Francis Berthelot

La terre tourne à vide, et moi je tourne en rond
À compter les virgules égarées dans ton nom,
Jongler avec les mots, bousculer le silence,
Et porter sans faiblir le poids de ton absence.
La terre, c’est pas la mer à boire.
Pourtant, elle nous prend nos histoires,
Nos amours, et jusqu’à leur mémoire.

Dans un monde où la lumière vient du passé, qui sommes-nous pour décider de ce qui est possible, et de ce qui ne l'est pas ?

Sa mort lui revint. Avec elle, son atroce agonie, et la révélation d'un meurtre que tout le monde ignorait.

Khanaor... Terre démembrée, écartelée, cernée par un océan à l'indifférence séculaire, livrée à des fléaux qui renforçaient ou dénaturaient le lien magique unissant les hommes aux éléments.

La clarté lacustre qui tombait des voûtes les révéla un à un à Raïleh. Des hommes aux traits de noyés. Des femmes dont l’œil atone semblait sans passé, sans espérance. Quelques enfants aussi, blêmes et édenté à faire peine. Tous d'une chair pétrifiée qui leur donnait l'apparence de statues de limon, quand ce qu'ils avaient d'humain restait encore perceptible.

Je m'appelle Ferenc Bohr.
C'est un mensonge, bien entendu ; mais par rapport à la kyrielle qui va suivre, à peine un soupir d'oiseau-mouche.

Un artiste ne doit pas se déconcentrer - jamais. Verrait-il surgir la Mort en personne.

Les nuages filaient devant la lune comme des rapaces. Les monts du Cantal, embrasés par Dieu sait quel sabbat, résonnaient sous des cantiques sinistres. Au matin, le soleil a dispersé les dernières traces de brume... Et les gardes forestiers ont découvert, dans une clairière entourée d'épicéas, des dizaines de corps calcinés.

Les gars dans ton genre, à force de leur vouloir du bien, on finirait par perdre le nord.

Cette région, qui est à la fois le sud de l'Allemagne et le nord de son enfance, le froid de l'été et le feu de l'hiver, il ne comprend plus ce qu'il y fait. Elle ne répond à aucune de ses questions.

Maman est partie. Elle t'a abandonnée à cette joie végétale qui emplit la maison. C'est signe que tu vas mieux, qu'elle te fait confiance.

Mon cerveau est un labyrinthe hérissé d'angles, de recoins, d'impasses où la pensée se bloque, vide de réponses.

Moi, Alexis, le soir tombe à nouveau, et je voudrais comprendre. Jour après jour, je vois grandir la fêlure qui me sépare du monde, tandis que la vie se retire de mes marionnettes.

Les soirs qui ont suivi la mort de Romain, Yorenn s'est réfugiée dans les tranquillisants comme s'il lui fallait prendre sa relève. Engourdie, anesthésiée, enténébrée jusqu'à l'âme, elle a enfoui ses rêves dans une obscurité pesante, épaisse, ne laissant poindre aucune image. Du noir et encore du noir. Même en songe, elle ne supportait pas qu'il lui apparaisse.

Dans les grottes liquides des profondeurs, la Dame des légendes reste indifférente à sa supplique. Il sait bien, d'ailleurs, qu'il est dangereux de l'invoquer. Aux hommes qui lui déplaisent, ses doigts transparents lancent parfois des sorts. De ceux dont on ne parle qu'à voix basse...
Des sortilèges de verre.

— Qui étais-tu ? Un homme ?
— Un Terrien. Une espèce d’illuminé qui croyait savoir beaucoup de choses. Sur les astres, les plantes, les puissances occultes. En fait, je ne savais rien du tout. Je pataugeais, comme tous les hommes. Je cherchais à comprendre.

En quelques semaines à peine a jailli entre elles une amitié toute simple, comme les femmes en ont le secret. Est-ce l'admiration de chacune d'elles pour la talent de l'autre - un talent d'autant plus appréciable qu'il ne la menace pas ? Sans doute. Mais, surtout, un de ces obscurs accords de l'âme faits d'impressions, de regards, de silences, qui s'inscrivent sans heurt dans le cours des choses et auxquels il est bien inutile de chercher un nom.
(Mélusath)

Il n'a brandi aucune baguette magique. Lancé aucun abracadabra. Rien... Juste accepté que - si le sort le veut - l'impossible se produise. Et pourtant, sous son regard, l'ombre commence à respirer. L'air de rien, la voilà qui palpite, prend vie, se déploie, comme les figures mystérieuses qui naissent des nuages. A croire qu'elle puise sa substance dans ce fatras d'objets assoupis ; et son énergie dans des esquisses qui n'intéressent que la poussière.
(Mélusath)

Quand on a escorté quelqu'un jusqu'à la tombe, le monde n'est plus qu'une plaisanterie macabre.
(Mélusath)

Il s'est redressé. Mourir, lui ? Alors qu'il n'a jamais vu l'Afrique ? Ni la banquise ? Il ne peut pas y croire... Ce complot de l'organisme, c'est donc à ça qu'il le mène ? A la mort ? Sa mort à lui ? Celle qui dit je ? Celle qu'il faut vivre de l'intérieur, sans la partager avec personne ?...
(Le Jongleur interrompu)