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Citations de Emmanuel Carrère (1616)


(...)le contraire de la vérité n'est pas le mensonge mais la certitude.
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Les choses se font, finalement, pourvu qu'on les laisse faire.
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Maintenant, ce qui fait la réussite d’un film, ce n’est pas la vraisemblance du scénario mais la force des scènes et, sur ce terrain-là, Luc est sans rival : l’auberge bondée, la crèche, le nouveau-né qu’on emmaillote et couche dans une mangeoire, les bergers des collines avoisinantes qui, prévenus par un ange, viennent en procession s’attendrir sur l’enfant… Les rois mages viennent de Matthieu, le bœuf et l’âne sont des ajouts beaucoup plus tardifs, mais tout le reste, Luc l’a inventé et, au nom de la corporation des romanciers, je dis : respect.
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Si elle n'illumine pas, la figure de Jésus aveugle.
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Qu’il existe des centaines de langues, donc des centaines de mots pour appeler un chêne n’empêche pas qu’un chêne soit partout un chêne.
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Calypso, qui est le prototype de la blonde, celle que tous les hommes voudraient se faire mais pas forcément épouser, celle qui ouvre le gaz ou avale des cachets pendant le réveillon que son amant fête en famille, Calypso a pour retenir Ulysse un atout plus puissant que ses pleurs, que sa tendresse, et même que la toison bouclée entre ses jambes. Elle est en mesure de lui offrir ce dont tous le monde rêve. Quoi? L'éternité. Rien de moins. S'il reste avec elle, il ne mourra jamais. Il ne vieillira jamais. Ils ne tomberont jamais malades. Ils garderont pour toujours l'une le corps miraculeux d'une très jeune femme, l'autre celui, robuste, d'un homme de quarante ans au sommet de sa séduction. Ils passeront la vie éternelle à baiser, faire la sieste au soleil, nager dans la mer bleue, boire du vin sans avoir la gueule de bois, baiser encore, ne jamais s'en lasser, lire de la poésie si ça leur chante, et pourquoi pas en écrire. Proposition tentante, admet Ulysse. Mais non, je dois retourner chez moi. Calypso croit avoir mal entendu. Chez toi? Tu sais ce qui t'attend, chez toi? Une femme qui n'est déjà plus de la première jeunesse, qui a des vergetures et de la cellulite et que la ménopause ne va pas arranger. Un fils que tu te rappelles comme un adorable petit garçon mais qui est devenu en ton absence un adolescent à problèmes et qui a des fortes chances de tourner toxico, islamiste, obèse, psychotique, tout ce que les pères redoutent pour leurs fils. Toit-même, si tu t'en vas, tu seras bientôt vieux, tu auras mal partout, ta vie ne sera plus qu'un couloir sombre qui se rétrécit et si atroce qu'il soit d'errer dans ce couloir avec ton déambulateur et ta perfusion sur roulettes tu te réveilleras la nuit ivre de terreur parce que tu vas mourir. C'est cela, la vie des hommes. Je te propose celle des dieux. Réfléchis.
C'est tout réfléchi, dit Ulysse. Et il part.

Beaucoup de commentateurs, de Jean-Pierre Vernant à Luc Ferry, voient dans le choix d'Ulysse le dernier mot de la sagesse antique, et peut-être de la sagesse tout court. La vie d'homme vaut mieux que celle de dieu, pour la simple raison que c'est la vraie. Une souffrance authentique vaut mieux qu'un bonheur illusoire. L'éternité n'est pas désirable parce qu'elle ne fait pas partie de notre lot. Ce lot imparfait, éphémère, décevant, c'est lui seul que nous devons chérir, c'est vers lui que nous devons sans cesse retourner, et toute l'histoire d'Ulysse, toute l'histoire des hommes qui consentent à n'être qu'hommes pour être pleinement hommes, est l'histoire de ce retour (pp. 292-293).
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C'est ce que je veux penser, de toutes mes forces: que l'illusion, ce n'est pas la foi, comme le croit Freud, mais ce qui fait douter d'elle, comme le savent les mystiques.
Je veux penser cela, je veux le croire, mais j'ai peur de cesser de le croire. Je me demande si vouloir tellement le croire, ce n'est pas la preuve que, déjà, on n'y croit plus.
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Les amateurs de tauromachie désignent sous le nom de querencia la portion d’espace où, dans le terrifiant tumulte de l’arène, le taureau se sent en sécurité. Au fil du temps, le Levron et l’amitié d’Hervé sont devenus la plus sûre de mes querencias. Je monte là-haut inquiet, j’en redescends apaisé.
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Entre la parole de Dieu et ma compréhension, c'est la parole de Dieu qui compte, et il serait absurde de ma part de n'en retenir que ce qui agrée à ma petite jugeote. Ne jamais l'oublier : c'est l'Évangile qui me juge, pas le contraire. Entre ce que je pense, moi, et ce que dit l'Évangile, je gagnerai, je gagnerai toujours à choisir l'Évangile.
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Est-ce que l'adulte qui fait une grande carrière dans le monde trahit l'adolescent intransigeant qu'il a été ? Est-ce qu'il y a un sens à se faire un idéal de l'enfance et à passer sa vie à se lamenter parce qu'on en a perdu l'innocence ?.
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Voici comment Marguerite Yourcenar dit avoir écrit les Mémoires d’Hadrien:
« La règle du jeu : tout apprendre, tout lire, s’informer de tout et, simultanément, adapter à son but les Exercices d’Ignace de Loyola ou la méthode de l’ascète hindou qui s’épuise, des années durant, à visualiser un peu plus exactement l’image qu’il crée les yeux fermés. Poursuivre, à travers des milliers de fiches, l’actualité des faits : tâcher de rendre leur mobilité, leur souplesse vivante, à ces visages de pierre. Lorsque deux textes, deux affirmations, deux idées s’opposent, se plaire à les concilier plutôt qu’à les annuler l’un par l’autre; voir en eux deux facettes différentes, deux états successifs du même fait, une réalité convaincante parce qu’elle est complexe, humaine parce qu’elle est multiple.
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Mortifié, Paul n’a pas fait de vieux os à Athènes. Il est parti pour Corinthe, qui est à tous points de vue l’exact contraire d’Athènes : une énorme ville portuaire, populeuse, crapuleuse, sans passé glorieux ni prestigieux monuments mais avec des ruelles grouillantes, des échoppes où on achète et trafique de tout, dans toutes les langues. Un demi-million d’habitants, dont les deux tiers sont des esclaves. Des temples de Jupiter pour la forme, mais à tous les coins de rue des sanctuaires d’Isis, de Cybèle, de Sérapis et surtout d’Aphrodite, dont le culte est desservi par des prêtresses-prostituées joliment nommées hiérodules et connues pour transmettre une vérole que dans tout le bassin méditerranéen on appelle en gloussant « maladie corinthienne ».
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Personne ne se résout facilement à être cesser d'être ce qu'il est, à devenir autre chose que soi-même. Mais c'est cela, la Voie. Une fois passé de l'autre côté, on ne se rappelle même plus celui qu'on était autrefois, celui qui se moquait ou qui avait peur, c'est la même chose. Quelques uns se le rappellent : ce sont les meilleurs guides.
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Un passage un peu long, peut-être... Mais je vous encourage à le lire : il reflète parfaitement le style de son auteur, en amenant le sujet du "Royaume" avec un magnifique talent :

