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Critiques de Geneviève Fraisse (35)
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À côté du genre

L’universel comme privilège d’une catégorie sur les autres



Dans son introduction, Geneviève Fraisse aborde un discours philosophique chez Platon, la servante de Thrace, celle qui n’a pas de nom, la question des sexes, un problème philosophique encore incertain, l’être et la pensée « à coté ». Le texte se termine par Dix clés pour ouvrir les textes qui suivent. Elle y aborde, entre autre, le genre comme concept, la neutralisation des femmes et les effets du sexe, les mots sexe et genre, la « différence des sexes » comme catégorie vide, la pensée démocratique, l’opérateur « égalité », la démocratie exclusive, l’alliance égalité liberté, l’émancipation des femmes, le service, le consentement, la tradition philosophique, la reconstruction de la pensée et l’insuffisance de la déconstruction, l’invisibilité des femmes, l’histoire et l’inachèvement démocratique, l’égalité et l’inexistence d’un mouvement spontané, la représentation intemporelle des sexes et le refus de l’historicité, la contradiction entre le féminisme et les pensées radicales, le contretemps de la finalité féministe, l’exigence épistémologique, le sujet et l’objet, le statut particulier de la pensée des sexes…



De nombreuses thématiques abordées ici seront revisitées par l’autrice dans des textes ultérieurs. Un fils construit autour de la philosophie, des sexes, des femmes et de leur histoire, de l’émancipation et de ses contradictions…



Je choisis très subjectivement de ne souligner que certaines analyses.



La première partie « La différence des sexes » est un livre paru en 1996. Geneviève Fraisse indique que la différence des sexes ne fut jamais un objet officiel de la philosophie, que le lot des femmes est « d’être hors du champ conceptuel d’un coté, et sous les feux de la représentation imaginaire, fût-ce ceux de la mode, de l’autre ».



Avant de proposer les moyens d’une réflexion philosophique sur la différence des sexes, l’autrice discute de l’espace de la beauté et de la parure, des femmes comme objet de commerce, de l’apparence et de la vérité, du glissement permanent entre « le lieu du sujet et le lieu de l’objet », de l’ornement, de la nudité et de la vérité…



Le livre s’ouvre « sur « une drôle d’idée » et espère se fermer avec quelques idées plus stimulantes », des chapitres sont consacrés à l’amour, à Eros et au désir, comme objet et axe de travail philosophique ; puis à la présence réelle de la différence des sexes en philosophie et à quelques hypothèses de travail, « Celle d’une différence des sexes comme principe caché de la possibilité de pensée, celle d’une différence des sexes comme moyen d’échange de la pensée, et enfin celle d’une historicité de la différence » ; enfin à une pensée de l’altérité des sexes en termes de sujet et d’objet, « L’historicité de la différence met en lumière la mobilité extrême de ces deux positions, de sujet et d’objet, et permet ainsi un nouveau regard sur l’histoire même de la philosophie »…



Mes connaissances des auteurs philosophes cités étant bien limitées, j’en reste aux domaines que je maitrise un peu mieux. L’autrice met l’accent sur l’image traditionnelle, « celle de la femme incapable d’abstraction, de symbolisation », les femmes mises en marge du paysage philosophique, la curiosité et la peur du sexe de certains, celles qui posent « la question de leur-être femme dans la pensée », Hannah Arendt et Simone Weil et leur choix du neutre donc du « peu importe mon sexe », la forclusion de la différence des sexes du champ de la philosophie, les mots pour dire ou maquiller, l’identique et le différent, les conditions d’intelligibilité, le féminin et les femmes, le terme d’échange « en gardant l’idée à la fois de la médiation et de l’escamotage »…



J’ai particulièrement apprécié le chapitre sur « Histoire et historicité », la différence des sexes dans l’histoire – son historicité -, le temps de la redéfinition « des espaces publics et privé pour la femme », l’idéalisme oublieux du corps mais « garant de l’autonomie de l’esprit », la convention qui voudrait que la femme ne puisse échapper à « sa nature », le bêtisier misogyne des philosophes (l’autrice écrit qu’il n’est pas sûr qu’il soit à désolidariser de l’ensemble de leur pensée ; formule diplomatique – gageons qu’au contraire il est au fondement de leur pensée, à commencer par celle du sinistre Pierre-Joseph Proudhon), la disqualification des femmes, l’ère contemporaine et le problème de l’égalité des sexes, l’émancipation des femmes comme « propos abominable », la pensée de la domination de l’Ecole de Francfort…



« Réfléchir l’historicité suppose le passage d’une histoire des représentations à la représentation de l’histoire. Dans la représentation de l’histoire, le sujet sexué et la relation entre les sexes sont réintégrés dans la production de la pensée et de l’action propre de l’humanité »…



Geneviève Fraisse poursuit avec les ruptures, l’idée nouvelle au XVIIIe siècle de l’égalité des sexes, un socle nouveau de représentations possibles, l’idée que « le conflit entre les sexes peut se régler politiquement », le mouvement qui prend forme après1830, la querelle et le conflit, le droit refusé et le droit réclamé, l’espace privé « comme lieu nouvellement affecté par le politique, par l’idée d’égalité », la langue et l’écriture du sexe, le passage du sang au sexe…



