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Critiques de Francesca Melandri (264)
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Plus haut que la mer

Une prison un peu particulière : La Spéciale. Située sur une île, seule, accessible uniquement en bateau, avec un gardien infaillible : la mer. C’est ici que des criminels redoutables sont enfermés.



Dans ce court roman, ce ne sont pas ceux qui sont enfermés les personnages principaux mais deux proches qui viennent en visite. Pour Paolo, professeur de philosophie, il vient depuis dix ans voir son fils, meurtrier pour une cause révolutionnaire et pour Luisa, paysanne mère de cinq enfants, c’est la première fois qu’elle vient ici voir son mari, violent et meurtrier, mais elle y voit l’occasion pour elle de découvrir la mer.



"Comme s’il n’y avait donc pas lieu de protester, de se plaindre ou de s’indigner, mais seulement de faire ce qui était nécessaire : donner du foin aux bêtes, vendre le lait, s’occuper de ses cinq enfants, et tout ça sans mari. (p106)"



Ils n’auraient jamais dû se connaître, se parler, ils n’ont rien en commun sinon un proche emprisonné. Il aura fallu que le mistral se lève pour que le destin s’en trouve bouleverser. Ils vont être contraints de passer la nuit sur l’île, un emprisonnement d’une autre sorte, côtoyer Nitti, maton de la prison mais aussi gardien de leur nuit, lui qui vit ici avec sa femme.



Ces trois êtres vont vivre une nuit sur cette île balayée par la tempête, un lieu et des circonstances qui vont mettre à nu leurs blessures, les obliger à se faire confiance, à changer parfois l’image qu’ils ont d’eux, une île et une nuit qui vont changer leurs vies.



"Elle est comme ça cette île, poursuivit Nitti. Elle te laisse dans le silence pendant des jours. Puis, elle t’envoie quelqu’un qui écoute, et alors il faut t’abattre à coups de fusil pour te faire taire. (p156)"



Avec une écriture épurée, à la fois douce et puissante, concise, l’auteure s’attache à explorer le fond des pensées de ses trois personnages : il y a les visiteurs confrontés à la réalité des faits, face à des proches emprisonnés dont l’un porte la culpabilité des actes commis et pour l’autre de découvrir une forme de bonheur de le savoir enfermé. Francesca Melandri ne s’attache qu’à ces deux visiteurs venus par devoir plus que par désir mais aussi au gardien qui vit et travaille à La Spéciale, ce lieu dont personne ne s’évade mais qui ne peut qu’influer sur votre personnalité, au risque de vous transformer.



C’est une lecture où chaque mot à sa place, qui est le reflet du ressenti de chacun des personnages, sans fioriture mais d’une précision presque chirurgicale tellement elle est efficace.



"C’est ainsi que Paolo expliquait les choses. C’était simple, au fond. Quand la chose correspond au mot, on fait de l’Histoire. Mais s’il n’y a que le mot, alors c’est de la folie. Ou bien tromperie, mystification. (p166)"



Quand l’érudit côtoie la paysanne et que tous deux parlent de la même douleur liée à la violence d’un être, quand une rencontre libère la parole, allège les cœurs, cela donne un récit où l’humanité voisine l’amour et où une nuit peut changer le destin de chacun…..



J’ai embarqué sur le bateau, ne sachant pas où il me menait, j’ai découvert une écriture s’attachant à l’intimité de deux êtres, malmenés contre leur gré dans leurs vies, qui n’en attendaient plus rien et qui n’imaginaient pas que cette nuit d’isolement allaient les conduire vers un autre avenir…..
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Eva dort

Quel beau livre !

Le drame - car c'en est un – se déroule dans le Haut-Adige, une région d'Italie en proie depuis des décennies à un conflit entre une population d'origine et de culture germanique et l'État central italien. La région subira une italienisation forcée du temps de Mussolini, et l'après guerre vit trop longtemps l'État refuser l'autonomie nécessaire. Dans ce contexte, Gerda Huber devra élever seule sa fille Eva, son amant l'ayant abandonnée.

Au delà du portrait d'une femme courageuse et aimant la vie, l'auteure nous fait connaître une région trop méconnue, ses paysages, sa langue et ses coutumes.

Mais c'est bien plus : c'est un drame terrible qui nous est conté là, celui de destinées individuelles percutées par les traditions, les conventions sociales et les conflits politiques, qui les privent du droit au bonheur.

