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Critiques de Gabrielle Filteau-Chiba (295)
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Sauvagines

Sans ambages, avec une netteté tranchée hautement assumée, Gabrielle Filteau-Chiba nous livre un récit engagé et militant imprégné d'écoféminisme, un récit qui touche, un cri d'amour pour la nature et les forêts du Kamouraska ( territoire québécois du Bas-Saint-Laurent ), un cri de colère aussi pour dénoncer l'avidité capitalistique qui se déploie en cette ère de dévastation écologique.



L'auteure évite l'écueil moralisateur en incarnant son combat au travers d'un très beau personnage féminin. Vivant seule dans sa roulotte en pleine forêt, Raphaëlle n'a que quarante ans mais elle est déjà usée par son métier de garde-forestière, dressant un constat amer sur son rôle de protectrice de la faune et de la flore, impuissante face aux exactions des braconniers. Lorsqu'elle découvre sa chienne chérie, Coyote, prise dans un piège en plein coeur d'un effroyable site de braconnage type charnier, elle décide de partir en guerre mais la chasse à l'homme se renverse lorsqu'elle réalise qu'elle est, dans la ligne de mire de braconniers sans foi ni loi.



Très rapidement, le roman adopte le rythme du thriller. La conscience écologiste se mue en action pure et dure. L'écriture puissante de l'auteure transmet parfaitement la vérité des sentiments éprouvés par Raphaëlle, entre peur et rage. L'ambiance menaçante de quasi huis-clos croît à mesure qu'elle s'enfonce dans la forêt en mode survie. Le combat de cette écoguerrière est parfois alourdi par des répétitions ou des colères un peu brouillonnes, mais il est parfaitement lisible et la justesse de son éthique fait vibrer le lecteur, notamment lorsqu'Anouk ( l'ermite d'Encabanée, le premier volet du triptyque ) rejoint sa cause et fait converger encore plus pertinemment la lutte féministe et l'écologiste. Et pour éviter tout manichéisme antimasculin, il y a le magnifique Lionel, garde-chasse à la retraite, père cosmique de Raphaëlle qui la guide avec bienveillance dans sa quête.



Si les scènes d'action sont très convaincantes par leurs énergiques pulsations, elles ne résument pas le roman dont l'intensité va au-delà du simple thriller. Sauvagines est une ode à la nature et à ses protecteurs, offrant de très belles pages nature writing, portée par une écriture imagée aux envolées poétiques qui stimule sensoriellement le lecteur avec une belle énergie, tout en rendant hommage au lien spirituel qui unit homme et nature. Cette quête de l'essentiel donne une envie furieuse d'entendre hurler les coyotes voire de hurler à leurs côtés.



PS : en fin d'ouvrage, un régal que ce glossaire des québécismes qui parsèment avec bonheur le récit et l'enrichissent !





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Encabanée

Ça commençait bien.Départ immédiat. Destination solitude (pas tout à fait d'ailleurs, si l'on tient compte des souris), "simplicité volontaire", avec curseur pointé sur congélation. Partir pour se tester, check-up autonomie: de quoi peut-on encore être capable sans béquilles technologiques, avec une hache pour fendre la glace et trouver de quoi boire?

Survie et littérature, Anne Hébert en éclaireuse, Félix Leclerc en rabatteur: notre héroïne emprunte parfois les mots des autres et tient le froid à distance en égrenant tout ce qu'elle abandonné depuis qu'elle s'est encabanée: "L'asphalte, les pelouses taillées -vous savez, ces haies de cèdres torturées-, l'eau embouteillée, la propagande sur écran, la méfiance entre voisins, l'oubli collectif de nos ancêtres et de nos combats, l'esclavage d'une vie à crédit et les divans sur lesquels on s'incruste de fatigue. La ville encrassée où l'on dort au gaz dans un décor d'angles droits."

Mais comme il fait toujours très froid, que les coyotes regardent l'intruse d'un sale oeil et que la hache mal apprivoisée a transformé son visage en "un barbeau de couleurs blessées", voilà notre narratrice obligée d'en remettre bien des couches pour se souvenir qu'elle a de bonnes raisons de s'infliger ça. En guise de guide de survie, le lecteur marri se retrouve bientôt à survoler la plate complainte de la Montréalaise shootée aux implants mammaires et régimes amaigrissants, symbole du monde décadent que Gabrielle Filteau-Chiba a fui. De Anne Hébert, on dégringole dangereusement vers le blog d'adolescente: "Je cherchais des yeux un endroit où m'éclipser, comme un animal blessé se tapit dans l'ombre, mais il n'y avait que du béton partout." Non, non, Gabrielle, il n'y a pas que du béton: beaucoup de gros clichés, aussi.

Des clichés et de la dissertation. Alors, thèse: la civilisation c'est pas bien. Antithèse: la nature, c'est froid. Synthèse (priez pour nous): un bel activiste pourchassé passe par là, la culbute (alors qu'avec la température, il devrait réalistement n'avoir qu'un petit zizi tout ratatiné), fend son bois, déneige le panneau solaire, redémarre la voiture, et hop, notre héroïne est désormais remise sur les rails de sa vie: "Enfin, j'avais découvert le sens à ma vie de féministe rurale: me dévouer à la protection de la nature corps et âme."

(Féministe parce que, même si elle a besoin d'un homme pour déneiger son toit, elle a "brûlé (s)on soutien-gorge et ses cerceaux de torture". Pauvre choupinette, va.)

Sinon, le Don Juan de la toundra a un peu tué quelqu'un et c'est vraiment triste parce que, du coup, il risque la prison.

Je suis moi-même très abattue sur ce coup, ça me ferait presque croire que Sylvain Tesson c'est Victor Hugo. C'est dire.
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Sauvagines

Une sauvagine correspond à l’ensemble des peaux les plus communes vendues par les chasseurs sur les grands marchés de la fourrure.



Autrement dit, il sera question de chasse, de braconnage, d’écologie et profit et de quelques âmes convaincues que le combat n’est pas vain contre la marche insensée de ce monde.





Si elle porte fièrement son insigne "protection de la faune", elle vit seule dans son abri de fortune dans la forêt, avec pour compagnie une chienne dédaignée en raison de son aspect mélangé, et qui répondra en hommage à ses ascendants au nom de Coyote.



