Un récit autobiographique, de « Fawzia Zouari » de la période de son enfance, dans son pays natal, la Tunisie, durant les années soixante. Avant tout, dans ces petits villages, le « patriarcat » domine tout, point d’avenir si on le malheur d’être née fille ! La seule destination, reste les quatre murs de la maison familiale et puis la maison du mari. L’éducation sera instituée par les parents s’y possible. Une destinée qui constituera toute la vie subordonnée par l’abnégation et l’asservissement : d’abord par la famille puis par le mari. Une photographie de la société tunisienne, asservie d’une vie difficile sans eau courante ni électricité, dont le seul progrès sera le passage du train. C’est ainsi que les seules distractions pour elles sont les sorties au hammam, qui permet également d’y trouver un mari, par le biais des matriarches. D’une fratrie de neuf frères et sœurs ; et d’être la dernière, l’oblige à subir les foudres de tous, ce qui déterminera son indomptable besoin d’être une fille, et surtout d’une femme libre. Et cet affranchissement ne peut résulter que par le savoir et d’autre part quitter ce cocon – cette prison ? – familial ; afin de permettre cette autonomie avidement cherchée.
Fawzia Zouari, destinée à vivre voilée et analphabète, courbe l’échine devant sa mère maîtresse femme autocrate, qui régit tout dans le foyer ; et surtout exerce une surveillance de tous les instants sur ses filles : les éloigner le plus possible du mal incarné par les prédateurs mâles...
L’avènement de l’Indépendance de la Tunisie, qui signe le départ des colons français, l’arrivée de Bourguiba et l’école obligatoire pour les filles, sera une chance pour elle, et notamment grâce à l’intervention de son père, qui a perçu le potentiel de sa fille et fera tout, pour qu’elle puisse bénéficier d’un enseignement à la mesure de ses possibilités. D’ailleurs, elle ira en France adulte, et deviendra romancière et journaliste. Mais toujours le sens de la fratrie tribale résonnera dans son cœur ; et elle n’aura de cesse d’effectuer des recherches sur sa généalogie et de retrouver l’ambiance de son village.
Les descriptions s’avèrent nombreuses et signifiantes, et imprègnent d’émotion cette vie âpre et montre le côté sombre des interventions et situations de l’homme, pour faire obstacle à une égalité. Le mâle doit garder ses prérogatives et muselle la gente féminine. Les nuages noirs de l’immobilisme et de l’arrogance des hommes, représente le combat des femmes, face aux démons de l’obscurantisme. « L’histoire des femmes de mon pays, est dans une impasse, des allers et retours entre liberté et oppression, avancées et recul, et un horizon loin d’une émancipation durable. »
« Par le fil je t’ai cousue » un document d’une femme pour les femmes et malgré tout pour les hommes, afin qu’ils oublient de les considérer comme des servantes et eux des seigneurs. Agrémenter d’un style fluide, sans fioritures, et qui s’exprime sans ambages, ce roman distille l’immense fossé, encore de nos jours, entre les hommes et les femmes : et il est certain que long sera le chemin de l’émancipation ; « L’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde. Nelson Mandela. ».
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