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Citations de Françoise Dastur (26)


Celui-ci est cependant encore saisi dans son opposition à l’éternité, comme l’atteste la citation de Maître Eckhart dont Heidegger avait fait la devise de sa leçon : « Le temps, c’est ce qui se transforme et se diversifie, l’éternité se maintient dans sa simplicité. »
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Une vie, c'est comme une histoire : elle a un début et elle doit aussi avoir une fin. N'est-ce pas précisément parce que l'homme ne vit qu'un court laps de temps que sa vie acquiert un sens ?

[p57]
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Il est vrai que ce texte virulent répond aux jugements eux-mêmes non dépourvus de violence que Simone Weil porte sur le judaïsme et qui l’ont d’ailleurs conduite à se tourner d’abord vers le christianisme, puis vers l’Inde. Il n’en demeure pas moins que l’idée selon laquelle seule l’humanité judéo-chrétienne est la véritable humanité, le reste, à savoir tous ceux qui n’appartiennent pas à la « famille monothéiste »‒ aujourd’hui plusieurs milliards d’êtres humains ‒ ne représentant qu’une sous-humanité, est l’expression, là encore, d’une mentalité coloniale.
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De même qu’on peut découvrir un « argument ontologique » et une preuve de l’existence de Dieu dans l’idée d’un être si parfait qu’il ne peut exister dans l’intellect seul, mais doit nécessairement aussi exister en réalité, ce qui implique qu’on ne puisse penser sans absurdité sa non-existence, il est possible d’accepter l’idée d’un « argument thanatologique » qui ferait du savoir de la mort un savoir absolument certain, incomparable aux autres sortes de savoirs, qui, nous ouvrant à la démesure de ce dont il n’est pas d’expérience possible, serait en nous la première origine de toute pensée du divin.
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Car ce qui caractérise la dernière philosophie de Merleau-Ponty, c’est la réaffirmation, à un niveau plus résolument ontologique, de cette liaison indéchirable entre le langage, le corps et l’histoire qui faisait déjà le sujet de la Phénoménologie de la perception.

C’est cette ontologie ‒ une ontologie de la chair et de l’expression ‒ que je voudrais brièvement présenter maintenant en montrant en quoi elle s’oppose aussi bien à l’ontologie dualiste et à l’« humanisme » sartrien qu’à la « grammatologie » derridienne, laquelle, bien qu’elle prenne ses distances autant avec le structuralisme qu’avec le perspectivisme, n’en demeure pas moins la critique la plus décisive de toute expressivité.
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23Heidegger termine sa conférence en affirmant que notre pensée demeure trop courte et notre oreille sourde lorsque nous voyons en Trakl un poète de la décadence et que nous le jugeons « étranger à l’histoire ». Sa poésie n’a pas besoin de sujets historiques car elle parle du processus historique lui-même, du destin réservé à l’espèce humaine et, ajoute Heidegger, ainsi elle la sauve (rettet). Dans une conférence datant de la même année 1953, Heidegger insiste sur le fait que ce mot signifie originellement « faire apparaître », le salut devant être compris comme le fait d’amener quelque chose à son être23. Est-ce là, demande-t-il, encore un rêve romantique qui demeurerait à l’écart de la technicité et de l’économie du monde moderne ? ou bien est-ce là au contraire le clair savoir du dément, de celui qui ne se laisse pas enfermer dans l’actuel, déploie la dimension d’un avenir qui n’est pas seulement la prolongation du présent et demeure ainsi dépourvu de tout destin capable de concerner l’homme dans l’origine même de son être ? Le site de la poésie de Trakl est donc le pays du soir, une terre spirituelle : en tant que tel il s’oppose aussi bien à l’Occident métaphysico-chrétien qu’à l’Europe économico-technique, aussi bien au passé qu’au présent. Cet Occident auquel nous appelle Trakl est le pays des ingénérés, un Occident encore en latence (verborgen). Trakl est ainsi, aux yeux de Heidegger, le poète d’un tel Occident à venir.
Notes
1 Cf. Martin Heidegger, Chemins qui ne mènent nulle part, Paris, Gallimard, 1962, p. 323-385.
2 Martin Heidegger, Acheminement vers la parole, traduit par Jean Beaufret, Wolfgang Brokmeier et François Fédier, Paris, Gallimard, 1976.
3 Cf. La Nouvelle Revue Française, janvier et février 1958, n° 61, p. 52-75, et n° 62, p. 213-236.
4 Cf. M. Heidegger, Unterwegs zur Sprache, Neske, Pfullingen, 1959, p. 37 ; traduction, op. cit., p. 41-42.
5 Ibid., p. 230, traduction, p. 215.
6 Cf. Martin Heidegger, Être et temps, Paris, Gallimard, 1986, § 32, p. 198 [153] sq.
7 Cf. Martin Heidegger, « La chose » (1950) in Essais et conférences, Paris, Gallimard, 1954, p. 212.
8 Cf. Essais et conférences, op. cit., p. 213.
9 M. Heidegger, Approche de Hölderlin, Paris, Gallimard, 1973, p. 8.
10 Voir dans Qu’appelle-t-on penser ? , Paris, PUF, 1959, p. 53 sq. le commentaire que fait Heidegger de cette parole de Nietzsche.
