Aujourd'hui, on est en 2023.
François Schuiten a perdu
Jim, son Flat Coated Retriever bien aimé. Et il ne s'en console pas. Il lui dédie ce magnifique petit carnet. Et aujourd'hui, il a le droit d'exprimer sa peine.
Moi, des chiens et des chats, j'en ai eu plusieurs (et j'en ai encore). Je les ai tendrement aimés. J'ai souffert abominablement chaque fois que l'un d'eux m'a quittée. Mais je ne pouvais pas le dire, sauf à des rares personnes. Quand on me demandait pourquoi j'étais triste, que j'avouais : «Mon chien (ou mon chat) est mort », la plupart du temps, on ouvrait les yeux ronds. On me regardait comme une malade. « Mais quoi ? Ce n'est qu'un animal ! »
J'ai entendu parler de cet album et je ne voulais pas l'acheter. J'avais peur que ce soit trop triste. J'avais peur de raviver toutes ces plaies.
Mais enfin, j'aime beaucoup Schuiten. La couverture me paraissait si belle. J'en ai lu tant de bien. Il m'a été recommandé par des lecteur.rices en qui j'ai confiance. J'ai donc risqué de m'y aventurer.
Dès les premières pages, j'ai senti ma gorge se serrer. Dans sa « Lettre d'amour à mon chien », l'auteur explique les derniers moments de
Jim. Cette douleur qu'il a ressentie.
Suit une préface d'
Audrey Jougla, philosophe, qui s'ouvre par : « C'est une sidération à laquelle on ne s'attend pas. On a beau s'y préparer, le savoir, l'imaginer, l'absence soudaine de son fidèle compagnon vous plonge dans un abîme où tout vacille. »
Et que dire de cette première image où l'auteur, dont les larmes semblent de la pluie, tire derrière lui une laisse dont s'est échappée l'ombre de
Jim qui s'élance vers le ciel.
C'est trop. Je ne vais pas aller plus loin.
Dans sa critique (« La libre Belgique»),
Guy Duplat parle de « Faire son deuil » et compare «
Jim » à « Mélodie. Chronique d'une passion » d'Akira Mizubayachi, un livre que j'avais adoré malgré le chagrin de la perte qu'il relate.
Pour tromper sa douleur, Schuiten a pris son crayon et a dessiné. « Dessiner
Jim pour faire le deuil et accepter de le laisser partir ».
Il y aura donc de la tristesse, mais aussi des moments heureux.
Ses images sont tellement belles. Tellement poignantes, comme ces trois vignettes qui traduisent l'absence : le coin du canapé, la main de l'homme dans la fourrure du chien, le coin du canapé, la main de l'homme sur un fantôme évanescent, le coin du canapé, la main de l'homme sur le vide. La même idée se répète (par exemple avec le rétroviseur). L'ombre de
Jim est partout.
En face de chaque planche, une réflexion, un souvenir.
Cet album est une merveille. Il traduit magnifiquement ce trou dans le coeur qui ne se refermera jamais.
Ma chronique est pour vous Chipie, Friponne, Coquine, Gamine, Gitane. Elle est aussi pour toi, Philobée. Tu as treize ans, comme
Jim et je souhaite que tu restes encore longtemps parmi nous.