AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Gabriela Cabezón Cámara (50)


C’est l’amour qui me porte, Qüity, pour que toi aussi tu saches où est Kevin, idiote, parce qu’il est au ciel, il est content. Oui, Cleo, et il mange des biscuits fourrés à l’ambroisie, c’est ça ? »
Commenter  J’apprécie          10
Je ne vois pas pourquoi il faudrait penser la nature selon un critère fordiste : « Ce n’est pas une chaîne de montage, les produits ne sont pas tous identiques, et puis il y a Dieu » ; « Il n’y a pas de Dieu », ai-je parfois dit à Cleopatra, les rares fois où je lui ai parlé, quand elle me sortait l’analgésique imaginaire de sa psyché exubérante : des petits contes pleins d’un Kevin au paradis des PlayStation avec écran géant ; « Tu te rends compte, Qüity, l’écran c’est le monde, mon amour », et la Vierge Marie c’est la maman, et Dieu le grand-père.
Commenter  J’apprécie          10
Qu’il y ait eu ou qu’il n’y ait pas eu un autre accident semblable à moi-même ou à Kevin, c’était et c’est toujours quelque chose dont je me contrefous, qui donc a décrété que l’unicité est preuve de résurrection ? J
Commenter  J’apprécie          10
J’avais l’impression d’être une pierre, un accident, un état de la matière, une roche consciente qu’elle sera fondue, solidifiée et transformée en autre chose et j’avais mal de me savoir ainsi. Je n’ai pas étudié le sujet, mais sans doute n’existe-t-il pas une seule roche identique à une autre. Ou si, mais qui, bordel, pourrait comparer toutes les pierres de tous les temps ? Et je ne vois pas en quoi cela atténuerait la douleur de cette roche de savoir que peut-être, une fois, il y en a eu une autre identique dans la démesure du temps – ce qui n’est pas vrai, ce qui l’est, c’est l’avènement de la matière, l’inquiétude fondamentale des éléments.
Commenter  J’apprécie          10
Je suis restée repliée sur moi-même en position fœtale, pareille à celle qui se faisait en moi et malgré moi : mon ventre était vivant de cette enfant qui y grandissait, mais moi je n’étais qu’un cimetière de morts chéris.
Commenter  J’apprécie          10
Pure matière affolée de hasard, voilà, pensais-je, ce qu’est la vie. C’est là-bas sur l’île que je me suis mise à l’aphorisme, presque à poil, sans une seule de mes affaires, pas même un ordinateur, à peine un peu d’argent et des cartes de crédit que je ne pouvais pas utiliser tant qu’on serait en Argentine. Mes pensées n’étaient que choses pourries, bouts de bois, bouteilles, tas de branchages, préservatifs usagés, morceaux de quai, poupées sans têtes, le reflet de l’amas de déchets que la marée abandonne lorsqu’elle se retire après avoir beaucoup monté. Je me sentais échouée et j’ai cru avoir survécu à un naufrage. Je sais maintenant que personne ne survit à un naufrage. Ceux qui coulent meurent et ceux qui s’en sortent vivent en se noyant.
Commenter  J’apprécie          10
La Vierge parlait comme une Espagnole médiévale et la journée commençait avec la première cumbia. Chacun articulait ce qu’il voulait dire dans sa propre syntaxe et c’est ainsi que nous avons construit une langue de cumbia pour raconter les histoires de chacun, j’ai entendu des histoires d’amour et de balles, de règlements de comptes et de sexe, cumbia joyeuse, cumbia triste et cumbia enragée toute la journée. Maintenant, je ne veux plus en écouter. C’est la raison de ce salon blanc, de ces fenêtres blindées, de cette température contrôlée. J’écris ce qui s’est passé avant et rien ou presque rien ne varie autour de moi : ma fille grandit bruyamment ailleurs dans la maison et Cleo vieillit et finit par se confondre avec les dames prospères, peroxydées et vulgaires de Miami.