11 Acheminement vers la parole, op. cit., p. 49.
12 F. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Paris, Mercure de France, 1958, p. 152.
13 Ibid., p. 11.
14 C’est la traduction qu’en donne François Fédier dans F. Hölderlin, Douze poèmes, Paris, Orphée, La Différence, 1989, p. 65.
15 Voir à ce propos la lecture que Derrida fait, dans De l’esprit, Paris, Galilée, 1987, p. 137 sq., du texte de Heidegger qu’il ouvre par ces mots : « Cette Erörterung du Gedicht de Trakl est, me semble-t-il, un des textes les plus riches de Heidegger : subtil, surdéterminé, plus intraduisible que jamais. Et bien entendu des plus problématiques. »
16 M. Heidegger, Être et temps, op. cit., § 65, p. 389 [329].
17 Cf. M. Heidegger, Schelling, Paris, Gallimard, 1977 (Cours du semestre d’été 1936), p. 182 sq.
18 Acheminement vers la parole, op. cit., p. 67.
19 Ibid., p. 69. Beaufret traduit ici de manière peu claire das Versammelnde par « ce qui appareille » au sens de ce qui met en paire.
20 Cf. en particulier Chemins qui ne mènent nulle part, op. cit., p. 327.
21 Ibid., p. 75.
22 Ibid., p. 76.
23 Cf. « La question de la technique », in Essais et conférences, op. cit., p. 38. Voir également p.
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Heidegger avoue donc que sa façon de procéder dans la situation qu’il entreprend de la poésie de Trakl peut paraître arbitraire puisqu’elle doit s’appuyer sur un certain nombre de vers tirés des poèmes de Trakl, mais cette apparence d’arbitraire provient du saut (Heidegger dit plus précisément Blicksprung, saut du regard) qui est nécessaire pour nous faire passer du dit au non dit. Or ce saut nous conduit à un vers tiré du poème intitulé « Printemps de l’âme » (Frühling der Seele) dont Heidegger ne citera les neuf derniers vers qu’à la fin de la conférence. Ce vers dit : « Es ist die Seele ein Fremdes auf Erden », « L’âme est en vérité quelque chose d’étranger sur terre », et il forme le fil conducteur de la première partie de la conférence. Heidegger commence par souligner que ce vers peut être compris à partir de la représentation platonicienne de l’opposition entre le sensible et l’intelligible, la terre d’une part, domaine du périssable et l’âme d’autre part, domaine de l’impérissable. L’étrangeté de l’âme viendrait ainsi de sa non-appartenance au sensible, du fait qu’elle n’est pas de l’espèce (Schlag) terrestre et qu’elle est donc déplacée (verschlagen) sur la terre. Mais Heidegger, qui veut soustraire Trakl à ce platonisme traditionnel, s’attache à montrer que le mot « fremd » que l’on traduit habituellement par « étranger » signifie en réalité en vieil allemand, donc dans la langue médiévale, où il a la forme « fram », en chemin vers, en avant vers un autre lieu. Ce qui est étranger est donc littéralement ce qui voyage, non pas ce qui erre sans but, mais ce qui s’avance ainsi vers le lieu qui lui est approprié. À partir de là, le vers cité prend un autre sens : l’âme ne fuit pas la terre, lieu inhabitable pour elle, comme le veut le platonisme traditionnel, mais au contraire cherche la terre. Il faut donc entendre ce vers différemment : l’étrangeté à la terre n’est pas l’attribut de l’âme, mais, dans la mesure où elle nomme son être en chemin vers la terre, son essence même. Son étrangeté n’est en effet rien d’autre que son être en chemin qui la définit comme telle, l’essence de l’âme étant précisément d’être en pérégrination, en mouvement vers. Mais vers quoi ? Ici Heidegger doit faire appel à un autre vers d’un autre poème pour le préciser, « Sebastian im Traum », « Songe de Sébastien », où il est question d’un oiseau, d’une grive qui appelle au déclin quelque chose d’étranger. Mais ce déclin n’est précisément pas le fait pour l’âme de quitter le séjour terrestre, et ce déclin n’est ni décadence ni catastrophe selon Heidegger qui cite à l’appui un vers d’un troisième poème, « Automne transfiguré » (Verklärter Herbst), qui associe le déclin au repos et au silence. Il s’agit en effet pour Heidegger de penser de manière non négative le déclin. C’est pourquoi il cite à nouveau « Printemps de l’âme », où apparaît le verbe « dämmern » qui est employé aussi bien pour le lever du jour que pour la tombée de la nuit, la Dämmerung désignant en allemand soit l’aube soit le crépuscule, et ne signifiant donc pas nécessairement le déclin. Le vers cité dit précisément : Geistlich dämmert /Blaüe über den verhauenen Wald : « spirituel l’azur dämmert (se lève ou tombe) sur la forêt abattue ». Ici une nouvelle relation se révèle, celle de ce qui est geistlich, « spirituel », à ce moment de clair-obscur qui précède le lever ou le coucher du soleil, et qui est un moment d’inclinaison de l’astre, de cette déclinaison au sens général du soleil dont parle le poème intitulé « Sommersneige », « Déclin de l’été », qui dit de cette déclinaison qu’elle est « leise », « discrète », qu’elle advient sans bruit, doucement, c’est-à-dire, précise Heidegger qui a de nouveau recours à l’étymologie de ce mot, « lentement », par glissement. C’est dans ce même poème qu’il est question du « Fremdling », de l’étranger marchant à pas sonores dans la nuit d’argent et d’un bleu gibier qui doit garder mémoire de son sentier et des accords harmonieux de ses années spirituelles.
