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Critiques de Geneviève Fraisse (35)
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Les mots du monde masculin-féminin pour un di..

Contre les imbéciles satisfaits qui clament que les problématiques de genre – voire le féminisme tout entier – ne sont qu'un souci américain et français, voici un petit livre succinct et savant qui offre un aperçu de la signification des mots « masculin-féminin » dans six aires culturelles différentes : Afrique du Sud, Chine, États-Unis, Europe, Inde, monde arabe. Sans aborder les cas les plus éloignés de nous que représenteraient les micro-sociétés matriarcales survivantes, l'on peut déduire de l'ensemble des articles qui composent l'essai que la question du genre se pose partout, et (mais) que, dans chaque culture, elle est associée à des notions très profondément ancrées aux fondamentaux de la compréhension du monde qui lui sont propres : la relation entre le social et le religieux, l'individualisme jusqu'à la création par l'individu de sa propre identité, les mises en acte compliquées de l'idéal de l'égalité entre individus là où il a cours, le rapport à la modernité ou bien à la tradition, à la Nature, à la communauté, aux appartenances et identités collectives, les rituels et autres formes d'accession au genre... Si les chercheuses autrices de ces contributions sont toutes parfaitement informées sur les derniers outils conceptuels féministes occidentaux mainstream, par ex. sur l'intersectionnalité, elles sont tout aussi conscientes de la nécessité de contextualiser les relations patriarcales (le cas échéant) selon les cultures et dans leurs variations historiques. Fortes des acquis d'une anthropologie qui s'efforce de dépasser l'ethnocentrisme, elles peuvent avoir des positions d'interrogation ou de franche critique envers les féminismes et les théories du genre de matrice occidentale. Cependant, ces articles sont caractérisés par la grande liberté que leurs autrices se sont prise dans la manière d'affronter le thème du « masculin-féminin » dans leur pays : à l'exception (peut-être significative) de Cornell qui a retracé l'histoire des vagues féministes aux États-Unis, ils n'ont pas essayé d'aborder l'ensemble de la réflexion nationale sur le genre ni le paysage des luttes féministes actuelles ou historiques, ni même de se situer par rapport aux féminismes occidentaux. En particulier, la contribution conclusive, sur la petite ville rurale de Griquatown (province du Cap, Afrique du Sud), qui ressemble à une étude de cas tant elle est circonscrite, se détache considérablement des autres.
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Féminisme et philosophie

Ce livre fut exaltant et riche en nouvelles connaissances. Il donne cette force et cette envie d’atteindre cette égalité des sexes. Je redécouvre le féminisme ou, du moins, je le découvre sous l’opinion d’une philosophe qui nous montre un tout autre point de vue.

Toutefois, je manque de mots et, sûrement, d’un esprit critique approfondi pour réellement comprendre l’impact des paroles de Geneviève. « Le sexisme comme disqualification »

J’ai été surprise de découvrir que ce n’est pas en mettant en avant les stéréotypes présents dans la société, ceux dénigrant la femme, qui allait faire changer les choses. Il faut créer « autre chose » pour que le regard se détache des stéréotypes. En effet, en y faisant sans cesse référence, cela renforce les propos sexistes et stéréotypés. « Est-ce qu’on veut dénoncer ou est-ce qu’on veut construire ? « 



C’est l’émancipation des femmes, sur tous les points de vue : contrat social, droit de divorce, droit de travail, droit de vote, IVG, contraceptions… C’est la découverte de l’ampleur de l’affaire MeToo…

Et c’est aussi la découverte de nombreuses femmes, qui ont mis en avant leurs convictions : le peuple, la condition des femmes et/ou des opprimés, l’émancipation, l’égalité entre les sexes, la mixité, les droits et le travail pour les femmes etc…

À jamais : « l’autonomie économique est la condition de la liberté »



« Quel malheur que d’être une femme, et pourtant le pire malheur quand on est une femme, est au fond de ne pas comprendre que c’en est un »

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Le féminisme, ça pense !

À l'intersection de l'histoire et de la philosophie, Geneviève Fraisse relate la manière dont le féminisme a percuté son existence personnelle et imprégné sa pensée.
Lien : http://www.nonfiction.fr/art..
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Le féminisme, ça pense !

Dans son dernier ouvrage intitulé « Le féminisme, ça pense !», la philosophe Geneviève Fraisse livre un témoignage fort sur sa vie et son œuvre, qui n’ont cessé de nourrir ses engagements.
Lien : https://www.ouest-france.fr/..
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Les excès du genre

Geneviève Fraisse (née en 1948) est une philosophe française de la pensée féministe. Elle a publié cet essai en 2014. Contrairement à ce que pourrait laisser croire le titre du livre, elle ne s'oppose pas à la théorie du genre, elle analyse d'une manière critique à quoi renvoie les mots sexe et genre. Elle se penche aussi sur la nudité, en évoquant notamment les militantes Femen. L'ensemble a été un peu abscons pour moi et je ne crois pas en avoir retiré la substantifique moëlle.
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Féminin Masculin : Mythes et idéologies

Voici un petit livre épatant entièrement consacré à la "condition féminine". Court, facile à lire, précis, sérieux, dépourvu d'esprit polémique, il fait rapidement le tour de la question. Tout au long de brefs chapitres, on prend connaissance des avis d'une philosophe, d'un anthropologue, d'une sociologue, d'un paléontologue, etc… Toutes les études présentées montrent que les mythes et les préjugés concernant la gent féminine (ici, ou ailleurs) reposent en fait sur une base culturelle et subjective sans fondement sérieux. Un exposé montre, par exemple, que le critère des chromosomes sexuels (XY et XX, ces derniers étant souvent présentés comme "par défaut") ne distingue pas d'une manière indiscutable les hommes et les femmes. Un autre chapitre date l'inégalité entre les sexes au Néolithique: elle ne serait donc pas "naturelle", contrairement à ce qui se dit. Mais ce qui m'a le plus frappé, c'est l'exposé qui montre l'apport des neurosciences au sujet des différences entre les sexes. D'une façon générale, 10 % des connexions neuronales sont présentes à la naissance des petits d'homme et tout le reste se met en place ensuite, par l'éducation, par l'apprentissage, par l'influence sociétale, par le vécu personnel de l'individu, etc... Ces connexions neuronales sont a priori évolutives - sauf si les pressions exercées sont fortes et permanentes. Dans ces conditions, une société patriarcale, conservatrice en matière de moeurs, n'a aucun mal à figer les comportements individuels et empêcher toute évolution dans la place de la femme. Toutefois, sur ce point, il ne suffirait pas de "faire la leçon" (politiquement correcte) à d'autres pays, il faut commencer par balayer devant sa porte...