A noter : l'excellente traduction de Danièle Valin
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Tous, sauf moi

Connaissons-nous bien nos parents, notre famille, notre pays, leurs passés comportent-ils des zones d’ombre ? Et quand famille et histoire se trouvent mêlées que risque-t-on de découvrir, sont-ils ce que nous croyons qu’ils sont ?



En ouvrant sa porte ce jour-là à un homme à la peau sombre, Illaria, italienne d’une quarantaine d’années, ne pensait pas remettre en question toutes ses certitudes sur son père, Attilio, 95 ans, et finalement sa famille mais aussi sur elle-même. Et pourtant tout semble confirmer que Shimeta Attilio Profeti est bien le petit-fils d’Attilio et donc son neveu.



En mettant en parallèle le passé d’un homme et celui d’un pays, Francesca Melandri confronte la mémoire individuelle et collective : qu’il s’agisse du fascisme mussolinien, du racisme, de la colonisation de l’Ethiopie et ses exactions, des turpitudes berlusconiennes mais aussi pour son héroïne lorsque l’urgence humaine l’oblige à mettre en sourdine ses convictions, les événements obligeant parfois à des compromissions.



Elle va découvrir que ce père qu’elle chérit, si doux, si attentif et désormais si fragile, a pu être un homme au passé plus que trouble, qui a joué toute sa vie avec les apparences en menant entre autre pendant plusieurs années une double vie familiale. Peu à peu les indices vont corroborer les dires de cet inconnu, obligeant Illaria à regarder ce père comme un inconnu et à remettre en question tout ce qu’elle pensait savoir.



C’est une lecture instructive sur un pan d’histoire, peu connu en tout cas par moi, de l’occupation italienne en Ethiopie de 1935 à 1941 et de ses exactions. Francesca Melandri décide de remonter le temps et l’histoire d’une famille sur trois générations pour mettre à jour des pages peu glorieuses de son pays (mais quel pays n’en a pas) et plus particulièrement à travers Attilio quand celui-ci faisait partie de l’armée d’occupation, des chemises noires et de la mouvance fasciste de Mussolini.



"Celui qui ne veut pas savoir la vérité est complice et il me dégoûte. (…) Le parfum du privilège est comme la sale odeur de la pauvreté : on a beau se laver les mains, il ne partira jamais. (p150)"



J’ai trouvé habile de confronter chaque génération à ses compromis avec l’idéologie, petits arrangements de chacun avec ses idées, ses idéaux mais parfois obligé de les mettre en sourdine.



C’est un roman foisonnant, richement documenté, abordant tous les aspects même les plus abjects de la domination, de l’asservissement, de la sélection humaine et qui ne sont pas sans rappeler d’autres pays, d’autres époques, d’autres idéologies.



L’auteure fait de ce roman un document historique avec l’ambition de révéler tous les mécanismes de la pensée mussolinienne, fasciste et colonisatrice et le but est atteint mais au détriment parfois de la fluidité du récit. Beaucoup de sauts dans l’histoire, de changements d’époque qui nuisent à une bonne compréhension et une fluidité de lecture.



Autant son précédent roman était court, concis autant dans celui-ci, je me suis parfois perdue dans les faits et les personnages. La remontée du temps se fait par strates, en partant du passé le plus récent pour remonter jusqu’à la fin de la première guerre mondiale, remontant jusqu’à la génèse des faits et des personnages.



C’est une lecture exigeante, forte, instructive et même si j’ai eu l’impression par moment que je n’en viendrai pas à bout par sa longueur, par la foule de détails, par toutes les pièces qui devaient à un moment ou à un autre trouver leurs places, je n’ai pu me résoudre à l’abandonner. L’auteure réussit, grâce à sa construction, à nous remettre sur le chemin de l’histoire, sur le destin d’Attila (Attilio) celui qui voulait mourir après les autres, être le dernier survivant d’une époque : Tous, sauf moi (sont morts)…..



Les thèmes abordés, les enquêtes historique et familiale font de ce roman une fresque de qualité mais qui demande temps et concentration.