L’autrice consacre un chapitre « à la connaissance que le philosophe laisse voir d’un enjeu entre hommes et femmes et à la façon dont il contourne ou détourne cet enjeu. Il est clair que l’idée d’égalité des sexes n’est pas étrangère à la lucidité nouvelle, conscience du défi et refus de le prendre en considération », la connaissance et l’ignorance, l’enjeu politique, la misogynie et l’antiféminisme, August Strindberg et Henrik Ibsen…



« S’expliquer sur son propre compte va au-delà de l’identité sexuée, est un mouvement qui redistribue complètement les cartes entre objet et sujet femme ». Geneviève Fraisse discute de l’altérité et de sa conjugaison avec l’infériorité, la possibilité du savoir, l’historicité politique de la différence des sexes, le semblable ET le différent, du matérialisme, « Le matérialisme peut être subversif ou conservateur suivant le sexe qui parle »…



Je me suis étendu sur cette première partie, malgré mes lacunes dans le domaine philosophique, car il me semble important, pour utiliser une expression de l’autrice, de souligner que Le féminisme, ça pense.



La peur des démocrates, l’universel et le concret, « C’est donc à partir de la démocratie comme temps historique et lieu idéal que nous pouvons penser un lien nouveau entre les sexes ». Il n’y a pas d’immuabilité du rapport entre les sexes malgré la croyance à « l’anhistoricité de leur différence »… L’autrice aborde, entre autres, le pouvoir masculin, la sexualité humaine, les limites de la seule dénonciation, le genre comme concept, le sexe, « Sexe plutôt que sexualité, différence des sexes plutôt que différence sexuelle, sexe plutôt que genre », l’histoire sexuée, la mixité et la parité, les modifications de la structure de la domination masculine et sa non dissolution, la pensée de l’autre et se penser comme autre, la superposition illégitime de l’universel et du masculin, la généalogie des représentations, les femmes comme boucs émissaires, la muse et l’artiste, la chant des sirènes, « Le chant est à la fois séduction et savoir, promesse et connaissance », les représentations de la vérité…



J’indique aussi d’autres sujets discutés, la stratégie de l’émancipation, « Une stratégie d’émancipation ne va pas sans une pratique de la subversion », Hannah Arendt et Simone Weil, l’universel et les catégories, Simone de Beauvoir, l’unicité et la multiplicité des formes du féminisme, l’égalité et la liberté, « La discrimination fait mentir le principe d’égalité fondé sur l’identité des êtres ; la violence dément le principe de la liberté au nom de la différence des êtres », la démocratie exclusive, la parité, « la parité est une idée, une théorie « pratiquement vraie mais théoriquement fausse », l’habeas corpus, le travail et les conditions de l’égalité économique, le service et la démocratie, la langue…



La dernière partie est consacrée à des textes publiés entre 2002 et 2008. J’y ai notamment apprécié les analyses sur la symbolisation, les outils et les concepts, « Nous en avons pour finir quatre, l’identité, la différence, l’égalité, la liberté, deux concepts ontologiques et deux politiques », l’habit de l’égalité, les rapports à l’histoire, les contradictions, « Ne pas la fuir, cette contradiction, ne pas penser qu’elle est soluble, surtout lorsqu’il s’agit de conjuguer la particularité sexe/genre avec l’universalité du genre humain… », les contretemps de l’émancipation des femmes, les dérèglement des représentations, le devenir sujet, « La résistance à la domination se transforme en affirmation de subversion », l’objet et la marchandise, la restitution de l’intelligibilité d’un discours d’émancipation et ses effets dans l’histoire politique…



Des analystes matérialistes de la construction de la différence des sexes et des possibles émancipateurs, « un éclat de lumière printanière dans la grisaille de la domination masculine ».
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Du consentement

Voici un essai éclairant sur la notion de consentement dont j'ai lu la dernière édition (2017). Geneviève Fraisse explore l'évolution du concept dans le temps en reliant le consentement au mariage, au divorce et à la prostitution. Ensuite, elle explore les limites du consentement, sa négativité. Enfin, elle montre la fragilité intrinsèque de cet acte.

Ce livre permet de comprendre toute la complexité et l'ambivalence de l'acte de consentir. Il en montre les implications sociales. La lecture n'est pas toujours simple car la pensée de Fraisse avance par circonvolutions mais , in fine, le livre permet une compréhension fine de ce phénomène.
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Du consentement

Car dire « oui », c’est aussi pouvoir dire « non »



Je commence par une interrogation. Si, dans les débats publics, « la raison du consentement » a bien été « utilisée pour défendre le port du foulard, ou exercer le métier de prostituée », je reste dubitatif sur ce rapprochement.



Il y a, me semble-t-il, une focalisation, bien franco-française, sur le premier sujet, liée entre autres, à une conception réductrice du vivre ensemble (obnubilée par l’assimilation), de la laïcité (de fait soit catho-laïcité soit laïcarde), de la communauté uniformisée, indifférente à l’inégalité réelle et généralisée (socialement construite et valorisée) des femmes, des temps longs des sécularisations, des espérances sous différentes formes, sans oublier le versant d’altérisation des musulman-ne-s (ou de celles et ceux considéré-e-s comme tel-les) et de leur religion. Sur le second sujet, un refus de prendre en compte les rapports sociaux, les rapports de domination, les questions du corps, de l’hétérosexisme, etc.