Cet ouvrage collectif a prêché un "convaincu". En effet, je suis progressiste en matière de moeurs, je ne suis pas du tout irrité par la question du genre (qui fait grincer tant de dents, y compris en France) et j'ai toujours pensé que, d'une manière très générale, les influences de l'acquis dépassent – de loin – celles de l'inné. Ainsi, "Féminin/masculin" apporte de l'eau à mon moulin et j'en suis très satisfait. Je recommanderai donc ce livre (il n'est pas trop ancien, puisque sa première édition date de 2006).

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Opinion d'une femme sur les femmes

Quand une femme parle des femmes...



... Ça donne un livre d'une importance capitale dans le combat féministe.



Fanny Raoul y expose les arguments en faveur de l'inégalité des sexes pour ensuite les réfuter ardemment. Elle reprend l'importance des femmes dans l'état : c'est elles qui mettent au monde les citoyens en mettant leurs vies en jeu.



Elle designe également avec ironie le travail des Lumières qui remettent en cause l'esclavagisme des noirs, mais ne regardent même pas l'esclavagisme au sein même du domicile.



Un texte fort, qu'il faut lire et relire qui résonne toujours en nos cœurs alors qu'il date de 1801. Qui nous invite à réfléchir sur la place de la femme dans notre société actuelle.
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Opinion d'une femme sur les femmes

J’ai découvert la collection « Les Plumées » de chez Talents Hauts très récemment, lors d’une discussion avec un intervenant, passionné et passionnant, de leur stand au Festival du Livre 2022. Je ne regrette pas du tout cette découverte ! J’ai pu découvrir Fanny Raoul et son essai Opinion d’une femme sur les femmes, publié en 1801 et pourtant toujours autant d’actualité concernant la situation des femmes. Féministe avant l’heure, Fanny Raoul a choisi d’adresser son essai, ses pensées, ses convictions à toutes les femmes dans le but de déconstruire un par un chaque argument en faveur de l’inégalité des sexes. Une lecture importante pour comprendre la situation des femmes et pour découvrir des auteur.e.s oublié.e.s

Un vrai coup de cœur pour cet essai et pour cette collection !
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Femmes toutes mains, Essai sur le service d..

Cet essai a été écrit dans les années 1970. La façon dont on perçoit l’employée de maison aujourd’hui a, en général, fort changé, heureusement. Mais ce qui est intéressant dans cet essai est l’historique des employés de maisons.

Avant 1789, la maison (riche) était une entreprise à elle seule, nécessitant valets, lingères, femmes de chambre, cochers, secrétaires, coiffeuses, cuisinières, que sais-je encore? Chacun avait une place définie, un métier précis.

Après, tout au long du 19ème siècle, ce qu’on appelait la bourgeoisie, c’est-à-dire ni le peuple ouvrier ou paysan, ni la noblesse terrienne, est devenue la classe la plus importante sans toutefois avoir les moyens des grandes maisons d’avant 1789. Les employés de maisons se sont retrouvés réduits à peu de personnes par maison, donc ils ont dû devenir polyvalents.

Ce qui voulait dire une plus grande charge de travail et un travail lui-même moins gratifiant, jusqu’à devenir quasi seulement la fameuse «bonne à tout faire». D’où les tiraillements entre employés et employeurs.

Et c’est là qu’on entre dans le vif du sujet, au début du 20ème siècle, car le problème se situe entre employée (femme) et employeuse (femme).

En effet, la femme est la servante du mari. Si elle n’a ni le temps ni les capacités pour accomplir toutes les tâches ménagères qui lui incombent, elle emploie une autre femme pour l’aider: «l’aide-ménagère». La femme du bourgeois doit être jolie et présentable en société, avoir de la conversation, savoir un peu de musique. Comment pourrait-elle en même temps abîmer ses mains aux lourds travaux ménagers de ce temps? Comment pourrait-elle se présenter à toute heure du jour avec une coiffure impeccable, tout en s’occupant des quatre enfants qu’elle doit fournir à la patrie?

Et le cercle vicieux se referme sur les femmes féministes qui, au début du 20ème siècle réclamaient des conditions de travail décentes pour les employées de maison. Mais faites donc le travail vous-mêmes! leur ont crié les hommes. C’est votre rôle!

Ainsi culpabilisées, les femmes se sont tues…. Jusqu’à ce que dans les années 1970, Benoîte Groult s’insurge: Les femmes sont victimes du devoir ménager et maternel qui les a toujours entravées pour obtenir un métier intéressant, victimes de la double journée de travail. Au nom de quoi faudrait-il les empêcher de se faire aider? Manipulation masculine: obligation de faire son métier de femme avant tout, moyen détourné de faire rentrer les femmes au foyer. Mépris pour le travail ménager, mépris exacerbé qui évite à l’homme de prendre conscience du nécessaire partage des tâches. Mépris pour celles qui s’y consacrent par goût ou par obligation. Les arguments s’additionnent et font enrager: l’employée de maison devient celle qui est nécessaire, de façon urgente, à la libération des autres. Elle est aussi celle qui fait tampon en attendant que les hommes changent…

Celles qui se font servir comme jadis, celles qui se font aider dans une maisonnée pleine d’enfants, celles qui font faire leur ménage pour s’assurer de bien rompre avec l’oppression traditionnelle, toutes sont bornées à leur situation individuelle. Elles ne sont ni coupables ni responsables, mais elles sont parties prenantes d’une situation bloquée (dans les années 1970, je le rappelle).

Quand cet essai est paru, on l’aura compris, les hommes, depuis la fin du 19ème siècle, renvoyaient dos à dos leurs femmes et leurs employées de maison pour régler leurs différents au sujet d’une affaire qui, pensaient-ils, ne les concernaient en rien: le ménage et la somme de travail et de temps que représente le fait de tenir une maison: enfants, ménage, etc…



Notes au hasard :



* 1791: la domesticité d’apparat est en partie masculine et mieux traitée que la domesticité féminine. Preuve: l’impôt sur le domestique homme est plus cher que celui sur la domestique femme.

1920, la taxe pour les hommes est double de celle pour les femmes.



* Au début du 19ème siècle, on proposait même qu’il n’y ait pas d’impôts quand on employait une domestique femme.

Ce qui veut dire que le travail de la femme est nécessaire, celui de l’homme superflu: on n’imagine bien la différences entre les tâches.



* 1973, jugement de divorce d’un tribunal anglais:

Les biens communs des époux ont été divisés:

2/3 au mari, 1/3 à la femme.

Motif: le mari est plus désavantagé par le divorce, car il devra désormais employer quelqu’un pour tenir sa maison!



* 1900, l’enseignement ménager:

Formation professionnelle en vue d’un travail salarié ou éducation générale de la femme, future épouse et mère?

Les deux: la femme au foyer doit croire qu’être ménagère n’est pas qu’une condition mais une profession, et la future domestique doit comprendre que ce travail colle à sa nature de femme.


Lien : https://www.gabrielle-dubois..
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Opinion d'une femme sur les femmes

cette lecture m’a beaucoup inspiré par son titre mais surtout sa 4eme de couverture.