"Les définitions définissent celui qui définit, non pas celui qui est défini (p248)"
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Tous, sauf moi

Comment dit-on pavé en italien ? Tous, sauf moi, signé Francesca Melandri, en est un et c'est peu dire que sa richesse a même du mal à ne pas déborder de ses 560 pages. La romancière a d'abord été scénariste et cela se sent dans la construction presque labyrinthique et le style souvent visuel de son dernier livre, à ce jour son plus ambitieux. Deux époques dominent dans l'ouvrage : celle de l'Ethiopie en tant que colonie italienne, de 1936 à 1941 (5 ans et pas un jour de plus, comme le rappellent à plusieurs reprises les protagonistes du roman) et l'autre contemporaine (entre 2010 et 2012). Deux périodes qui se répondent et s'interpellent sous la plume de Francesca Melandri, de Mussolini à Berlusconi, de l'occupation d'une partie de la corne de l'Afrique à la migration vers l'Italie d'habitants de ces mêmes territoires. Le passé fasciste et raciste d'un pays et un présent où ces "valeurs" persistent d'une autre manière, moins voyante et libérée mais peut-être bien plus pernicieuse. Dense, au point parfois de frôler la surcharge narrative, le roman se fait parfois document historique, de façon très détaillée, et ne laisse aucun de ses multiples personnages dans l'ombre, quitte à sortir un temps de la route des intrigues principales, aux péripéties déjà copieuses, pour emprunter des sentiers parallèles. A condition d'être vigilant et concentré, le lecteur ne se perd pourtant pas dans les différentes couches temporelles qui finissent par évoquer quasi un siècle d'histoire italienne (la seconde guerre mondiale n'en est pas absente). Francesca Melandri s'insinue dans la vie intime et parfois publique de ses personnages avec une maîtrise exceptionnelle et une écriture élaborée mais jamais précieuse, se gardant bien de manichéisme tout en exposant des faits et des mentalités qui ne souffrent d'aucune contestation. Tous, sauf moi est un livre-fleuve qui charrie toutes sortes d'alluvions qui ont sédimenté l'Italie d'aujourd'hui. Et, au-delà, toute l'histoire de l'Europe depuis un siècle. Le plus fascinant est la manière dont l'autrice réussit à intégrer ces éléments dans une matière romanesque captivante qui ne laisse aucun répit.
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Plus haut que la mer

Coup de cœur ! Subtil, intelligent, concis, humain, douceur et noirceur que ce roman écrit par cette italienne. Une prison sur un rocher surplombant la mer. Un bateau va accoster avec, à son bord en autre, un homme qui rend visite à son fils et une femme à son mari. Des faits inattendus les forceront à passer la nuit sur l’île en compagnie d’un gardien de prison. A lire et à recommander.
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Plus haut que la mer

Livre plaisant, mais sans plus. L'épouse d'un prisonnier de droit commun et le père d'un condamné politique se rencontrent lors d'une visite dans une prison de haute sécurité située sur une île, coupée soudainement de la côte par une tempête et où ils vont de voir passer la nuit.



Violence carcérale, troubles par les cellules communistes italiennes de l'époque et la très dure répression qui s'en est suivie, tout est effleuré et évoqué superficiellement. Reste cette rencontre aux sentiments improbables. Le tout reste très gentillet. Livre qui se lit, mais qui ne m'a pas touchée, à défaut pour l'auteure d'avoir été davantage dans les tripes des protagonistes.
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Plus haut que la mer

J’avais adoré le premier roman de Francesca Melandri, Eva dort, je suis aussi emballée par son deuxième, Plus haut que la mer, qui évoque subtilement les années de plomb en Italie, ces années 70 ensanglantées par la violence de l’ultra gauche.

Au large de la péninsule italienne, deux personnages que tout oppose se rendent en ferry sur une île pour y visiter deux détenus dans une prison de haute sécurité.

Paolo, ancien professeur de philosophie, va voir son fils, condamné pour faits de terrorisme et d’homicide. Luisa, agricultrice luttant pour élever seule ses cinq enfants, va voir son mari qui a tué un compagnon de beuverie et un gardien dans une autre prison.

Paolo est hanté par les meurtres que son fils a commis au nom de l’idéal de justice sociale qu’il a cherché toute son enfance à lui transmettre. Luisa, elle, est secrètement soulagée d’avoir échappé à ce mari violent qu’elle vient pourtant voir fidèlement.

Après la traversée en ferry et la visite au parloir, le mistral se lève, rendant impossible le retour sur le continent…

Paolo et Luisa vont devoir passer la nuit sur l’île, sous la surveillance d’un gardien, Pierfrancesco, jeune homme rongé intérieurement par la violence qui règne là. Pour chacune de ces trois personnes, cette parenthèse hors du temps va marquer un tournant.

