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Critiques de Geneviève Fraisse (35)
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Féminisme et philosophie

Dans cet essai, Geneviève Fraisse se défini comme "colporteuse", son objectif est de nous rapporter des faits, des théories, des pensées, des textes, abordant, de près ou de loin la question des femmes et du féminisme.

Tantôt historienne, tantôt philosophe, elle découpe son ouvrage en 3 parties : épistémologie politique, corps collectif et l'épreuve de l'histoire. Au fil de ses réflexions, elle revient également sur sa propre vie et son parcours, qui ont forgé sa pensé féministe.

Cet essai très complet et exhaustif peut constituer un ouvrage de référence, pour qui souhaiterait développer ses réflexions autour du féminisme. Le ton est assez neutre, peu véhément mais direct et objectif.

Je n'ai malheureusement que peu apprécier ma lecture, je n'étais pas dans une démarche d'étude approfondie et j'ai dû m'accrocher pour avancer. Je conseillerai de lire ce livre uniquement dans un cadre de recherche ou d'étude sérieuse du sujet, au risque de décrocher rapidement.

Ce livre a été lu dans le cadre d'un masse critique de Babelio.
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Féminisme et philosophie

Les mots subversifs de l’émancipation de toustes et de chacune



« Alors le concept, outil de compréhensions donne à la fois le relatif d’un moment donné, et l’absolu de l’exigence d’abstraction »



La reprise avec de petites introductions de textes publiés depuis le début des année 2010. Une invitation à déambuler à la lumière rougeoyante de l’égalité et de l’émancipation. « La colporteuse emprunte le chemin de l’Histoire tout en offrant à qui voudra ce que les événements et les conflits lui ont permis de penser »…



Je choisis subjectivement de mettre l’accent sur les petites introductions de chaque chapitre et quelques analyses. Certains textes proposés sont disponibles, grâce à l’aimable autorisation de l’amie colporteuse, sur ce blog.



En introduction de la première partie, Epistémologie politique, Geneviève Fraisse aborde la question sexe/genre, « cet objet de pensée échappe sans cesse à la sérénité académique », l’espace susceptible de constructions progressives, « L’histoire est un laboratoire où s’élaborent des rêves et des stratégies », les possibles de la pensée féministe, la provenance choisie plutôt que la généalogie, la confrontation de la démocratie et de la république à la différence des sexes, les contradictions (l’autrice utilise ce mot au singulier), « Je propose donc d’« habiter » cette contradiction », la rupture de 68 et l’invisibilité de l’oppression des femmes, l’envahissement de l’espace public par le mouvement de libération des femmes, la temporalité et les contretemps, la reprise d’un fil historique et non l’invention de l’histoire, la pluridisciplinarité, le champ de la pensée…



L’autrice discute, entre autres, d’épistémologie, de construction et de morceaux épars du savoir, de fabrication de l’intelligibilité, d’inscription de la pensée féministe dans un cadre universel, de tensions stratégiques et de leurs conséquences théoriques, de service domestique et de la place du service en démocratie, de démocratie exclusive, « comment la rupture révolutionnaire permet et empêche la pensée de l’égalité des sexes », des deux gouvernements « civil et domestique », d’articulation (terme préférable à conciliation) entre vie privée et professionnelle, de parité, « vraie en pratique et fausse en théorie », de la différence des sexe comme « catégorie vide », de l’opérateur égalité, du fonctionnement social et historique de la sexuation, de la nudité se faisant politique, du mot émancipation, « L’émancipation est un espace complexe et éventuellement contradictoire », de la contiguïté des révoltes, de construction et reconstruction, d’histoire, du pour toutes et du pour chacune…



Je souligne le chapitre sur Le contrat sexuel, le travail de Carole Pateman (voir son introduction au livre de celle-ci, lien proposé en fin de note), « Le contrat de mariage est un contrat de travail mais l’épouse n’est pas un travailleur. Car la subordination des femmes est une condition et non une conséquence, du contrat de mariage », l’histoire des femmes à contretemps, l’insistance sur « les sexes font l’histoire », la ritournelle faussement explicative de la division nature/culture, la philosophie et le statut refusé aux femmes, le mot sexe que certain·es dissolvent dans le genre, l’historicité des sexes et la sexuation du monde, le caché et le non pensé…







En introduction de la seconde partie, Corps collectif, Geneviève Fraisse revient sur la question du corps depuis trois siècles, le corps politique, « Ce siècle, le XXIe, parle du corps politique, c’est-à-dire du corps collectif, de cet impensé du contrat social et de nos démocraties », le corps mis à disposition, « Le corps était à disposition de l’autre sexe, comme bien, comme sexe », la dénonciation de l’usage de leur corps par des femmes, « La mise en commun d’expériences de violation produisit une parole collective publique », du corps comme reconnaissance d’une évidence physique et « forcément humaine »…



Geneviève Fraisse parle du non-dit de la propriété du corps des femmes, de concept et non de catégorie, de l’inégalité des sexes, « Pense-t-on sérieusement que la subversion des sexualités va détruire l’inégalité économique entre les sexes ? », de politique et donc de controverses…



Je souligne les textes sur l’affaire Weinstein, #MeToo, la jouissance du pouvoir, les femmes faisant corps, les révoltes, l’autonomie économique comme condition de la liberté, la prise parole de femmes, la peur de l’égalité des sexes, les débats biaisés autour du puritanisme et du libertinage, le concept « égalité », le nouset le je féministe, « Le féminisme dit « nous », sans oublier le « je » ; car il est le lieu d’expressions, de formulations et de rêves », le formel et le réel, le corps, « Alors les corps, comme corps collectif, se rebellent et se remettent au centre de la question démocratique », la lucidité propre à un à-venir, la réduction du genreà des identités sexuelles, les démocrates sexistes, « Mais la révolution Me Too, un événement historique, a brutalement mis en lumière les violences faites au corps collectif des femmes »…



En introduction de la troisième partie, L’épreuve de l’histoire, Geneviève Fraisse discute de l’actualité et de ce qu’elle donne à penser, d’histoire, du consentement, « le consentement est-il un argument politique ? », d’assentiment, de notions et de concepts, de disqualification et de discrimination, « Le sexisme ne se répare pas, comme on répare une injustice. Le sexisme est un système à détruire »…



L’histoire, l’absence de curiosité des historiens, les femmes tondues à la Libération, un angle mort des analyses, le sexe comme production d’histoire, « Cependant, à la simple échelle du phénomène des « femmes tondues », on comprend qu’il faut réfléchir à son impact dans notre modernité ; réfléchir aux frontières supposées par les pensées de l’époque contemporaine : amour ou prostitution, vie privée ou vie publique, pouvoir des hommes et dépendance des femmes, autonomie de l’individu ou appartenance familiale »…