Les romans féministes comme celui là sont ( a mon avis ) une nécessitée. J’avoue que le language du 18ème siècle ne pas franchement emballé. Nous retrouvons très souvent des termes, des structures de phrases … assez compliqué à comprendre.

Je vous le recommande vivement !

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Opinion d'une femme sur les femmes

Plaidoyer écrit peu de temps après la Révolution française, ce court texte signé par Fanny Raoul - femme célèbre de son vivant mais totalement oublié de nos jours - décrit avec beaucoup d'intelligence tous les "pièges" de la socialisation, de l'éducation et du système légal qui ont permis à la société française de reléguer la femme à une position subalterne.



Texte édité dans la collection "Les Plumées" de chez Talents Hauts, je suis décidément ravie d'avoir découvert cette collection qui remet à l'honneur des femmes essayistes ou romancières "oubliées" du 19ème ou début 20ème siècle.



J'ai beaucoup apprécié l'érudition de ce texte, l'intelligence de la démonstration et l'élégance du langage qui caractérise le français de la fin du 18ème siècle (pour ce que j'en connais). Fanny Raoul explique à merveille comment la sphère juridique vient renforcer des croyances "sociales" trop établies et comment elles desservent aussi bien les hommes que les femmes.

Des propos très en avance sur son temps à découvrir pour les amateurs du 18ème ou ceux qui s'intéressent aux questions du féminisme ou de l'égalité des sexes.
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À côté du genre

L’universel comme privilège d’une catégorie sur les autres



Dans son introduction, Geneviève Fraisse aborde un discours philosophique chez Platon, la servante de Thrace, celle qui n’a pas de nom, la question des sexes, un problème philosophique encore incertain, l’être et la pensée « à coté ». Le texte se termine par Dix clés pour ouvrir les textes qui suivent. Elle y aborde, entre autre, le genre comme concept, la neutralisation des femmes et les effets du sexe, les mots sexe et genre, la « différence des sexes » comme catégorie vide, la pensée démocratique, l’opérateur « égalité », la démocratie exclusive, l’alliance égalité liberté, l’émancipation des femmes, le service, le consentement, la tradition philosophique, la reconstruction de la pensée et l’insuffisance de la déconstruction, l’invisibilité des femmes, l’histoire et l’inachèvement démocratique, l’égalité et l’inexistence d’un mouvement spontané, la représentation intemporelle des sexes et le refus de l’historicité, la contradiction entre le féminisme et les pensées radicales, le contretemps de la finalité féministe, l’exigence épistémologique, le sujet et l’objet, le statut particulier de la pensée des sexes…



De nombreuses thématiques abordées ici seront revisitées par l’autrice dans des textes ultérieurs. Un fils construit autour de la philosophie, des sexes, des femmes et de leur histoire, de l’émancipation et de ses contradictions…



Je choisis très subjectivement de ne souligner que certaines analyses.



La première partie « La différence des sexes » est un livre paru en 1996. Geneviève Fraisse indique que la différence des sexes ne fut jamais un objet officiel de la philosophie, que le lot des femmes est « d’être hors du champ conceptuel d’un coté, et sous les feux de la représentation imaginaire, fût-ce ceux de la mode, de l’autre ».



Avant de proposer les moyens d’une réflexion philosophique sur la différence des sexes, l’autrice discute de l’espace de la beauté et de la parure, des femmes comme objet de commerce, de l’apparence et de la vérité, du glissement permanent entre « le lieu du sujet et le lieu de l’objet », de l’ornement, de la nudité et de la vérité…



Le livre s’ouvre « sur « une drôle d’idée » et espère se fermer avec quelques idées plus stimulantes », des chapitres sont consacrés à l’amour, à Eros et au désir, comme objet et axe de travail philosophique ; puis à la présence réelle de la différence des sexes en philosophie et à quelques hypothèses de travail, « Celle d’une différence des sexes comme principe caché de la possibilité de pensée, celle d’une différence des sexes comme moyen d’échange de la pensée, et enfin celle d’une historicité de la différence » ; enfin à une pensée de l’altérité des sexes en termes de sujet et d’objet, « L’historicité de la différence met en lumière la mobilité extrême de ces deux positions, de sujet et d’objet, et permet ainsi un nouveau regard sur l’histoire même de la philosophie »…



Mes connaissances des auteurs philosophes cités étant bien limitées, j’en reste aux domaines que je maitrise un peu mieux. L’autrice met l’accent sur l’image traditionnelle, « celle de la femme incapable d’abstraction, de symbolisation », les femmes mises en marge du paysage philosophique, la curiosité et la peur du sexe de certains, celles qui posent « la question de leur-être femme dans la pensée », Hannah Arendt et Simone Weil et leur choix du neutre donc du « peu importe mon sexe », la forclusion de la différence des sexes du champ de la philosophie, les mots pour dire ou maquiller, l’identique et le différent, les conditions d’intelligibilité, le féminin et les femmes, le terme d’échange « en gardant l’idée à la fois de la médiation et de l’escamotage »…



J’ai particulièrement apprécié le chapitre sur « Histoire et historicité », la différence des sexes dans l’histoire – son historicité -, le temps de la redéfinition « des espaces publics et privé pour la femme », l’idéalisme oublieux du corps mais « garant de l’autonomie de l’esprit », la convention qui voudrait que la femme ne puisse échapper à « sa nature », le bêtisier misogyne des philosophes (l’autrice écrit qu’il n’est pas sûr qu’il soit à désolidariser de l’ensemble de leur pensée ; formule diplomatique – gageons qu’au contraire il est au fondement de leur pensée, à commencer par celle du sinistre Pierre-Joseph Proudhon), la disqualification des femmes, l’ère contemporaine et le problème de l’égalité des sexes, l’émancipation des femmes comme « propos abominable », la pensée de la domination de l’Ecole de Francfort…



« Réfléchir l’historicité suppose le passage d’une histoire des représentations à la représentation de l’histoire. Dans la représentation de l’histoire, le sujet sexué et la relation entre les sexes sont réintégrés dans la production de la pensée et de l’action propre de l’humanité »…



Geneviève Fraisse poursuit avec les ruptures, l’idée nouvelle au XVIIIe siècle de l’égalité des sexes, un socle nouveau de représentations possibles, l’idée que « le conflit entre les sexes peut se régler politiquement », le mouvement qui prend forme après1830, la querelle et le conflit, le droit refusé et le droit réclamé, l’espace privé « comme lieu nouvellement affecté par le politique, par l’idée d’égalité », la langue et l’écriture du sexe, le passage du sang au sexe…



L’autrice consacre un chapitre « à la connaissance que le philosophe laisse voir d’un enjeu entre hommes et femmes et à la façon dont il contourne ou détourne cet enjeu. Il est clair que l’idée d’égalité des sexes n’est pas étrangère à la lucidité nouvelle, conscience du défi et refus de le prendre en considération », la connaissance et l’ignorance, l’enjeu politique, la misogynie et l’antiféminisme, August Strindberg et Henrik Ibsen…



« S’expliquer sur son propre compte va au-delà de l’identité sexuée, est un mouvement qui redistribue complètement les cartes entre objet et sujet femme ». Geneviève Fraisse discute de l’altérité et de sa conjugaison avec l’infériorité, la possibilité du savoir, l’historicité politique de la différence des sexes, le semblable ET le différent, du matérialisme, « Le matérialisme peut être subversif ou conservateur suivant le sexe qui parle »…



Je me suis étendu sur cette première partie, malgré mes lacunes dans le domaine philosophique, car il me semble important, pour utiliser une expression de l’autrice, de souligner que Le féminisme, ça pense.