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Heidegger suggère ainsi que tout dialogue pensant avec la poésie d’un poète demeure pris dans ce « cercle herméneutique » où situation et éclaircissement se présupposent réciproquement l’une l’autre. Le terme de Zwiesprache auquel il a alors recours indique ici la situation d’une parole échangée entre deux partenaires, et Heidegger souligne que le vrai « dialogue » avec la poésie est celui des poètes entre eux, ce qui implique que dans ce cas la parole échangée est dans les deux sens poétique. Mais un autre dialogue est aussi possible et parfois même nécessaire, c’est le dialogue de la pensée et de la poésie, car toutes deux ont un rapport insigne à la parole. Heidegger retrouve ici une idée qu’il a déjà exposée maintes fois dès les années trente, et d’abord dans ses premiers « éclaircissements » de la poésie de Hölderlin : pensée et poésie ne se bornent pas à utiliser les mots, n’ont pas un rapport instrumental au langage, mais se déploient toutes deux dans l’élément même de la parole, ce qui implique qu’en elles le « sens » ne soit pas détachable de son support langagier. Ce rapport insigne à la langue, bien qu’il soit différent dans les deux cas et qu’il ne permette donc pas d’identifier poésie et pensée, mais plutôt de parler de leur « voisinage », c’est un rapport d’habitation, un être à demeure dans la parole qui caractérise le statut de ceux que Heidegger ne nomme pas les hommes, mais bien les mortels, ceux, dit-il dans une conférence datant de la même époque, qui sont « capables de la mort7 ». Mortel n’est donc pas le nom d’un être pourvu de déterminations négatives, comme c’est traditionnellement le cas, mais au contraire une appellation qui implique une « capacité » : la capacité de ne pas s’ériger en sujet de représentation, de ne pas se constituer en « point archimédique », pour reprendre une expression cartésienne, mais de se penser au contraire comme « au service » de l’apparaître, comme « employé » (gebraucht) par l’être, et comme son partenaire dans le dialogue entretenu avec lui. Le mortel est celui qui répond à l’appel de l’être et qui n’est donc pas en position première, ce qui implique que sa parole n’est pas son instrument docile, une technique qu’il se serait donnée à lui-même pour maîtriser les phénomènes, mais au contraire un don qu’il reçoit et de l’usage duquel il a à répondre. Le penseur et le poète font l’un et l’autre l’épreuve de cet « être » de la parole, et ici le mot Wesen a le sens que lui donne Heidegger depuis déjà les années quarante, à savoir le sens de l’ancien verbe haut allemand wesan, qui signifie « déployer son être », plutôt que celui traditionnel d’» essence », qui suppose la distinction, elle-même traditionnelle, de l’essence et de l’existence, et le khorismos, hérité du platonisme, séparant le sensible de l’intelligible.
