DELPHINE HORVILLEUR &
CAMILLE DE TOLEDO
« Les vivants & les morts »
Rencontre animée par
Victor Pouchet
Delphine Horviller et
Camille de Toledo évoqueront dans cette rencontre la manière dont les morts et les vivants se relient par des fils visibles des blessures ou invisibles des spectres. Ils évoqueront la trame fine qui lie les générations entre elles, une trame qui est au coeur de leurs livres récents : le roman de Camille de Toledo,
Thésée, sa vie nouvelle (Verdier 2020), en lice pour le prix France Inter, le prix SGDL et le prix
Franz Hessel, qui tourne autour du suicide d'un frère en suivant les intuitions et les savoirs de la généalogie transgénérationnelle dans une fiction entrelacée à la vie, et l'essai bouleversant de
Delphine Horvilleur,
Vivre avec nos morts (Grasset, 2021), qui sans cesse se charge de relancer et repenser la vie depuis nos liens aux absents et aux disparus.
À lire
Delphine Horvilleur,
Vivre avec nos morts, Grasset, 2021.
Camille de Toledo,
Thésée, sa vie nouvelle, Verdier, 2020.
+ Lire la suite
Les filles des grandes villes, prestes et guindées, à la bouche insatiablement ouverte, se fâchent lorsque mes regards s’attardent le long de leurs épaules qui flottent et de leurs joues qui planent. Non pas qu’elles soient absolument contre le fait qu’on les regarde,mais ce regard au ralenti de spectateur innocent les énerve. Elles remarquent que chez moi, il n’y rien «derrière». Non, il n’y a rien derrière. Je voudrais en rester au premier regard. Je voudrais avoir,ou retrouver, le premier regard pour la ville où je vis...
Là, je fouille ; le petit se réveille, se met debout dans son petit lit. Je lui demande : "Tu ne dors pas ? Je peux mettre tes affaires de bébé ?" et lorsque, devant le miroir, j'ai commencé à me vêtir et à me voiler de blanc, Erwin, tout étonné, m'a demandé : "Tu veux donc devenir un petit enfant, maman ? - Oui", ai-je répondu, "je veux recommencer de zéro, et devenir tout autre", et dans la glace, j'ai vu son petit visage, qui d'abord avait ri, se crisper et rester stupéfait à l'idée que je puisse avoir d'autres choix que celui d'être juste "sa mère".
N’est « secret » dans ce Berlin ni le chuchotement du vent, ni la galanterie, déplaisante, seul le sévère et antique génie d’une ville, d’une rue, d’une maison, oui, d’une chambre qui, en tant que cella, contient en elle, dans ce livre, la mesure des événements comme celles des pas de danses »
- J'étais avec des gens tellement réconfortants, chez lesquels, dès qu'on arrive, on met le tourne-disque en marche et l'on danse, on chante des chansons à l'orgue de Barbarie, avec des rimes de variétés, et rien n'est important, c'est comme si tout était distrayant et divertissant.
_Tu pars donc seul. C'est encore ce qu'il y a de mieux. De toute façon, entre toi et les choses, il n'y aura ni médiateur pédant, ni parasite, ni même bienfaiteur. Parmi les jeunes gens de ta génération qui cultivent l'efficacité, tu ne trouveras personne, je crois, avec qui tu pourrais, dans le monde ancien, te laisser aller à la contemplation avec pathos et sobriété tout à la fois, sans but et sans hâte. Voyage seul et reviens jeune.
Ah, dans cette maison, ils s'y entendent tous en amour, mais l'art de se faire aimer, ils ne veulent pas l'apprendre.
Ils s'y entendent tous en amour, mais, l'art de se faire aimer, ils ne veulent pas l'apprendre.
_Tu pourrais aussi bien rester, mais il est préférable que tu partes. Toi non plus je n'ai pas le droit de te retenir. Je vieillis. Va, mon ultime ami, je t'aimerai de loin"
Lorsque tu lui auras offert suffisamment de rosées matinales et de crépuscules, de mondes changeants parcourus à pied et de monde limités au cadre de la fenêtre…
Les hommes croient – ils encore à cette misérable découverte, cet infâme support, la réalité ?