Commenter  J’apprécie          10
Rien n'est sacré et augmenter un peu une fortune justifie n'importe quoi : ce n'est pas une question de fortune, c'est une question de force. (XXV)
Commenter  J’apprécie          00
On a beau croire à la chance,
rien ne nous sauve de cette transe,
pas même l'exil de notre sort
elle est super-fast notre mort :
personne n'arrive à cinquante piges
y a toujours une balle ou un couteau
qui nous transforme en terre,
en fumée, ombre, néant et poussière. (XVII)
Commenter  J’apprécie          00
Ils savaient pertinemment qu'un État qui n'exécute pas est un État mort. (VI)
Commenter  J’apprécie          00
Les matériaux étaient toujours plus ou moins nouveaux car tout était régulièrement balayé par une tempête, que la misère s'édifiait pas avec les mêmes choses que le Taj Mahal, qu'où donc avaient-ils vu les ruines des bidonvilles de l'Empire romain, que la misère pourrit, brûle et s'envole. (XI)
Commenter  J’apprécie          00
Plusieurs morts ont débouché dans la mer et qui sait s'ils n'ont pas émigré ou même fini par échouer sur leurs terres d'origine ; les morts voyagent peut-être ainsi. (X)
Commenter  J’apprécie          00
Je passe mon temps à prier la Vierge pour qu'elle demande à Dieu de te pardonner, mais elle dit que Dieu n'aime pas ceux qui font justice de leurs propres mains même si parfois il comprend si c'est au nom de Dieu. (XII)
Commenter  J’apprécie          00
Difficile de savoir si l’on se souvient de ce qu’on a vécu ou du récit qu’on a fait, refait et poli comme une gemme au fil des années, je veux dire ce qui resplendit mais est aussi mort qu’une pierre morte. S’il n’y avait pas les rêves, ces cauchemars dans lesquels je suis de nouveau une fillette crasseuse aux pieds nus, n’ayant pour toute possession que deux chiffons et un petit chien beau comme un ciel, s’il n’y avait pas le coup que je sens ici, dans la poitrine, à cause de ce qui me noue la gorge les rares fois où je me rends en ville et que je vois un de ces enfants maigres, mal peignés et presque absents ; bref, s’il n’y avait pas les rêves et les frissons de ce corps qui est le mien, je serais incapable de savoir si ce que je vous raconte est vrai.
Qui sait quelle intempérie avait marqué Elizabeth. Peut-être la solitude. Deux missions l’attendaient : sauver le gringo et prendre en charge l’estancia qu’il devait administrer. Qu’on la traduise, ça lui faciliterait la vie, avoir une interprète dans la charrette. Il y avait un peu de ça, mais aussi quelque chose de plus. Je me souviens de son regard, ce jour-là : j’ai vu la lumière à travers ces yeux, elle m’a ouvert la porte du monde. Elle avait les rênes dans la main, elle parlait sans trop savoir où, dans cette charrette qui contenait lit, draps, tasses, théière, couverts, jupons et tant de choses que je ne connaissais pas. Je me suis dressée et l’ai regardée d’en bas avec une confiance identique à celle avec laquelle Estreya me regardait de temps en temps lorsqu’on marchait ensemble le long d’un champ ou de plusieurs champs dans cette campagne ; comment savoir sur une plaine aussi égale quand user du pluriel et quand du singulier, une question qui finirait par être tranchée un peu plus tard : on s’est mis à compter à l’arrivée des clôtures et des patrons. Mais à cette époque-là, c’était différent, l’estancia du patron était tout un univers sans patron, on marchait dans la campagne et parfois on se regardait, mon petit chien et moi ; il y avait en lui cette confiance des animaux et Estreya trouvait en moi une certitude, un foyer, quelque chose lui confirmant que sa vie ne serait pas abandonnée aux éléments. J’ai regardé Liz comme ça, comme un chiot, avec la folle certitude que si elle me retournait un regard affirmatif, il n’y aurait plus rien à craindre. Il y a eu un oui chez cette femme aux cheveux roux, cette femme si transparente qu’on voyait son sang circuler dans ses veines quand quelque chose la réjouissait ou la mettait en colère. Ensuite, je verrais son sang congelé par la peur, bouillonnant de désir oui lui faisant bouillir le visage de haine.
