Citations de Evgueni Zamiatine (377)
Est-ce que vous avez entendu parler d'une opération nouvelle qui servirait à supprimer l'imagination ? (P.84 L'imaginaire Gallimard)
Existe-t-il un bonheur parfait et sans tache ailleurs que dans ce monde merveilleux ? L'acier se rouille, le vieux Dieu a créé l'homme d'autrefois, c'est-à-dire une créature faillible, par conséquent lui-même se trompa. La table de multiplication est plus sage, plus absolue que le vieux bon Dieu ; jamais, vous entendez, jamais elle ne se trompe. Il n'est rien de plus heureux que les chiffres qui vivent sous les lois éternelles et ordonnées de la table de multiplication. Jamais d'hésitations ni d'erreurs. Cette vérité est unique et le vrai chemin vers celle-ci est également unique. (P.71 L'imaginaire Gallimard)
Les deux habitants du paradis se virent proposer le choix : le bonheur sans liberté ou la liberté sans bonheur, pas d'autre solution. Ces idiots-là ont choisi la liberté et, naturellement, ils ont soupiré après des chaînes pendant des siècles. [...] Nous avons aidé Dieu à vaincre définitivement le diable ; c'est le diable qui avait poussé les hommes à violer la défense divine et à goûter à cette liberté maudite ; c'est lui, le serpent rusé. Mais nous l'avons écrasé d'un petit coup de talon : "crac". Et le paradis est revenu, nous sommes redevenus simples et innocents comme Adam et Eve. (P.67 L'imaginaire Gallimard)
Certes, ce Taylor était le plus génial des anciens. Il est vrai, malgré tout, qu'il n'a pas su penser son idée jusqu'au bout et étendre son système à toute la vie, à chaque pas, à chaque mouvement; il n'a pas su intégrer dans son système les vingt-quatre heures de la journée. Comment ont-ils pu écrire des bibliothèques entières sur un Kant quelconque et remarquer à peine Taylor, se prophète qui a su regarder dix siècles en avant ? (P.43 L'imaginaire Gallimard)
Délivrer l'humanité ! c'est extraordinaire à quel point les instincts criminels sont vivaces chez l'homme. Je le dis sciemment : criminels. La liberté et le crime sont aussi intimement liés que, si vous voulez, le mouvement d'un avion et sa vitesse. Si la vitesse de l'avion est nulle, il reste immobile, et si la liberté de l'homme est nulle, il ne commet pas de crime. C'est clair. Le seul moyen de délivrer l'homme du crime, c'est de le délivrer de la liberté. (P.45 L'imaginaire Gallimard)
Il nous appartient de soumettre au joug bienfaisant de la raison tous les êtres inconnus, habitants d'autres planètes, qui se trouvent peut-être encore à l'état sauvage de la liberté. S'ils ne comprennent pas que nous leur apportons le bonheur mathématique et exact, notre devoir est de les forcer à être heureux. Mais avant toutes autres armes, nous emploierons celle du Verbe. (P.15 L'imaginaire Gallimard)
L'homo sapiens ne devient homme, au sens plein du mot, que lorsqu'il n'y a plus de points d'interrogation dans sa grammaire, mais uniquement des points d'exclamation, des virgules et des points.
Note 21
J'entends vos protestations dans mon silence bleu, habitants pourpre de Vénus, d'habitants d'Uranus, noirs comme des forgerons. Souvenez vous que tout ce qui est grand est simple.
Note 20
«Mais pourquoi ai-je eu tout à coup une âme... Je n'en avait pas et puis, brusquement ... Pourquoi personne n'en a-t-il et moi....»
Note 15
Les gens, en bas, tournaient, se penchaient, se relevaient en mesure, avec des gestes rapides et rythmés, conformément au système Taylor. Ils semblaient être les pistons d'une machine énorme. Des tubes lançant des flammes bleues scintillaient dans leurs mains. À l'aide du feu, ils coupaient et soudaient les blocs de verre. Sur des rails de verre, des monstres transparents, en verre, se déplaçaient lentement, c'étaient des grues qui, comme les hommes, se tournaient avec soumission, se penchaient et déversaient leurs charges dans les entrailles de l'Intégrale. Toutes ces choses ne faisaient qu'un: les machines parfaites, semblables à des hommes, et les hommes parfaits, semblables à des machines. C'était une beauté vibrante, une harmonie, une musique ...