L’autrice poursuit avec des femmes dans les révolutions, lla complémentarité comme exclusion de fait, le contretemps intrinsèque à l’histoire des femmes, la contradiction permanente entre l’émancipation des femmes et les autres émancipations, le gouvernement et la représentation, le déni et le désir, la grossesse, la réversibilité des droits des femmes, l’habeas corpus, le droit à l’avortement, la compassion papale et la sollicitude d’un présent tourné vers l’avenir, l’expérience individuelle et collective du harcèlement sexuel, « Colère des agressée et, surtout, indication que la domination masculine d’invisible devient visible, trop visible », l’immense difficulté des femmes « à être des égales libres dans un monde d’hommes », l’effet contagieux de la parité politique, la disqualification, « Dans une croyance ou un discours, dans un geste ou un comportement sexistes on comprend que les êtres humains, notamment d’un sexe, ne sont pas de la même « qualité » », les domestiques restées dans l’angle mort de toutes les luttes, le « service » et la démocratie, « Comme la crasse des intérieurs, le sexe fait partie du domaine privé, qu’on (a voulu) veut toujours évacuer du politique »…



En introduction de la quatrième partie, Lignées et abeilles, Geneviève Fraisse revient sur des femmes de la Révolution de 1848. Elle développe l’idée de lignée, l’inscription de la continuité, la transmission du passé, ce qui fait signe vers le futur… puis de l’image des abeilles, de la réalité plurielle et collective du mouvement féministe, des actrices de l’histoire…



Une lignée. Olympe de Gouges, Germaine de Staël, Hélène de Montgeroult, Jeanne Deroin, Jenny d’Héricourt, Clémence Royer ,Julie-Victoire Daubié, Hubertine Auclert, Marguerite Thibert, Simone de Beauvoir…



Des abeilles. Lee Miller, Hanna Schygulla, Elisabeth de Fontenay, Claire Etcherelli, Françoise Pasquier, Françoise d’Eaubonne, Antoinette Fouque, Françoise Collin, Dominique Desanti, Simone Veil, Yvonne Knibiehler, et…



« Joëlle l’exigeante, rompue au nomadisme avec un instrument trop difficile à trimbaler ». Je suis personnellement touché par le choix de conclure sans conclure par un texte sur Joëlle Léandre, musicienne et contrebassiste (un certain nombre de ses disques sont chroniqués sous la rubrique jazz), « Joëlle l’impétueuse, entre torrent et murmure, éclat de voix, éclat de rire », la contrebasse, l’improvisation, l’aventurière des sons, « elle veut tout, interpréter, improviser, composer ; être savante et vulgaire, crier et chuchoter », une exemple de cette « singularité universelle »…
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La suite de l'histoire

Le modèle redevenu sujet, l’égalité et la création



Des créatrices, malgré les interdits, « des préjugés et des imaginaires apeurés quant à la liberté de créer, jouissance des femmes toujours en suspens », les philosophes, les penseurs de la politique ou les écrivains…



« Pour Louise Bourgeois, il faut remonter le temps. Remonter le temps, c’est indiquer des provenances, des lieux antérieurs, anciens, qui font sens ; ou plutôt non, qui font signe. Ces lieux ne sont pas des points de d’origine, des lieux de commencements, simplement des points de repère nécessaires parce que pertinents. Désigner la provenance permet de se fabriquer une lignée. Ce que j’aime, dans l’idée de lignée, c’est le désir qu’elle porte de s’adosser à l’Histoire, avec un sentiment d’appartenance au monde ».



En adresse, Geneviève Fraisse évoque certaines femmes… pour montrer « la complexité du lieu où l’on part pour s’émanciper, pour créer par soi-même »…



« Ceci n’est pas de l’histoire, ceci n’est pas exhaustif, ceci est une traversée de questions liées à l’art et aux artistes femmes à l’ère démocratique, de l’après Révolution française à aujourd’hui »



En préambule, Geneviève Fraisse aborde l’exception et la règle, la lignée, « La lignée de femmes choisies est une image plurielle et essentielle, car elle offre des repères tout en semant des graines. Fabriquer sa lignée, tel est mon objectif, objectif que je souhaite partager », l’accès à la culture, la reconnaissance et l’inclusivité, des femmes « qui furent, malgré leurs productions artistiques, oubliées, effacées », la visibilité, « il est bien question de les intégrer dans la continuité de l’histoire de l’art ; et pas seulement comme des femmes « extraordinaires » », la symbolique masculine, l’égalité, l’émancipation…



L’autrice identifie quatre disputes récurrentes au long des deux siècles précédents :



« * L’injonction à ne pas quitter la place de muse au regard du génie masculin, partage imaginaire des rôles, quasi immuables.



* L’injonction pour une femmes artiste à rester à distance de la copie du nu, privilège masculin sur le corps, féminin notamment, objet plus que sujet.



* La dénonciation de la pratique créatrice des femmes, trop centrées sur leurs affaires personnelles, pratique incapable dès lors de passer à l’universel.



* La contradiction ancienne et vivace entre produire et se reproduire, entre faire œuvre et faire enfant, entre engendrer et enfanter »



Il ne s’agit pas ici d’identité ou de norme, mais bien de la liberté et de la jouissance à créer, de contestation, d’émancipation des femmes, de politique historique, « Il ne s’agit pas de subversion politique frontale, plutôt d’un bouleversement à l’intérieur de la tradition, plutôt d’une marche temporelle, de l’histoire en train d’inventer le moyen d’avancer »…



J’ai choisi de m’attarder sur les passages précédents, comme invitation à lire ce petit livre du coté de l’histoire, de l’égalité, « de l’égalité pour toutes et de non celle pour quelques-unes, comme ce fut parfois réfléchi au temps de la monarchie », de la création, « Et intéressons-nous uniquement ici à l’accès aux arts, à la créativité des femmes, à leur rapport à l’esthétique » et de l’émancipation. Je ne connais que certaines des créatrices présentées ici (il en est de même des philosophes et des écrivains – mais n’est-ce pas le lot commun de bien des lectrices et des lecteurs). Je ne parcours donc que certaines pistes et lignées.