Insensiblement, des liens vont se tisser entre ces trois personnages qui sont obligés de passer une nuit dans la même pièce, trois personnages otages d’ une violence qui a bouleversé leur vie et qui vont, en une nuit redécouvrir un peu de douceur.

Un très beau roman qui parvient, sans excuser personne, à ne rien laisser dans l’ombre, ni les victimes, ni les prisonniers, ni les familles.

Et pour la petite histoire, il y eut effectivement une prison de haute sécurité au nord-ouest de la Sardaigne, sur l’île d’Asinara dans les années 70.

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Eva dort

Qu'ajouter aux commentaires précédents ? Rien. Et pourtant,je veux dire à quel point cette histoire sur trois générations est particulièrement bien transmise.

Tous les personnages,même très secondaires, ont une existence palpable.

J'ai découvert le désarroi du sud du Tyrol qui,en 1919,suite à le défaite de l'empire austro-hongrois ,s'est trouvé rattaché à l'Italie et à l'arrogance du régime de Mussolini.

Cette tranche d'histoire sanglante, que je ne connaissais pas ,démontre bien,s'il en est besoin, l'absurdité des découpages arbitraires des territoires ,après guerres ou après colonisation.

Le talent de l'auteur est de mêler évènements réels à ceux de fiction.

Mon plaisir et mon intérêt n'ont pas faibli tout au long de cet excellent ouvrage.
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Eva dort

Vito l'a appelée! Il y a si longtemps , il veut la revoir avant qu'il ne soit trop tard. Mille trois cent quatre vingt dix sept kilomètres la sépare de celui qu'elle a toujours considéré comme son père adoptif ...c'est la distance qui sépare le Tyrol du Sud de la Calabre, c'est le temps qu'il faut à Eva pour faire resurgir ses souvenirs, les siens ceux de sa mère Gerda, ceux de son village, ceux de l'histoire mouvementée de ce Tyrol du Sud devenu italien à la suite de la première guerre mondiale...L'histoire petite ou grande s'écrit souvent avec des larmes et du sang.

Je referme ce roman avec le sentiment d'avoir beaucoup appris, j'ignorais tout de cette région et de son histoire, Francesca Milandri offre à son lecteur une fresque historique agréable à lire et très documentée. S'y ajoute le portrait d'une femme hors du commun qui a assumé ses choix et sa vie malgré le désaveu de la société de l'époque.

Un bien beau roman.
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Tous, sauf moi

Mon troisième de Francesca Melandri.



Rome 2010. A partir d'un fait perturbant Ilaria, jeune quadra,

de gauche, professeur, est amenée à s'interroger sur le passé de son père. Attilio Profeti, quatre-vingt-quinze ans : deux mariages, quatre enfants connus , n'a jamais rien révélé de son existence et des nombreux secrets qu'elle referme. Et d'ailleurs sa famille ne lui demandait rien.

Mais aujourd'hui ce "fait perturbant" , que risque-t-il de lui faire découvrir ?

Voici un ouvrage, mi-roman mi-document, qui traverse le vingtième siècle et ses contradictions pour raconter "le cœur de l'identité" italienne.

Les réponses qu'elle cherche se trouvent dans le passé de tous les Italiens, dans une Italie qui "détourne les souvenirs pour ne pas avoir à les affronter" et qui survit tranquillement.

D'hier à aujourd'hui, c'est un pays à la dérive. Mal placé au centre de l'Europe des grandes migrations.

Plus qu'un roman c'est une enquête historique approfondie sur le passé colonial, le racisme féroce de l'Italie fasciste et de l'application des lois raciales de 1938.

Le père d'Ilaria, protagoniste principal , s'est engagé volontaire dans la milice des chemises noires par admiration pour Rodolfo Graziani de sinistre mémoire.

Lequel Graziani a été l’instigateur et l'auteur de massacres et d’atrocités inhumaines dont la description ne nous est pas épargnée.

Ce sont des pages très difficiles à lire.

Heureusement il existe la partie romanesque.

Car la fin aussi est douloureuse avec les expulsions actuelles, dues aux Lois Bossi Fini. L'horreur dans les aéroports, dans les avions qui ramènent en enfer ceux qui en sont sortis et se sont crus sauvés.

Francesca Melandri est italienne et n'épargne pas ses compatriotes !

Les titres sont différents d'une langue à l'autre.

Le sang est le mot-clé de l'italien. Le sang juste, le bon sang,le seul pur, celui du Blanc, descendant de l'Empire romain.