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Il reste une dernière question que Heidegger aborde dans la troisième et dernière partie de la conférence, celle du rapport de la poésie de Trakl à l’Occident, le pays du soir. Car le vrai nom du site où elle se tient peut être précisément nommé Abendland, ce qui renvoie selon Heidegger à quelque chose de plus ancien que l’Occident platonicochrétien et européen. Un tel Occident n’est nullement décadent, il demeure au contraire en attente de ses habitants en tant que pays de la nuit spirituelle et du retrait du divin où, comme chez Hölderlin, le rapport à das Heilige, l’indemne, est plus fort lorsque celui-ci se retire que lorsque celui-ci se donne à voir dans la figure de la divinité. Le retrait du divin n’est donc nullement décadence et l’époque de la mort de dieu, pour reprendre une expression de Nietzsche, n’est nullement pour Heidegger celle de la disparition de la dimension azuréenne du sacré, mais au contraire le matin de la naissance d’une nouvelle sorte d’hommes. Heidegger fait ici allusion aux deux poèmes de Trakl qui parlent de l’Occident, en particulier celui qui est intitulé « Chant occidental » (Abendländisches Lied) où, après s’être plaint des heures amères du déclin, Trakl évoque les amants qui, rayonnants, soulèvent leurs paupières, puis, à la suite d’un signe de ponctuation inattendu, deux points, écrit simplement ces deux mots : « Une espèce » (Ein Geschlecht) en soulignant le ein. C’est dans ces deux simples mots que Heidegger découvre le ton fondamental de la poésie de Trakl, car l’unité de cette espèce provient de la souche de ceux qui, en se séparant, ont rassemblé la dissension des espèces dans la douceur d’un double pli. Mais ici, précise Heidegger, un ne veut pas dire « un au lieu de deux », un ne doit pas être compris au sens de l’uniformité et ne renvoie à aucun fait biologique : ni au niveau des races, ni au niveau des sexes, il ne s’agit d’installer une indifférenciation. Il faut entendre le mot « Geschlecht » à partir de la poésie de Trakl, à partir de son chant qui est chant du déclin. C’est pourquoi ce mot conserve la pluralité de ses sens et désigne aussi bien la race historique de l’homme, par opposition à l’ordre du vivant, que les espèces et les familles à l’intérieur de l’humanité, et que les sexes. Il s’agit d’une unité qui provient d’un retour à l’enfance, d’une sortie de la discorde, qui permet de vivre sereinement la pluralité.
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21

C’est la question de la plurivocité de la parole de Trakl qui conduit à celle de son rapport au christianisme. Heidegger ne nie pas que Trakl ait utilisé un vocabulaire d’origine biblique dans ses poèmes (transfiguration, malédiction, et surtout le terme de « geistlich », de connotation religieuse, qu’il préfère à celui de geistig, de connotation plus métaphysique). Et sans doute Trakl a-t-il été marqué par le christianisme, encore qu’une certaine ambiguïté là aussi subsiste, puisque de père protestant et de mère catholique, il ne semble pas qu’il ait bien su lui-même à quelle confession il appartenait. Pour Heidegger, le rapport de Trakl au christianisme ne peut être jugé qu’à partir du moment où le site de sa poésie a été défini et non préalablement à cela. Ce qui implique sans doute, comme c’est déjà le cas pour Hölderlin, que s’opère ainsi une redécouverte du christianisme moins comme doctrine que comme mode d’existence. C’est pourquoi Heidegger souligne que les concepts de la théologie ne peuvent en aucun cas être pris comme points de départ de cette discussion. Heidegger doute d’autre part de l’attitude vraiment chrétienne de Trakl, qui dans ses deux derniers poèmes n’invoque ni le Christ ni Dieu, mais « l’ombre vacillante de la sœur » et nomme l’éternité « onde glaciale ». Car pour Heidegger, Trakl, tout comme Hölderlin, est le poète du retrait du divin, et non de la révélation chrétienne, et comme Nietzsche, il est en quête d’un avenir à donner à l’homme plutôt que du salut éternel de celui-ci.
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20

Il est maintenant devenu possible, selon Heidegger, de déterminer la parole propre à la poésie de Trakl21. Elle répond à l’être en chemin de l’étranger, qui mène loin de l’espèce dégénérée et vers le matin à venir de l’espèce ingénérée. Une telle parole, qui a son site dans la séparation, répond au retour chez lui, dans la sérénité de l’enfance, de l’homme de l’espèce ingénérée. C’est donc une parole de la transition, de l’Übergang, qui va du déclin au sens de la décadence au déclin au sens de l’accès au spirituel. Ici Heidegger cite à l’appui un vers de Trakl qui dans un poème en prose intitulé « Révélation et déclin » (Offenbarung und Untergang) chante « la beauté d’une espèce qui retourne chez elle » (die Schöhnheit eines heimkehrenden Geschlechts22). La parole poétique de Trakl parle ainsi à la fois de ce qu’elle quitte et de ce vers quoi elle s’avance, elle est donc nécessairement ambiguë (mehrdeutig). Heidegger insiste sur l’ambiguïté des paroles fondamentales de Trakl, telles que déclin, nuit, mort, etc. Il y a donc une pluralité de sens à l’intérieur même de la poésie de Trakl. Et cette ambiguïté du dire poétique de Trakl doit elle-même être considérée comme l’autre face de ce qui ne peut être dit, du Gedicht qui demeure non-dit, et c’est pourquoi Heidegger parle d’une ambiguïté elle-même ambiguë de la poésie de Trakl. Car elle ne provient pas de l’indétermination d’un dire poétique tâtonnant, comme c’est le cas pour tant d’autres poètes, mais au contraire de la rigueur unique en son genre de la parole de Trakl, dont Heidegger n’hésite pas à dire qu’elle l’emporte « infiniment » sur l’exactitude technique des concepts scientifiques. On retrouve ici l’opposition qu’établissait Husserl entre l’exactitude propre aux sciences de la nature et la rigueur propre à la philosophie, mais ici le mot Strenge est appliqué par Heidegger à la poésie et rapportée à ce qu’il nommait le Grundton, le ton fondamental dont proviennent en unisson la pluralité des poèmes et l’ambiguïté des paroles et qui constitue dans son rassemblement le site de la poésie de Trakl.