Geneviève Fraisse analyse les positions de Jean-Jacques Rousseau, Emmanuel Kant, Stendhal, Francisco de Goya, August Strindberg, Friedrich Nietzsche, donc au XVIIIe et au XIXe siècle. « Tous savent lire l’époque qui se transforme, et leur résistance à l’émancipation des femmes ne les empêche ni de dire ce qu’ils lisent, ni d’identifier les évolutions ».



L’autrice examine, entre autres, l’exclusion des arts, le partage entre les sexes, le beau et le sublime, l’entendement et la sensibilité, le danger potentiel pour les deux premiers auteurs cités, « L’égalité des sexes, futur possible, est agitée comme un chiffon rouge ».



Elle poursuit avec la séparation des sexes et des arts, la nudité, les régimes de « vérité », « La vérité sera désormais historique », la place de sujet, la sécularisation, « porte ouverte à la liberté », la peur de la puissance féminine, la misogynie non pas psychologique mais bien politique d’August Strindberg, la pensée de l’historicité…



J’ai particulièrement apprécié le chapitre « Une artiste, une voix, un mouvement », l’enjeu politique de l’égalité des sexes en matière esthétique, la place de la voix, les trois écrivaines Germaine de Staël, George Sand, Flora Tristan, « toutes trois décrivent la femme artiste par leur voix comme lieu de création », avoir une voix et être une voix, la voix exceptionnelle d’Ondine ou de la petite sirène (à regarder de nouveau la couverture du livre), le retour sur 1848 et le journal des féministes, le chant en solo, le corps qui danse, la performance d’un art inédit, les inventions, « la singularité est à distance de la personnalité de l’artiste ; question secondaire que celle de l’identité »…



Sortir de l’immobilité, continuer l’histoire (la fin de l’histoire est toujours un mensonge idéologique), refuser la double disqualification, lire ce qui s’invente, « il faut juste se reconnaître le droit d’inventer, et de s’approprier le récit en cours », refuser la répétition mélancolique des assignations dans les décors, affronter la structure de représentations des sexes, transformer un imaginaire « qui a fait bien des dégâts dans le réel », l’enfantement (et sa soustraction) et l’engendrement, enfin vouloir et l’enfant et le livre, « L’émancipation ne dissout pas d’un coup de baguette magique le passé qui aimait les représenter en tant qu’objet. Devenir sujet coexiste toujours encore aujourd’hui, avec la permanence de l’objet », l’espace libre multiplié et approprié par des femmes…



Geneviève Fraisse discute des aventurières de la photo et du cinéma, du possible par un changement de décor, l’élargissement de « l’espace privé bien au-delà des murs de la maison », de l’objet regardé, « le cinéma remet la femme à sa place d’objet regardé », du corps, des scriptes et des actrices, « Etre objet plutôt que sujet, être au service du créateur, petite main irremplaçable ; retour à la tradition bien connue », d’Ida Lupino réalisatrice (une invitation à (re)voir The Hitch-Hiker – Le voyage de la peur)…



Nommer, inscrire, décrire les femmes oubliées ne suffit pas, un catalogue de « femmes célèbres » ne suffit plus, il faut faire rupture, dissocier nudité et vérité, « Le corps nu féminin n’est plus l’allégorie où la vérité, figue statique, mais un lieu de passage par où la vérité peut se chercher. Le lieu où les femmes artistes se placent, peut-être, en face de l’histoire de l’art, fabriqué au masculin, ou encore dédouble cette histoire pour en proposer une autre, ou des autres », sortir de la clandestinité, briser la symbolique de la production littéraire et intellectuelle où les femmes n’ont pas d’existence légitime, artistes dans les couples de créateurs/créatrices et le refus du partage (« je ne fais pas le récit précis de leurs souffrances respectives »), égalité et conflit, muse, « fonction essentielle pour occulter, dénier la rivalité », respirer, « L’égalité est fondée sur l’autonomie du créateur, de la créatrice », (se) multiplier et échapper à la représentation maitrisée de soi…



Le particulier et l’universel, Wanda de Barbara Loden, le dédoublement et le redoublement, « L’impersonnel fondé sur le personnel s’impose de multiples façons et va nous emmener vers l’universel », le déploiement de l’autonomie, le corps « comme externe à soi et non comme récit de soi », la réplique d’égale à égal…



Comment ne pas citer Elfriede Jelinek ou Ingeborg Bachmann, « C’est pourquoi des lignées se créent et continuent l’histoire commencée », les traumas et les souffrances, « Mise en avant par l’historiographie encline à plaindre les femmes pour conserver une hiérarchie sexuelle, ou lieu de libération du corps meurtri que le sujet femme se réapproprie pour le transformer ? », le sexe qui parle, la transmission d’un langage différent de celui construit par les hommes, « Le sexe ouvert n’est plus un lieu de passage mais la place d’un sujet libre, libéré, apte à la parole », le modèle détachée de l’oeuvre peinte (Deborah de Robertis citée en début de note) « il peut regarder le spectateur du tableau, qui, lui aussi regarde », le retour sur l’histoire de l’art et ce qu’elle a représenté…



En conclusion, Geneviève Fraisse revient sur le « pour toutes » et le « pour chacune », l’écriture de l’histoire, la tension entre le sujet et l’objet, le dérèglement, le travail à l’intérieur de la tradition, les principes démocratiques, l’égalité et la liberté, le partage des jouissances, l’égalité en acte et le conflit ouvert avec la suprématie masculine…



« Ces artistes fabriquent une histoire incontournable où l’altérité déployée entre le Multiple et l’Universel oblige à l’interrogation sexuée, genrée. Par-delà la « suite de l’Histoire », cette perspective nous offre « la mesure d’un monde à venir ».


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La sexuation du monde : Réflexions sur l'émanci..

Il n’y a pas de « toust temps »…



Un recueil de textes sur les femmes citoyennes, les femmes artistes, les « quelques », les « toutes », les « chacune »…



Après la Révolution, « on rompt avec une idée de l’égalité des sexes qui se contenterait d’être possible grâce à la liberté d’un petit nombre. Dès lors, la rigueur mathématique s’applique en toute logique, par l’addition (toutes) et par le dénombrement (chacune). Seul le chiffre fait preuve, mot de comptable, disais-je au moment politique de la parité. Pourquoi, en effet, ne pas penser ainsi l’émancipation des femmes ? Cela va de soi qu’il est hors de question que le matérialisme comptable suffise ; simplement il est clair qu’il empêche de mentir ».



Libre déambulation et arrêts subjectifs parmi les textes, les idées fortes, les questionnements, loin de « l’optimisme progressiste » qui « se contente de ce principe de chance… sans faire de statistiques ». (Le « toust » du titre est volontaire). Une lecture intégrant d’autres livres et d’autres énoncés de l’auteure.