Dans la traduction , "tous,sauf moi", répété à plusieurs reprises, est le rappel du serment que Attilio enfant s'est fait au chevet de sa grand-mère morte.



Il est difficile de parler d'un tel ouvrage, tellement riche, tellement documenté et très bien construit quand, au cours du roman, les événements s'éclairent peu à peu.

Après cela, j'ai complété ce que je connaissais de l'occupation de l'Ethiopie.



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Plus haut que la mer

Luisa et Paolo ont été terrassés par la vie. le mari de Luisa est un assassin et le fils de Paolo est un révolutionnaire , assassin lui aussi.

Luisa et Paolo se rendent sur une île , visiter en prison leur proche.



Très belle histoire , simple, bien écrite, extrêmement touchante. Le rapprochement de Luisa et Paolo est, même s'il semble vite inéluctable, bien amené. On retrouve ici la propension qu'ont les gens ayant les mêmes "infortunes" à se rapprocher, à se reconstruire à travers le malheur que l'on peut partager avec un autre.

On côtoie également l'univers carcéral, ses travers sans doute, la difficulté de la vie d'un gardien de prison.

Le poids du temps, son usure dans le couple, le délitement de la tendresse, mais aussi l'Italie de la fin des années 70 sont parties prenantes d'un roman relativement court mais qui transpire la sincérité.
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Eva dort

Eva dort: cette petite phrase évocatrice de sérénité et qui s'avèrera lapidaire!

En voyage vers le sud de l'Italie pour répondre à l'appel d'un père d'adoption vieillissant, Eva retrace l'histoire de sa famille, originaire du Haut-Tyrol, province germanique, devenue italienne à la chute de l'empire austro-hongrois.

Petite et Grande Histoire se mêlent pour une découverte passionnante de la situation politique et géographique de cette région frontalière, germanophone, aux aspirations de partition et aux revendications d'autonomie, refusant la langue italienne et l'assimilation.

Avec une belle écriture, Francesca Melandri a imaginé une attachante histoire familiale, dans une région montagneuse aux hommes durs et silencieux et aux femmes délaissées, fortes et déterminées. Le manque d'amour est patent, pas le temps pour cela. La rudesse de la survie économique, les engagements politiques et terroristes, la répression policière colorent d'ombre la belle photographie alpestre ensoleillée, avec costumes traditionnels, vaches aux grosses cloches et églises aux clochers à bulbes.

Dans cette région du Haut-Adige, si difficile à italianiser, la prospérité viendra, passant par l'essor touristique des sports d'hiver et par un statut d'autonomie chèrement acquis.

Mais le destin restera douloureux pour Eva, fait de rêves avortés et de regrets, mais aussi de pardon. Une belle histoire de vie et des personnages magnifiques de sensibilité et d'humanité.
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Plus haut que la mer

Roman très bien écrit, très bien traduit .

Ce livre m'avait été conseillé par un libraire à la foire du livre de Bruxelles.

Hélas, c'est très personnel : le contexte de l'histoire dans une prison et les remous politiques de l'Italie au temps des brigades rouges ne m'a pas branché du tout même si l'essentiel de l'histoire se passe entre trois personnes et sur le plan humain.

Je ne suis pas facilement rentrée dans le récit.
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Eva dort

Eva, une jeune femme libérée et moderne entreprend un long voyage en train de mille trois cent quatre-vingt-dix-sept kilomètres, du nord au sud de l'Italie. Elle veut voir celui qu'elle a considéré comme un père et qui, sous le poids des traditions, n'a pu vivre avec sa mère. Il est mourrant.

Les paysages défilent et en flash-back on découvre toute l'histoire d'Eva, celle de Gerda sa mère et celle de son Sud-Tyrol natal.

Je ne connaissais pas l'histoire compliquée du Tyrol du sud avant de lire ce livre. Pourtant cette région pauvre avant l'arrivée du tourisme de masse et des sports d'hiver a été souvent opprimée. Le fascisme a essayé de l'italianiser de force et encore dans les années 70 le terrorisme pour besoin d'indépendance était présent.

Petite et grande histoire : j'ai eu l'impression de voyager avec Eva et de mieux comprendre ce qu'est l'Union européenne. C'est un coup de coeur
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Tous, sauf moi

Un roman, une découverte, une surprise, un régal.

Une auteure inconnue pour moi, un roman choisi sans aucune connaissance de cause, une lecture passionnante comme je les aime.