Outre le constat déprimant du déclin de la faune, que des analyses économiques semblent totalement ignorer, débouchant sur une législation qui ne peut qu’aggraver les choses, la jeune femme devra mobiliser toutes ses forces pour lutter pour sa propre survie, l’un des braconniers semble en effet l’avoir prise pour cible. Or, le gars n’est pas un enfant de choeur, et n’a aucun doute sur sa légitimité à décider sans autre forme procès qui doit rester en vie, humain ou animal.



C’est aussi l’histoire d’une belle rencontre, que le hasard d’un journal perdu rendra possible.



On est au coeur de la nature, celle qu’on voudrait voir respectée, faune et flore, en hurlant de rage face aux profits à court terme qui mettent notre planète à mal.



Avec l’accent et les termes si réjouissants de la langue québécoise, l’histoire se dévore, autant pour l’intrigue que pour les personnages. Un cri de plus de désespoir face à l’incurie de l’homme.


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Sauvagines

Dans la forêt du Kamouraska



En retraçant le combat d'une agente de protection de la faune dans le haut-pays de Kamouraska Gabrielle Filteau-Chiba poursuit sa quête écologique et féministe entamée avec Encabanée. Un roman fort, intense, profond.



On retrouve dans Sauvagines le même humour et la même poésie que dans Encabanée, le premier roman de Gabrielle Filteau-Chiba. Par un habile procédé narratif, on retrouve dans ce nouveau roman les extraits des carnets laissés par Anouk B. qui formaient la matière de ce livre. Des carnets qui seront confiés à cette autre femme venue séjourner dans la forêt canadienne, personnage principal du roman: Raphaëlle Robichaud, 40 ans, agente de protection de la faune installée dans une roulotte dans le haut-pays de Kamouraska. Raphaëlle qui finira par croiser la route d'Anouk.

Au début du roman, elle vient de faire l'acquisition de Coyote, un bâtard qui va l'accompagner dans ses expéditions et pourra, du moins elle l'espère, la prévenir de l'arrivée de l'ours qui a déjà laissé ses traces tout près de son logis.

Coyote qui, comme sa maîtresses, explore avec curiosité les alentours, mais qui va se faire piéger par des collets installés par des braconniers non loin du chalet de Lionel ou Raphaëlle a fait une halte. Elle retrouvera son chien bien amoché mais vivant, avec l'envie décuplée de faire payer ces chasseurs. «Mon rôle est entre autres de protéger la forêt boréale des friands de fourrure qui trappent sans foi ni loi, non pas comme un ermite piégeant par légitime subsistance dans sa lointaine forêt, non pas comme les Premiers Peuples par transmission rituelle de savoirs millénaires, mais par appât du gain, au détriment de tout l’équilibre des écosystèmes. Même en dehors des heures de travail, c’est mon cheval de bataille, veiller sur la forêt.» Un combat difficile, un combat qui semble vain, tant les habitudes sont solidement ancrées. «Dans le fond, tout le monde s’en fout de ce qui se passe ici. Ce n’est pas une petite tape sur les doigts de temps en temps qui va changer quoi que ce soit. Ce ne sont surtout pas des lois laxistes comme les nôtres qui vont protéger la faune.» Mais bien vite, c'est Raphaëlle elle-même qui doit se protéger. Après avoir installé une caméra de surveillance non loin de sa roulette, elle trouve un message sans équivoque du braconnier posé en évidence sur son lit. L'agente est devenue une proie. Avec l'aide de Lionel et d'Anouk, elle va mener l'enquête et tenter de l'empêcher de nuire. Car ce qu'elle a appris sur les mœurs du braconnier remplit désormais un épais dossier. Son but est de «venger les coyotes, les lynx, les ours, les martres, les ratons, les visons, les renards, les rats musqués, les pécans; venger les femmes battues ou violées qui ont trop peur pour sortir au grand jour.»

La magie de l'écriture de Gabrielle Filteau-Chiba, sensuelle et profonde, donne à ce roman une puissance vitale. On respire la forêt, on souffre avec les animaux piégés, on partage cette peur qui s'insinue sous la peau. Un hymne à la nature et à sa préservation qui est aussi une quête de l'essentiel. Quand, dépouillé de tout, il ne reste que la vérité des sentiments qui peuvent alors s'exprimer de toutes leurs forces.

Ajoutons que Sauvagines fait partie d’un triptyque et que le troisième roman intitulé Bivouac est paru au Québec. On l’attend déjà avec impatience!






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Encabanée

Pour le Défi Lecture 2023, il me fallait lire un livre dans lequel il y a une expression québécoise. Mon choix s'était arrêté sur Patrick Senécal, sans encore savoir lequel de ses livres je lirai. Mais ce dernier étant aux abonnés absents dans mon réseau de bibliothèques (au nombre de onze quand même), je me suis rabattue sur "Encabanée" de Gabrielle Filteau-Chiba, elle-même québécoise. Ma première surprise a été de constater, lorsque je suis allée le récupérer après réservation, que c'est en fait un très court roman, de tout juste 120 pages. Mais même si j'aime les romans un peu plus consistants, je ne rechigne plus autant qu'avant devant des romans plus petits, étant tombée de temps à autre sur de petites mais jolies pépites.



Et en ce qui concerne les expressions québécoises, là j'ai eu mon compte ! L'autrice étant « une ardente défenseuse de la langue québécoise », ce livre en regorge, au point d'avoir même glissé un glossaire en fin d'ouvrage pour les expressions qui nous paraîtraient quelque peu biscornues. J'ai lu ce livre sans pouvoir m'empêcher d'entendre l'accent québécois tout du long, surtout dans les dialogues. C'était dément.



C'est bien évidemment au Québec que se déroule l'histoire, dans laquelle nous serons aux côtés d'Anouk durant neuf petits jours :



« Lassée de participer au cirque social qu'elle observe quotidiennement à Montréal, Anouk quitte son appartement pour une cabane rustique au Kamouraska, là où naissent les bélugas. Encabanée dans le plus rude des hivers, elle apprend à se détacher de son ancienne vie et renoue avec ses racines. Couper du bois, s'approvisionner en eau, dégager les chemins, les gestes du quotidien deviennent ceux de la survie. Débarrassée du superflu, accompagnée par quelques-uns de ses poètes essentiels et de sa Marie-Jeanne, elle se recentre, sur ses désirs, ses envies et apprivoise cahin-caha la terre des coyotes et les sublimes nuits glacées du Bas-Saint-Laurent. »



Ce qui a arrêté mon choix sur ce livre, c'est le côté nature-writing. En cela, je suis un peu déçue. Si l'on ressent parfaitement l'atmosphère glaciale et enneigée, les paysages en revanche ne sont pas décrits. Je trouve dommage d'avoir été invitée dans un tel environnement sans pouvoir me le représenter autrement que par une cabane au milieu des bois enneigés, sans le moindre petit détail.



