François Fejtö. Les semences du printemps de Prague.
Brusquement, une réalité nouvelle surgit, apportant des situations inattendues, paradoxales, insolites. Se réveillant comme d'un cauchemar, la jeunesse hongroise se souleva contre le despotisme, ignorant que le despote était mort depuis trois ans et que ses successeurs étaient mieux intentionnés. Puis, bravant quelques unités de tanks russes, mal préparées pour ce genre de combat, venues pour faire peur plutôt que pour tirer, les jeunes insurgés se crurent vainqueur d'une des armées les plus puissantes du monde, oubliant que géopolitiquement la Hongrie restait dans la mouvance de l'empire soviétique. Se croyant protégés par les manifestations de sympathie de l'opinion mondiale, ils s'organisèrent comme s'ils étaient effectivement libérés et indépendants. Ils ne se contentèrent plus de réformes timides, ni même radicales, mais proclamèrent la souveraineté de la Nation. Ils ne consommèrent pas seulement l'écroulement d'un système politique que l'on pensait plus solidement fondé et qui se révélait être un château de cartes, mais se mirent à improviser des institutions démocratiques nouvelles, comme si c'était l'An Zéro de la Hongrie.
L'empereur considérait les physiocrates avec sympathie, ne serait-ce que parce que -contrairement à la plupart des philosophes français contemporains- ils étaient les partisans de la monarchie absolue.
Il ne voulait pas reconnaître que l'exécution de ses ordonnances exigeait beaucoup plus de temps que leur rédaction, surtout lorsqu'il s'agissait de décisions aussi révolutionnaires que celles qu'il prenait.
Une fièvre apocalyptique s'emparait du peuple misérable. En janvier 1775 plusieurs centaines de paysages des s'assemblèrent dans la région de Weckersdorf. Ils existent de l'intendant des domaines de proclamer les libertés que l'empereur Joseph II avait accordées par écrit mais dont les seigneurs les frustraient.
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Frédéric II prenait plaisir d’être appelé un philosophe mais, quelque vaniteux qu’il fût sur le chapitre de ses vers et de sa correspondance philosophique, il se considérait néanmoins meilleur capitaine que poète.
L’idéal humain du siècle était le héros spirituel, galant et courtois ; la philosophie elle-même servait cet idéal. Ce qui nous frappe chez l’homme de cette époque, c’est son héroïsme sans enthousiasme. Bien au contraire, il était brave avec une âme sèche, une raison froide et utilitaire, tout comme il était galant sans véritable passion ou, du moins, sans aucune manifestation romanesque de l’amour. Il s’efforçait d’atteindre à la grandeur, en gardant son sang-froid et ses manières élégantes en toutes circonstances.
Le cœur du jeune prince était plein d’ardeur, d’enthousiasme, mais il n’arrivait pas à exprimer ce qu’il ressentait. Il acceptait ce qu’Isabelle lui donnait de plein gré ou sans même le savoir : la douceur indicible de son corps frais, la musique toute méridionale de ses paroles ; mais il ne lui venait même pas à l’esprit qu’il devait, lui aussi, donner quelque chose en échange. Son amour l’aveuglait au point qu’il ne s’apercevait même pas de l’attitude réservée de sa femme ; il n’essayait pas de connaître les causes de sa tristesse, il ne l’obligeait pas à lui ouvrir son âme, à lui confier ses joies et ses peines. Il est vrai qu’Isabelle non plus ne faisait aucune tentative pour se rapprocher de son mari.
Il fallait enfin prendre conscience et ne jamais perdre de vue la parution d'un nouveau partenaire sur la scène de la politique européenne: au cours de ces dernières années, et par suite des changements fréquents de favoris et de souverains, la politique russe s'était montrée, il est vrai, incohérente; en cas d'un gouvernement stable, cependant, la Russie ne serait pour l'Autriche ni une alliée dans conséquence, ni un adversaire négligeable dans la poursuite du but principal de sa politique: la reconquête de la Silésie et l'humiliation de Frédéric.
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Ce fut le cas de Ziethen, du prince Henri et de Seidlitz. Il a une haute opinion de sa propre valeur et méprise les hommes. Il ne demande jamais conseil à personne ; celui qui lui oppose la moindre résistance perd sa faveur ; il éloigne de son entourage tous les hommes intelligents : il ne veut que des machines qui exécutent fidèlement ses ordres. Il se rit des religions, et ne respecte aucune des bornes que la Providence ou les anciens législateurs ont établies pour assurer la vie de la société humaine. Il ne connaît ni loi humaine, ni loi divine.
En 1764, Marie-Thérèse convoqua la Diète hongroise. Elle lui demanda d'augmenter les impôts d'un million de florins et de racheter par des contributions en espèces l'ancienne obligation de la noblesse de lever des armées, coutume désuète et impossible à mettre en pratique en temps de guerre. Mais la Diète discutera bien moins cette demande qu'elle ne pressa la souveraine d'infliger une punition exemplaire à Adam Kollàr qui, à ses yeux, était un traître à sa patrie.
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C’était une femme intelligente et douée dont le niveau intellectuel et sentimental était bien supérieur à celui de Joseph. « Elle ne disposait pas seulement des qualités du cœur pour lesquelles elle mérite notre estime, mais elle possédait également toutes les connaissances et tous les dons qu’on peut exiger du jeune homme le plus accompli », écrivait à son sujet le prince Albert de Saxe-Teschen, le fiancé de Mimi. Isabelle ne lisait pas seulement ; elle écrivait aussi.