Si je fais mon résumé, Ilaria, Italienne, une bonne quarantaine d’années en cours pourrait être l’héroïne. Elle est au cœur de l’histoire habilement tissée par l’auteur, qui l’observe évoluer dans cette toile qui se complexifie au fur et à mesure des chapitres. Mais dans la toile, l’auteur, notre araignée, prend également le père, la mère, les mères, puisque le père n’est pas monogame, les fils et les demi-fils, les frères et les demi-frères. A noter qu’Ilaria est la seule fille dans cette descendance. J’ajouterai aussi que c’est elle qui devra porter l’histoire, les trous noirs dans la transmission de la mémoire, des mémoires, et qu’elle aura refusé d’avoir des enfants, donc elle se porte vers le passé mais pas vers le futur, ce qui est à tout le moins paradoxal ou psychanalytiquement terrible. En effet, elle aura découvert les secrets, elle aura levé les lumières, malgré les obstacles de ses parents, mais elle arrête là la chaîne de la transmission.

Je continue le résumé, le contexte historique est le nerf de ce magnifique roman, une fresque plus exactement. Ilaria en 2010, est adulte et découvre l’existence cachée, secrète, de son père, et déroule ainsi toute une partie volontairement oubliée de l’histoire de son pays. Non seulement l’histoire de la période mussolinienne, fasciste, celle des chemises noires, des exactions, des alliances avec d’autres régimes aussi détestables, mais l’histoire nationale, celle d’une colonisation absurde, celle de l’Ethiopie en 1935. Une guerre menée au nom d’un impérialisme loufoque, d’un Duce en mal d’égo, et où l’on découvre les allégations de classement de races absolument, d’une part, justifiés par des tas de gens, pseudo scientifiques, religieux, et d’autre part, légitimés par des observations « sur le terrain ». Et pourtant, oui, pourtant, tout cela a été écrit, véhiculé, clamé, expliqué : un exemple, très à la mode dans la bourgeoisie italienne d’avoir une domestique érythréenne ou éthiopienne, donc noire… (précision, ramenées et « éduquées » et recommandées par les religieuses et les curés… mais se faire servir les plats à table par les mains noires… ah… donc ces braves Italiens gantaient de blanc ces braves filles…, mais cela se passe dans les années 50, 60, du XXème siècle.)

Les relations entre les Italiens, les Blancs, et les Ethiopiens, les Noirs, au moment de la conquête meurtrière de l’Ethiopie, donc dans les années 1935-1936, sont relatées, d’une manière si douce, délicate, pour dénoncer une violence inouïe. Il est alors nécessaire de se décaler dans sa lecture, mais lire ces pages où l’Italien est tellement conscient de sa supériorité et que sa lecture en est complètement faussée, lire ces pages amène une belle réflexion sur notre histoire, notre pauvreté intellectuelle. Et je n’ai pas pu éviter de relire ou de revoir ce que les Français commettaient presque au même moment en Indochine par exemple.

Et Ilaria découvre que son père a combattu en Abyssinie, en Ethiopie, avec les chemises noires, les fascistes, y a aimé une « indigène », lui a fait un enfant. Et en 2010, le petit fils a fui, l’exil ou la mort, les prisons, sous l’œil parfois bienveillant des puissances occidentales, les famines organisées, les déportations, Ilaria lève le voile, ou, l’auteur lui offre de découvrir des réalités qui ont été cachées d’abord par leurs acteurs, puis par les gouvernants, puis par une histoire officielle. Ilaria ouvre la boîte de « café » comme celle de Pandore, l’image est facile et parfois on pourrait reprocher à l’auteur quelques facilités.

Mais Ilaria, porte-parole de Francesca Melandri, veut en découdre, veut comprendre, veut lever tous les voiles, quand les acteurs de ces périodes abominables, sombres, où il n’y a ni méchants ni gentils car tous sont des lâches, faibles, criminels directs et indirects, où chacun a essayé soit de sauver sa peau, comme les Ensablés, soit de se refaire une biographie correcte « républicaine ».

Alors, il me semble que l’auteure punit l’Italie de ses fautes, de ses péchés, qui n’ont jamais été expiés. Où elle écrit, dans les années 1970, les Italiens découvrent un sens au mot immigré. Pour eux jusqu’à présent, immigré, c’était les membres de la famille qui étaient partis en Amérique, dans le nord de l’Europe, etc…à partir de 1975, l’immigré c’est un Africain, un Noir, qui débarque en Italie.