La peur des démocrates, l’universel et le concret, « C’est donc à partir de la démocratie comme temps historique et lieu idéal que nous pouvons penser un lien nouveau entre les sexes ». Il n’y a pas d’immuabilité du rapport entre les sexes malgré la croyance à « l’anhistoricité de leur différence »… L’autrice aborde, entre autres, le pouvoir masculin, la sexualité humaine, les limites de la seule dénonciation, le genre comme concept, le sexe, « Sexe plutôt que sexualité, différence des sexes plutôt que différence sexuelle, sexe plutôt que genre », l’histoire sexuée, la mixité et la parité, les modifications de la structure de la domination masculine et sa non dissolution, la pensée de l’autre et se penser comme autre, la superposition illégitime de l’universel et du masculin, la généalogie des représentations, les femmes comme boucs émissaires, la muse et l’artiste, la chant des sirènes, « Le chant est à la fois séduction et savoir, promesse et connaissance », les représentations de la vérité…



J’indique aussi d’autres sujets discutés, la stratégie de l’émancipation, « Une stratégie d’émancipation ne va pas sans une pratique de la subversion », Hannah Arendt et Simone Weil, l’universel et les catégories, Simone de Beauvoir, l’unicité et la multiplicité des formes du féminisme, l’égalité et la liberté, « La discrimination fait mentir le principe d’égalité fondé sur l’identité des êtres ; la violence dément le principe de la liberté au nom de la différence des êtres », la démocratie exclusive, la parité, « la parité est une idée, une théorie « pratiquement vraie mais théoriquement fausse », l’habeas corpus, le travail et les conditions de l’égalité économique, le service et la démocratie, la langue…



La dernière partie est consacrée à des textes publiés entre 2002 et 2008. J’y ai notamment apprécié les analyses sur la symbolisation, les outils et les concepts, « Nous en avons pour finir quatre, l’identité, la différence, l’égalité, la liberté, deux concepts ontologiques et deux politiques », l’habit de l’égalité, les rapports à l’histoire, les contradictions, « Ne pas la fuir, cette contradiction, ne pas penser qu’elle est soluble, surtout lorsqu’il s’agit de conjuguer la particularité sexe/genre avec l’universalité du genre humain… », les contretemps de l’émancipation des femmes, les dérèglement des représentations, le devenir sujet, « La résistance à la domination se transforme en affirmation de subversion », l’objet et la marchandise, la restitution de l’intelligibilité d’un discours d’émancipation et ses effets dans l’histoire politique…



Des analystes matérialistes de la construction de la différence des sexes et des possibles émancipateurs, « un éclat de lumière printanière dans la grisaille de la domination masculine ».
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Féminisme et philosophie

Dans cet essai, Geneviève Fraisse se défini comme "colporteuse", son objectif est de nous rapporter des faits, des théories, des pensées, des textes, abordant, de près ou de loin la question des femmes et du féminisme.

Tantôt historienne, tantôt philosophe, elle découpe son ouvrage en 3 parties : épistémologie politique, corps collectif et l'épreuve de l'histoire. Au fil de ses réflexions, elle revient également sur sa propre vie et son parcours, qui ont forgé sa pensé féministe.

Cet essai très complet et exhaustif peut constituer un ouvrage de référence, pour qui souhaiterait développer ses réflexions autour du féminisme. Le ton est assez neutre, peu véhément mais direct et objectif.

Je n'ai malheureusement que peu apprécier ma lecture, je n'étais pas dans une démarche d'étude approfondie et j'ai dû m'accrocher pour avancer. Je conseillerai de lire ce livre uniquement dans un cadre de recherche ou d'étude sérieuse du sujet, au risque de décrocher rapidement.

Ce livre a été lu dans le cadre d'un masse critique de Babelio.
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Féminisme et philosophie

Geneviève Fraisse a choisi le rôle de « colporteuse » pour se présenter et présenter son travail. Elle explique qu’" il n’y a pas de lieu fixe, pas de point de départ assuré et pas d’espace déjà donné à l’objet sexe/genre dans la pensée instituée ". Cet ouvrage est un recueil de "textes divers reproduis pour la plupart intégralement afin de respecter leur cohérence et leur temporalité". L'essai présente l'évolution de la pensée féministe à travers plusieurs modes de pensée à diverses époque. L'ouvrage est divisé en trois parties qui apportent chacune un éclairage différent : "Épistémologie politique", "Corps collectif" et " l'épreuve de l'histoire".



Cet essai est le premier que j'ai lu sur un sujet qui me parle et me touche. Je pense que tout le monde devrait lire cet ouvrage, homme ou femme (ou qui ne se définit pas) pour comprendre à partir de quand le combat de la femme a commencé et se rendre compte du chemin parcouru et de celui à parcourir.



On rencontre dans cet ouvrage des héroïnes. Il est important de mettre en valeur les ces femmes extraordinaires (tout autant que les hommes). J'ai pris beaucoup de notes pour continuer à travailler sur ma pensée féministe. Cet ouvrage est pour moi une référence et permet de continuer notre réflexion. Je pense m'y replonger régulièrement et développer ainsi une pensée féministe cohérente.
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Féminisme et philosophie

Les mots subversifs de l’émancipation de toustes et de chacune



« Alors le concept, outil de compréhensions donne à la fois le relatif d’un moment donné, et l’absolu de l’exigence d’abstraction »



La reprise avec de petites introductions de textes publiés depuis le début des année 2010. Une invitation à déambuler à la lumière rougeoyante de l’égalité et de l’émancipation. « La colporteuse emprunte le chemin de l’Histoire tout en offrant à qui voudra ce que les événements et les conflits lui ont permis de penser »…



Je choisis subjectivement de mettre l’accent sur les petites introductions de chaque chapitre et quelques analyses. Certains textes proposés sont disponibles, grâce à l’aimable autorisation de l’amie colporteuse, sur ce blog.