Et puis, ça pêche aussi un peu du côté des personnages, ou plutôt du personnage puisqu'il y en a qu'un (deux en fait, mais le second est plutôt insignifiant). Anouk étant seule et isolée, on est essentiellement dans de l'introspection. En cela, elle est plutôt bien maîtrisée, le style net et spontané de l'autrice n'y étant pas pour rien. Seulement voilà, à part nous dire qu'elle a froid, très froid, et qu'elle a besoin d'un amant, elle ne nous révèle pas grand chose de sa personne et de sa personnalité. On sait les raisons qui l'ont poussée à "s'encabaner", mais comment s'y est-elle prise ? Comment cela a-t-il été possible pour commencer ? Comment en est-elle venue à trouver cette cabane ? Que faisait-elle avant ? Pourquoi ce revirement de situation ? Pourquoi à ce moment-là précisément ? Tant de questions auxquelles on n'a pas les réponses. Tant d'éléments manquants ne nous permettant pas de mieux cerner le personnage.



Quant aux sujets évoquant la crise écologique et le féminisme, là encore, ça manque d'approfondissement et d'argumentation. Le message est pourtant clair et peu subtil, mais arrive clairement comme un cheveu sur la soupe, pour repartir aussi sec.



Pour 120 pages, je m'attendais effectivement à ce que ce livre ne réponde pas à toutes mes attentes, mais pas autant je dois dire et c'est pour cela que j'en ressors plus déçue que ravie.



Mais il a tout de même du potentiel. Comme je l'ai déjà dit, on subit parfaitement l'atmosphère hivernale à (très) basse température, avec les bruits et sons de la nature et des animaux au cœur même du silence glacial. Le cheminement intérieur d'Anouk est bien mené, dans le sens où l'on comprend bien son quotidien solitaire et pesant (froid, bois à couper et à rentrer, eau à dégeler et à chauffer, pas de moyens de communication, isolement, vie en autonomie, etc). Le style de l'autrice, aiguisé, franc, aux phrases courtes, n'est pas désagréable.



Je n'ai donc pas passé un mauvais moment. L'ensemble est même plaisant, mais j'en ressors avec un goût d'inachevé. Un peu (beaucoup) plus développé m'aurait sans doute convaincue davantage.

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Encabanée

Kamouraska est une petite localité de 700 habitants au Québec, à l’embouchure du St Laurent. Elle y a acheté une forêt pour le prix d’un appartement en ville. Elle a tout plaqué et s’est retiré dans sa cabane, perdue sous les neiges d’un mois de janvier. Elle fait l’expérience de la solitude, voulant rompre avec le rythme effréné de l’éternelle fuite en avant du monde citadin. Ce sera l’occasion pour elle de rencontrer une meute de coyotes, un chat noir aux yeux orange, un fugitif écolo.

« Encabanée » est le journal d’une femme qui réalise le rêve de beaucoup, stopper la course après les choses futiles pour se recentrer sur l’essentiel : sa vie.

Editions Gallimard, Folio, 110 pages.

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Encabanée

Jolie lecture âpre et poétique, avec un zeste d'autodérision et d'humour....



J'ai choisi ce texte il y a juste une année, en février 2021...depuis,et tout récemment j'ai offert le second livre de cette auteure québécoise ( faisant suite,d'une certaine façon,à celui-ci):"Sauvagines"...



La narratrice,Anouk, lassée et exaspérée du cirque social qu'elle endure à Montréal, depuis trop longtemps, à son goût, décide de tout quitter pour se réfugier dans une cabane sommaire au fond d'une forêt, au Kamouraska,là où naissent les bélugas.



Exergue choisie par l'auteur nous explique le déclic ayant provoqué ce choix : "Merci Anne Hébert.Après la lecture de -Kamouraska-,j'ai troqué l'ordinaire de ma vie en ville contre l'inconnu et me suis libérée des rouages du système pour découvrir ce qui se dessine hors des sentiers battus.Merci de m'avoir fait rêver d'une forêt enneigée où m'encabaner avec ma plume."



Anouk nous décrit son quotidien difficile à survivre dans un milieu naturel et sauvage difficile,,, d'autant plus que cela se déroule en plein hiver où le froid atteint des températures fort dissuasives...



Toutefois Anouk est déterminée...elle a besoin de retrouver l'Essentiel, ce qui compte vraiment,en dehors d'une société de moutons dociles,broyés dans des courses professionnelles et consuméristes...sans fin...



Son rêve ressemble à ceux de Thoreau: retrouver la nature,en prendre soin,réapprendre à apprécier ce qu'elle nous offre généreusement...et ÉCRIRE au fond des bois dans sa petite cabane,où elle recueille un gros matou noir...ainsi qu'un homme rebelle,recherché, qu'elle hébergera momentanément...

Alternent au récit des listes de souhaits ou de gratitudes...non dénuées de malice et de clins d'oeil ironiques ! (In-fine, définitions d'expressions typiquement québécoises...bien précieuses !)



Après cette lecture très touchante,nous interpellant d'une manière ou d'une autre dans nos propres vies citadines, je vais m'empresser de lire le texte d'Anne Hébert et "Sauvagines"...de Gabrielle Filteau-Chiba,pour rester un plus longtemps avec notre vaillante "héroïne solitaire"...qui dans "Sauvagines" exerce le métier de "Garde-forestier"....



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Encabanée

Quelquefois, le confinement a du bon



En racontant le séjour d’Anouk, partie en plein hiver «s’encabaner» dans la forêt québécoise, Gabrielle Filteau-Chiba réussit un premier roman écolo-féministe écrit avec poésie et humour. Une belle réussite!



Le 2 janvier, en plein hiver, Anouk, la narratrice de ce court et beau roman «file en douce» de Montréal pour s'installer à Saint-Bruno-de-Kamouraska, «tombée sous le charme de ce nom ancestral - Kamouraska - désignant là où l'eau rencontre les roseaux, là où le golfe salé rétrécit et se mêle aux eaux douces du fleuve, là où naissent les bélugas et paissent les oiseaux migrateurs.»

