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Citations de Eugène Dabit (34)


Je nous retrouve , nous. Autour d'une table , mangeant des radis , le gigot , les pommes nouvelles , la salade, les cerises. Buvant un vin clairet . Je ne dis pas que c'était le bon temps , les nuages s'amassaient , hein! Tout de même , c'était la vie ,simple , sans haine , sans fièvre , trop confiante.
Après le repas , les hommes faisaient la sieste et peut-être s'arrangeaient-ils pour faire l'amour.
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Tout n'était que silence, repos, autour de lui, dans ces quarante chambres où tant de vies précaires avaient pris refuge. Il regagnait son lit, secouait la sciure collée à ses peids nus, et, recru de fatigue, il s'abandonnait au sommeil.
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Il a quitté son village, bien avant la guerre, pour travailler au métro ; dans quelques mois il touchera sa retraite et retournera au pays. Un veinard ! Il a gagné la partie, sans y perdre trop de sa santé. (...) Je lui dis : "Allons, ça fera une place pour un jeune dans votre compagnie." Et lui : "Pensez-vous, me répond-il. Ils ne prennent plus de commissionnés, ils prennent des temporaires qu'ils renvoient selon les circonstances. Tenez, actuellement, vous ne savez pas ?... Ils étudient un système pour ne plus avoir qu'un seul homme par rame, le conducteur. Le chef de train et le serre-freins, y en aura plus. C'est déjà en service sur des petites lignes comme Nation-Italie".
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Lola ? Se souviendrait-il de son nom ? Il ne la reverrait jamais, afin de ne pas prendre une habitude de plus. Tant d’habitudes pesaient sur ses épaules, qui le rendaient lourd. Aussi lourd que ces gens endimanchés qui s’imaginaient vivre parce que, deux à deux, ils allaient à des rendez-vous, gagnaient les marchés, reprenaient leurs cheminements d’insectes. Il ricana : « Toi aussi… » Il approchait de son domicile. Mais l’espoir ne l’abandonnait pas. De nouveau, il se sentait angoissé et avide, homme vivant parce qu’il nourrissait en lui un perpétuel désir.
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Dans l’encoignure de ces portes d’hôtel misérables, souvent il avait vu des femmes guetter les hommes solitaires. Cette nuit, elles ne se trouvaient pas à leur poste. La chance leur avait souri, faut croire ; ou elles réveillonnaient chez des amis ? Un bien, pour elles ; mais pour lui, c’était un mal. A présent il connaissait le remède à cette espèce de souffrance qui gonflait son cœur. Seulement, dans ce monde, chacun avait sa place. Des couples heureux le frôlaient ; un homme, une femme… un homme, une femme. Inutile de se révolter. (…) Il aurait voulu saisir la vie entre ses mains, il ne saisissait que du vide. Les appels qu’il lançait demeuraient sans réponse, il était muré dans sa solitude.
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Ce devait être un homme d'une volonté ; farouche que le Greco. Il a donné à ces visages du Prado la dureté de la pierre. Sous la chaIr, on sent les os, le squelette. C'est là l'aveu de la poursuite à laquelle se lance le Greco pour se rendre maître de son art. Il ne se permet aucune fantaisie. Non par crainte de rater la ressemblance. Mais parce qu'il a à étudier son modèle, à étudier l'homme, en peintre. Il court beaucoup de légendes sur les portraitistes, on leur prête l'intention de « scruter l'âme » des personnages qu'ils peignent.
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J'ai pu échouer, ou ne réussir que partiellement dans ma tentative. Du moins, que mon effort invite les peintres à parler de leur art, de leurs maîtres, de leurs admirations. Plusieurs s'y sont risqués, dont je rappellerai le plus grand : Delacroix. Je souhaiterais avoir donné à quelques lecteurs l'amour de la peinture, qui est le même que celui de la vie; je souhaiterais aussi contribuer à rendre à la peinture sa vraie place, qui n'est pas moins haute que celle qu'occupe la littérature parmi les créations spirituelles des hommes.
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N’attendre, n’espérer que de soi. Pas gai! Mais on s’expose ainsi à moins de déconvenues et de peines (21 juillet 1934).
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Louise revint souvent. Elle apportait toujours une gourmandise avec elle
des locataires l’accompagnaient parfois. On bavardait un
moment. Louise parlait des bêtises de Pluche, des amours de sa bonne. Lucie écoutait ces récits lui rappelaient les premiers mois de son mariage.
Soudain sa toux la secouait et elle crachait dans un petit vase. Elle s’excusait.
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Encore deux heures et il siroterait son absinthe, l'absinthe "perd nos fils" comme on disait au Café des Courses.