Politique, démocratie « exclusive » et non excluante, préjugé et non stéréotype, dérèglement, (« Dérégler, c’est s’introduire dans la machine existante pour lui faire exécuter une tâche autrement, ou pour la rendre inutilisable »), ce qui montre puis occulte, tabou de la sexualité, indécence de l’égalité des sexes, « Enoncer en toute rigueur l’égalité, c’est bien ; il faut, après, faire face à ses opposants. Trois « noeuds » problématiques, qui seront développés dans les textes ci-après, méritent alors notre attention dans le monde d’aujourd’hui : celui de la prévalence argumentative entre critique de la domination masculine et affirmation de l’émancipation égalitaire ; celui du croisement des catégories, exclues ou dominées, entre contiguïté des situations et contradictions des luttes ; celui de la mesure politique de l’égalité des sexes et de la liberté des femmes, transversale géopolitiquement »…



L’exigence d’égalité ne peut se compromettre dans des à-peu-près, « L’égalité ne souffre pas de limite, et son affirmation, « l’égalité des sexes », doit assumer toutes les conséquences pratiques, c’est à dire sociales et politiques, qu’elle entraine », retour sur Poulain de la Barre, confrontation avec les révolutionnaires masculins, « Expérience de l’égalité, mise en procès de l’inégalité, et constatation du danger encouru, peur des démocrates devant la subversion des femmes », ce qui fait histoire, les contradictions, un-e et multiple…



Déconstruire les préjugés, l’esprit libre, la charge contre l’émancipation des femmes au lendemain de la révolution française, le lien entre le civil et le domestique, Alexis de Tocqueville, Pierre-Joseph Proudhon, Jean Jacques Rousseau et son refus de faire entrer l’égalité dans la famille, « Or cette frontière, toujours racontée comme celle du privé et de l’intime (à distinguer évidement), doit toujours être désignée dans ce qu’elle a de politique ». La peur du démocrate masculin face au « pour toutes », la parole politique des femmes prise comme parole privée…



Je souligne particulièrement le texte Voir et savoir la contradiction des égalités.

« Reconnaitre les contradictions inhérentes aux pensées et pratiques dès qu’il s’agit de l’émancipation des femmes, mettre en lumière les outils conceptuels propres à penser le féminisme ».



Les rapports des femmes et des hommes, non pas « d’un lieu sans temporalité (« de tous temps »), donc sans histoire » mais bien situés car « La raison peut être comprise simplement : appartenir à l’histoire, c’est imaginer sa possible transformation, un demain différent d’aujourd’hui. C’est ainsi que ma seule ambition philosophique est de convaincre de l’historicité des sexes. Et la subversion, toute subversion en est la conséquence logique ». Histoire des sexes, sexuation du monde…



Les expériences, la généalogie de la pensée de l’égalité des sexes, la mauvaise foi et le déni, ne pas éluder les contradictions, « la domination subsiste à l’intérieur même des dynamiques d’émancipation. » et la contradiction sera « d’autant plus forte que la pensée révolutionnaire sera radicale », encore une fois les révolutionnaires hommes, Sylvain Maréchal et sa loi portant défense d’apprendre à lire aux femmes… Ne pas prendre à la légère le sens de ces positions (comme celles de ceux cités plus haut), « Suggérer qu’un texte ne doit pas être lu au premier degré consiste à neutraliser sa valeur offensive »1 et relier cela à leurs conceptions, forcément émoussées, de l’émancipation. Nous n’en avons pas fini aux limites « internes » posées par les démocrates hommes.



Critiques des catégories, des images, « les images ne sont pas des « en soi » », des identités, des stéréotypes… poser, encore et toujours, la question de l’historicité…



Nommer, expliquer, formuler, contre la ritournelle (voir plus bas).



La dualité sexuelle comme « catégorie vide », les sexes ne sont pas « hors du temps politique »…



Emancipation, domination, Jacques Rancière, « lorsque l’émancipation, la subversion se pratique, et prend corps », la réalité de la domination masculine, « la localiser, la visualiser, la rendre visible », la Révolution française et la « démocratie exclusive », Olympes de Gouges et sa Déclaration des droits de la femme, « ces droits-là ne vont pas de soi, que, justement, les femmes auront l’échafaud plus que la tribune », les corps et l’émancipation, « « Connaître » la domination, c’est accepter la contradiction, avec le plus proche »…



Sur le texte « La commune mesure : le MLF a 40 ans », j’avais antérieurement indiqué dans ma note de lecture de Le féminisme à l’épreuve des mutations géopolitiques (Sous la direction de Françoise Picq et Martine Storti)que Geneviève Fraisse souligne les liens entre « d’une part l’idée de radicalité, d’autre part celle de subversion » et incitait à « ne pas cliver les analyses de la domination et celles de l’émancipation ». Dans cette « conclusion », elle « propose quatre thèmes qui nous serviront de repères : la temporalité et l’historicité, la mesure et la démesure, la marchandise et sa représentation, l’un et le multiple ». Geneviève Fraisse indique aussi « Il me semble que nous nous sommes trop peu situées, pendant ces deux jours, face à l’analyse de la domination ». Et en effet, pour certaines contributions, le manque de contextualisation ou d’historicisation, entraîne des présentations euro-centrées, drapées dans un universalisme un peu rabougri.



L’auteure évoque aussi la ritournelle « La ritournelle c’est comme refrain, en pire. Il est en effet frappant de voir à quel point, les stratégies de domination, comme celles d’émancipation, se réfugient dans la répétition argumentative, idéologique… Reconnaître l’historicité, c’est avant tout lutter contre l’atemporalité, toujours supposée, du rapport des sexes. »



Geneviève Fraisse note, entre autres « nous avons acquis des droits et nous savons qu’ils sont réversibles », « nous sommes devenues des sujets sans cesse d’être des objets », « il faut non pas dénoncer, mais désigner les deux repères du rapport au réel, la marchandisation et la fétichisme de la marchandise », « L’universel n’est pas une essence, et il n’est pas non plus, comme d’aucun-e-s le pensent, une norme », « Rabattre l’universel sur une norme, c’est œuvrer à une dépolitisation »…



Je souligne, aujourd’hui, particulièrement ce dernier paragraphe fait de citations.