J’écris cela sans préjuger des positions politiques de l’auteure sur ces sujets. L’objet et l’intérêt du livre ne sont d’ailleurs pas là. Le rapprochement souligne, à mes yeux, aussi le peu de pertinence politique de cette notion de « consentement », une idée comme masque actif de l’inégalité, son incapacité à atteindre ses « ambitions », pour ne pas parler de « misère du consentement » comme le fera l’auteure dans son dernier chapitre. Consentement, mot masculin mais qui ne semble que décliné au féminin.



Le point de départ étant par ailleurs « public », « médiatique », il permet à l’auteure de partir d’un mot clé « le mot fait pour ouvrir la porte aux questions ».



ou pour le dire autrement « Je préfère, pour ma part, une autre méthode, mettre de coté mon opinion, sans lâcheté, et trouver « la bonne question », porte ouverte sur un chemin réflexif ».



Dans sa préface, outre la question, déjà indiquée, comme entrée, Geneviève Fraisse revient sur le féminisme, son lien historique avec l’irruption du peuple (1789, 1848), la dynamique de 68, la rupture profonde et politique « c’était politique », la conquête de l’espace public. Elle parle aussi du passé féministe « une histoire des révoltes, une pensée de la subversion », de ses recherches pour comprendre « la logique de la révolte et la logique de l’inscription historique », du féminisme comme objet théorique « inexistant, cet objet, trop militant, ou trop sexuel »…



Philosophie, épistémologie politique, subversion féministe, « partir d’un mot comme du nœud qu’il faut défaire, c’est une façon d’apprivoiser la dispute, et de lui donner du contenu ». Le cœur de l’affaire est « dans la portée politique de l’acte de consentir ». L’auteure ajoute, et cela me semble très important, « si j’imagine penser le consentement comme un concept, j’ouvre la porte du rapport, de la relation entre les êtres ».



L’ouvrage est donc un cheminement interrogatif sur « Les vertus du consentement », « Les défauts du consentement », « Les ambitions du consentement » et enfin « Misère du consentement ».



Ma lecture est influencée par la lecture récente de l’ouvrage de Carole Pateman : Le contrat sexuel, La Découverte / Institut Émilie du Châtelet (IEC) 2010,que l’auteure du présent livre, a préfacé et qu’elle cite.



Le titre de cette note est extrait de la préface.



Je ne présente que certaines analyses, comme incitation à une lecture approfondie.



« Car il y a toujours deux êtres dans cette histoire, celui qui consent, et celui à qui on consent quelque chose ». A réduire le consentement à « une affaire personnelle respectable », on ferme la porte à tout débat politique. Il faut donc reprendre la dispute. Geneviève Fraisse prend comme point de départ la Convention contre la criminalité transnationale organisée et son Protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants :

Article 3, b : « Le consentement d’une victime de la traite des personnes à l’exploitation envisagée, telle qu’énoncée à l’alinéa a) du présent article, est indifférent lorsque l’un quelconque des moyens énoncés à l’alinéa a) a été utilisé »



Le consentement est indifférent. L’auteure ajoute « ‘irrelevant‘, dit la langue anglaise, c’est à dire sans pertinence ».



L’auteure propose de discuter de trois histoires, et chaque fois de deux façons de les raconter : l’évolution du mariage et la naissance du divorce moderne, la réalité du contrat social, le consentement d’une personne comme argument politique.



Pourquoi deux façons de raconter ? Parce que le consentement n’est pas toujours « un acte de parole » : « Le consentement se dit, ou ne se dit pas, s’exprime ou se tait ». Un terme simple et pourtant… Obscurité et épaisseur, ombre et chair, contradictions et tensions…



Car c’est toujours une relation entre au moins deux êtres, non réductible à une « immédiateté ». Le consentement est comme « une chose qui circule d’un individu à un autre », un objet susceptible « à la fois de maîtrise et de vol ».



Consentir entre accepter et permettre. Ce n’est pas tout à fait la même chose. Accepter, adhérer ; permettre, supporter. « Céder n’est pas consentir » écrit Nicole-Claude Mathieu. Mais j’anticipe.



Consentement. « Pas de consentement sans corps, et sans autrui ».



L’auteure termine cette première partie, par le non-consentement. « Dire non, n’est ce pas aussi un acte qui mérite l’attention, un geste porteur d’une idée du monde ? ».



Les vertus du consentement



Un peu d’histoire. Le consentement donné du père au mariage de la fille. Le consentement de l’homme et celui de la femme ne sont pas la même chose. Égalité et inégalité. Absence d’autonomie des femmes.



L’introduction du divorce marque une rupture. La femme peut consentir. Un tournant dans la « réciprocité problématique des volontés ». Le divorce comme étape de l’autonomie des femmes. « C’est bien un paradoxe : le conflit et non l’union, la déliaison et non le contrat donne un cadre à la réflexion sur le consentement et sa mutualité ».