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Du ciel une lueur blême descendait, éclairant le couloir où passaient à la file les locataires mal réveillés, pourchassés par leurs rêves qui allaient mourir dans la rue.
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Un petit homme, le vieux Charles, camionneur chez Latouche. Il marchait en sautillant, le corps tordu, la tête trop lourde, penchée sur l'épaule. Dans son visage chafouin où la peau, salie de poils, collait aux os, les yeux laissaient filtrer un regard sournois. Il tailladait lui-même sa moustache "à l'américaine".
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Un soir, il arriva tôt, en s'écriant :
- Ah ! ma grosse, embrasse-moi, j'ai trouvé quelque chose de magnifique. Je me suis décidé à suivre Langlois dans un patelin où il y a l'eau, la forêt, le train. Langlois m'a présenté un ami qui veut vendre la maison de ses parents : Villa Oasis.
Toute la soirée, ils discutèrent. Irma demandait des précisions mais Julien avait jeté un coup d'œil rapide. La maison était confortable, bien située sur un coteau, et il se rappelait surtout un vaste jardin et devant la maison un grand bassin.
- Un bassin ! se récria Irma. Plein d'eau ?
- Dame ! qu'est-ce que tu crois ? Villa Oasis. Tu sais, une oasis, dans le bled, un coin avec des arbres et de la flotte
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A midi, rue des Pyrénées, commencent à siffler les sirènes. Les portes des usines s'ouvrent ; les ouvriers sortent, isolés, par groupes, courant, criant, et des gars sautent sur des vélos. Depuis sept heures du matin prisonniers, ils vont vers des gargotes reprendre des forces, joyeux de ce moment de liberté.
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Nous allons en pèlerinage rue Sorbier, rue des Cascades, rue des Envierges, rue du Retrait, rue de l'Ermitage. On abat les masures, les vieux s'en vont mourir Dieu sait où. On construit des immeubles qui cachent le ciel, des hôtels où les jeunes commencent une carrière d'homme. Prisons de la fatigue et du sommeil. Je ne crois pas découvrir un monde meilleur.
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Le « funi » descendait sagement de l'église Saint-Jean-Baptiste à la place de la République, remontait lentement, stationnait sur une voie de garage, et, branlant, grinçant, pour dix centimes vous faisait parcourir le Faubourg du Temple et la rue de Belleville. Il rappelait l'âge d'or des expositions universelles. Son matériel rouille dans quelque dépôt ; dans l'esprit des vieux Bellevillois, il est devenu un appareil fabuleux. Des autobus le remplacent. Ils montent vivement, ronflent comme des avions. Mais pourquoi ce besoin de vitesse ? Pourquoi imaginer que le temps est de l'argent ? A pied, on fait tant de découvertes !
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Souvent, je m’étends sur mon lit, et je m’efforce de fixer mon esprit sur un souvenir, un événement précis de ma vie. Mais bientôt d’autres pensées m’assaillent, venues je ne sais d’où, et me voilà si loin de ma pensée première. Je rêvasse. Presque incapable de suivre avec force et longuement une pensée. Cela est commun, et banal, sans doute. Décourageant. Je ne puis lutter avec succès que si j’écris.
Du reste, j’aime assez cette « rêvasserie ». Bien qu’elle dévore des heures que je pourrais consacrer à l’étude, à la lecture.
Quel mal j’éprouve — souvent — à lire, mes distractions, mes absences, mon manque de mémoire. Si tout n’était pas foutu, j’entreprendrais de lutter. Mais le perpétuel : à quoi bon, et je me laisse emporter… encore que le courant ne m’entraîne que là où j’ai choisi d’aller (jusqu’à ce jour, du moins).
Impossibilité d’écrire, parce que ma pensée, ma vie (et tant d’autres vies) a trop de replis, trop de détours. Rien qui ne se présente simplement, franchement, totalement. Rien qui ne soit pour moi vérité absolue. Hormis, pour moi-même, ma propre vérité. (Mais comment la reconnaître, bien l’éclairer, c’est le drame.)

Eugène Dabit.


Ce sont là les dernières lignes écrites dans ce carnet par Eugène Dabit, qui devait mourir à Sébastopol neuf jours plus tard.
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9 juillet 1936, Moscou.
La vie que nous menons est si trépidante, mouvementée, surprenante, incohérente quelquefois, que je ne trouve guère le moment d’ouvrir ce carnet. Et puis, je ne m’en sens pas le goût ; ou encore, cette vie commune ne m’en laisse pas le loisir, on discute, on traîne, on s’attend.