Dans la seconde partie de l’ouvrage « Pour chacune », Genevieve Fraisse aborde, entre autres, le « dérèglement de la tradition », la subversion comme déplacement, la nudité, le geste d’élaboration, la conscience d’agir, le libre droit « à l’expression artistique, à la jouissance existentielle », la copie, l’accession à la vérité, le pluriel et l’individuel, l’universel et le singulier, la sculpture, le bavardage et la causette, l’aiguille de la couturière et le pinceau de l’artiste masculin, « Comme à chaque avancée d’égalité, on se méfie alors beaucoup de l’indépendance des femmes qui pourrait en découler », le dehors et le dedans, Camille Claudel, Simone de Beauvoir, les « femmes divisées », les livres, le « travail d’auto-effacement des femmes comme actrices de l’histoire ».



Des questions essentielles, l’historicité, les contradictions, le dérèglement, l’égalité, les mesures de l’émancipation des femmes, le droit et la jouissance revendiquée, pour toutes et pour chacune… Des repères à partager.



L’égalité « ne peut être fractionnée par un adjectif restrictif ou par une limite à sa mise en pratique ».



Sommaire :



Introduction : Toutes et chacune



PARTIE I – POUR TOUTES



Chapitre 1 : Poulain de la Barre, un logicien de l’égalité – temps du préjugé et sexe de l’esprit



Chapitre 2 : Rousseau, et les « moitiés » de la République



Chapitre 3 : Voir et savoir la contradiction des égalités



Chapitre 4 : Emancipation versus domination – lecture de Jacques Rancière



Chapitre 5 : La commune mesure : le MLF a 40 ans



PARTIE II – POUR CHACUNE



Chapitre 6 : le dérèglement des représentations



Chapitre 7 : La sculptrice à l’oeuvre au XIXe siècle (extrait)



Chapitre 8 : Causer ou bavarder, à deux et à plusieurs, à propos d’un tableau de Vuillard



Chapitre 9 : Simone de Beauvoir : étude, souffrance, jouissance



Chapitre 10 : Simone de Beauvoir, Simone Weil, Simone Fraisse – le temps historique de la pensée des femmes



Chapitre 11 : Conversation entre Marwa Arsanios et Geneviève Fraisse
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Du consentement

Car dire « oui », c’est aussi pouvoir dire « non »



Je commence par une interrogation. Si, dans les débats publics, « la raison du consentement » a bien été « utilisée pour défendre le port du foulard, ou exercer le métier de prostituée », je reste dubitatif sur ce rapprochement.



Il y a, me semble-t-il, une focalisation, bien franco-française, sur le premier sujet, liée entre autres, à une conception réductrice du vivre ensemble (obnubilée par l’assimilation), de la laïcité (de fait soit catho-laïcité soit laïcarde), de la communauté uniformisée, indifférente à l’inégalité réelle et généralisée (socialement construite et valorisée) des femmes, des temps longs des sécularisations, des espérances sous différentes formes, sans oublier le versant d’altérisation des musulman-ne-s (ou de celles et ceux considéré-e-s comme tel-les) et de leur religion. Sur le second sujet, un refus de prendre en compte les rapports sociaux, les rapports de domination, les questions du corps, de l’hétérosexisme, etc.



J’écris cela sans préjuger des positions politiques de l’auteure sur ces sujets. L’objet et l’intérêt du livre ne sont d’ailleurs pas là. Le rapprochement souligne, à mes yeux, aussi le peu de pertinence politique de cette notion de « consentement », une idée comme masque actif de l’inégalité, son incapacité à atteindre ses « ambitions », pour ne pas parler de « misère du consentement » comme le fera l’auteure dans son dernier chapitre. Consentement, mot masculin mais qui ne semble que décliné au féminin.



Le point de départ étant par ailleurs « public », « médiatique », il permet à l’auteure de partir d’un mot clé « le mot fait pour ouvrir la porte aux questions ».



ou pour le dire autrement « Je préfère, pour ma part, une autre méthode, mettre de coté mon opinion, sans lâcheté, et trouver « la bonne question », porte ouverte sur un chemin réflexif ».



Dans sa préface, outre la question, déjà indiquée, comme entrée, Geneviève Fraisse revient sur le féminisme, son lien historique avec l’irruption du peuple (1789, 1848), la dynamique de 68, la rupture profonde et politique « c’était politique », la conquête de l’espace public. Elle parle aussi du passé féministe « une histoire des révoltes, une pensée de la subversion », de ses recherches pour comprendre « la logique de la révolte et la logique de l’inscription historique », du féminisme comme objet théorique « inexistant, cet objet, trop militant, ou trop sexuel »…



Philosophie, épistémologie politique, subversion féministe, « partir d’un mot comme du nœud qu’il faut défaire, c’est une façon d’apprivoiser la dispute, et de lui donner du contenu ». Le cœur de l’affaire est « dans la portée politique de l’acte de consentir ». L’auteure ajoute, et cela me semble très important, « si j’imagine penser le consentement comme un concept, j’ouvre la porte du rapport, de la relation entre les êtres ».



L’ouvrage est donc un cheminement interrogatif sur « Les vertus du consentement », « Les défauts du consentement », « Les ambitions du consentement » et enfin « Misère du consentement ».



Ma lecture est influencée par la lecture récente de l’ouvrage de Carole Pateman : Le contrat sexuel, La Découverte / Institut Émilie du Châtelet (IEC) 2010,que l’auteure du présent livre, a préfacé et qu’elle cite.



Le titre de cette note est extrait de la préface.



Je ne présente que certaines analyses, comme incitation à une lecture approfondie.



« Car il y a toujours deux êtres dans cette histoire, celui qui consent, et celui à qui on consent quelque chose ». A réduire le consentement à « une affaire personnelle respectable », on ferme la porte à tout débat politique. Il faut donc reprendre la dispute. Geneviève Fraisse prend comme point de départ la Convention contre la criminalité transnationale organisée et son Protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants :

Article 3, b : « Le consentement d’une victime de la traite des personnes à l’exploitation envisagée, telle qu’énoncée à l’alinéa a) du présent article, est indifférent lorsque l’un quelconque des moyens énoncés à l’alinéa a) a été utilisé »



Le consentement est indifférent. L’auteure ajoute « ‘irrelevant‘, dit la langue anglaise, c’est à dire sans pertinence ».



L’auteure propose de discuter de trois histoires, et chaque fois de deux façons de les raconter : l’évolution du mariage et la naissance du divorce moderne, la réalité du contrat social, le consentement d’une personne comme argument politique.