A travers, l’étude de certains auteurs, Geneviève Fraisse traite, entre autres, de la séduction, de la volonté, de la temporalité, de la création de l’intime et du privé, de l’inégalité maintenue, du commerce, de la vente et de la marchandise, des contrats dont les contrats sexuels, de la prostitution…



Du temps. « On disait : « elles consentent » ; on dira maintenant : « je consens ». »



Les défauts du consentement



« L’acte de consentir n’a pas supprimé la dissymétrie entre hommes et femmes ».



Le contrat parle de réciprocité, nullement d’égalité, sans oublier la prégnance de l’économie.



Geneviève Fraisse souligne aussi des éléments de négativité du consentement : « acte de soumission, attitude de renoncement : toute adhésion n’est pas enthousiasmante ». Pourrait-il en être autrement, dans une société structurée par des rapports sociaux asymétriques, des rapports de domination ?



L’auteure discute aussi du contrat conjugal. Sur ce point, je rappelle que dans ce contrat, « le devoir conjugal », forme de viol socialement valorisée, n’a été aboli que très récemment dans la législation et que le viol conjugal est aujourd’hui considéré comme un crime. Parler de contrat conjugal implique aussi de parler de la société.



Geneviève Fraisse traite, entre autres, de la loi, de l’exigence démocratique, de la soumission, des normes hiérarchisantes, de la domination masculine.



« Céder n’est pas consentir ». Distinction, intériorité et distance critique. « Reste alors l’image d’un événement, d’une décision qui peut faire rupture ; et celle d’une stratégie de résistance et, pourquoi pas, de subversion ».



J’ai particulièrement apprécié les analyses autour de « L’anatomie politique » de Nicole-Claude Mathieu, de la dispute avec Maurice Godelier, de la prise en compte de la violence, de la contrainte, de l’inscription historique, de la notion de collaboration, sans oublier la subjectivité de la/du dominé-e. J’espère revenir prochainement sur ce sujet, suite à la réédition de ce livre par les éditions iXe.



Individu-e, individu-e social-e, groupe social. « La question est alors ainsi posée : soit le consentement est une conscience capable de décider de son degré d’adhésion ou de refus ; soit la conscience est empêchée par des obstacles matérialisés hors d’elle ». La/le sujet est toujours sujet dans des rapports de domination. « l’argument du consentement des dominés est un énoncé qui ne saurait faire preuve ». Un autre débat pourrait avoir lieu sur la notion de conscience.



L’auteur parle aussi du contrat, de sa fiction, de l’implicite, du consensus, du mélange subtil de chaque être…



Les ambitions du consentement



« Aujourd’hui, l’argument du consentement sert à une revendication à la fois privée et politique, plus encore, intime et politique ».



Geneviève Fraisse revient sur le viol, les soupçons pesant sur la personne violée, de l’invention de son éventuel consentement. Elle traite, entre autres, de la capacité politique, de l’éthique du consentement, du choix, de la liberté, de la volonté individuelle, de l’égalité sexuelle, du pouvoir, de la violence, etc…



Accord, acceptation, consentement. La contradiction est dans le mot même de consentement.



L’auteure parle aussi d’absence d’utopie, des principes, et non des normes d’égalité et de liberté, de transformation de la société, de l’histoire en train de se faire. Elle discute des positions de Judith Butler.



Elle propose de « renoncer à la réflexion sur le même et l’autre, et surtout abandonner ce modèle qui organise le rapport entre identité et altérité ». Elle parle de sujet et d’objet, de processus d’émancipation, de contradiction, d’utopie…



Je pense qu’il serait possible d’aborder ces sujets en termes de réponses politiques, d’actualisation de l’universalisme abstrait par de propositions pour avancer dans l’égalité concrète. Sans abandonner l’idée d’émancipation radicale.



Misère du consentement



Individualisme contemporain, lien entre individu-e et collectif. « Et pourtant, cette figure n’est porteuse d’aucun rêve ».



Geneviève Fraisse écrit : « Je ne suis pas convaincue qu’il puisse exister une politique du consentement. Plus exactement, je ne pense pas que le consentement soit un argument politique susceptible de trouver place dans un nouvel imaginaire ». Elle parle aussi de corps, de frontière, de politique sans histoire…



« C’est pourquoi, parce qu’il n’y a du corps, parce qu’il n’y a pas d’histoire et que la frontière est problématique, je pense qu’aucune politique du consentement ne peut s’énoncer comme telle »



Un livre qui en dit plus qu’il ne semble. Non seulement à cause de la méthode d’exposition, mais aussi, par le souffle vers l’émancipation qui l’anime.



«… j’ai une dernière idée : le refus, le désaccord, la contradiction, l’opposition, toutes ces formes pour dire « non », ne sont-elles pas des pistes à découvrir ? Quel est ce temps où dire « non » semble de peu d’intérêt, et où dire « oui » à la hiérarchie sexuelle devrait nous enthousiasmer ? »
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Féminin Masculin : Mythes et idéologies