Note 15
L'acier se rouille, le vieux dieu a crée l'homme d'autrefois, c'est-à-dire une créature faillible, par conséquent lui-même se trompa. La table de multiplication est plus sage, plus absolue que le vieux bon Dieu: jamais, vous entendez, jamais elle ne se trompe. Il n'est rien de plus heureux que les chiffres qui vivent sous les lois éternelles et ordonnées de la table de multiplication. Jamais d'hésitations, ni d'erreurs. Cette vérité est unique et le vrai chemin vers celle-ci est également unique; la vérité est , et le vrai chemin est .
Note 12
«Il y a une lettre pour vous, oui, cher ami, vous avez reçu une lettre.»
Je savais qu'elle avait lu cette lettre, qui devait encore passer par le Bureau des Gardiens (après tout, il est inutile d'expliquer cette chose fort naturelle) [...]
Note 10
Il m'était pénible de rester avec moi-même, ou plutôt avec ce nouvel homme, cet inconnu qui par un hasard étrange, avait le même numéro que moi : D-503.
Note 8
“Qu'est-ce que le bonheur ? Tous les désirs sont douloureux et il ne peut y avoir de bonheur que lorsque ceux-ci sont supprimés juqu'au dernier.”
Est-ce absurde de vouloir souffrir ? Qui ne voit pas que les souffrances sont des quantités négatives diminuant la somme de ce que nous appelons le bonheur ?.
Ce matin, j’étais sur le chantier où l’on construit l’Intégrale, et tout à coup j’ai vu les machines-outils : yeux fermés, oublieuses de tout, tournaient les boules des régulateurs ; les marteaux étincelants s’inclinaient à droite et à gauche ; le balancier remuait fièrement les épaules ; la vrille de la foreuse s’abaissait au rythme d’une musique silencieuse. J’ai vu tout à coup la beauté de ce grandiose ballet mécanique, baigné d’un léger soleil bleu.
Alors j’ai pensé à part moi : pourquoi est-ce beau ? Réponse : parce que c’est un mouvement contraint, parce que le sens profond de la danse consiste justement en cette sujétion esthétique absolue, cette contrainte idéale. Et s’il est vrai que nos ancêtres se livraient à la danse dans les moments les plus inspirés de leur vie – mystères religieux, parades militaires – cela ne signifie qu’une seule chose : que l’instinct de contrainte est depuis toujours organiquement inhérent à l’homme, et que nous, dans notre vie actuelle, nous ne faisons qu’y obéir consciemment…
La constitution athlétique et monumentale de Varvara Serguéïévna était la raison pour la troisième faute qu'elle commit passa quasiment inaperçue pour elle,alors qu'elle s'était penchée dans la forêt de Stolpakov pour cueillir un champignon.Une fois courbée, elle poussa un ah! et un quart d'heure plus tard ,dans le panier destiné aux champignons se trouvait sa faute,de sexe masculin ,enregistrée dans l'acte de naissance sous le nom de Rostislav.
MAMAÏ
Le soir et la nuit ,il n'y a plus de maisons à Pétersbourg : il y a des navires de pierre de cinq étages. Monde solitaire de cinq étages, un navire vogue sur les vagues de pierre parmi d'autres mondes solitaires de cinq étages ;le navire fend l'océan de pierre déchaîné des rues,scintillant des feux de ses innombrables cabines.Il n'y a d'habitants dans les cabines ,bien sûr : ce sont des passagers.Comme à bord d'un navire,ils se connaissent tous sans se connaître ,tous,les citoyens de cette République de cinq étages assiégée par l'océan de la nuit.
Bien entendu, cela n’a rien à voir avec les élections désordonnées et désorganisées des anciens, lorsque – il y a de quoi rire ! – on ne connaissait même pas à l’avance le résultat des élections. Construire un État sur des hasards absolument impondérables, à l’aveuglette – quelle ineptie !
Note 24
Si, des siècles durant, on avait soigné et éduqué la sottise comme on l’a fait pour l’intelligence, elle aurait produit, qui sait, quelque chose d’incroyablement précieux.
Note 23