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Heidegger pose alors la question du rapport de ce site à la poésie, question problématique puisque c’est celle du rapport entre le non-dit et le dire. En d’autres termes, en quoi la séparation peut-elle être l’origine d’un chant, d’accords harmonieux, comme le dit le poème « Déclin de l’été » ? Comment comprendre l’Abgeschiedenheit : comme séparation qui divise ou comme élection qui rassemble ? Heidegger cite à nouveau le poème « À un jeune mort » dans lequel apparaît le visage de l’ami qui est à l’écoute de l’étranger et qui le suit, devenant ainsi lui aussi voyageur et étranger. Heidegger souligne que le chant de l’étranger suscite l’attention de ceux qui choisissent de le suivre. C’est ainsi, ajoute-t-il, que s’accomplit l’essence de la séparation : elle n’est le site de la poésie que si elle est à la fois recueil de la sérénité de l’enfance, tombe de l’étranger et rassemblement de ceux qui suivent l’étranger, car c’est par leur écoute seulement que le chant de l’étranger devient audible et accède au dire poétique. Car, Heidegger l’affirme, le dire poétique, le Dichten, est un redire (nachsagen), un dire en réponse, et donc d’abord et avant tout une écoute. C’est pourquoi le dire poétique peut garder le site de la poésie, le Gedicht, comme ce qui est essentiellement non-dit. Un tel chant ne peut naître que de la nuit, de l’obscurité que traverse l’étranger, car cette nuit que nomme tant de poèmes de Trakl est une « nuit spirituelle », eine geistliche Nacht, une nuit qui n’est nullement la destruction de l’esprit, mais où brille la clarté de son absence. Déjà, à propos de Hölderlin, Heidegger avait souligné que la modernité doit être comprise comme une « nuit sacrée », c’est-à-dire comme l’époque où le rapport au divin n’est pas rompu, mais où il est rapport à l’absence et non plus à la présence des dieux20. Heidegger cite à l’appui le poème « La nuit », qui dit le « tourment infini » (unendliche Qual) de celui qui traverse la nuit spirituelle et qui accède ainsi à l’accomplissement de la douleur par lequel seul la conquête du ciel et de Dieu, dont parle aussi ce poème, est rendue possible, à travers ce que Trakl nomme Geduld, endurance ou patience. On comprend alors pourquoi Heidegger a insisté sur le fait qu’Elis, le jeune mort, ne doit pas être identifié à Trakl lui-même, au poète : car celui qui devient poète est d’abord celui qui écoute et suit l’étranger, c’est l’ami dont parlait le poème « À un jeune mort » et le frère dont il est question dans les poèmes de Trakl.
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18

Ici s’ouvre une magnifique méditation sur la douleur dans laquelle Heidegger, citant Trakl, voit la « grandeur de l’âme », d’une âme qui en se séparant s’ouvre à l’esprit. Tout ce qui vit au sens de l’âme est dans la douleur, affirme ainsi Heidegger. Et plus loin il cite un vers de Trakl qui dit que « Si douloureusement bon et vrai est ce qui vit » (So schmerzlich gut und wahrhaft ist, was lebt), la douleur se voyant alors associée au bien et à la vérité. La douleur est ainsi le don de l’être en tout ce qui est. C’est pourquoi Heidegger voit en elle « le pur accord à la sacralité de l’azur » (die reine Entsprechung zur Heiligkeit der Bläue18). Heidegger, après avoir explicité la nature de la douleur, cite à nouveau le dernier poème de Trakl, « Grodek », qui évoque lui aussi « la flamme ardente de l’esprit » que « nourrit aujourd’hui une puissante douleur ». Cet esprit, c’est celui du jeune mort dont parle le poème qui lui est dédié. C’est pourquoi Heidegger peut affirmer que l’Abgeschiedenheit, la séparation, se déploie comme l’esprit pur, et en tant que telle, elle est ce qui rassemble19. Nous sommes donc ici face à un paradoxe, puisque c’est la séparation qui rassemble, ce qui implique, comme le souligne Heidegger, que dans la séparation (Abgeschiedenheit) l’esprit du mal n’est ni anéanti ni laissé libre, il est transmué, et il ne peut l’être que si l’âme est grande, que si elle s’ouvre à la douleur de la séparation et retourne ainsi à l’enfance, à la sérénité d’une dualité qui n’est pas dissension. La séparation rassemble, pur oxymore, et c’est pourquoi elle a la nature du site.