Elle ne nous en dira guère plus de ses motivations, si ce n'est qu'elle entend fuir un quotidien trop banal et une vie où le superficiel a pris le pas sur l’essentiel. En revanche, elle va nous raconter avec autant de crainte que d'humour, avec autant d’émotion que de poésie sa vie dans et autour de cette cabane perdue dans l'immensité de la forêt. Elle doit d'abord lutter contre le froid intense qui s'est installé avant d'imaginer se consacrer à son programme, lire et écrire. Et se prouver qu’au bout de sa solitude, sa vie va recommencer.

Intrépide ou plutôt inconsciente, elle ne va pas tarder à se rendre compte combien sa situation est précaire. «Le froid a pétrifié mon char. Le toit de la cabane est couvert de strates de glace et de neige qui ont tranquillement enseveli le panneau solaire. Les batteries marines sont vides comme mes poches. Plus moyen de recharger le téléphone cellulaire, d’entendre une voix rassurante, ni de permettre à mes proches de me géolocaliser. Je reste ici à manger du riz épicé près du feu, à chauffer la pièce du mieux que je peux et à appréhender le moment où je devrai braver le froid pour remplir la boîte à bois. Ça en prend, des bûches, quand tes murs sont en carton.»

Et alors qu'un sentiment diffus de peur s'installe, que les questions se bousculent, comment faire seule face à un agresseur alors que la voiture refuse de démarrer, peut-elle se préparer à mourir gelée ? Ou à être dévorée par les coyotes qui rôdent? Presque étonnée de se retrouver en vie au petit matin, elle conjure le sort en dressant des listes, comme celle des «qualités requises pour survivre en forêt», avec ma préférée, la «méditation dans le noir silence sur ce qui t'a poussée à t'encabaner loin de tout».

Peut-être que le fruit de ses réflexions lui permettra de goûter au plaisir de (re)découvrir des œuvres d'Anne Hébert, de Gilles Vigneault et de quelques autres auteurs de chefs-d'œuvre de la littérature québécoise qui garnissent la bibliothèque de sa cabane. Et d’y ajouter son livre? «J’ai troqué mes appareils contre tous les livres que je n’avais pas eu le temps de lire, et échangé mon emploi à temps plein contre une pile de pages blanches qui, une fois remplies de ma misère en pattes de mouche, le temps d’un hiver, pourraient devenir un gagne-pain. Je réaliserai mon rêve de toujours: vivre de ma plume au fond des bois.»

Après quelques jours, son moral remonte avec l'arrivée inopinée de Shalom, un gros matou «miaulant au pied de la porte comme téléporté en plein désert arctique» et dont la «petite boule de poils ronronnante» réchauffe aussi bien ses orteils que son esprit.

Avec un peu de sirop d'érable, la vie serait presque agréable, n'était cette vilaine blessure qui balafre son visage. Couper le bois est tout un art.

C'est à ce moment qu'une silhouette s'avance. À peine le temps de décrocher le fusil que Rio est déjà là à demander refuge. La «féministe rurale» accueille ce nouveau compagnon avec méfiance, puis avec cette chaleur qui lui manquait tant. «Ton souffle chaud sur ma peau me fait oublier les courants d’air dans la cabane et le froid dehors. Je m’agrippe à tes longs cheveux. Je nous vois, toi et moi, sur un tapis de lichen valser au rythme de la jouissance. Encore et encore. Mon dos cambré comme un arc amazone est prêt à rompre.» Au petit matin son amant lui dira tout. Il est en fuite, recherché par la police pour avoir saboté la voie ferrée. Rio est un activiste environnemental qui se bat contre le pétrole des sables bitumineux. Pour lui, «se taire devant un tel risque environnemental, c'est être complices de notre propre destruction». Alors Anouk va lui proposer de l'emmener à travers la forêt jusqu'aux États-Unis…

Gabrielle Filteau-Chiba a parfaitement su rendre la quête de cette femme, partie pour se retrouver. Et qui, en s'encabanant, va découvrir non seulement des valeurs, mais aussi une boussole capable de lui ouvrir de nous horizons, sans se départir de son humour: «Incarner la femme au foyer au sein d’une forêt glaciale demeure, pour moi,

l’acte le plus féministe que je puisse commettre, car c’est suivre mon instinct de femelle et me dessiner dans la neige et l’encre les étapes de mon affranchissement.»

Quelquefois, le confinement a du bon.

«Ma vie reprend du sens dans ma forêt», dit Anouk. En lisant son témoignage, notre vie aussi reprend du sens.




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Encabanée

Difficile de ne pas penser à Sylvain Tesson et à son isba « Dans les forêts de Sibérie » avec ce livre.

Ici ce n'est pas le lac Baïkal mais le grand nord canadien, dans une cabane aussi, et la température est de moins quarante degrés.

La narratrice, comme Sylvain Tesson, cherche à échapper à la civilisation et à ses excès, elle se cherche aussi et veut revenir à l'essentiel, vivre, survivre, réfléchir...

Sous forme de réflexions, de listes d'adresses à son journal, ou de gratitudes (au soleil, aux Amérindiens, à son grand-père...), elle nous fait partager, ses doutes, ses angoisses, ses plaisirs, ses désirs aussi (un beau Robin des bois qui arriverait...)



Le ton est léger, tendre et souvent plein d'auto-dérision.

J'ai trouvé le récit un peu court (à peine une centaine de pages) et « la » rencontre un peu « cliché ».,,

Mais j'ai eu de bons échos de son dernier roman, « Sauvagines », qui est une sorte de suite à celui-ci.

Et surtout il m'a donné envie de relire « Kamouraska » de Anne Hébert lu il y a très longtemps...

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Encabanée

Je ne suis pas sûre que le réchauffement climatique ait été la préoccupation majeure d’Anouk, « Encabanée » au cœur de la forêt de Kamarouska pour oublier la vie trépidante de Montréal, sa pollution sonore et visuelle.

Une souris pour compagne, des glaçons aux fenêtres, comme des barreaux de cellule et le froid terrible, mordant, mortel qu’il faut apprivoiser pour survivre. Anouk fait des listes pour le défier :

« Mes trois souhaits au génie de la lampe :

Des bûches qui brulent jusqu’à l’aube.

Une robe de nuit en peau d’ours polaire.

Robin des bois qui cogne à ma porte. »

Avec une plume minutieuse, empreinte de poésie souvent, d’humour parfois, Gabrielle Filteau-Chiba construit l’histoire d’Anouk, avec ses listes numérotées, ses coups de griffe à l’encontre de l’humanité, le récit qui, en lui-même, donne des contours à cet univers gelé immaculé.