Pourquoi deux façons de raconter ? Parce que le consentement n’est pas toujours « un acte de parole » : « Le consentement se dit, ou ne se dit pas, s’exprime ou se tait ». Un terme simple et pourtant… Obscurité et épaisseur, ombre et chair, contradictions et tensions…



Car c’est toujours une relation entre au moins deux êtres, non réductible à une « immédiateté ». Le consentement est comme « une chose qui circule d’un individu à un autre », un objet susceptible « à la fois de maîtrise et de vol ».



Consentir entre accepter et permettre. Ce n’est pas tout à fait la même chose. Accepter, adhérer ; permettre, supporter. « Céder n’est pas consentir » écrit Nicole-Claude Mathieu. Mais j’anticipe.



Consentement. « Pas de consentement sans corps, et sans autrui ».



L’auteure termine cette première partie, par le non-consentement. « Dire non, n’est ce pas aussi un acte qui mérite l’attention, un geste porteur d’une idée du monde ? ».



Les vertus du consentement



Un peu d’histoire. Le consentement donné du père au mariage de la fille. Le consentement de l’homme et celui de la femme ne sont pas la même chose. Égalité et inégalité. Absence d’autonomie des femmes.



L’introduction du divorce marque une rupture. La femme peut consentir. Un tournant dans la « réciprocité problématique des volontés ». Le divorce comme étape de l’autonomie des femmes. « C’est bien un paradoxe : le conflit et non l’union, la déliaison et non le contrat donne un cadre à la réflexion sur le consentement et sa mutualité ».



A travers, l’étude de certains auteurs, Geneviève Fraisse traite, entre autres, de la séduction, de la volonté, de la temporalité, de la création de l’intime et du privé, de l’inégalité maintenue, du commerce, de la vente et de la marchandise, des contrats dont les contrats sexuels, de la prostitution…



Du temps. « On disait : « elles consentent » ; on dira maintenant : « je consens ». »



Les défauts du consentement



« L’acte de consentir n’a pas supprimé la dissymétrie entre hommes et femmes ».



Le contrat parle de réciprocité, nullement d’égalité, sans oublier la prégnance de l’économie.



Geneviève Fraisse souligne aussi des éléments de négativité du consentement : « acte de soumission, attitude de renoncement : toute adhésion n’est pas enthousiasmante ». Pourrait-il en être autrement, dans une société structurée par des rapports sociaux asymétriques, des rapports de domination ?



L’auteure discute aussi du contrat conjugal. Sur ce point, je rappelle que dans ce contrat, « le devoir conjugal », forme de viol socialement valorisée, n’a été aboli que très récemment dans la législation et que le viol conjugal est aujourd’hui considéré comme un crime. Parler de contrat conjugal implique aussi de parler de la société.



Geneviève Fraisse traite, entre autres, de la loi, de l’exigence démocratique, de la soumission, des normes hiérarchisantes, de la domination masculine.



« Céder n’est pas consentir ». Distinction, intériorité et distance critique. « Reste alors l’image d’un événement, d’une décision qui peut faire rupture ; et celle d’une stratégie de résistance et, pourquoi pas, de subversion ».



J’ai particulièrement apprécié les analyses autour de « L’anatomie politique » de Nicole-Claude Mathieu, de la dispute avec Maurice Godelier, de la prise en compte de la violence, de la contrainte, de l’inscription historique, de la notion de collaboration, sans oublier la subjectivité de la/du dominé-e. J’espère revenir prochainement sur ce sujet, suite à la réédition de ce livre par les éditions iXe.



Individu-e, individu-e social-e, groupe social. « La question est alors ainsi posée : soit le consentement est une conscience capable de décider de son degré d’adhésion ou de refus ; soit la conscience est empêchée par des obstacles matérialisés hors d’elle ». La/le sujet est toujours sujet dans des rapports de domination. « l’argument du consentement des dominés est un énoncé qui ne saurait faire preuve ». Un autre débat pourrait avoir lieu sur la notion de conscience.



L’auteur parle aussi du contrat, de sa fiction, de l’implicite, du consensus, du mélange subtil de chaque être…



Les ambitions du consentement



« Aujourd’hui, l’argument du consentement sert à une revendication à la fois privée et politique, plus encore, intime et politique ».



Geneviève Fraisse revient sur le viol, les soupçons pesant sur la personne violée, de l’invention de son éventuel consentement. Elle traite, entre autres, de la capacité politique, de l’éthique du consentement, du choix, de la liberté, de la volonté individuelle, de l’égalité sexuelle, du pouvoir, de la violence, etc…



Accord, acceptation, consentement. La contradiction est dans le mot même de consentement.



L’auteure parle aussi d’absence d’utopie, des principes, et non des normes d’égalité et de liberté, de transformation de la société, de l’histoire en train de se faire. Elle discute des positions de Judith Butler.



Elle propose de « renoncer à la réflexion sur le même et l’autre, et surtout abandonner ce modèle qui organise le rapport entre identité et altérité ». Elle parle de sujet et d’objet, de processus d’émancipation, de contradiction, d’utopie…



Je pense qu’il serait possible d’aborder ces sujets en termes de réponses politiques, d’actualisation de l’universalisme abstrait par de propositions pour avancer dans l’égalité concrète. Sans abandonner l’idée d’émancipation radicale.



Misère du consentement



Individualisme contemporain, lien entre individu-e et collectif. « Et pourtant, cette figure n’est porteuse d’aucun rêve ».



Geneviève Fraisse écrit : « Je ne suis pas convaincue qu’il puisse exister une politique du consentement. Plus exactement, je ne pense pas que le consentement soit un argument politique susceptible de trouver place dans un nouvel imaginaire ». Elle parle aussi de corps, de frontière, de politique sans histoire…



« C’est pourquoi, parce qu’il n’y a du corps, parce qu’il n’y a pas d’histoire et que la frontière est problématique, je pense qu’aucune politique du consentement ne peut s’énoncer comme telle »



Un livre qui en dit plus qu’il ne semble. Non seulement à cause de la méthode d’exposition, mais aussi, par le souffle vers l’émancipation qui l’anime.



«… j’ai une dernière idée : le refus, le désaccord, la contradiction, l’opposition, toutes ces formes pour dire « non », ne sont-elles pas des pistes à découvrir ? Quel est ce temps où dire « non » semble de peu d’intérêt, et où dire « oui » à la hiérarchie sexuelle devrait nous enthousiasmer ? »
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Service ou servitude

Rendre au mot service toute son opacité



« Le « service à la personne » ne reste au singulier que parce qu’il s’agit d’une activité sociale liée à l’espace privé, familial, domestique ; et sa finalité collective ne fait aucun doute… »



Servir. Les emplois de service semblent aujourd’hui s’éloigner de l’ancienne « domesticité ». Hier, aux marges du travail reconnu en tant que tel, aujourd’hui, présentés comme un « gisement d’emploi ».



