Citations de François Weyergans (159)
"Tu fais peur à tout le monde", m'a dit Delphine hier soir, en guise de point final à un dialogue qui risquait de s'envenimer. Ma conduite la pousse parfois à des déclarations de ce genre, de vraies sentences condamnatoires.
J'imaginais mon crâne rempli d'une eau boueuse et tiède dans laquelle grouillaient des dizaines d'insectes. Je croyais voir leurs abdomens velus, leurs têtes luisantes, leurs petits yeux rouge sang. Je ne savais plus où je me trouvais. Je finis par oser ouvrir les yeux. Je compris que j'étais chez moi. Je m'étais endormi tout habillé sur ma chaise. Il faut être au bout du rouleau pour s'endormir sur une chaise.
Je n'arrivais pas à me défaire de ces images d'insectes bruyants pataugeant dans ma tête. Leur vision m'avait rappelé l'enfer musical peint par Jérôme Bosch, où un homme essaie d'enlever une flûte enfoncée dans son anus et un autre se trouve embroché sur les cordes métalliques d'une harpe géante. J'ai écrit un livre sur Jérôme Bosch. Heureux temps où j'allais voir les tableaux de Bosch à Vienne, à Madrid, à Lisbonne, à Rotterdam et où les enfers et les jugements derniers restaient dans les musées au lieu d'envahir mon cerveau!
(...) le temps ne passe pas c'est nous qui passons (...)
(Depuis), j'ai découvert que je suis quelqu'un que les femmes ne détestent pas peloter dans des lieux publics, sous les tables des restaurants, dans des cabines téléphoniques, des salles d'attente, des voitures garées la nuit dans des rues peu passantes. Je suppose que ça arrive à tout le monde, bien que je n'aie jamais abordé ce sujet avec mes amis, par pudibonderie plutôt que par pudeur.
Les remords, ce n'est pas pour moi. J'ai des regrets, ce qui n'a rien à voir. Il y a dans tout remords un côté douleur cuisante que je ne ressens pas. Les regrets sont moins malveillants. On désavoue son passé sans le juger. Les remords empêchent d'aller de l'avant.
"Personne ne mesure la chance d'être qui il est."
La mort des autres nous conforte dans l'idée que notre vie est précieuse, importante, essentielle, unique. Nos morts valorisent nos vie.
"[...] mais le temps ne passe pas c'est nous qui passons [...]."
Il y a des moments où je crois que le réel, c'est ce que j'invente au fur et à mesure que j'écris.
Quant je ressasse ma vie, je trouve qu'il y a de belles séances de psychanalyse qui se perdent.
Je suis écrivain
_"Qu'est ce que tenter l'aventure ? [...] C'est accepter ce qui arrive, et en faire son profit pour aller au-devant d'une aventure nouvelle."
Lui, c'était sa mémoire qui réclamait des informations hétérogènes, déroutantes et périssables, pour réussir à digérer le fort peu digeste monde actuel.
Je vais aller dormir. Je me fais toujours une joie de m’endormir. C’est le moment où j’ai le plus d’idées. J’en ai plein, les plus belles qui soient, je les accueille et les entoure de prévenance, d’autant plus que je sais que je ne pourrais pas les utiliser. Il m’est impossible, hélas d’écrire et dormir en même temps. Je m’endors donc en me trouvant génial et je me réveillerai en trouvant que ma vie est horrible, deux jugements très exagérés.
Sa décision fut prise à l'aube : il était temps qu'il vivre complètement seul. Il ne cuirait plus sa nourriture et s'accommoderait d'herbes crues. Il n'aurait plus à regarder des visages humains et chercherait à regarder Dieu en face. Il espérait que Dieu, lui aussi, le regarderait.
Mais il y a cette enfance qui nous colle à la peau, cette expérience vécue, ineffaçable plutôt qu’ineffable, qui n’a pas fini de nous faire du bien ou du mal, selon les moments.
Saint Paul était ce genre d' homme qui a des idées sur tout, la longueur des cheveux ou la façon de manger de la viande. Il disait aux esclaves : "Obéissez à vos maîtres d'ici-bas" et voulait que les femmes se taisent dans les réunions publiques. (Folio, p. 16, 2007)
Pendant toute mon enfance et mon adolescence j’avais une confiance aveugle en mon père, doublée d’une confiance inébranlable en moi. Il était mon seul père et j’étais son seul fils. Nous formions un couple.
Une amie m'a dit : "si je meurs avant mon chien, promets-moi de mêler mes cendres à sa nourriture, que je puisse un peu survivre en lui." Je lui ai dit qu'elle était timbrée.
C'est comme un roman qu'on lit en deux heures alors qu'il a fallu deux ans pour l'écrire
"Les impressions intenses ne disparaissent jamais, on les met de côté pour avoir la paix, on croit qu'elles s'atténuent et que le temps guérit tout, mais le passé peut revenir nous tourmenter à tout moment, il ne prévient pas."