Un jour, Robin des bois cogne à sa porte.

« Encabanée » c’est aussi l’histoire du désir, de la solitude, de la peau, de cette chaleur humaine manquante puis follement attachante.

J’ai adoré ce texte plein de douceur, de courage, d’espérance en un monde meilleur.

L’écriture de Gabrielle Filteau-Chiba est majestueuse pour parler de la neige, des paysages, des animaux, de la survie, mais aussi de l’amour.

Je me suis « Encabanée » avec un réel bonheur.

Je peine à en sortir, suis-je atteinte du syndrome de la cabane ?



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Sauvagines

Enroulottée.



Pour faire écho au précédent livre de Gabrielle Filteau-Chiba, c’est ainsi qu’on pourrait qualifier le choix de vie de Raphaëlle, la quarantaine, vivant seule avec sa chienne dans son chalet-roulotte posée au milieu des froides forêts québecoises qui surplombent la rivière Kamouraska.



Totalement engagée et investie dans son rôle de garde-forestière, elle déplore pourtant l’hypocrisie et l’ambiguïté politique et administrative qui lui fait surveiller ces territoires de trappe où sévissent tant de braconniers impunis, tandis que la forêt est peu à peu bradée et sacrifiée aux intérêts des spéculateurs de tous ordres.



Il faudra que Coyotte, sa chienne, tombe dans le piège d’un de ces braconniers pour que la colère de Raphaëlle se transforme en vengeance. Avec l’aide de Lionel, son père quasi-adoptif, et d’Anouk, coup de foudre fulgurant devenant amour fusionnel, elle va solder dans le sang les passifs récents et d’autres plus anciens.



Passant constamment du thriller au nature writing, Sauvagines est avant tout un livre de passion et de liberté, une célébration de la nature et de son respect, un playdoyer pour le maintien d’un minimum d’écoresponsabilité et de simple humanité.



Certes, le livre souffre de quelques longueurs et répétitions des messages politiques qu’on avait bien compris dès leurs premières évocations, ou d’apparition d’étonnantes fulgurances humoristique (« Ici aussi ont été commises des horreurs boréales »).



Mais l’ensemble est toutefois réussi grâce à une montée en tension progressive de la vengeance, tandis que parallèlement, la progression des sentiments de Raphaëlle envers Anouk devient apaisante pour elle comme pour le lecteur, tout comme la terre natale de Gaspésie qui finit par les recueillir.



Reste au final une morale au message parfaitement clair : « Qu’on nous laisse la paix, à la fin, aux femmes, aux coyotes, aux forêts » !

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Sauvagines

Raphaëlle est garde forestière sur les terres de la couronne du haut Kamouraska au Canada. Elle a fuit la grande ville et la société et s'est installée, seule dans une roulotte, en pleine nature. Elle achète un jeune chien qu'elle appelle Coyote. C'est son seul ami, Raphaëlle aime sa solitude au fond des bois. Coyote se fait piéger dans un collet posé par un braconnier, Raphaëlle le sauve mais il est grièvement blessé.

Raphaëlle est en pleine désillusion, elle avait investi beaucoup d'espoirs dans son métier mais les chasseurs sont sans foi ni loi. Ils sont sur équipés, abattent un maximum de gibier sans tenir compte des quotas. Ils laissent tous leurs détritus dans la nature de surcroît. Raphaëlle se sent dépassée, les gardes sont en petit nombre pour un immense territoire et le gouvernement est clément avec les chasseurs parce qu'ils rapportent de l'argent. Raphaëlle aimerait pouvoir protéger les animaux chassés ou braconnés. Les braconniers posent des pièges illégaux et cruels et détruisent la faune. Quand Raphaëlle trouve son chien blessé, elle cherche à découvrir l'identité du braconnier. Celui-ci pour l'impressionner a installé une caméra de chasse devant sa maison et sur sa douche extérieure. Il pénétre dans sa cabane en forçant la porte. Raphaëlle est folle de rage. Elle apprend que l'homme est un sale type qui maltraite les femmes qu'il fréquente, et massacre les coyotes, elle découvre avec horreur un charnier de cadavres d'animaux dépecés. Raphaëlle décide donc de frapper un grand coup pour contrer cet ignoble individu.

On retrouve dans ce roman comme dans le précédent "encabanée" la belle plume poétique de l'auteure, son amour de la nature sauvage, la défense et la protection de la nature et de la faune, sa quête d'une vie simple, immergée dans la nature, résumée à l'essentiel, un rejet d'une société consumériste qui mène la planète à sa perte, son cri de colère de col contre le gouvernement acheté par le lobby des chasseurs, et l'attitude des fermiers pollueurs aux pratiques douteuses.
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Sauvagines

Emprunt à la Bibliothèque Buffon mi-novembre 2022



Très beau moment de lecture pour tous les amoureux du Québec, de la nature et de la faune...Cette immense "bulle d'oxygène", à travers les aventures et mésaventures d'une garde -forestière, au fort tempérament...



Après la lecture enthousiaste d'"Encabanée", j'avais la grande curiosité de lire ce deuxième texte; sorte de prolongement du premier...Ce que je viens de faire en empruntant cet ouvrage à ma bibliothèque !



Une jeune garde-forestière, ayant tout quitté: Famille avec laquelle elle ne partageait rien, un boulot qui ne la motive plus, son amoureuse.... Elle veut se rapprocher de la nature, de la forêt, et dans un même temps de la Gaspésie, terre originelle de sa grand-mère adorée !



Dans ce récit plein de péripéties, notre jeune garde-forestière raconte son métier quotidien de "Protectrice de la faune" et de la forêt, ses soucis avec les braconniers, et la gent masculine, comportant un nombre certain "d'obsédés de la gachette", l'adoption et le sauvetage d'une adorable chienne ( inutile car trop faible pour tirer des traîneaux), Coyote, la présence de son ami, Lionel, un vieux de la vieille de la forêt, faisant figure de "papa de substitution"...Tous ces éléments réunis l'aident à assumer à la fois, sa solitude, et son métier de "protectrice de la nature", car ce dernier est loin d'être une sinécure...encore plus, pour une jeune femme seule dans un monde très fortement masculin...et "macho" de surcroît !



D'admirables descriptions de tous les animaux, de la forêt, des merveilles de la nature, sans oublier, son attachement , son amour pour son "ange-gardien" à quatre pattes, Coyotte, qui la réconforte bien plus que certains humains !...