Un retournement de situation, de concept.

Enfin, elle en découd radicalement avec l’Italie de Berlusconi. Les relations diplomatiques entre celui-ci et la Libye de Khadafi sont revues et décrites dans des détails à la fois, qui pourraient être drôles, mais qui sont pathétiques, minables. Et l’auteure a raison de les utiliser dans son roman car on les a presque oubliées, comme on avait oublié les relations de l’Italie avec l’Ethiopie dans la deuxième moitié des années 1930.

Comme son personnage (le père d’Ilaria) qui veut tout oublier de son histoire fasciste et colonialiste et raciste, aujourd’hui l’Italie veut oublier son histoire très très récente avec un dirigeant pour le moins peu républicain, peu moral, peu respectueux des êtres humains, un dirigeant qui a utilisé l’argent de l’Etat, l’argent public, pour engraisser les entreprises qui vont faire de la soi-disant reconstruction en Afrique. Oublions, oublions.

Un beau roman, qui peut parfois paraître compliqué car il passe d’une période à l’autre, les années trente, les années soixante-dix, puis les années quarante, puis 2010…. Donc la navigation peut être un tout petit peu à vue. Mais les personnages sont forts, peu de manichéisme, beaucoup d’empathie. Ils sont aussi très divers, ce qui apporte une belle richesse à la lecture.

Bien écrit, clairement, simplement, sans être pauvre ni facile.

Un roman politico-historico-socio-psychologique, et qui renvoie immédiatement à ce que nous connaissons aujourd’hui, comme je les affectionne.

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Plus haut que la mer

Nous sommes en 1979, Italie. En plein dans les années de plomb qui ont plongé l'Italie dans un déferlement de violence et de terrorisme...

Au milieu de tout ça, 3 personnages : Paolo, Luisa et Nitti.

Les deux premiers viennent visiter leurs proches dans une prison de haute sécurité, le dernier est un maton. Mais pas n'importe quelle prison, une prison sur une Ile en haute mer.

Leurs 3 chemins de vie vont se télescoper lors d'une nuit bloqués sur l'Ile...

Chacun apprendra un peu plus sur les autres et sur lui-même...



J'ai beaucoup apprécié ce livre pour la découverte de ces années italiennes, du milieu carcérale et des sentiments infligés aux proches dans tout ca...

Une très jolie lecture agréable et qui ne laisse pas insensible...
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Plus haut que la mer

C’est l’une de ces histoires toute simples que vous avez envie de faire durer bien plus longtemps que leurs 200 pages. Un bateau entame la traversée d’une grande île italienne vers une plus petite où se dresse un pénitencier pour fortes têtes, prisonniers politiques ou autres récidivistes. Nous sommes dans les années de plomb italiennes, les années 80. A bord du bateau, un homme isolé, et une femme un peu usée qui prend pour la première fois la mer.

Les quarante premières pages laissent augurer un excellent roman, par leur construction, leur manière de poser des jalons, des caractères, des interrogations, des bribes de vie superposées… et la suite est tout aussi réussie.

Paolo et Luisa viennent chacun voir un proche, chacun porte le poids de l’histoire qui l’a conduit là. Un événement sur l’île, à l’issue des visites, conjugué à un gros temps, condamne les deux visiteurs à passer la nuit loin de chez eux, ce qu’ils prennent avec philosophie. Un des gardiens sera chargé de les surveiller, il ne faudrait tout de même pas leur laisser la possibilité de préparer une évasion. La nuit, le vent, la mer noire d’encre, un couchage de fortune, et surtout des paroles toutes simples, des émotions qui affleurent, des sensibilités qui se reconnaissent…

En dire plus ? Non, surtout pas, vous aurez compris que j’ai déniché là une pépite, le coup de cœur de ce début d’année 2015, et que je suis sûre que sa magnifique couverture apparaîtra encore souvent sur les tables des librairies et entre les pages des blogs pour vous rappeler son existence !
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Tous, sauf moi

Ce roman, très dense, met en scène des personnages confrontés à l'histoire du racisme anti-africain en Italie. À la suite de la rencontre d'un jeune homme éthopien qui se dit son neveu, Illaria se met à explorer le passé trouble de son père âgé, un homme chanceux, qui a traversé la vie en profitant de la confiance que lui conférait son physique avantageux.

De l'empire en Éthiopie à l'Italie de Berlusconi, on a quand même l'impression que la corruption et le clientélisme sont les seules constantes de la politique italienne.

