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Citations de Françoise Mallet-Joris (143)


Sait-on jamais ce que c'est qu'une vocation, le nombre de matériaux impurs qui la constituent avant de se transmuter mystérieusement en une seule paillette d'or?

( Elizabeth ou l'amour fou)
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C'était cela le monde ! Une grande vénération l'envahissait. Elle ne voyait que cela, et non, dans les yeux de son père, cette lueur malicieuse et combattante, qui la suivait.
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Est-ce d'une rupture brutale de l'enchantement premier que naît le besoin d'écrire ? d'une fêlure dans l'enfance ? Le besoin d'écrire est-il adulte ? (p.21)
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J'aimais beaucoup mon père, et il m'aimait avec simplicité. Je n'écrivis jamais rien sur lui. Pourquoi l'aurais-je fait ? Il n'y avait rien à résoudre. (p.27)
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"Elle est responsable de la "Section d'Anvers". C'est même elle qui l'a fondée, il y a un an et demi. C'est une enfant confiante et intrépide: après la première extase, la découverte, elle a entrepris d'écrire aux éditions Bémol, 46 bis rue de Naples, parce que c'était l'adresse indiquée au dos de la photo de Dickie. "Si vous souhaitez communiquer avec Dickie Roy, faire partie de l'un de ses Fans Clubs ou vous abonner à son journal, écrivez aux éditions Bémol 46 bis rue de Naples à Paris". Elle a écrit. Elle a appris avec consternation qu'il n'existait pas de Fan Club de Dickie Roy à Anvers. Il lui faudrait aller à Bruxelles — si son père y consentait, si elle arrivait à épargner assez d'argent de poche, si... En tout cas elle ne pourra pas assister à toutes les réunions. Et pourtant elle voulait avec ardeur communiquer sa passion, savoir si d'autres trouvaient le même réconfort qu'elle dans les chansons de Dickie, la même profondeur, elle voulait parler de lui. Elle n'avait pas, à ce moment-là, le moindre espoir de jamais le voir. Elle s'abonna au journal. Elle bénéficia de photos inédites de Dickie, différentes des pochettes de ses disques, maquillé, impassible, ou souriant avec réserve, en smoking de lamé, il paraissait si distant, si lointain. Elle eut sa photo en costume de tennis, en costume de ski; elle eut sa photo au coin d'un feu de bois, marchant dans la forêt avec son chien, rêvant dans la salle de musique qu'il venait de se faire aménager dans son appartement de la tour Eiffel. Elle sut le nom de la rue où habitait Dickie, la marque de sa voiture et de son eau de toilette, qu'il préférait le bleu à toutes les couleurs et, parfois, le safran des bonzes. Elle sut qu'il lisait Apollinaire. Sans savoir qui était Apollinaire. Quelle importance? Elle n'avait besoin de rien d'autre, elle avait Dickie, son poème inédit chaque mois dans le journal ronéotypé qu'elle recevait par la poste, et que son père lui remettait en haussant les épaules avec indulgence. Enfin il vint. Il vint à Anvers. Il daigna venir à Anvers et donna un concert en plein air, un peu à l'écart de la ville, dans un parc. De jeunes et de moins jeunes enthousiastes y vinrent par centaines. On s'écrasa un peu, sans méchanceté. Il y eut un service d'ordre, mais pas de chiens, pas de brutalité. Il ne s'agissait pas d'un chanteur pop, dit Pauline à son père le garagiste qui s'inquiétait, ayant entendu dire que tous ces prétendus concerts dégénéraient en bagarres. Pas d'un vulgaire chanteur pop, mais d'un crooner. Elle prononça crooner avec une assurance et un accent d'évidence tel que le garagiste se sentit dépassé. Ces enfants! Ils en savent des choses! Crooner le décida à autoriser la petite à aller au concert. Le mot concert aussi est respectable. Pauline vit Dickie. Le "Prince Charmant?", le "Roi mélancolique" de la chanson parut au milieu des vapeurs d'encens, des rayons de laser, des frémissements de synthétiseurs. Il portait ce soir-là une djellaba somptueuse, ses longs cheveux blonds étaient poudrés d'une sorte de nacre. Les ongles de ses très belles mains étaient teints de bleu. Une grande ferveur régnait dans l'assemblée. A l'entracte, une quête fut faite au profit des vieux comédiens, et l'annonceur, auquel on avait glissé un petit bout de papier, après s'être retiré un moment dans la caravane de l'idole pour prendre conseil, lut ce papier, devant le micro, aux quelque deux mille personnes qui se trouvaient là. "Venant d'apprendre avec chagrin que notre idole n'a pas encore de Fan Club à Anvers, quelques-uns de ses admirateurs ont décidé de se grouper et de constituer le Fan Club Dickie Roy d'Anvers! (Tonnerre d'applaudissements.) Prendre contact pour les inscriptions avec Mlle Pauline Faraggi, Garage du Centre, 23 rue Leys." Cette annonce était entièrement sortie de l'imagination de Pauline et de sa seule initiative. Ce fut le coup d'éclat de ses quinze ans.