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17

Mais qu’est-ce alors que l’esprit s’il n’est pas défini métaphysiquement ? Heidegger cite le dernier poème de Trakl, « Grodek », qui parle de la « flamme ardente de l’esprit » (heissen Flamme des Geistes) et souligne que contrairement à la tradition, l’esprit est chez Trakl associé au feu et non au souffle, pneuma ou spiritus. L’esprit en tant que flamme est l’hors de soi, das Ausser-sich (c’est par la même expression que Heidegger définissait la temporalité dans Être et temps16) et Heidegger invoque ici à nouveau l’étymologie du mot Geist, dont le sens originel est « être soulevé, transporté, mis hors de soi ». L’esprit ainsi défini est l’origine unique du bien comme du mal, de la douceur comme de la violence. Heidegger, comme il le faisait déjà à la suite de Schelling17, réfute ici la thèse métaphysique selon laquelle le mal provient du sensible en affirmant que le mal est spirituel, spirituel non pas par opposition à matériel (geistig), mais en tant que mal provenant de l’esprit (geistlich), en tant qu’en lui il y a insurrection de l’élément extatique qui se disperse hors de la dimension rassemblante du sacré. Le mal est donc lié à l’absence de rassemblement sans lequel il n’est pas de douceur. L’esprit est en effet ce qui jette l’étranger dans le voyage et qui fait ainsi don de l’âme. Mais en retour, pour qu’il y ait rassemblement, l’âme doit se faire gardienne de la flamme de l’esprit.
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On atteint là, avec la figure d’Elis et de l’enfant, à un moment essentiel de la poésie de Trakl. Elis, à côté de Sébastien et d’Hélian, autres figures d’enfant présentes chez Trakl, est pour Heidegger l’incarnation même de l’étranger, mais non pas de Trakl lui-même – pas plus, précise-t-il, que le Zarathoustra de Nietzsche ne peut être identifié à Nietzsche lui-même. Heidegger souligne la similitude qu’il y a entre Elis et Zarathoustra dans la manière non négative dont ils comprennent le déclin et s’engagent en lui. Elis est la figure de l’enfance, d’une enfance plus ancienne que la vieille espèce en décomposition, plus ancienne, note Heidegger, parce que plus sinnender, plus voyageuse, plus sereine, hors dissension. Qu’est-ce en effet que l’enfant ? Celui en qui la dualité des sexes n’est pas encore devenu dissension, celui dont l’allemand parle au neutre, et qui abrite et réserve en soi le tendre double pli des sexes. Elis ne se décompose pas, mais il perd son être (entwest) dans la précocité qui est la sienne, une précocité dont Heidegger dit qu’elle n’est pas encore venue au porter, zum Tragen, et il faut ici entendre ce mot au sens du vieil haut allemand giberan, qui veut dire porter un enfant, enfanter. C’est précisément, selon Heidegger, ce non-enfanté que Trakl nomme l’ingénéré (der Ungeborene) dans le poème intitulé « Clair printemps », « Heiterer Frühling ». L’ingénéré et l’étranger sont le même, ce qui implique que celui qui s’est séparé n’est pas décédé, au contraire, il n’est en quelque sorte pas encore né. Or cette précocité ou ce matin dans lequel l’étranger est entré en déclinant est un temps tout particulier, le temps des années spirituelles. Il s’agit là d’un temps particulier parce qu’en lui la fin de l’espèce décomposée précède le début de l’espèce ingénérée. La véritable temporalité, suggère ici Heidegger, n’est pas linéaire, comme la métaphysique se la représente depuis Aristote, qui a défini le temps comme le nombre du mouvement. Le vrai temps est la venue de ce qui a été, non pas du passé, c’est-à-dire du révolu, mais le rassemblement de ce qui a été et qui précède toute venue. Ce vrai temps, comme déjà Heidegger le montrait dans Être et temps, se caractérise par le fait qu’en lui avenir et passé sont dans un rapport réciproque, sont en co-appartenance ou en co-originarité. Ce temps, Trakl le nomme spirituel, « geistlich ». Le mot geistlich, dont le sens originel signifie « ce qui va dans le sens de l’esprit », a aujourd’hui été restreint à son contraste avec le temporel et associé à l’état ecclésiastique, celui du prêtre. Heidegger note que Trakl évite l’emploi du mot « geistig » qui est, lui, dans l’usage courant, non pas opposé au temporel, mais au matériel, et fait donc ainsi partie de la grande opposition métaphysique du sensible et de l’intelligible15. Or une telle façon de voir est celle de l’espèce en décomposition. C’est la raison pour laquelle, explique Heidegger, le crépuscule dans lequel entre l’étranger ne peut nullement être nommé geistig.