Voici un petit livre épatant entièrement consacré à la "condition féminine". Court, facile à lire, précis, sérieux, dépourvu d'esprit polémique, il fait rapidement le tour de la question. Tout au long de brefs chapitres, on prend connaissance des avis d'une philosophe, d'un anthropologue, d'une sociologue, d'un paléontologue, etc… Toutes les études présentées montrent que les mythes et les préjugés concernant la gent féminine (ici, ou ailleurs) reposent en fait sur une base culturelle et subjective sans fondement sérieux. Un exposé montre, par exemple, que le critère des chromosomes sexuels (XY et XX, ces derniers étant souvent présentés comme "par défaut") ne distingue pas d'une manière indiscutable les hommes et les femmes. Un autre chapitre date l'inégalité entre les sexes au Néolithique: elle ne serait donc pas "naturelle", contrairement à ce qui se dit. Mais ce qui m'a le plus frappé, c'est l'exposé qui montre l'apport des neurosciences au sujet des différences entre les sexes. D'une façon générale, 10 % des connexions neuronales sont présentes à la naissance des petits d'homme et tout le reste se met en place ensuite, par l'éducation, par l'apprentissage, par l'influence sociétale, par le vécu personnel de l'individu, etc... Ces connexions neuronales sont a priori évolutives - sauf si les pressions exercées sont fortes et permanentes. Dans ces conditions, une société patriarcale, conservatrice en matière de moeurs, n'a aucun mal à figer les comportements individuels et empêcher toute évolution dans la place de la femme. Toutefois, sur ce point, il ne suffirait pas de "faire la leçon" (politiquement correcte) à d'autres pays, il faut commencer par balayer devant sa porte...



Cet ouvrage collectif a prêché un "convaincu". En effet, je suis progressiste en matière de moeurs, je ne suis pas du tout irrité par la question du genre (qui fait grincer tant de dents, y compris en France) et j'ai toujours pensé que, d'une manière très générale, les influences de l'acquis dépassent – de loin – celles de l'inné. Ainsi, "Féminin/masculin" apporte de l'eau à mon moulin et j'en suis très satisfait. Je recommanderai donc ce livre (il n'est pas trop ancien, puisque sa première édition date de 2006).

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Féminin Masculin : Mythes et idéologies

Les idées reçues et les préjugés ont la vie dure. La tentation est toujours présente, même chez les scientifiques, de mettre en avant des raisons « naturelles » pour expliquer ou fonder les différences entre les sexes, pour justifier les inégalités sociales et la domination des femmes par les hommes.



L’ambition de ce livre, où se croisent les contributions en sciences humaines et en sciences « dures » est de « débusquer l’idéologie naturaliste » et de ne pas « évacuer les raisons sociales et culturelles aux inégalités entre sexe » de penser l’historicité de l’être humain, de cerner des « complexités » trop souvent caricaturées.



Genviève Fraisse souligne l’usage de la notion de « condition féminine », «évitant que s’entende le mot sexe, trop provocateur ; écartant l’idéologie féministe censée pervertir toute réflexion théorique ».



Maurice Godelier présente la construction mythologique de la domination masculine à travers l’exemple des Baruya, une tribu de la Papousie Nouvelle Guinée (Voir son très beau livre « La production des grands Hommes » chez Fayard). Chez les Baruya « l’appropriation du corps des femmes par les hommes constituait le fondement de la production et de la reproduction de leurs rapports de parenté », « Les femmes représentaient la créativité mais aussi le désordre .»



Evelyne Peyre expose les problématiques autour de l’identification du sexe des os, du dilemme entre marcher et procréer « primauté du cerveau sur le sexe », de la variabilité individuelle et de la place du sexe social (le genre).



Catherine Vidal analyse les idées reçues sur les différences cérébrales et hormonales entre les sexes. Elle souligne l’importance de l’acquis sur l’inné et nous rappelle que « l’idéologie du déterminisme biologique revient en force dans un pays – USA – où les milieux fondamentalistes ultra-libéraux militent contre l’intervention de l’État dans les programmes d’éducation et de lutte contre les discriminations entre le sexes. »



Gaid Le Maner-Idrissi interroge « Comment devient-on un garçon ou une fille de sa culture ? » et le triptyque biologie, société et individu. Si la donnée première de l’identité est biologique, la construction de l’identité sexuée dépend de l’environnement social et de l’implication de l’enfant. La place des apprentissages dès le plus jeune âge est décryptée.



« Comment devient-on femme ou homme ? » Joelle Wiels souligne les biais idéologiques et politiques qui parasitent les questionnements « toutes les questions ne sont pas posées ou, pour le moins, les réponses à certaines questions semblent plus prioritaires que d’autres ! » A travers une étude sur la typologie des chromosomes sexuels, l’auteure déduit que « le sexe biologique est une entité complexe et variable, qui ne justifie pas vraiment que l’on considère l’espèce humaine comme parfaitement dimorphique. » La différence des sexes est une chimère résistante.



Catherine Marry présentent des variations sociologiques sur le sexe des métiers en soulignant particulièrement le déni de qualification des femmes. Elle s’interroge sur la possibilité d’une féminisation d’un métier sans ségrégation à travers l’exemple de la police française. L’auteure conclue sur les hommes absents « La difficulté à penser les hommes et le masculin comme un groupe et non comme une catégorie universelle. »



Pascal Picq déconstruit le mythe de l’éternel féminin en paléoanthropologie et en préhistoire. Histoires de Chimpanzés et de Bonobos, révolution néolithique…. « Plus qu’un fait de nature, l’idéologie de la domination masculine, comme l’éternel féminin, procède de la culture, donc de l’Histoire. »



Un ouvrage simple d’accès, pour des réflexions sur les fondements de nos identités de femmes ou d’hommes historiquement situés.
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Féminin Masculin : Mythes et idéologies

Mythes et idéologies ne touchent pas uniquement l'homme et la femme de la rue mais aussi les scientifiques, tous sexes confondus. Et pourquoi ? Parce que longtemps les hommes eurent le monopole incontesté et incontestable des sciences, et que les femmes y sont encore souvent minoritaires, surtout dans les sciences dites dures.