"Une couverture de laine t'attend, bien pliée, au pied de mon matelas.Je te promets une chose : jamais tu ne connaîtras les chaînes. Et je te traînerai partout, te montrerai tout ce que je sais du bois. (...)

Elle se faufile jusqu'à mes genoux, ma petite chienne trop fluette pour tirer des traîneaux. (...)

Dire que les mushers du chenil allaient t'abattre...

Dire que tu ne verras plus jamais ta mère. Comment te faire comprendre, mon orpheline, que nous serons l'une pour l'autre des bouées, qu'accrochées l'une à l'autre nous pourrons mieux affronter les armoires à glace qui ne chassent que pour le plaisir de dominer, de détruire ? "



Notre garde-forestière ne manque pas de lucidité et d'ironie envers sa hiérarchie... qui est plus sensible au profit; à des sortes de statu-quo...et de concessions constantes, montrant une sorte d'inertie et de non-engagement généralisés....Pour tout dire, elle ne se sent pas le moins du monde épaulée par ses employeurs , se sentant bien seule dans ses colères et indignations, pourtant légitimes...pour protéger efficacement la faune et la forêt de son québec... !



Surviendront des incidents graves... qui vont la pousser dans les limites de la légalité... et mettre en évidence les nombreux obstacles l'empêchant d'exercer véritablement son métier ....

Pour elle, c'est comme une IMPOSTURE !



Trouvant un jour sa fidèle chienne Coyote, grièvement blessée par un piège illégal, elle sortira de ses gongs, parviendra à guérir sa "gentille amie à quatre pattes", mais sera décidée à trouver l'identité de ce braconnier- prédateur, qui semble sévir plus que de raison...



Si ce n'était que cela, c'est déjà en soi, un sérieux délit... le prédateur en question semble "chasser" tous les gibiers gênant son chemin: Les humains, hommes gardes-forestiers,ou femmes comme les animaux...



Elle se rend compte, en rentrant à sa roulotte, que quelqu'un est venu près de "sa maison", l'espionnant, et allant jusqu'à laisser à l'intérieur de chez elle, une superbe peau rousse de coyotte... La panique monte, elle décide de ramasser à la hâte ses affaires et d'aller se réfugier chez son ami , Lionel....



Cet inconnu qui l'espionne, bafoue son espace privé, joue semble-t-il à la terrifier, d'autant qu'il a sûrement entendu parler de ses questions aux villageois pour trouver l'identité de la personne, cumulant à lui tout seul, un nombre impressionnant de braconnages abusifs et cruels... sans parler d'agressions de jeunes filles et de la disparition ancienne d'une femme, jamais retrouvée...restée un mystère !



L'angoisse monte crescendo...



En interrogeant les villageois une première fois, une femme s'arrange pour lui transmettre un cahier comme si elle l'avait oublié... en lui glissant un numéro de téléphone à l'intérieur....

Elle acceptera ce cahier de l'inconnue, en réalisant plus tard que ce dernier est un journal intime... d'une autre inconnue, Anouk, qui, au demeurant vit aussi seule dans la forêt, vivant et ayant vécu des choses similaires à la garde-forestière....Elle imagine cette Anouk, comme une soeur , comme un "double", qui combat les mêmes peurs, vit le même quotidien de survie qu'elle !



Son enquête s'épaissit... Elle cherche cette fois et "son persécuteur" et cette femme, qu'elle perçoit par anticipation, comme une possible amie à venir ?



Avec son ami, Lionel, puis Anouk, et la fidèle Coyotte... la fine équipe va imaginer un plan pour enrayer et "neutraliser" ce prédateur, à la réputation redoutable , et un lourd passif !....



Pas un mot de plus, pour laisser aux futurs lecteurs, tout le suspens et les rebondissements qui ne manquent pas à cette sacrée " chasse à la femme", devenue à notre grand soulagement... une chasse à cet "homme-prédateur obsessionnel" !



La garde-forestière démissionnera de son poste... ira se réfugier un moment en Gaspésie, paradis de son enfance et des lumineux moments vécus avec sa grand-mère...(ignorée dans les récits familiaux, car "autochtone"! !)



"(* A propos de la grand-mère de la narratrice)

J'aurais aimé qu'on me raconte ton histoire, peut-être que je me serrais sentie un peu plus chez moi parmi tes descendants si j'avais connu tes berceuses, recettes et illusions perdues.Le bungalow de banlieue qui sentait la mortadelle et les boules à mites m'étouffait. Les prières du souper, celles du soir, la peur des étrangers, du noir et des bêtes dehors, et les litanies sans fin de reproches xénophobes faisaient naître en moi les pires élans de rage.Fallait que je m'éloigne de ces gens avant de me mettre à leur ressembler. Il me fallait une forêt à temps plein, à flanc de montagnes qui s'en foutent des frontières, où tous sont sur un pied d'égalité face aux éléments, au froid, à la pluie, au vent.Le bois est un mentor d'humilité, ça , je peux le jurer."



Merci à l'auteure pour ce magnifique roman, à forte résonance autobiographique... son amour très fort pour la Nature et tous les êtres vivants... J'achève ce long billet par un dernier extrait, qui doit être en symbiose avec les convictions mêmes de Dame Filteau-Chiba !



"Je me détends, rêvasse quelques instants à un pays utopique, un Québec libre où l'on pourrait faire les choses autrement- la fourrure resterait sur le dos des animaux.Sur les neiges miroiteraient le roux du renard, le noir du vison, l'indescriptible gris- rouille du coyote.J'espère au plus creux de moi-même qu'un jour, l'humain n'ait plus besoin de détruire la vie pour assurer la sienne, ni de se procurer la peau des autres pour se remplir les poches, ni de dominer quiconque pour se sentir fort. Et ce souhait s'applique aussi à moi."



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Encabanée

Anouk a fui la civilisation et sa consommation excessive, ses préoccupations à deux balles, son manque d’empathie et son égoïsme, ses travers anti-écologiques - toutes ces choses que l’on voit, qui font que l’on soupire puis que l’on se résigne malgré tout. Elle a fui la ville pour la forêt, dans le grand froid canadien, et s’est encabanée.

Journal de sa solitude et de son isolement, ce livre au doux accent du Québec évoque la rudesse qui conduira au dépassement de soi. Il raccorde au sens de l’existence et aux valeurs à préserver. Sans prétention, adepte de l’autodérision, son héroïne partage son aventure à laquelle je me suis intéressée avec ferveur durant toute la première partie du texte : la neige, le givre aux carreaux, l’eau à puiser dans le lac gelé, le bois à rentrer associés à ses envies d’herbe, d’alcool et de sexe, ses états d’âme et ses doutes, le pas d’bol de la hache récalcitrante, les coyotes qui font courir vite … Tout était captivant.

