge-là pour connaître cette purge du poids de son corps, même quand le corps est en bonne santé, et peut-être est-ce donc durant ces journées interminables, martyrisé par le chant entêtant des grillons et de nos plongeons cruels dans la piscine, que mon père aura fini par avoir cette idée lumineuse et libératrice – Veux-tu mourir avec moi, mon épouse adorée ?
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Deux êtres se suicident en se racontant qu’ils commettent un acte qui n’engage qu’eux, mais en réalité, c’est votre santé mentale qui fout le camp, votre vie entière qui bascule.
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Emilie Frèche
« Que devrait être une société pour que, dans sa vieillesse, un homme demeure un homme ? »
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Oui, j’aurais aimé pouvoir rouler vers mes parents séniles, parce que j’enviais ce cadeau que les parents font à leurs enfants dans leur très grande vieillesse, pouvoir enfin les sentir vulnérables et ainsi les aimer à nouveau, sans bémols, de cet amour pur, aveugle et entier d’avant l’adolescence. J’étais certaine que sentir renaître cet amour en soi valait réparation de tous les ratés d’une relation dysfonctionnelle.
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Éléonore, on abandonne les gens dont on ne veut plus avoir la charge. Les enfants, les vieillards, les invalides… les animaux domestiques. Mais toi, tu n’es rien de tout cela, n’est-ce pas ? Tu es majeure. Tu es en bonne santé. Tu es libre. Tu gagnes ta vie, tu ne dépends de personne. Personne n’a donc le pouvoir de t’abandonner.
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Des parents qui vous tournent le dos, c’est un abandon dont on ne se remet jamais.
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Choisir le moment de sa mort pour demeurer vivant jusqu'au bout.
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Si étrange que cela puisse paraître, c’est une question que j’ai écartée de mon esprit, comme s’il était aussi difficile d’imaginer ses parents prendre cette décision que faire l’amour. Et pourtant il aura bien fallu que le projet naisse. Alors qui aurai eu l’idée d’abord ? Qui, des deux, aura fait le premier pas ? Mon père ou ma mère ? Je peux dire mon père, au hasard, mais comment s’y est-il pris ? A-t-il invité ma mère à dîner comme d’autres leur future épouse, mais au lieu de lui dire Veux-tu devenir ma femme ?, il lui aura demandé Veux-tu mourir avec moi ? Veux-tu mourir, ou veux-tu te tuer ?
Ce n’est pas tout à fait la même chose. Se tuer est un acte solidaire, une violence faite à soi-même limitée dans le temps, rien d’autre que l’accession à l’instant de la mort, cet instant précis de bascule dont parle Maurice Blanchot dans son livre "L’Instant de ma mort".
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Eh bien dans un autre registre, il n’en allait pas différemment pour mes parents. Oui, même morts, mes parents continuaient à être ce qu’ils avaient été toute leur vie durant, un couple à deux têtes dont je m’étais toujours sentie plus ou moins étrangère, vivant dans une bulle aussi hermétique au reste du monde qu’à leur propre fille, et dont la membrane n’avait jamais été si bien matérialisée que par cette vitre. Ce n’était pas aujourd’hui que j’allais réussir à la briser.
- D’autres familles attendent de voir leurs défunts, dit la psychologue. Il faudrait que nous soyons ressortis d’ici cinq minutes.
Même ici, il fallait donc se dépêcher ? Mais comment, en seulement cinq minutes, parvenir à réaliser la mort de ses deux parents ? Comment intégrer une donnée aussi irréelle, aussi absurde ? J’avais beau regarder Ezra et Maud Kerr avec toute la concentration dont j’étais capable et me répéter en boucle qu’ils n’étaient plus, les mots ne m’étaient d’aucuns secours.
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Nous étions l'un et l'autre des enfants de la précarité et du conflit. Nous étions faits pour nous protéger mutuellement contre l'une et l'autre. Nous avions besoin de créer ensemble, l'un par l'autre, la place dans le monde qui nous a été originellement déniée. Mais, pour cela, il fallait que notre amour soit aussi un pacte pour la vie.
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J'étais déjà adulte, pourtant. J'avais trente-cinq ans, une femme, un marmot, je comprenais très bien le désarroi et la honte, le sentiment d'inutilité qui avait pu envahir mon père, mais une part de moi restait hermétique à tous ces arguments. Avec les années, j'ai identifié cette part-là comme l'enfant qu'on demeure au fond de soi tout au long de la vie. Cet enfant-là avait la haine, il lui en voulait à mort. Et cette haine, figurez-vous que j'ai fini par la retourner contre moi en me répétant chaque jour pendant 30 ans que j'étais un nul, un minable, parce que je n'avais pas réussi à me faire aimer de mon père, suffisamment aimer pour qu'il choisisse la vie, et non la mort. Des parents qui vous tournent le dos, c'est un abandon dont on ne se remet jamais.
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Pardon de te le dire, mais je trouve ton attitude un peu nulle. Ezra et Maud t'ont épargné le pire. [...] Rends-toi un peu compte de ta chance. La seule chose que tu peux reprocher à tes parents, c'est de ne pas nous avoir informés de leur projet. Mais ce n'est pas leur suicide qui t'est difficile à encaisser, ni même leur mort. C'est leur secret. Seulement, dis-toi bien que ce secret, c'est la loi qui leur a imposé.
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