Que montre tous les chercheurs réunis ici ? Que les différences hommes/femmes, lorsque l'on sort de la simple biologie, est construite. Le paléoanthropologue Pascal Picq part du principe que les représentations homme=chasse et femme=cueillette et maternité ne sont pas aussi simple et qu'elles dépendaient beaucoup des conditions géographiques et matérielles ; et que la répartition sociale telle que nous la connaissons est apparue au Néolithique avec l'agriculture. La généticienne Joëlle Wiels montre que même la génétique n'échappe pas aux stéréotypes : pendant longtemps Y est celui qui détermine le sexe ; s'il n'apparait pas par un effort supplémentaire de l'organisme, c'est une fille. Attention spoiler : Non, c'est bien plus compliqué et encore mystérieux que cela (surpris/e, hein).

Sans parler des rôles sociaux dont les très jeunes enfants sont imprégnés jeunes, et des métiers d'hommes et ceux des femmes.

Même si bien sûr il y a des nuances et des mouvements dans les assignations, ce petit livre d'articles accessibles est toujours une source de réflexion sur ce qui est accepté et considéré comme normal, voire "existant depuis la nuit des temps". Mais quand ça bouge aujourd'hui, ça a peut-être bougé déjà avant, non ?
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Féminisme et philosophie

Geneviève Fraisse a choisi le rôle de « colporteuse » pour se présenter et présenter son travail. Elle explique qu’" il n’y a pas de lieu fixe, pas de point de départ assuré et pas d’espace déjà donné à l’objet sexe/genre dans la pensée instituée ". Cet ouvrage est un recueil de "textes divers reproduis pour la plupart intégralement afin de respecter leur cohérence et leur temporalité". L'essai présente l'évolution de la pensée féministe à travers plusieurs modes de pensée à diverses époque. L'ouvrage est divisé en trois parties qui apportent chacune un éclairage différent : "Épistémologie politique", "Corps collectif" et " l'épreuve de l'histoire".



Cet essai est le premier que j'ai lu sur un sujet qui me parle et me touche. Je pense que tout le monde devrait lire cet ouvrage, homme ou femme (ou qui ne se définit pas) pour comprendre à partir de quand le combat de la femme a commencé et se rendre compte du chemin parcouru et de celui à parcourir.



On rencontre dans cet ouvrage des héroïnes. Il est important de mettre en valeur les ces femmes extraordinaires (tout autant que les hommes). J'ai pris beaucoup de notes pour continuer à travailler sur ma pensée féministe. Cet ouvrage est pour moi une référence et permet de continuer notre réflexion. Je pense m'y replonger régulièrement et développer ainsi une pensée féministe cohérente.
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Féminisme et philosophie

Ce livre fut exaltant et riche en nouvelles connaissances. Il donne cette force et cette envie d’atteindre cette égalité des sexes. Je redécouvre le féminisme ou, du moins, je le découvre sous l’opinion d’une philosophe qui nous montre un tout autre point de vue.

Toutefois, je manque de mots et, sûrement, d’un esprit critique approfondi pour réellement comprendre l’impact des paroles de Geneviève. « Le sexisme comme disqualification »

J’ai été surprise de découvrir que ce n’est pas en mettant en avant les stéréotypes présents dans la société, ceux dénigrant la femme, qui allait faire changer les choses. Il faut créer « autre chose » pour que le regard se détache des stéréotypes. En effet, en y faisant sans cesse référence, cela renforce les propos sexistes et stéréotypés. « Est-ce qu’on veut dénoncer ou est-ce qu’on veut construire ? « 



C’est l’émancipation des femmes, sur tous les points de vue : contrat social, droit de divorce, droit de travail, droit de vote, IVG, contraceptions… C’est la découverte de l’ampleur de l’affaire MeToo…

Et c’est aussi la découverte de nombreuses femmes, qui ont mis en avant leurs convictions : le peuple, la condition des femmes et/ou des opprimés, l’émancipation, l’égalité entre les sexes, la mixité, les droits et le travail pour les femmes etc…

À jamais : « l’autonomie économique est la condition de la liberté »



« Quel malheur que d’être une femme, et pourtant le pire malheur quand on est une femme, est au fond de ne pas comprendre que c’en est un »

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Féminisme et philosophie

Dans cet essai, Geneviève Fraisse se défini comme "colporteuse", son objectif est de nous rapporter des faits, des théories, des pensées, des textes, abordant, de près ou de loin la question des femmes et du féminisme.

Tantôt historienne, tantôt philosophe, elle découpe son ouvrage en 3 parties : épistémologie politique, corps collectif et l'épreuve de l'histoire. Au fil de ses réflexions, elle revient également sur sa propre vie et son parcours, qui ont forgé sa pensé féministe.