"Disons qu'(il) fait partie de cette famille de gens pour qui être ne va pas de soi. Depuis l'enfance, il se demande : qu'est-ce que je fais là ? Et c'est quoi, "je" ? Et c'est quoi, "là" ? Beaucoup de gens peuvent vivre toute leur vie sans être effleurés par ces questions - ou s'ils le sont, c'est très fugitivement, et ils n'ont pas de mal à passer outre. Ils fabriquent et conduisent des voitures, font l'amour, discutent près de la machine à café, s'énervent parce qu'il y a trop d'étrangers en France, ou trop de gens qui pensent qu'il y a trop d'étrangers en France, préparent leurs vacances, se font du soucis pour leurs enfants, veulent changer le monde, avoir du succès, quand ils en ont redoutent de le perdre, font la guerre, savent qu'ils vont mourir mais y pensent le moins possible, et tout cela, ma foi, est bien assez pour remplir une vie. Mais il existe une autre espèce de gens pour qui ce n'est pas assez. Ou trop. En tout cas, ça ne leur va pas comme ça. Sont-ils plus sages ou moins que les premiers, on peut en débattre sans fin, le fait est qu'ils ne se sont jamais remis d'une espèce de stupeur qui leur interdit de vivre sans se demander pourquoi ils vivent, quel est le sens de tout cela s'il y en a un. L'existence pour eux est un point d'interrogation et même s'ils n'excluent pas qu'à cette interrogation il n'y ait pas de réponse ils la cherchent, c'est plus fort qu'eux.
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Non, je ne crois pas que Jésus soit ressuscité. Je ne crois pas qu'un homme soit revenu d'entre les morts. Seulement, qu'on puisse le croire, et de l'avoir cru moi-même, cela m'intrigue, cela me fascine, cela me trouble, cela me bouleverse - je ne sais pas quel verbe convient le mieux. J'écris ce livre pour ne pas me figurer que j'en sais plus long, ne le croyant plus, que ceux qui le croient, et que moi-même quand je le croyais. J'écris ce livre pour ne pas abonder dans mon sens.
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Sans compter que faire dire à des personnages de l’Antiquité, en toge ou jupette, des choses comme "Salut à toi, Paulus, viens donc dans l’atrium", il y a des gens capables de faire ça sans sourciller, moi pas. C’est le problème du roman historique, a fortiori du péplum : j’ai tout de suite l’impression d’être dans Astérix.
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Mon père, qui m'emmenait à la messe le dimanche, quand j'étais petit, regrettait qu'elle ne soit plus en latin, à la fois par passéisme et parce que, je me rappelle sa phrase, "en latin, on ne se rendait pas compte que c'était si bête".
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La grande différence entre l'Ancien et le Nouveau Testament, disait le philosophe allemand Jakob Taubes, c'est que l'Ancien est rempli de femmes stériles à qui Dieu donne la grâce d'enfanter, et qu'on n'en trouve pas une seule dans le Nouveau Testament.
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Il y a à l'intérieur de chacun de nous une fenêtre qui donne sur l'enfer, nous faisons ce que nous pouvons pour ne pas nous en approcher, et moi j'ai de mon propre chef passé sept ans de ma vie devant cette fenêtre, médusé.
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Déguisé en fidèle, c’est-à-dire aussi vilainement habillé que possible, le journaliste était allé piéger les prêtres de diverses paroisses parisiennes en confessant des péchés de plus en plus fantaisistes. Il le racontait sur un ton amusé, impliquant comme une évidence qu’il était mille fois plus libre et intelligent que les malheureux prêtres et leurs fidèles. Même à l’époque, j’avais trouvé ça débile, choquant – d’autant plus débile et choquant que le type qui se serait permis une chose pareille dans une synagogue ou une mosquée aurait immédiatement soulevé, provenant de tous les bords idéologiques, un concert de protestations indignées : les chrétiens sont les seuls dont il semble qu’on ait le droit de se moquer impunément, en mettant les rieurs de son côté.
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