Elle reçut des réponses, des conseils, et même une lettre personnelle de Dickie, une fois qu'elle se fut mise en rapport avec l'organisation centrale des Fans Clubs Dickie Roy. La lettre, écrite à la main, disait: "Chère petite Amie, ton initiative m'a beaucoup touché, et j'apprends avec le plus grand plaisir la fondation de mon Fan Club d'Anvers. Comptez-vous prendre un nom particulier, comme certains de mes clubs, ou tout simplement rester mes amis d'Anvers? Tenez-moi au courant. Ton enthousiasme de quinze ans est magnifique. Garde-le toute ta vie, qu'il te guide comme l'étoile de ma dernière chanson (j'espère que tu as déjà le disque!). C'est le vœu de ton ami: Dickie Roy."

Une personne avertie se fut rendu compte que la lettre était de n'importe qui, sauf de Dickie Roy. Pauline n'était pas une personne avertie. Bien qu'elle parlât quatre langues et eût passé quelques années dans une bonne pension religieuse, elle n'avait jamais lu autre chose que des B.D. jusqu'à la Révélation. Dickie avait été pour elle ce que sont pour d'autres Rilke ou Mallarmé, Reverdy ou Villon. Elle, c'était Dickie. Il n'y a pas de quoi rire. Elle n'était pas la seule.

La "Section d'Anvers" reste assez limitée en nombre. Du moins en ce qui concerne ceux de ses membres qui vont pouvoir, cette année comme la précédente, suivre la tournée de Dickie Roy à travers la France. Ils sont bien une cinquantaine à courir au moindre gala que Dickie donne en Belgique, à être abonnés au journal, à être en possession de plusieurs exemplaires de chacun de ses disques, de chacune de ses photos, mais la tournée, une tournée de trois mois... Cela demande un minimum de moyens. La plupart des fans sont d'un milieu modeste, et la crise aidant, Pauline n'aura pu rassembler cette année que quatre ou cinq participants, alors que la section de Bruxelles en envoie dix-sept! DIX-SEPT!"
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- Enfin, maman, sois raisonnable, dit la jeune fille plus calmement. Toutes ces folies sont bien inutiles. Tu pourrais vivre cent fois mieux, si tu voulais. Qu'est-ce que ça te rapporte, toutes ces inventions, ces... (Elle s'arrêta, incapable de définir ce monde de chimères dans lequel se mouvait Elsa, et qu'elle n'approchait pas sans dégoût.) Tu pourrais changer de quartier, par exemple? Boire un peu moins? Il y a d'autres choses dans la vie, quand même.
Il y a... (Elle promena un regard autour d'elle. Mais comment trouver des arguments, dans ce désordre misérable, aggravé encore par la prétention qui se lisait dans les gravures déchirées, et jusque dans le châle espagnol taché de graisse, dans lequel se drapait Elsa?) Tu pourrais faire un effort. J'en ai bien fait, moi. Ce n'était pas toujours facile non plus. Quoi? Ce n'est pas une vie, ça...
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Tout était gris dehors, froid, pur, sous le vent qui s'était levé avec le petit matin, balayant les odeurs de bière, de friture, de poisson, d'iodoforme, toutes les vieilles, les rassurantes odeurs humaines, jusqu'à celle du lit, trempé d'une sueur d'angoisse.
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Nous avons tous un jour, une heure de sensibilité, de grâce, où une image nous atteint, où une note, un mot, résonne en nous..."
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Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859), poète romantique qui annonça Lamartine, flamande (de la Flandre française) et se proclamant telle, mère de six enfants dont un seul lui survécut, amoureuse de l'amour mais aussi de la justice, de l'harmonie, Marceline ajoute à toutes ces parentés que je ressens une énigme, presque un défi. (p.13)