Cet essai très complet et exhaustif peut constituer un ouvrage de référence, pour qui souhaiterait développer ses réflexions autour du féminisme. Le ton est assez neutre, peu véhément mais direct et objectif.

Je n'ai malheureusement que peu apprécier ma lecture, je n'étais pas dans une démarche d'étude approfondie et j'ai dû m'accrocher pour avancer. Je conseillerai de lire ce livre uniquement dans un cadre de recherche ou d'étude sérieuse du sujet, au risque de décrocher rapidement.

Ce livre a été lu dans le cadre d'un masse critique de Babelio.
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Féminisme et philosophie

Les mots subversifs de l’émancipation de toustes et de chacune



« Alors le concept, outil de compréhensions donne à la fois le relatif d’un moment donné, et l’absolu de l’exigence d’abstraction »



La reprise avec de petites introductions de textes publiés depuis le début des année 2010. Une invitation à déambuler à la lumière rougeoyante de l’égalité et de l’émancipation. « La colporteuse emprunte le chemin de l’Histoire tout en offrant à qui voudra ce que les événements et les conflits lui ont permis de penser »…



Je choisis subjectivement de mettre l’accent sur les petites introductions de chaque chapitre et quelques analyses. Certains textes proposés sont disponibles, grâce à l’aimable autorisation de l’amie colporteuse, sur ce blog.



En introduction de la première partie, Epistémologie politique, Geneviève Fraisse aborde la question sexe/genre, « cet objet de pensée échappe sans cesse à la sérénité académique », l’espace susceptible de constructions progressives, « L’histoire est un laboratoire où s’élaborent des rêves et des stratégies », les possibles de la pensée féministe, la provenance choisie plutôt que la généalogie, la confrontation de la démocratie et de la république à la différence des sexes, les contradictions (l’autrice utilise ce mot au singulier), « Je propose donc d’« habiter » cette contradiction », la rupture de 68 et l’invisibilité de l’oppression des femmes, l’envahissement de l’espace public par le mouvement de libération des femmes, la temporalité et les contretemps, la reprise d’un fil historique et non l’invention de l’histoire, la pluridisciplinarité, le champ de la pensée…



L’autrice discute, entre autres, d’épistémologie, de construction et de morceaux épars du savoir, de fabrication de l’intelligibilité, d’inscription de la pensée féministe dans un cadre universel, de tensions stratégiques et de leurs conséquences théoriques, de service domestique et de la place du service en démocratie, de démocratie exclusive, « comment la rupture révolutionnaire permet et empêche la pensée de l’égalité des sexes », des deux gouvernements « civil et domestique », d’articulation (terme préférable à conciliation) entre vie privée et professionnelle, de parité, « vraie en pratique et fausse en théorie », de la différence des sexe comme « catégorie vide », de l’opérateur égalité, du fonctionnement social et historique de la sexuation, de la nudité se faisant politique, du mot émancipation, « L’émancipation est un espace complexe et éventuellement contradictoire », de la contiguïté des révoltes, de construction et reconstruction, d’histoire, du pour toutes et du pour chacune…



Je souligne le chapitre sur Le contrat sexuel, le travail de Carole Pateman (voir son introduction au livre de celle-ci, lien proposé en fin de note), « Le contrat de mariage est un contrat de travail mais l’épouse n’est pas un travailleur. Car la subordination des femmes est une condition et non une conséquence, du contrat de mariage », l’histoire des femmes à contretemps, l’insistance sur « les sexes font l’histoire », la ritournelle faussement explicative de la division nature/culture, la philosophie et le statut refusé aux femmes, le mot sexe que certain·es dissolvent dans le genre, l’historicité des sexes et la sexuation du monde, le caché et le non pensé…







En introduction de la seconde partie, Corps collectif, Geneviève Fraisse revient sur la question du corps depuis trois siècles, le corps politique, « Ce siècle, le XXIe, parle du corps politique, c’est-à-dire du corps collectif, de cet impensé du contrat social et de nos démocraties », le corps mis à disposition, « Le corps était à disposition de l’autre sexe, comme bien, comme sexe », la dénonciation de l’usage de leur corps par des femmes, « La mise en commun d’expériences de violation produisit une parole collective publique », du corps comme reconnaissance d’une évidence physique et « forcément humaine »…



Geneviève Fraisse parle du non-dit de la propriété du corps des femmes, de concept et non de catégorie, de l’inégalité des sexes, « Pense-t-on sérieusement que la subversion des sexualités va détruire l’inégalité économique entre les sexes ? », de politique et donc de controverses…



Je souligne les textes sur l’affaire Weinstein, #MeToo, la jouissance du pouvoir, les femmes faisant corps, les révoltes, l’autonomie économique comme condition de la liberté, la prise parole de femmes, la peur de l’égalité des sexes, les débats biaisés autour du puritanisme et du libertinage, le concept « égalité », le nouset le je féministe, « Le féminisme dit « nous », sans oublier le « je » ; car il est le lieu d’expressions, de formulations et de rêves », le formel et le réel, le corps, « Alors les corps, comme corps collectif, se rebellent et se remettent au centre de la question démocratique », la lucidité propre à un à-venir, la réduction du genreà des identités sexuelles, les démocrates sexistes, « Mais la révolution Me Too, un événement historique, a brutalement mis en lumière les violences faites au corps collectif des femmes »…