Et ainsi, les jours ont passé ; sur mon séjour à Leningrad je n’ai pas écrit une ligne. Je ferme les yeux, et je me souviens. Me souviendrai-je longtemps ? De quoi ? Faut-il me rappeler certains paysages, certains visages, des rencontres ? Ce voyage, sur certains points, n’est pas fort différent de celui que je fis en Tchécoslovaquie. Diners, visites officielles ou non, musées, etc. Moins fatigant ici, parce qu’il s’agit d’un monde neuf.
Comme ailleurs, je ne comprends rien de la langue. Je ne puis que regarder, regarder. Surprendre. Observer. Toutes ces richesses s’amassent en moi, se transformeront, se mêleront à ma vie inconsciente et secrète.
Surprises, émotions, s’il me faut les noter ici les bords de la Neva, à Leningrad, les îles, la visite au camp des pionniers, dans les rues de la ville, préparation d’un défilé, cet aspect de « révolution permanente », la beauté de certaines architectures, et puis la rue, la vie, tout ça forme un tout bien complexe.
L’arrivée à Moscou, et l’après-midi même le défilé sur la place Rouge, ces milliers d’hommes et de femmes, tant de jeunesse, de joie, de santé, ah ! c’était grisant, et terrible à la fois. Staline sur le mausolée de Lénine. Hier, visite au mausolée, Lénine, son visage, ses mains.
Quoi encore, dans cette ville ? Les rues, les magasins, les foules. Un peu l’Orient, un peu l’Afrique. La maison natale de Dostoïevsky. Un appartement : six chambres et la cuisine… Le parc de culture, soir d’été.
Que je garde peu ou beaucoup de souvenirs, il importe peu. Je suis dépassé, envahi par cette vie que je rencontre, mais à chacun de mes voyages il en est ainsi. Absent et présent, engourdi et éveillé. Désireux d’être seul, et souffrant de ma solitude. Avide de quelles aventures…
Les femmes sont la vie, c’est par elles que je reçois la vie. C’est une tendre et fragile aventure que celle qui me fit connaître M…, Elle n’est pas belle, mais si charmante, M… ; et puis si heureuse et si inquiète de vivre, et je voudrais l’y engager, à vivre, lui donner de la chaleur et de la joie. Lui laisser un souvenir lumineux. Car la reverrai-je jamais ? La vie m’attire et me déchire, elle m’émerveille, et j’en suis las. D’écrire aussi, je suis las. Ce perpétuel à quoi bon. Mais j’écris pour ne pas me perdre tout à fait, me dissoudre. Que dois-je écrire ? Cette nuit douce que je viens de vivre, au bord de la Moscowa…
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23 juin 1936, en mer.
Comme il y a quinze mois. J’ai relu les premières pages de ce carnet. Ai-je beaucoup changé depuis ? J’ai traîné mon corps en différents pays, j’ai eu des joies et des peines, du plaisir et de l’ennui. J’ai fait quelques rencontres, je me suis débattu, j’ai travaillé. Si ma pensée n’est pas très différente de ce qu’elle fut, ma vie, bientôt, sera autre. Ce voyage en U. R. S. S., d’abord. Et puis, à mon retour (quelle date ?), une nouvelle existence m’attend, que j’ai voulue un peu, comme si c’était là mon devoir, vers laquelle depuis des années j’ai tendu. J’étais heureux, rue P…-de-K… À présent, c’est fini, et pour toujours, je crois. C’est ailleurs que je dois vivre. Dans cet atelier de la rue de la G…-G…, ce belvédère cocasse et étrange. Moi et V… Quel avenir, notre vie commune ? Et je sais bien que je ne pourrai jamais me séparer de B…, impossible que je l’oublie (elle était à la gare, ce matin, rieuse et inquiète, forte et fragile, si vivante et triste aussi, tout ensemble). Entre ma vie passée, dix années de vie rue P...-de-K…, et celle de demain, il va y avoir ce long et curieux voyage. Grâce auquel les regrets, les déchirements, les tristesses m’accableront moins peut-être ?
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20 juin 1936.
Déchiré deux pages de ce carnet. Parce que l’écriture m’en déplaisait. Idiot. Mais j’ai cédé à ma manie (la seule fois, du reste). Rue P…-de-K… Le dernier jour. Je traîne, je traîne ma vie et mon passé. Je n’ai pas le désir d’écrire. Rien. Le départ, un voyage pour mettre fin à cet état. Y mettre fin, ce n’est pas sûr. Tout croule, hors certain sens de vivre, et le travail. Amour, gloire, beauté, jeunesse, ah ! tout ça, des cendres. À quoi m’accrocher ? que sera demain ma vie, la vie ? Elle ne me semble parfois plus possible. Et cependant, je vivrai, je crois. Et le désire.
Je ne puis rien écrire sur ce départ. C’est, à la fois, trop facile et trop lourd à remuer.
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