-Révélateur, pierre de touche, Marceline n'est pourtant pas mon modèle: elle est inimitable. elle me révolte, me bouleverse, m'exaspère parfois-je ne cesse pas de l'aimer, ni de l'admirer pour autant. Elle me déconcerte aussi-alors je me retourne vers mon passé. Etais-je ainsi ? ai-je vraiment écrit cela ? et je me déconcerte moi-même.-
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Un petit garçon à un autre :
-Mon papa, il est plus savant que le tien. Il sait le grec, mon papa.
-Le mien, il a une plus grosse voiture.
-Oui, mais les voitures, ça brûle.
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Si j'arrivais à triompher de cet homme adroit, rusé, intelligent, je saurais que toute faiblesse était bannie, et que je ne dépendais plus à l'avenir que de moi-même. Je serais seule enfin. (p. 114)
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« il y avait quelque chose d’effrayant dans mon attirance pour Tamara, quelque chose de semblable à mon désir de vide en me penchant par la fenêtre, ou à celui de rencontrer en nageant dans le lac le tourbillon dangereux, « pour voir »… »
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"Je regardais son profil têtu, ses courtes boucles, ses épaules larges, toute sa trompeuse et équivoque virilité "
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Dans le petit salon blanc et or, on sent à peine la présence d'un hiver bourgeois, emmitouflé de fourrure, faisant tinter, d'un geste apprêté, ses pendeloques de cristal
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La cuisine est donc le théâtre d'échafaudages monstrueux et de cataclysmique subits, écroulements meurtriers comparables en intensité à des phénomènes géologiques.
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Il y avait quelque chose d’effrayant dans mon attirance pour Tamara, quelque chose de semblable à mon désir de vide en me penchant par la fenêtre, ou à celui de rencontrer en nageant dans le lac le tourbillon dangereux, « pour voir »…
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Ah! qu'importe", se dit-elle avec toute la violence qui est en elle le meilleur et le plus pur de son coeur, "qu'importe qu'il se marie, qu'importe que cela soit, pourvu qu'il m'ait aimé, pourvu qu'il y ait cru !" Ainsi défie-t-elle le malheur, la souffrance, le hasard même, mais plie et s'effondre devant l'humiliation.
Mais qu'importe se répète-t-elle encore, que son malheur soit achevé, mais qu'il soit grand.
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Françoise Mallet-Joris
D’année en année je suis devenue de plus en plus désordonnée. Je suis en retard de deux années pour mes impôts, de trois mois pour ma correspondance. Je pense de moins en moins à mes vieux jours et aux économies, alors qu’à vingt ans j’y pensais. J’invite des amis au restaurant à la fin du mois, je joue à la guitare tandis que le linge s’accumule, je fais avec mes enfants des « soirées poétiques » au cours desquelles, entourés de bougies, nous lisons tout, de Hugo à Cendrars, en croquant des biscuits, au lieu de leur faire répéter leur latin.
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Gilles et Pierrette viennent dîner. Par hasard, j’ouvre un tiroir plein de lettres non ouvertes, factures, contraventions, impôts, quelques sommations d’huissier. « Je ne croyais pas que cela existait depuis Balzac », dit Gilles, avec un mélange d’admiration et d’horreur. Nous sommes un peu confus, comme quelqu’un qui se découvre un talent qu’il ignorait. Il ne faudrait pas donner dans l’affectation.
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Alberte, toute petite, cadette de deux frères, se plaignait de tout et de tous.
« Daniel m’a pincée, Vincent m’a pris mon crayon…. ». Entraînée par sa fureur fabulatrice, elle ajouta un jour : « Le chat m’a dit merde ! »
La maison du Gué-de-la-Chaîne, proche de la forêt, connut un jour de gloire lorsqu’une laie traversa la prairie poursuivie par les chiens des fermiers. Les enfants suivirent avec passion cet épisode. Alberte raconta : « Z’ai vue une laie, z’ai vu un marcassin ! La laie a tué le chien de M. Brosse ». Voyant notre intérêt et notre crédulité, elle ajouta en passant : « Z’ai vu un éléphant…. »
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