De « servir quelqu’un-e » à « servir à la personne ». Aujourd’hui, « l’imaginaire de la hiérarchie entre serviteurs et maîtres, servantes et maîtresses est recouvert par la figure du soin et du souci de la personne vulnérable ».



Transformations certes, mais « le réel du service reste bien le même », des tâches classifiées comme domestiques, doublées du lien maintenu et toujours inégal de personne à personne.



Geneviève Fraisse revient, entre autres, dans sa préface à cette réédition de « Femmes toutes mains » sur les combats féministes, sur la dénonciation de l’invisibilité du travail domestique, des emplois subalternes occupés par une majorité de femmes…



Service : tâche matérielle et fonction sociale, l’auteure le souligne « le service signifie à la fois la hiérarchie sociale, le lien ou le rapport entre les personnes, en même temps qu’un exercice intime de la tâche domestique, ménage, cuisine, soin aux enfants. Hiérarchie, dépendance, intimité, le mélange est difficile à appréhender. De ce point de vue, « l’emploi de service » classique et le « service à la personne » dans sa nouveauté sociale parlent bien, malgré le changement de perspective, de la même chose ».



Du « service » au « Care », nouveau paradigme du service.



Pour l’auteure, « le service est un poste d’observation sociale, le service pose une énigme à l’émancipation des femmes », parce que Geneviève Fraisse n’oublie ni la matérialité des corps, ni la prise en compte de cet espace particulier qu’est l’espace familial, ni l’intimité des besoins ou la saleté du ménage, parce qu’elle garde, au centre des réflexions, les contradictions qui pèsent sur les femmes, celles liées à « la double vie des femmes ». Le service est donc à la fois une question et un problème : « une question qui serait celle de l’utopie, utopie du lien entre les corps, entre les personnes, entre les corps des personnes ; et un problème, celui qui énoncé le difficile, la difficulté de l’égalité entre ces corps, entre les sexes, entre leurs places sociales ».



Sommaire :



Service ou servitude

Une maison à l’envers

Une bonne foi féministe

Les femmes à tout faire

Apparaître au grand jour, travailler à l’ombre

La double incompétence et la stratégie inefficace

Travailler en famille, travailler en société

La vie de famille sous la bourgeoisie

Des jeunes filles seules

Amies et ennemies

Les vies parallèles

Des luttes ignorées

Le chemin de la guerre

Le combat contre le crime

Des travailleuses normales, des luttes normales

La Multiplication des femmes

Suzanne Ascoët ou la lutte singulière d’une employée de maison, entretien publié en 1979 dans Les Révoltes logiques ;



Pour n’oublier ni l’histoire de la « domesticité », ni la distance/proximité du « tiers domestique d’un ménage bourgeois » et de la « ménagère », ni le droit de questionner des femmes « sur leur pouvoir d’employeuses » en n’omettant pas de s’adresser aux hommes, qui ne sauraient être considérés, comme étrangers, dans l’ignorance de cette situation dont ils sont largement bénéficiaires ; ni la gratuité du travail ménager couplé à « la valorisation démesurée des sentiments maternels et conjugaux » ; ni les différentes luttes des femmes contre ces situations. « Double journée de travail, double femme à tout faire, bien souvent la femme ne cesse d’être au service du monde ».



Quelques citations choisies très subjectivement :



« si la femme du foyer accomplit elle-même le travail ménager, on dit qu’elle « ne fait rien » professionnellement parlant, son travail a la transparence que l’absence des autres membres de la famille lui suppose. Si cette même femme « se fait aider », comme ont dit, le travail domestique est, cette fois, rendu tangible et apparent parce qu’il devient salarié ; mais c’est la personne et non plus le travail qui devient invisible »



« Une besogne interminable devient un travail compté en heures ou à la tâche »



« l’appréhension du travail domestique comme un processus de production, analysable comme tel, est un acquis récent du mouvement féministe »



« Parce qu’il s’agit de la crasse mais surtout parce que c’est une crasse privée, dont les femmes ont la charge d’en débarrasser les autres »



« Le syndicat a brisé l’isolement par la rencontre de travailleuses solitaires. Mais il n’est pas qu’un oasis de liberté ; il permet d’intervenir, à plusieurs, dans une situation individuelle »



« Ceux qui prônent la diversité des fonctions naturelles suivant le sexe sont très forts pour vouloir croire à une égalité réelle (dans la différence) lorsque, par ailleurs, ils s’offrent des bénéfices très matériels de ce partage des tâches ».



Comment penser les libérations, les émancipations, sans s’interroger sur les divisions sexuées et sexuelles du travail, sans questionner le cœur même de « la vie privé » et de ses espaces ?
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Opinion d'une femme sur les femmes

Comme une parole donnée à l’espace commun



Le titre de cette note est extrait de la belle présentation de Geneviève Fraisse : « Le sort des femmes ».



« La singularité de son écriture contribue à instaurer une pensée forte de l’émancipation des femmes : on peut, en effet y lire une double affirmation démocratique, celle du sujet autonome capable d’avoir une »opinion » individuelle, et celle d’une catégorie, »les femmes », objet de l’énoncé de cette opinion ». Geneviève Fraisse explique pourquoi, pour une femme, « avoir une opinion singulière dans l’espace public nouveau, espace démocratique, est subversif, appel d’une émancipation à venir. Et c’est simplement, à bien y regarder, accéder à l’autonomie de la raison et anticiper la décision citoyenne ». Elle poursuit sur la raison, la plaidoirie politique, « Crier, raconter, démontrer, telle est la tâche qu’elle se donne dans ce texte fondateur », l’exercice libre de la volonté intime, le défi de l’égalité, la parole d’une française qui « pourrait être une citoyenne », la liberté de penser, le « sort des femmes ».



« … la »condition féminine » s’entend comme un état immobilisant, refermant sur une représentation figée et réductrice la vie des femmes. Finalement, la »condition » qui voulait illustrer l’être au monde apparaît comme une substance sans histoire, sans passé et sans avenir. La belle formule du »sort des femmes » appelle, par sa polysémie, à la vie du sujet et à l’action commune ».