En introduction de la première partie, Epistémologie politique, Geneviève Fraisse aborde la question sexe/genre, « cet objet de pensée échappe sans cesse à la sérénité académique », l’espace susceptible de constructions progressives, « L’histoire est un laboratoire où s’élaborent des rêves et des stratégies », les possibles de la pensée féministe, la provenance choisie plutôt que la généalogie, la confrontation de la démocratie et de la république à la différence des sexes, les contradictions (l’autrice utilise ce mot au singulier), « Je propose donc d’« habiter » cette contradiction », la rupture de 68 et l’invisibilité de l’oppression des femmes, l’envahissement de l’espace public par le mouvement de libération des femmes, la temporalité et les contretemps, la reprise d’un fil historique et non l’invention de l’histoire, la pluridisciplinarité, le champ de la pensée…



L’autrice discute, entre autres, d’épistémologie, de construction et de morceaux épars du savoir, de fabrication de l’intelligibilité, d’inscription de la pensée féministe dans un cadre universel, de tensions stratégiques et de leurs conséquences théoriques, de service domestique et de la place du service en démocratie, de démocratie exclusive, « comment la rupture révolutionnaire permet et empêche la pensée de l’égalité des sexes », des deux gouvernements « civil et domestique », d’articulation (terme préférable à conciliation) entre vie privée et professionnelle, de parité, « vraie en pratique et fausse en théorie », de la différence des sexe comme « catégorie vide », de l’opérateur égalité, du fonctionnement social et historique de la sexuation, de la nudité se faisant politique, du mot émancipation, « L’émancipation est un espace complexe et éventuellement contradictoire », de la contiguïté des révoltes, de construction et reconstruction, d’histoire, du pour toutes et du pour chacune…



Je souligne le chapitre sur Le contrat sexuel, le travail de Carole Pateman (voir son introduction au livre de celle-ci, lien proposé en fin de note), « Le contrat de mariage est un contrat de travail mais l’épouse n’est pas un travailleur. Car la subordination des femmes est une condition et non une conséquence, du contrat de mariage », l’histoire des femmes à contretemps, l’insistance sur « les sexes font l’histoire », la ritournelle faussement explicative de la division nature/culture, la philosophie et le statut refusé aux femmes, le mot sexe que certain·es dissolvent dans le genre, l’historicité des sexes et la sexuation du monde, le caché et le non pensé…







En introduction de la seconde partie, Corps collectif, Geneviève Fraisse revient sur la question du corps depuis trois siècles, le corps politique, « Ce siècle, le XXIe, parle du corps politique, c’est-à-dire du corps collectif, de cet impensé du contrat social et de nos démocraties », le corps mis à disposition, « Le corps était à disposition de l’autre sexe, comme bien, comme sexe », la dénonciation de l’usage de leur corps par des femmes, « La mise en commun d’expériences de violation produisit une parole collective publique », du corps comme reconnaissance d’une évidence physique et « forcément humaine »…



Geneviève Fraisse parle du non-dit de la propriété du corps des femmes, de concept et non de catégorie, de l’inégalité des sexes, « Pense-t-on sérieusement que la subversion des sexualités va détruire l’inégalité économique entre les sexes ? », de politique et donc de controverses…



Je souligne les textes sur l’affaire Weinstein, #MeToo, la jouissance du pouvoir, les femmes faisant corps, les révoltes, l’autonomie économique comme condition de la liberté, la prise parole de femmes, la peur de l’égalité des sexes, les débats biaisés autour du puritanisme et du libertinage, le concept « égalité », le nouset le je féministe, « Le féminisme dit « nous », sans oublier le « je » ; car il est le lieu d’expressions, de formulations et de rêves », le formel et le réel, le corps, « Alors les corps, comme corps collectif, se rebellent et se remettent au centre de la question démocratique », la lucidité propre à un à-venir, la réduction du genreà des identités sexuelles, les démocrates sexistes, « Mais la révolution Me Too, un événement historique, a brutalement mis en lumière les violences faites au corps collectif des femmes »…



En introduction de la troisième partie, L’épreuve de l’histoire, Geneviève Fraisse discute de l’actualité et de ce qu’elle donne à penser, d’histoire, du consentement, « le consentement est-il un argument politique ? », d’assentiment, de notions et de concepts, de disqualification et de discrimination, « Le sexisme ne se répare pas, comme on répare une injustice. Le sexisme est un système à détruire »…



L’histoire, l’absence de curiosité des historiens, les femmes tondues à la Libération, un angle mort des analyses, le sexe comme production d’histoire, « Cependant, à la simple échelle du phénomène des « femmes tondues », on comprend qu’il faut réfléchir à son impact dans notre modernité ; réfléchir aux frontières supposées par les pensées de l’époque contemporaine : amour ou prostitution, vie privée ou vie publique, pouvoir des hommes et dépendance des femmes, autonomie de l’individu ou appartenance familiale »…



L’autrice poursuit avec des femmes dans les révolutions, lla complémentarité comme exclusion de fait, le contretemps intrinsèque à l’histoire des femmes, la contradiction permanente entre l’émancipation des femmes et les autres émancipations, le gouvernement et la représentation, le déni et le désir, la grossesse, la réversibilité des droits des femmes, l’habeas corpus, le droit à l’avortement, la compassion papale et la sollicitude d’un présent tourné vers l’avenir, l’expérience individuelle et collective du harcèlement sexuel, « Colère des agressée et, surtout, indication que la domination masculine d’invisible devient visible, trop visible », l’immense difficulté des femmes « à être des égales libres dans un monde d’hommes », l’effet contagieux de la parité politique, la disqualification, « Dans une croyance ou un discours, dans un geste ou un comportement sexistes on comprend que les êtres humains, notamment d’un sexe, ne sont pas de la même « qualité » », les domestiques restées dans l’angle mort de toutes les luttes, le « service » et la démocratie, « Comme la crasse des intérieurs, le sexe fait partie du domaine privé, qu’on (a voulu) veut toujours évacuer du politique »…



En introduction de la quatrième partie, Lignées et abeilles, Geneviève Fraisse revient sur des femmes de la Révolution de 1848. Elle développe l’idée de lignée, l’inscription de la continuité, la transmission du passé, ce qui fait signe vers le futur… puis de l’image des abeilles, de la réalité plurielle et collective du mouvement féministe, des actrices de l’histoire…



Une lignée. Olympe de Gouges, Germaine de Staël, Hélène de Montgeroult, Jeanne Deroin, Jenny d’Héricourt, Clémence Royer ,Julie-Victoire Daubié, Hubertine Auclert, Marguerite Thibert, Simone de Beauvoir…



Des abeilles. Lee Miller, Hanna Schygulla, Elisabeth de Fontenay, Claire Etcherelli, Françoise Pasquier, Françoise d’Eaubonne, Antoinette Fouque, Françoise Collin, Dominique Desanti, Simone Veil, Yvonne Knibiehler, et…