Et puis, il y a la seconde partie du roman et la venue de cet inconnu, mâle à la carrure de bucheron, forcément intéressant et bon, serviable et utile. C’est pour moi le décrochage et la fin de la magie. L’invraisemblance ou le « toomuch » qui a rompu l’intérêt de ce retour à la nature malgré la jolie plume et une narration entrainante.

Court, ce livre m’a donc ravie pendant une soixantaine de pages et perdue sur les cinquante suivantes. A mon grand regret, ce fut une lecture mitigée – ni désagréable, ni formidable ; juste un moment de lectrice sans enthousiasme particulier.


Lien : https://aufildeslivresbloget..
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La Forêt barbelée



Je n'ai pas lu " Encabanée", roman de l'auteure canadienne qui a été beaucoup chroniqué sur Babelio. Ce recueil de poèmes, après lecture, en est un écho. En effet, les textes ont été écrits durant la période où Gabrielle Filteau-Chiba s'est retirée dans une cabane, au fond de la forêt.



De nombreux sentiments liés à l'isolement et à la rebellion contre la destruction de l'éco-système s'expriment ici: peur, colère, amour de la nature. Une quête intime s'écrit, se livre à travers les mots. Les quatre saisons s'écoulent, laissant libre cours aux sensations, aux ressentis parfois contradictoires :



" j'ai le coeur à l'envers

malgré l'eau de source les écorces

ma belle cachette



j'aimerais détendre le cou

les mâchoires

je n'y arrive pas"



Les poèmes offrent une écriture brute, spontanée, les mots ou expressions québécoises renforçant cette impression. J'ai été sensible à ce jet pur et inspiré. Notamment dans l'évocation de la grossesse, émouvante:



" devenir maison ronde

berceau renversé

chevrons



je serai ma fille

ton refuge calfeutré

de mirage en verre trempé

une mer calme"



Les derniers textes sont des actes de résistance, face à la destruction des forêts, à qui elle s'adresse:



" résistez

vous autres

au vent qui fesse

aux sécheresses

aux débroussailleuses

aux feux aux neiges au froid record"



J'ai aimé passer une année avec l'auteur dans la nature sauvage et partager ses doutes, ses angoisses, ses espoirs, jaillissants des vers. Je recommande ce livre!

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Encabanée

Bon...zut ! ..pas encabanée du tout, je rejoins le pertinent commentaire de Patsale..

Peut être suis-je imprégnée par ce cher Sylvain Tesson qui lui a comme compagnon de fortune dans sa thébaïde les livres et l'alcool..et une vraie plume poétique. Cela ne tient absolument pas la comparaison... .

Pas encabanée du tout...mais enfumée me suis-je retrouvée dans ce roman

Ici l'héroïne Anouk "récupère" deux chats errants : un vrai chat et un homme en fuite, "tombé du ciel" qui surgit au porte de sa cabane...et stipulant la veille qu'elle rêve d'un "robin des bois"...très bien accueilli d'ailleurs qui fini dans son lit et devient "l'homme de la maison" en se pourfendant de la corvée de bois et autres...

Voilà tombe la neige !...lol...un peu grosse la ficelle, pour une "crise de foi" contre le monde entier et la société de consumérisme...il y a mieux...

Passez votre chemin, empruntez d'autres pistes enneigées ou pas pour aller respirer ailleurs..





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Encabanée

Livre lu dans le cadre de l'opération Masse critique de janvier 2022. Je remercie Babelio de m'avoir sélectionnée, ainsi que les éditions Folio-Gallimard pour leur envoi.



🎼Ma cabane au Canada...🎶

Dans la liste proposée ce mois-ci, le titre et la couverture d'Encabanée, avec cette cabane isolée dans un paysage poudreux de neige, m'ont d'emblée tiré l'œil. Le résumé du livre a achevé de me séduire.



Tenu sous forme de journal, le récit démarre alors que la narratrice vit déjà depuis un moment dans sa vieille cabane éloignée de la civilisation.

"Kamouraska, je suis tombée sous le charme de ce nom ancestral désignant là où l'eau rencontre les roseaux, là où le golfe salé rétrécit et se mêle aux eaux douces du fleuve, là où naissent les bélugas et paissent les oiseaux migrateurs. (...)Aussi parce qu'en son cœur même, on y lit《amour》." (page 15).

Kamouraska, c'est aussi la forêt d'épinettes, - 40°, les ours et les coyotes comme voisins et supérieurs dans la chaîne alimentaire pour le coup, la rivière gelée, le confort plus que rudimentaire.

C'est aussi pour Anouk le gage de la liberté et du sens retrouvé de son existence, au-delà des nécessités et de la survie. Un grain de folie aussi sans doute.



Elle a quitté appartement et travail à Montréal, amis et famille, technologie et confort, pour se perdre dans le Grand Nord. Pour ne pas se perdre, elle. Pour retrouver son nord sur sa boussole personnelle. C'est un pari risqué, osé et incompréhensible pour la plupart de ses proches. Et sans doute d'une grande part de nos contemporains. Et pourtant...

Est-ce par misanthropie également qu'Anouk s'isole ainsi du monde? Dans ses motivations se retrouvent des interrogations existentielles, une critique de notre société contemporaine ultra connectée mais déconnectée de soi-même, des questions environnementales (notamment les sables bitumineux tellement polémiques au Québec), etc.



 Derrière Anouk, qui a choisi comme compagnons de solitude les livres d'Anne Hébert, Gilles Vigneault, un peu de Marie-Jeanne, il y a Gabrielle Filteau-Chiba qui a vécu cette expérience. Je n'ai pu m'empêcher de penser au Walden de Henry David Thoreau, aux récits de Sylvain Tesson, etc.



J'ai aimé lire les péripéties d'Anouk, j'ai été impressionnée souvent par sa force et son énergie afin de surmonter les difficultés du quotidien, à commencer par le froid intense. J'ai apprécié l'humour qui court en filigrane, pour compenser la détresse qui l'étreint régulièrement. J'ai savouré la langue et les expressions québécoises (merci d'avoir ajouté un petit lexique bienvenu pour comprendre certaines façons de parler), dont Gabrielle Filteau-Chiba s'est faite le chantre.