Personnages attachants, situations parfois à la limite du soutenable, écriture intelligente, voilà les ingrédients de ce superbe livre. C'était mon premier Melandri, mais j'y retournerai.
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Plus haut que la mer

Je viens de passer quelques jours sur une île un peu particulière, une île italienne où se trouve une prison de haute sécurité. Bloqués par une tempête, deux visiteurs de détenus vont devoir passer une nuit sur celle-ci. Peu d'actions dans ce roman mais beaucoup d'émotions. L'écriture délicate de Francesca Melandri crée une sorte de bulle apaisante dans la violence ambiante, celle de la météo et surtout celle des hommes. Ces deux êtres qui ne se connaissent pas vont se découvrir et se reconnaître dans une profonde solitude. C'est poignant de pénétrer dans l'intimité de proches de prisonniers. Ils viennent par devoir, par peur, par culpabilité, pour comprendre. Cela interroge sur notre humanité et notre capacité à pardonner. Une belle découverte.
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Tous, sauf moi

Belle découverte littéraire pour moi, que le livre de cette formidable écrivaine italienne, Francesca Melandri, Tous, sauf moi (titre italien : Sangue Giusto) est un livre d’une extrême puissance, d’une grande densité, écrit par une femme qui, outre son indéniable grand talent d’écrivaine, a eu le souci de se documenter de façon extrêmement rigoureuse sur l’histoire récente de son pays à laquelle elle emprunte pour son roman de très nombreuses anecdotes historiques. J’ai appris énormément de choses dans ce roman où évoluent des personnages fictifs (mais pas tant que ça) au milieu de personnages historiques bien réels comme Berlusconi, Khadafi ou le vieux maréchal Graziani, héros sanguinaire de la politique de colonisation mussolinienne. On passe successivement des descriptions cocasses, débiles et redondantes des manifestations fascistes, aux exactions abominables dues aux troupes de Mussolini en Abyssinie, qui n’hésitaient pas à gazer à l’ypérite depuis leurs avions les malheureux guerriers de l’Empereur Hailé Sélassié chargeant à la lance les chars du Duce... On y assiste à la venue de Khadafi à Rome, à son campement dans les jardins du Quirinal, comme à Paris sous Sarkozy, aux honneurs dont l’entoure son cher « ami » Berlusconi...Grotesque !

Chapitres terrifiants sur le phénomène des migrants, puisque l’un d’eux, personnage du roman, est à la recherche d’un ancêtre italien qui aurait eu des relations plus qu’intimes avec une jolie Abyssine pendant les cinq ans de cette guerre atroce menée par le régime fasciste (1936-1941).

Passage obligé par les prisons de Khadafi et leurs tortionnaires à la cruauté perverse. Traversée de la Méditérranée en surnombre sur d’infâmes rafiots ; retour forcé de ces malheureux migrants sur des terres d’origine qu’ils n’ont souvent jamais connue.

On y voit pendant la guerre coloniale de 1936 des fonctionnaires italiens chargés de déterminer à l’aide de mesures anthropométriques la race juste pour le compte du Duce, rappelant étrangement celles de certains médecins de l’Allemagne nazie ; évocation du racisme anti-noir, bien évidemment, de l’antisémitisme, du racisme tout court... Croustillants passages sur les bordels de l’époque fasciste.



Le tout écrit avec une plume sans complaisance analysant avec férocité à travers ces personnages actuels essayant de comprendre leur passé (celui des deux générations qui les précèdent), cette Italie aux bizarres ambiguïtés, aux contradictions permanentes, et dont les cent dernières années expliquent en partie la complaisance actuelle vis-à-vis de certaines sirènes extrémistes.

J’ai adoré ce livre, parfois touffu, dans lequel certains destins s’entrecroisent au point de presque perdre le lecteur. Ce roman, écrit d’un plume élégante, alerte, précise, ironique, n’hésitant pas à livrer des détails allant du plus horrible (les scènes de guerres et de massacres en Abyssinie, devenue l’Ethiopie) au plus croustillant (les scènes dans les bordels fascistes !). Parfois d’un réalisme cruel, le plus souvent d’une ironie féroce, c’est, à mon sens, un très grand roman.

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Plus haut que la mer

Lors d’une sortie, avant de se marier, qu’est-ce que Luisa avait demandé à son futur époux?

De regarder l’horizon
De se taire pour écouter le bruit du vent
De courir avec elle
De l’embrasser

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