« Joëlle l’exigeante, rompue au nomadisme avec un instrument trop difficile à trimbaler ». Je suis personnellement touché par le choix de conclure sans conclure par un texte sur Joëlle Léandre, musicienne et contrebassiste (un certain nombre de ses disques sont chroniqués sous la rubrique jazz), « Joëlle l’impétueuse, entre torrent et murmure, éclat de voix, éclat de rire », la contrebasse, l’improvisation, l’aventurière des sons, « elle veut tout, interpréter, improviser, composer ; être savante et vulgaire, crier et chuchoter », une exemple de cette « singularité universelle »…
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La suite de l'histoire

Le modèle redevenu sujet, l’égalité et la création



Des créatrices, malgré les interdits, « des préjugés et des imaginaires apeurés quant à la liberté de créer, jouissance des femmes toujours en suspens », les philosophes, les penseurs de la politique ou les écrivains…



« Pour Louise Bourgeois, il faut remonter le temps. Remonter le temps, c’est indiquer des provenances, des lieux antérieurs, anciens, qui font sens ; ou plutôt non, qui font signe. Ces lieux ne sont pas des points de d’origine, des lieux de commencements, simplement des points de repère nécessaires parce que pertinents. Désigner la provenance permet de se fabriquer une lignée. Ce que j’aime, dans l’idée de lignée, c’est le désir qu’elle porte de s’adosser à l’Histoire, avec un sentiment d’appartenance au monde ».



En adresse, Geneviève Fraisse évoque certaines femmes… pour montrer « la complexité du lieu où l’on part pour s’émanciper, pour créer par soi-même »…



« Ceci n’est pas de l’histoire, ceci n’est pas exhaustif, ceci est une traversée de questions liées à l’art et aux artistes femmes à l’ère démocratique, de l’après Révolution française à aujourd’hui »



En préambule, Geneviève Fraisse aborde l’exception et la règle, la lignée, « La lignée de femmes choisies est une image plurielle et essentielle, car elle offre des repères tout en semant des graines. Fabriquer sa lignée, tel est mon objectif, objectif que je souhaite partager », l’accès à la culture, la reconnaissance et l’inclusivité, des femmes « qui furent, malgré leurs productions artistiques, oubliées, effacées », la visibilité, « il est bien question de les intégrer dans la continuité de l’histoire de l’art ; et pas seulement comme des femmes « extraordinaires » », la symbolique masculine, l’égalité, l’émancipation…



L’autrice identifie quatre disputes récurrentes au long des deux siècles précédents :



« * L’injonction à ne pas quitter la place de muse au regard du génie masculin, partage imaginaire des rôles, quasi immuables.



* L’injonction pour une femmes artiste à rester à distance de la copie du nu, privilège masculin sur le corps, féminin notamment, objet plus que sujet.



* La dénonciation de la pratique créatrice des femmes, trop centrées sur leurs affaires personnelles, pratique incapable dès lors de passer à l’universel.



* La contradiction ancienne et vivace entre produire et se reproduire, entre faire œuvre et faire enfant, entre engendrer et enfanter »



Il ne s’agit pas ici d’identité ou de norme, mais bien de la liberté et de la jouissance à créer, de contestation, d’émancipation des femmes, de politique historique, « Il ne s’agit pas de subversion politique frontale, plutôt d’un bouleversement à l’intérieur de la tradition, plutôt d’une marche temporelle, de l’histoire en train d’inventer le moyen d’avancer »…



J’ai choisi de m’attarder sur les passages précédents, comme invitation à lire ce petit livre du coté de l’histoire, de l’égalité, « de l’égalité pour toutes et de non celle pour quelques-unes, comme ce fut parfois réfléchi au temps de la monarchie », de la création, « Et intéressons-nous uniquement ici à l’accès aux arts, à la créativité des femmes, à leur rapport à l’esthétique » et de l’émancipation. Je ne connais que certaines des créatrices présentées ici (il en est de même des philosophes et des écrivains – mais n’est-ce pas le lot commun de bien des lectrices et des lecteurs). Je ne parcours donc que certaines pistes et lignées.



Geneviève Fraisse analyse les positions de Jean-Jacques Rousseau, Emmanuel Kant, Stendhal, Francisco de Goya, August Strindberg, Friedrich Nietzsche, donc au XVIIIe et au XIXe siècle. « Tous savent lire l’époque qui se transforme, et leur résistance à l’émancipation des femmes ne les empêche ni de dire ce qu’ils lisent, ni d’identifier les évolutions ».



L’autrice examine, entre autres, l’exclusion des arts, le partage entre les sexes, le beau et le sublime, l’entendement et la sensibilité, le danger potentiel pour les deux premiers auteurs cités, « L’égalité des sexes, futur possible, est agitée comme un chiffon rouge ».



Elle poursuit avec la séparation des sexes et des arts, la nudité, les régimes de « vérité », « La vérité sera désormais historique », la place de sujet, la sécularisation, « porte ouverte à la liberté », la peur de la puissance féminine, la misogynie non pas psychologique mais bien politique d’August Strindberg, la pensée de l’historicité…



J’ai particulièrement apprécié le chapitre « Une artiste, une voix, un mouvement », l’enjeu politique de l’égalité des sexes en matière esthétique, la place de la voix, les trois écrivaines Germaine de Staël, George Sand, Flora Tristan, « toutes trois décrivent la femme artiste par leur voix comme lieu de création », avoir une voix et être une voix, la voix exceptionnelle d’Ondine ou de la petite sirène (à regarder de nouveau la couverture du livre), le retour sur 1848 et le journal des féministes, le chant en solo, le corps qui danse, la performance d’un art inédit, les inventions, « la singularité est à distance de la personnalité de l’artiste ; question secondaire que celle de l’identité »…



Sortir de l’immobilité, continuer l’histoire (la fin de l’histoire est toujours un mensonge idéologique), refuser la double disqualification, lire ce qui s’invente, « il faut juste se reconnaître le droit d’inventer, et de s’approprier le récit en cours », refuser la répétition mélancolique des assignations dans les décors, affronter la structure de représentations des sexes, transformer un imaginaire « qui a fait bien des dégâts dans le réel », l’enfantement (et sa soustraction) et l’engendrement, enfin vouloir et l’enfant et le livre, « L’émancipation ne dissout pas d’un coup de baguette magique le passé qui aimait les représenter en tant qu’objet. Devenir sujet coexiste toujours encore aujourd’hui, avec la permanence de l’objet », l’espace libre multiplié et approprié par des femmes…



Geneviève Fraisse discute des aventurières de la photo et du cinéma, du possible par un changement de décor, l’élargissement de « l’espace privé bien au-delà des murs de la maison », de l’objet regardé, « le cinéma remet la femme à sa place d’objet regardé », du corps, des scriptes et des actrices, « Etre objet plutôt que sujet, être au service du créateur, petite main irremplaçable ; retour à la tradition bien connue », d’Ida Lupino réalisatrice (une invitation à (re)voir The Hitch-Hiker – Le voyage de la peur)…