Quelques extraits, choisis très subjectivement, de ce texte météore de 1801, de cette expression de la « raison ne s’autorisant toujours que d’elle-même » :



« Permettez que je vous dédie mon ouvrage, femmes pour qui seules j’écris. »



« mais une idée utile est rarement perdue ; elle tombe toujours dans quelques esprits féconds où elle fermente en silence et se développe tôt ou tard. »



« Femme sensible et raisonnable, je veux seulement payer à la société la dette que contracte envers elle chacun de ses membres et pour acquitter cette dette j’offre des idées utiles, puisqu’elles sont puisées dans l’amour du bien général et de l’humanité. »



« cette résistance, qu’on appelle caractère dans les hommes, est traitée d’opiniâtreté, de désobéissance, dans les femmes. »



« … si l’intérêt d’un sexe oppresseur l’emporte sur le cri de l’humanité, de la justice violés, je me rendrais du moins ce témoignage que j’ai plaidé leur cause… »



« … leur union fût pour l’un une source de tourments et d’esclavage, tandis que l’autre jouirait de son indépendance. »



« .. qu’on y ait érigé en principe que celui-là seul est digne de la liberté qui peut impunément la ravir à un autre »



« l’injustice et l’absurdité de juger du moral par le physique »



« Cependant, de deux choses l’une : ou ces individus sont de la même espèce, et alors ils doivent avoir les mêmes avantages ; ou ils différent tellement entre eux qu’aucune qualité ne leur est commune »



« … de cet examen, je tire la preuve de leur égalité naturelle, d’où dérive nécessairement l’égalité civile. »



« …on ne les a donc bannies de la société que par la loi du plus fort, qui toujours entraîne avec elle la violation de tous las droits. »



« les lois ne sévissent pas contre ceux qui maltraitent leurs femmes »



« L’idée d’assimiler les femmes aux Noirs pourra paraître étrange ; mais si cette comparaison est singulière, elle n’est au moins pas dénuée de justesse. »



« Il est donc injuste et inepte de rechercher en elles une infériorité qui prend sa source dans leur inertie ; c’est juger sur l’effet, quand il faudrait remonter à la cause. »



« la raison ne pouvant étayer une opinion qui la blesse… »



« Liberté et égalité civiles, voilà ce que je réclame pour elles »



Un texte à faire connaître.
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La fabrique du féminisme. Textes et entretiens

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Féminisme et philosophie

Ce livre fut exaltant et riche en nouvelles connaissances. Il donne cette force et cette envie d’atteindre cette égalité des sexes. Je redécouvre le féminisme ou, du moins, je le découvre sous l’opinion d’une philosophe qui nous montre un tout autre point de vue.

Toutefois, je manque de mots et, sûrement, d’un esprit critique approfondi pour réellement comprendre l’impact des paroles de Geneviève. « Le sexisme comme disqualification »

J’ai été surprise de découvrir que ce n’est pas en mettant en avant les stéréotypes présents dans la société, ceux dénigrant la femme, qui allait faire changer les choses. Il faut créer « autre chose » pour que le regard se détache des stéréotypes. En effet, en y faisant sans cesse référence, cela renforce les propos sexistes et stéréotypés. « Est-ce qu’on veut dénoncer ou est-ce qu’on veut construire ? « 



C’est l’émancipation des femmes, sur tous les points de vue : contrat social, droit de divorce, droit de travail, droit de vote, IVG, contraceptions… C’est la découverte de l’ampleur de l’affaire MeToo…

Et c’est aussi la découverte de nombreuses femmes, qui ont mis en avant leurs convictions : le peuple, la condition des femmes et/ou des opprimés, l’émancipation, l’égalité entre les sexes, la mixité, les droits et le travail pour les femmes etc…

À jamais : « l’autonomie économique est la condition de la liberté »



« Quel malheur que d’être une femme, et pourtant le pire malheur quand on est une femme, est au fond de ne pas comprendre que c’en est un »

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Le féminisme, ça pense !

À l'intersection de l'histoire et de la philosophie, Geneviève Fraisse relate la manière dont le féminisme a percuté son existence personnelle et imprégné sa pensée.
Lien : http://www.nonfiction.fr/art..
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Le féminisme, ça pense !

Dans son dernier ouvrage intitulé « Le féminisme, ça pense !», la philosophe Geneviève Fraisse livre un témoignage fort sur sa vie et son œuvre, qui n’ont cessé de nourrir ses engagements.
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Opinion d'une femme sur les femmes

cette lecture m’a beaucoup inspiré par son titre mais surtout sa 4eme de couverture.





Les romans féministes comme celui là sont ( a mon avis ) une nécessitée. J’avoue que le language du 18ème siècle ne pas franchement emballé. Nous retrouvons très souvent des termes, des structures de phrases … assez compliqué à comprendre.

Je vous le recommande vivement !

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Féminisme et philosophie

Geneviève Fraisse a choisi le rôle de « colporteuse » pour se présenter et présenter son travail. Elle explique qu’" il n’y a pas de lieu fixe, pas de point de départ assuré et pas d’espace déjà donné à l’objet sexe/genre dans la pensée instituée ". Cet ouvrage est un recueil de "textes divers reproduis pour la plupart intégralement afin de respecter leur cohérence et leur temporalité". L'essai présente l'évolution de la pensée féministe à travers plusieurs modes de pensée à diverses époque. L'ouvrage est divisé en trois parties qui apportent chacune un éclairage différent : "Épistémologie politique", "Corps collectif" et " l'épreuve de l'histoire".



Cet essai est le premier que j'ai lu sur un sujet qui me parle et me touche. Je pense que tout le monde devrait lire cet ouvrage, homme ou femme (ou qui ne se définit pas) pour comprendre à partir de quand le combat de la femme a commencé et se rendre compte du chemin parcouru et de celui à parcourir.



On rencontre dans cet ouvrage des héroïnes. Il est important de mettre en valeur les ces femmes extraordinaires (tout autant que les hommes). J'ai pris beaucoup de notes pour continuer à travailler sur ma pensée féministe. Cet ouvrage est pour moi une référence et permet de continuer notre réflexion. Je pense m'y replonger régulièrement et développer ainsi une pensée féministe cohérente.
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Le Privilège de Simone de Beauvoir

Dans Le Privilège de Simone de Beauvoir, Geneviève Fraisse approfondit dans un essai passionnant le concept de « privilège », souvent employé par la philosophe. Geneviève Fraisse invite son lecteur à plonger à ses côtés dans la généalogie de l’un des ouvrages fondateurs de la vie des femmes.
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Muse de la Raison

Une exploration des mille et un raisonnements par lesquels l’exclusion des femmes de la vie politique a été justifiée, depuis la Révolution.
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