En conclusion, je recommande chaleureusement (ça équilibre les - 40°) ce court journal d'une jeune femme féministe, forte, consciente et tellement sympathique. Encabanée est le premier tome d'une trilogie qui se poursuit avec Sauvagine paru aux éditions du Seuil. Il me tarde déjà de retourner à Kamouraska!
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Bivouac

Le combat des activistes canadiens continue



Après Encabanée et Sauvagines, Gabrielle Filteau-Chiba poursuit son engagement en faveur de la préservation de la forêt canadienne. Un combat contre la construction d'un oléoduc qui va virer au drame.



Nous avions découvert Gabrielle Filteau-Chiba avec son saisissant premier roman, Encabanée, qui retraçait le choix fait par la narratrice de passer un hiver en autarcie dans la forêt canadienne. C’est là qu’elle avait croisé pour la première fois le militant écologiste Riopelle. Puis dans Sauvagines, elle a suivi le combat de Raphaëlle, agente de protection de la faune dans le haut-pays de Kamouraska. C’est dans ce second épisode qu’elle tombait amoureuse d’Anouk.

Avec Bivouac, le troisième volet de cette trilogie sur les combats écologiques – mais qui peut fort bien se lire indépendamment des deux premiers romans – elle choisit le roman choral qui va donner la parole à tous ces personnages, servis par une plume acérée.

Les premières pages retracent la fuite de Riopelle, le surnom de Robin. Il part chercher refuge dans le Maine à travers la forêt et le froid. Opposé à la construction d'un oléoduc qui dénature la forêt, il a bien essayé les recours juridiques, mais ils n’ont pas abouti ou ont été enterrés dans des procédures administratives, si bien qu’avec ses amis, il ne lui restait plus qu’à s’attaquer aux engins de chantier. Traqué par la police, il va réussir à rejoindre le refuge américain qui sert de base arrière aux militants. C’est là qu’il entreprend, avec ses pairs, de parfaire sa formation et ses connaissances en écologie et en droit de l'environnement avant de poursuivre le combat et de lancer l'opération Bivouac.

Après cette première partie, entre roman d'aventure et d'espionnage, on retrouve Anouk et Raphaëlle. Les deux amoureuses ont passé l'hiver dans leur yourte avec leurs chiens de traîneau, mais doivent désormais songer à refaire le plein de vivres. Anouk, qui doit céder à un ami une partie des chiens, ne voit pas d’un très bon œil le voyage jusqu’à une ferme communautaire, mais elle suit Raphaëlle. En se promettant de revenir au plus vite.

À la ferme Orléane, le travail ne manque pas et elles vont très vite trouver leurs marques. Mais des dissensions vont commencer à se faire jour, notamment après la perte accidentelle d'un veau et la constatation que tout le troupeau souffre.

Le retour va alors s'accélérer, avec le projet de démolir la cabane existante pour en ériger une plus solide et plus confortable.

Tous les acteurs vont donc finir par se retrouver au Haut-Kamouraska pour mener le combat contre ceux qui abattent les arbres et mettent en péril la biodiversité et accroissent le dérèglement climatique. Une confrontation qui va virer au drame et voiler de noir ce nouveau chapitre d'une lutte à armes inégales.

En fière représentante de la littérature québécoise, Gabrielle Filteau-Chiba continue à nous régaler avec sa langue imagée et ses expressions que le contexte permet de deviner. Remercions donc l’éditeur d’avoir fait le choix de ne pas «franciser» le texte, ce qui nous permet de savourer, par exemple, cette belle volée de bois vert: «Les hosties d’enfants de chienne de mangeurs de tofu du câlisse... M’as les gargariser à l’eau de Javel pis les faire regarder pendant que je rase toute le bois deboutte.»

(Ajoutons qu’un glossaire en fin de volume permet de déchiffrer ces insultes ainsi que tous les mots québécois).

Reste ce combat désormais mené en groupe, servi par le lyrisme de la romancière. Elle nous tout à la fois prendre conscience des dangers qui menacent sans occulter pour autant les contradictions des écologistes. Mais c’est justement cette absence de manichéisme qui fait la force de ce livre, dont on se réjouit déjà de l’adaptation cinématographique, car les droits des trois volumes ont été achetés par un producteur.




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Encabanée

J'ai d'abord pensé que la narratrice était suicidaire. Il faut l'être pour partir seule s'encabaner au Kamouraska, en plein bois, dans une cabane sans électricité ni isolation et dont le toit fuit par-dessus le marché. Notre aventurière n'a visiblement pas beaucoup l'expérience des dangers de l'hiver ni des manières d'y remédier, sinon celles qu'elle énumère page 19… C'est maigre. Elle veut fuir sa vie de citadine, renouer avec un passé qu'elle fantasme (« les enfants nés dans les draps où ils ont été conçus et rêvés […], les longues marches en forêt pour cueillir les remèdes », p. 29) dont elle semble puiser une bonne partie dans les ouvrages de grands auteurs qu'elle cite abondamment. Pour quelqu'un qui se dit et qui se veut féministe, même « féministe rurale » (?), les regrets d'un tel mode de vie peuvent surprendre. Si la plume de Gabrielle Filteau-Chiba est particulièrement intéressante, si je me suis laissé séduire par les descriptions de la forêt et les multiples références littéraires, j'ai été découragée par la platitude de l'histoire et les invraisemblances, avec comme point culminant, après l'arrivée du chat, celle de Riopelle qui, comme tous les écoterroristes de son groupe d'action, porte le nom d'un artiste célèbre au Québec. Il est chargé, sur ses larges épaules, d'un bon nombre de clichés. Il faut dire que dès son arrivée dans son hostile paradis rêvé, la narratrice appelle de ses voeux le corps d'un homme viril et entreprenant. Bref, un récit très autocentré, tiré d'une expérience vécue semble-t-il, et dont j'aurais pu me passer.
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Sauvagines

Au Canada, une garde-forestière de quarante ans vit seule dans sa roulotte, en pleine forêt.

Tout la déprime, tout la révolte.

Ils sont seulement trois gardes sur un immense territoire.

Les braconniers détruisent scrupuleusement et impunément la faune, les autorités ne font rien.

Et elle, elle aime tant les arbres, les coyotes, les animaux en général.

Un très beau livre sur la nature, sur l'engagement.

Un beau portrait de femme aussi.

La plume est belle et poétique et transcrit bien de fortes émotions sur la nature, l'amour, l'amitié, l'engagement, le féminisme et la liberté.
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