Nommer, inscrire, décrire les femmes oubliées ne suffit pas, un catalogue de « femmes célèbres » ne suffit plus, il faut faire rupture, dissocier nudité et vérité, « Le corps nu féminin n’est plus l’allégorie où la vérité, figue statique, mais un lieu de passage par où la vérité peut se chercher. Le lieu où les femmes artistes se placent, peut-être, en face de l’histoire de l’art, fabriqué au masculin, ou encore dédouble cette histoire pour en proposer une autre, ou des autres », sortir de la clandestinité, briser la symbolique de la production littéraire et intellectuelle où les femmes n’ont pas d’existence légitime, artistes dans les couples de créateurs/créatrices et le refus du partage (« je ne fais pas le récit précis de leurs souffrances respectives »), égalité et conflit, muse, « fonction essentielle pour occulter, dénier la rivalité », respirer, « L’égalité est fondée sur l’autonomie du créateur, de la créatrice », (se) multiplier et échapper à la représentation maitrisée de soi…



Le particulier et l’universel, Wanda de Barbara Loden, le dédoublement et le redoublement, « L’impersonnel fondé sur le personnel s’impose de multiples façons et va nous emmener vers l’universel », le déploiement de l’autonomie, le corps « comme externe à soi et non comme récit de soi », la réplique d’égale à égal…



Comment ne pas citer Elfriede Jelinek ou Ingeborg Bachmann, « C’est pourquoi des lignées se créent et continuent l’histoire commencée », les traumas et les souffrances, « Mise en avant par l’historiographie encline à plaindre les femmes pour conserver une hiérarchie sexuelle, ou lieu de libération du corps meurtri que le sujet femme se réapproprie pour le transformer ? », le sexe qui parle, la transmission d’un langage différent de celui construit par les hommes, « Le sexe ouvert n’est plus un lieu de passage mais la place d’un sujet libre, libéré, apte à la parole », le modèle détachée de l’oeuvre peinte (Deborah de Robertis citée en début de note) « il peut regarder le spectateur du tableau, qui, lui aussi regarde », le retour sur l’histoire de l’art et ce qu’elle a représenté…



En conclusion, Geneviève Fraisse revient sur le « pour toutes » et le « pour chacune », l’écriture de l’histoire, la tension entre le sujet et l’objet, le dérèglement, le travail à l’intérieur de la tradition, les principes démocratiques, l’égalité et la liberté, le partage des jouissances, l’égalité en acte et le conflit ouvert avec la suprématie masculine…



« Ces artistes fabriquent une histoire incontournable où l’altérité déployée entre le Multiple et l’Universel oblige à l’interrogation sexuée, genrée. Par-delà la « suite de l’Histoire », cette perspective nous offre « la mesure d’un monde à venir ».


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Les excès du genre

Vérité(s), contretemps historiques, excès…



En premier lieu, une couverture. Hilma af Klint : The Swan, 1915. une pionnière dans l’art abstrait. Une peintresse (pour utiliser un terme banni par la masculinisation de la langue orchestrée par l’Académie française) oubliée comme beaucoup de femmes dans les histoires écrites par les hommes.



Ayant chroniqué ce livre en 2014 sous le titre : L’opérateur égalité permet de concevoir et d’inventer les nouveaux rapports entre sexes, je ne traite que du post-scriptum intitulé « La « multiple vérité » ».



Une expression de Simone de Beauvoir, empruntée et déplacée par Geneviève Fraisse, « non pas celui de la vérité relative, vérités partielles ou vérités de points de vue, mais celui de la multiple vérité, vérité ouverte sur aujourd’hui, vérité au travail ». Approcher d’une vérité oblige à quelques précisions, ici et maintenant.



« La précision, c’est comme une exigence topographique, comme une sorte de géographie nécessaire où se dessinent des chemins, exactement des chemins de traverse : reste alors à choisir de les emprunter et de les croiser. C’est ce que j’ai proposé dans ce travail ». Je rappelle l’ancien sous-titre du livre : Concept, image, nudité.



L’autrice revient sur les chemins de la promesse conceptuelle du mot « genre », problème et solution ; et justement, les excès du genre signalent cette complexité. Un concept seul ne suffit pas, il y a d’autres concepts utiles. Les uns et les autres ne sauraient s’invalider.



Geneviève Fraisse discute de certains mots comme stéréotype et le risque de s’enfermer dans l’invariant. Elle propose cliché, « le cliché dit bien l’image mais n’en fait pas une substance », des images qui se répètent. L’autrice choisit aussi de « planter un nouveau repère lumineux », une image positive, le « modèle ».



Stéréotype, cliché, modèle, mais il ne faut pas oublier d’autres mots comme préjugé, ce qui dispense de penser, pré-jugé…



Les mots et la nudité des femmes, la nudité politique (pour rappel : La nudité politique des femmes n’est pas érotique) ), le corps nu des femmes, l’allégorie de la vérité, les révoltes du corps collectif aujourd’hui et son inscription dans les sentiers balisés du temps, « La nudité politique dit deux choses : la reprise, par les femmes, de leur corps, d’un corps, d’un corps sexuel qui sait aussi être porteur de signes, de langages ; et l’affirmation que le corps individuel est un corps collectif maltraité par les dominants, impensé de l’histoire des derniers siècles ». Un corps, un corps collectif, le multiple coexistant et s’opposant à l’un (« une alternative à ce qui se nomme « queer » aujourd’hui »).



Le corps, la raison, la politique, l’affrontement aux images, le geste subversif, une nouvelle représentation du monde, « les sexes font l’histoire »…



Comme le souligne l’autrice, « la sexualité et l’égalité ne font jamais consensus, et débordent toujours des discours ». Penser l’émancipation ne peut se réduire à analyser les dominations. Il nous faut des idées fortes pour parcourir les champs de la pensée. Elle propose ici le concept, l’image et la nudité.



« Toujours se remettre au travail »…


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Le Privilège de Simone de Beauvoir

Dans Le Privilège de Simone de Beauvoir, Geneviève Fraisse approfondit dans un essai passionnant le concept de « privilège », souvent employé par la philosophe. Geneviève Fraisse invite son lecteur à plonger à ses côtés dans la généalogie de l’un des ouvrages fondateurs de la vie des femmes.
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La sexuation du monde : Réflexions sur l'émanci..

Challenge ABC 2017-2018

24/26



C'est un recueil d'articles, lucides sur ce qu'est réellement la libération, ou l'émancipation des femmes aujourd'hui. Et surtout les contradictions qui accompagnent depuis la Révolution française l'égalité. Oui à l'égalité, mais celle des sexes... Du coup, exclusion des femmes mais sans réellement le dire... Ce qui leur permet de revenir, en se glissant dans les interstices Mais cela ne profite qu'à certaines, celles qui savent, qui sont éduquées Heureusement, le 19è siècle, puis le 20è, malgré des atermoiements, viennent apporter l'éducation à tous et toutes.