Je suis montée avec Estreya, et elle nous a fait une place sur le siège du cocher. L’aube se levait, la clarté filtrait à travers les nuages, il bruinait, et lorsque les bœufs se sont ébranlés, nous avons vécu un moment pâle et doré, les minuscules gouttes d’eau qui s’agitaient avec la brise ont scintillé, les herbes folles de cette campagne ont été vertes comme jamais, il s’est mis à pleuvoir dru et tout était étincelant, même le gris sombre des nuages ; c’était le commencement d’une autre vie, un augure splendide. Ainsi baignées dans de si lumineuses entrailles, nous sommes parties. Elle a dit « England » et à ce moment-là, pour moi, cette lumière s’est appelée light et c’était l’Angleterre.
Commenter  J’apprécie          00
La Vierge veut que je continue à vivre, je ne sais même plus combien de fois elle m'a sauvée, moi aussi j'ai du mal à croire qu'elle m'ait choisie pour la mission de dire ce qu'elle a à dire, c'est étrange qu'elle, qui est vierge, m'ait choisie justement moi, qui me suis bouffé plus de teubs qu'une geisha centenaire.
Commenter  J’apprécie          00
Savoir que vous devez mourir peut être une bonne raison de faire une orgie ou de donner votre vie à la poursuite de quelque chose de plus élevé ; la Révolution, Dieu, la Patrie ou ne plus pouvoir commercer, je parle de ceux qui se tuent ou qui se laissent tuer et de ceux qui ne le permettent pas mais se tuent pareillement, que l'agneau n'est pas d'accord lors de chaque sacrifice, pour nommer un animal avec une tradition d'holocauste, de bonté immaculée et de barbecue en Patagonie.
Commenter  J’apprécie          00
Tous les sacrifices ne génèrent pas une tradition, mais le martyre spontané a toujours une première mort, comme première poussée ou comme force motrice d'un effet domino qui, selon ce qu'il est, dure une génération ou peut durer des siècles, bien qu'à la réflexion , il faut une bonne paire de millénaires.
Commenter  J’apprécie          00
J'ai juste travaillé comme une victime pour eux toute la journée, je suis même devenu une œuvre d'art : ils m'ont mis au milieu d'une méga installation à la Biennale de Venise. C'est moi qui ai été sacrifiée. Je restais là du matin au soir pendant les quatre mois du spectacle. Derrière c'était Jésus mourant sur sa croix, un hologramme humide qui pleurait de l'eau et du sang. Sur les côtés, des vidéos. Et partout des photos de militants tombés au combat.
Commenter  J’apprécie          00
La fonction de chaque frontière […] est réduite pour limiter la pénétration de l'extérieur à l'intérieur, la filtrer et l'adapter pour l'élaborer.
Commenter  J’apprécie          00
L'homme n'a pas de territoire souverain intérieur mais est, tout de lui-même et toujours, à la frontière, regardant au fond de lui-même l'homme croise le regard de l'autre ou voit avec les yeux de l'autre
Commenter  J’apprécie          00



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Gabriela Cabezón Cámara (235)Voir plus

Quiz Voir plus

TOUS sur le livre Le souffle de la pierre d'Irlande.

Quel est le problème de Fiona?

Elle ne sais pas parler.
Elle n'a qu'une jambe.
Elle est aveugle
Elle n'a rien.

6 questions
29 lecteurs ont répondu
Thème : Le Souffle de la Pierre d'Irlande (1) - Le Feu de Éric SimardCréer un quiz sur cet auteur

{* *}