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Heidegger aborde alors le problème du rapport de la séparation (Abgeschiedenheit), du départ, et de la mort, pour marquer que cette mort dont parle Trakl dans ses poèmes n’est pas la mort au sens ordinaire du terme, mais une autre manière de vivre. Il cite à l’appui un vers du poème intitulé « Psaume » : « Dans sa tombe le blanc magicien joue avec ses serpents », qui indique le changement qui a eu lieu et qui permet alors de jouer avec ce qui est le danger même, l’animal venimeux. Ce changement est aussi compris comme folie, puisque l’étranger est nommé le Wahnsinnige, dans le même poème, mais il ne s’agit pas ici de maladie mentale, de psychologie ou de psychiatrie, car cette absence de sens qui caractérise le « fou », selon l’étymologie même de wana qui signifie « sans », indique simplement son état de séparation, sa différence d’avec les autres. Il est autrement sensé que les autres, dépourvu du sens des autres, ce qui veut dire qu’il marche dans une autre direction, le mot pour sens en allemand, Sinn, renvoyant à la racine indo-européenne sent et set qui veut dire chemin. Heidegger cite le poème « À un jeune mort », « An einen Frühverstorbenen », à celui qui est mort à peine sorti de l’enfance et qui dans la mort est repris par elle, et note que Trakl associe la paix à l’enfance. On retrouve ici l’insistance, soulignée par Heidegger, des mots « sanft » et « still », indiquant, comme déjà leise, ce calme, cette lenteur et cette paix qui caractérisent la tonalité fondamentale de la poésie de Trakl, son appel à la douceur contre la violence de la dissension et de la guerre. Mais qui est donc ce jeune mort ?
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Françoise Dastur

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Heidegger explique que le soir a le pouvoir de changer sens et image parce qu’il change lui aussi, parce qu’il n’est pas séparé du jour, pas plus que la source ne l’est de l’onde qui en jaillit, parce qu’il est simplement le déclin du jour, une inclinaison vers un nouveau commencement, celui du voyage de l’étranger, de celui qui est toujours « en chemin », selon le titre même du volume dans lequel Heidegger a publié sa conférence. Le soir, l’Occident, est donc le lieu d’un changement qui, en abritant en lui le congé donné au règne précédent du jour et de l’année, ouvre la voie d’un autre lever de l’astre, et d’une autre année.

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Parce que l’étranger abandonne la dissension, le lieu où il se tient est celui d’un rassemblement. Le lieu où se tient l’étranger, celui qui est en chemin, celui qui prend congé, on peut le nommer, dit Heidegger, die Abgeschiedenheit, l’état de celui qui prend le large, qui se sépare non dans la violence du refus mais pour répondre à l’appel spirituel. Selon Heidegger, c’est de ce lieu que jaillit la poésie de Trakl comme un unique chant. Et le mot ici employé est Gesang, que l’on trouve aussi chez Hölderlin, qui signifie plus que le mot courant en allemand pour chant, Lied, qui apparaît juste après dans le texte, car il renvoie par la particule ge- à l’idée de rassemblement de toutes les voix, ce que l’on peut proposer de traduire par plain-chant14.

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Françoise Dastur
12
C’est par là que l’étranger devient celui qui est appelé à se séparer des autres, à s’en départir, celui qui prend congé, der Ab-geschiedene. Je reviens ici sur la traduction donnée par Beaufret de ce mot : Dis-cédé. Beaufret a ainsi voulu lier toutes les connotations attachées à ce mot : départ, éloignement, décès. Mais il a effacé ainsi l’idée de séparation et/ou d’élection qui peut s’attacher aussi à ce mot, et que Heidegger souligne ici en parlant d’appel à se séparer, d’appel à décliner, à se perdre dans le clair-obscur spirituel de l’azur. On voit clairement ici que le déclin n’est nullement décadence, mais au contraire entrée dans l’esprit, le contraire même de ce qui advient au dernier homme nietzschéen, qui déchoit dans la bassesse. Un tel déclin court le danger de la destruction, il doit passer par l’hiver – et ici il faudrait souligner l’importance des saisons pour Trakl et, comme le notait plus haut Heidegger, comprendre que la marche de l’étranger suit celle du soleil, qui le conduit à parcourir l’année, dont le nom en indo-européen ier est de même racine que le ienai grec qui signifie marcher, tout comme de l’allemand Jahr (année) et gehen (marcher). Se perdre n’est donc pas identique à s’anéantir, même si le risque en est ainsi couru, se perdre – dans le sacré, abandonner ainsi la crispation dans l’isolement, la guerre des espèces –, c’est paradoxalement se détacher (los-lösen) et ce détachement de l’étranger le conduit à glisser lentement, à disparaître en tant qu’individu isolé dans la destruction hivernale, non pour s’y engloutir, mais pour, passant par elle, accéder au soir, au crépuscule spirituel occidental. C’est là ce que Heidegger lit dans une des strophes du long poème Helian, qui consonne avec ce vers déjà cité de « Âme d’automne » qui dit : « Le soir change sens et image » (Abend wechselt Sinn und Bild). Un tel soir est en effet le lieu d’une transfiguration, autre mot souvent utilisé par Trakl (Verklärung), de connotation chrétienne lui aussi, et qui s’oppose diamétralement à la Verwesung, à la décomposition.