Et pourtant, les femmes restent otages, à la fois de la politique et de l'histoire. Parce que le grand combat de Fraisse, c'est de remettre l'histoire des femmes dans une perspective historique, seul moyen pour elle de vraiment avancer dans les différentes luttes et de peut-être obtenir un événement qui fasse rupture, comme l'abolition de l'esclavage ou le suffrage (vraiment) universel. Otage du politique parce qu'il y a toujours quelque chose de plus important à combattre, de plus urgent.

La deuxième partie (un peu plus accessible) présente des femmes artistes et créatrices (y compris les philosophes Beauvoir et Weil), dans un changement de rapport à l'art. Elles ne sont plus uniquement muses, mais prennent le droit, transgressent les règles pour faire vivre elles aussi leur art. Ce n'est pas facile, on le sait avec certains couples d'artistes (les Fitzgerald) ou personnalités (comme Camille Claudel). Mais ces pionnières ont permis à leurs suiveuses d'oser (même si la parité tout ça...) Et enfin, l'émancipation en ce qui concerne la guerre : le tabou est levé, une femme peut tuer, et torturer, y compris sexuellement.

Attention, c'est du lourd ; je n'ai pas tout tout compris, il me manque des notions de philosophie. Ce n'est pas une critique, juste une mise en garde (ça vous évitera de vous dire : "trop facile, il est fin, ça me remplira l'aprem". Oui, en effet et quelques autres). C'est du lourd, et c'est une bonne chose . Surtout en ces temps où le féminisme est mis à toutes les sauces, que cela soit justifié ou non.
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Le Privilège de Simone de Beauvoir

Une historicité susceptible d’ouvrir le chemin de la libération



« Il n’y a aucune hésitation, nous sommes d’emblée installés dans l’histoire, l’histoire longues des femmes à la conquête collective du savoir et de toutes les jouissances singulières qui s’y attachent. Tel est le premier Privilège de Simone de Beauvoir, celui de s’imaginer dans l’histoire, de plain-pied. »



Ainsi débute le prologue, je souligne, privilège, histoire, femmes, jouissance…



Quelques éléments choisis subjectivement. Mes lectures incomplètes de Simone de Beauvoir sont maintenant lointaines.



Privilège, « Le Privilège n’est jamais un donné comme au temps de l’Ancien régime, un avantage incontesté, il est le résultat d’une conquête, propre à tout être, à l’intérieur de nos démocraties », les privilèges, « Le Privilège de cette femme qui pense, élucide, et décrit l’être collectif de la condition des femmes n’est que le privilège, les privilèges de l’être humain en général », l’histoire, « Le choix de l’histoire et de la mémoire comme lieux actifs, producteurs de pensées nouvelles, suscite l’appropriation de la transmission plutôt que sa passive réception convenue », l’histoire du présent vers le passé des historiennes, les femmes, « Un homme ne commence jamais par se poser comme un individu d’un certain sexe : qu’il soit homme, cela va de soit » (Simone de Beauvoir).



Dans cette invitation à lire et à penser, Geneviève Fraisse aborde, entre autres, la muse et le génie, la liberté et l’égalité, la hiérarchie du unet du deuxclôturant l’espace, le devenir sujet des femmes, la division entre biologique et social/culturel, le parcours d’une intellectuelle « qui débusque l’une après l’autre les places où sont assignées les femmes, malgré elles ou non », le penser comme acte simple, la raison, « Avoir la même raison que les hommes et vouloir s’en servir signale une capacité, un droit, mais aussi et surtout, une jouissance possible »…



L’école, « les filles se sont glissées subrepticement dans l’obligation, puis dans les interstices élitaires du système », l’émancipation par le savoir, le temps des « droits révolutionnaires » de la contraception et de l’avortement, l’écriture et la décision d’écrire sur les femmes, entre expérience et théorisation, « l’écriture de l’histoire des femmes échappe au biographique », commencer par une description de toutes les femmes pour se comprendre soi-même. Je souligne les pages autour des Mémoires, les réflexions autour du récit de soi, l’énoncé de la position sexuée, le « je », le sujet de la connaissance, « L’assurance de celle qui s’autorise l’exercice de la raison appartient à une tradition peu connue de l’histoire des femmes, et pourtant solide ». Une histoire longue des femmes…



La domination rend invisible la place occupée par le dominant, « l’homme peut oublier et faire oublier son sexe lorsqu’il se place dans un lieu de pensée », les hommes semblent être « naturellement » sujet. L’autrice pose une juste question qui devrait interpeller les hommes : « Mais pourquoi les hommes feraient-ils l’économie d’une étude du sexe masculin » ?



Il faut approfondir. Quelles sont donc les conditions pour des connaissances possibles ? « « Je suis une femme » est une condition de la pensée, cela implique ni une définition de ce qu’est cette femme, ni une certitude quant à la sexualité de cette femme-là ».



Geneviève Fraisse poursuit sur l’affirmation de l’égalité, – « désormais concept politique » -, le sujet sexué de connaissance. Elle souligne que « Ce n’est ni l’organe sexué, ni la sexualité qui fait la sexuation du sujet qui pense ». L’égalité est produite dans et par un rapport social.



Comprendre, élucider, tourner le dos au malheur, le luxe de l’impartialité, l’objectivité comme contradiction vivante avec le cogitosexué, « Le tribunal ouvert au procès de l’inégalité des sexes se déplace du coté de l’espace de vérité créé par le savoir et la connaissance ; en rupture avec le passé ». Une rupture d’avec la cité aux portes closes et la démocratie exclusive…



L’autrice souligne que Simone de Beauvoir « se mêle donc clairement de ce qui la regarde ». Et si elle considère que « son cogito est historiquement daté », elle ajoute « Là où il me concerne, ce cogito, c’est en ce qu’il est une méthode, un parcours lucide ». Cette forme de lecture me semble bien plus adéquate au penser historique que les « affiliations » identitaires…



La marge, les regards obliques, le dévoilement et l’action, la pensée et la politique, l’histoire humaine comme promesse. Je souligne les pages de critique du terme « fraternité » inscrite dans une conception historique de la domination (qui ne peut être abordée comme un invariant), les femmes ne sont pas quasi immobiles dans leur état de subordination… le devenir historique, la promesse de l’égalité et de la liberté. Reste des difficultés liées, entre autres, à la « proximité des sexes ». C’est bien du coté des rapports sociaux et de leurs contradictions qu’il nous faut regarder. Donc « sursauter » et rejeter le terme même de « condition féminine », « Quand on me dit que je travaille sur « la condition féminine », je sursaute ; et je sais immédiatement que c’est une manière d’isoler la question du reste de la philosophie, de désamorcer la pensée qui pourrait surgir ».



Ce texte est suivi de trois lectures. « Comme un discours de la méthode », « Histoire et mémoire historique du féminisme », « Correspondante de guerre » et d’une conclusion « L’icône et après ». je laisse à chacun·e le plaisir de la découverte. Et je termine par une question soulevée : Comment les sexes font-ils aussi l’histoire ?


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