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Françoise Dastur
11
C’est à partir de là que le texte de Heidegger devient énigmatique. Il demande : de quoi cette espèce est-elle frappée, c’est-à-dire maudite (verflucht) ? La traduction de Beaufret évite ici le mot « malédiction » et « maudire » pour Fluch et Verfluch, mots à connotation chrétienne qu’emploie Trakl, sans doute parce que Heidegger indique que ce terme renvoie au grec plègè, que Beaufret traduit par « plaie ». Nous verrons que Heidegger lui-même pose un peu plus loin dans la conférence la question du christianisme de Trakl. Pour l’instant, ce qui importe, c’est de comprendre en quoi consiste la malédiction de l’espèce en décomposition. C’est, explique Heidegger, que cette ancienne espèce est frappée jusqu’au déchirement par la discorde (Zwietracht) des espèces. Il y a donc une tension (Tracht) entre les deux espèces dont Heidegger nous dit qu’elle conduit chaque espèce à se ruer de manière effrénée dans la simple sauvagerie du gibier et à ainsi s’isoler. Ce n’est pourtant pas, ajoute Heidegger, la dualité elle-même des espèces qui est la malédiction, mais bien leur dissension ou leur discorde, ce qui donc fait de la dualité une guerre des espèces. La malédiction, c’est l’isolement, la Vereinzelung des espèces, leur séparation dans la guerre. Il y a donc une bonne et une mauvaise manière de vivre l’individuation, le devenir un : la bonne frappe, c’est celle qui permet l’acceptation de la dualité des espèces en ce qu’elle voit dans le deux la douceur d’un simple double pli (einfältigen Zwiefalt), et est ainsi attentive à l’étrangeté du dédoublement, c’est-à-dire, selon le sens que Heidegger a donné à étrangeté, à ce que je nommerai pour simplifier son caractère dynamique et non statique. Il n’y a pas ici de référence explicite à la dualité des sexes, bien que le terme de Geschlecht puisse renvoyer indifféremment à l’espèce ou au sexe, et que l’on puisse certes penser au rapport du frère et de la sœur, si présent dans la poésie de Trakl, et à l’étrange ressemblance physique qui l’unissait à Grete ; le thème est bien plutôt celui du rapport de l’individu aux autres, à ceux dont se sépare justement l’étranger qui prend le large (auswandert), c’est-à-dire qui n’en reste pas à l’isolation statique dans une espèce fermée. C’est précisément parce qu’il vit l’individuation de manière dynamique que, tout en se séparant des autres, de ceux qui demeurent dans la guerre des espèces, il demeure attaché à eux par la vénération et l’amour. L’âme voyageuse de l’étranger devient ainsi « âme d’azur » (« blaue Seele »), une âme qui s’ouvre alors à l’unicité du sacré. Néanmoins, elle se sépare, elle prend congé de l’espèce en décomposition.
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Françoise Dastur
10
Ce bleu gibier, quand il apparaît, a donc délaissé son apparence humaine, l’homme sous sa forme traditionnelle d’animal rationale est ainsi entré en décadence, il se défait, perd son essence, verwest. L’homme ancien est mort, non au sens où il a quitté la vie terrestre, mais au sens où il a abandonné son ancienne essence, où il est entré dans ce déclin qui n’est nullement négatif auquel l’étranger se voit appelé. Cette mort n’est donc pas décomposition, mais au contraire l’abandon de la forme décomposée de l’homme. Il faut, pour comprendre ici que ce que suggère Heidegger, se souvenir de la distinction que fait Nietzsche au début de son Zarathoustra entre le dernier homme et le surhomme. Le dernier homme, c’est l’homme moderne, qui ne met plus d’étoile au monde13, et qui ne parvenant pas à réaliser son essence, est cet homme à la forme décomposée dont parle Trakl. Le surhomme, c’est l’homme qui veut réintégrer sa véritable essence, qui surmonte donc la décomposition et qui abandonne la forme que l’homme a revêtue jusqu’ici. L’espèce de la forme décomposée de l’homme dont parle Trakl est l’espèce arrachée à son mode d’être et ainsi déportée ou déposée (entsetzt) hors de son essence.















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