En introduction de la troisième partie, L’épreuve de l’histoire, Geneviève Fraisse discute de l’actualité et de ce qu’elle donne à penser, d’histoire, du consentement, « le consentement est-il un argument politique ? », d’assentiment, de notions et de concepts, de disqualification et de discrimination, « Le sexisme ne se répare pas, comme on répare une injustice. Le sexisme est un système à détruire »…



L’histoire, l’absence de curiosité des historiens, les femmes tondues à la Libération, un angle mort des analyses, le sexe comme production d’histoire, « Cependant, à la simple échelle du phénomène des « femmes tondues », on comprend qu’il faut réfléchir à son impact dans notre modernité ; réfléchir aux frontières supposées par les pensées de l’époque contemporaine : amour ou prostitution, vie privée ou vie publique, pouvoir des hommes et dépendance des femmes, autonomie de l’individu ou appartenance familiale »…



L’autrice poursuit avec des femmes dans les révolutions, lla complémentarité comme exclusion de fait, le contretemps intrinsèque à l’histoire des femmes, la contradiction permanente entre l’émancipation des femmes et les autres émancipations, le gouvernement et la représentation, le déni et le désir, la grossesse, la réversibilité des droits des femmes, l’habeas corpus, le droit à l’avortement, la compassion papale et la sollicitude d’un présent tourné vers l’avenir, l’expérience individuelle et collective du harcèlement sexuel, « Colère des agressée et, surtout, indication que la domination masculine d’invisible devient visible, trop visible », l’immense difficulté des femmes « à être des égales libres dans un monde d’hommes », l’effet contagieux de la parité politique, la disqualification, « Dans une croyance ou un discours, dans un geste ou un comportement sexistes on comprend que les êtres humains, notamment d’un sexe, ne sont pas de la même « qualité » », les domestiques restées dans l’angle mort de toutes les luttes, le « service » et la démocratie, « Comme la crasse des intérieurs, le sexe fait partie du domaine privé, qu’on (a voulu) veut toujours évacuer du politique »…



En introduction de la quatrième partie, Lignées et abeilles, Geneviève Fraisse revient sur des femmes de la Révolution de 1848. Elle développe l’idée de lignée, l’inscription de la continuité, la transmission du passé, ce qui fait signe vers le futur… puis de l’image des abeilles, de la réalité plurielle et collective du mouvement féministe, des actrices de l’histoire…



Une lignée. Olympe de Gouges, Germaine de Staël, Hélène de Montgeroult, Jeanne Deroin, Jenny d’Héricourt, Clémence Royer ,Julie-Victoire Daubié, Hubertine Auclert, Marguerite Thibert, Simone de Beauvoir…



Des abeilles. Lee Miller, Hanna Schygulla, Elisabeth de Fontenay, Claire Etcherelli, Françoise Pasquier, Françoise d’Eaubonne, Antoinette Fouque, Françoise Collin, Dominique Desanti, Simone Veil, Yvonne Knibiehler, et…



« Joëlle l’exigeante, rompue au nomadisme avec un instrument trop difficile à trimbaler ». Je suis personnellement touché par le choix de conclure sans conclure par un texte sur Joëlle Léandre, musicienne et contrebassiste (un certain nombre de ses disques sont chroniqués sous la rubrique jazz), « Joëlle l’impétueuse, entre torrent et murmure, éclat de voix, éclat de rire », la contrebasse, l’improvisation, l’aventurière des sons, « elle veut tout, interpréter, improviser, composer ; être savante et vulgaire, crier et chuchoter », une exemple de cette « singularité universelle »…
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Femmes toutes mains, Essai sur le service d..

Cet essai a été écrit dans les années 1970. La façon dont on perçoit l’employée de maison aujourd’hui a, en général, fort changé, heureusement. Mais ce qui est intéressant dans cet essai est l’historique des employés de maisons.

Avant 1789, la maison (riche) était une entreprise à elle seule, nécessitant valets, lingères, femmes de chambre, cochers, secrétaires, coiffeuses, cuisinières, que sais-je encore? Chacun avait une place définie, un métier précis.

Après, tout au long du 19ème siècle, ce qu’on appelait la bourgeoisie, c’est-à-dire ni le peuple ouvrier ou paysan, ni la noblesse terrienne, est devenue la classe la plus importante sans toutefois avoir les moyens des grandes maisons d’avant 1789. Les employés de maisons se sont retrouvés réduits à peu de personnes par maison, donc ils ont dû devenir polyvalents.

Ce qui voulait dire une plus grande charge de travail et un travail lui-même moins gratifiant, jusqu’à devenir quasi seulement la fameuse «bonne à tout faire». D’où les tiraillements entre employés et employeurs.

Et c’est là qu’on entre dans le vif du sujet, au début du 20ème siècle, car le problème se situe entre employée (femme) et employeuse (femme).

En effet, la femme est la servante du mari. Si elle n’a ni le temps ni les capacités pour accomplir toutes les tâches ménagères qui lui incombent, elle emploie une autre femme pour l’aider: «l’aide-ménagère». La femme du bourgeois doit être jolie et présentable en société, avoir de la conversation, savoir un peu de musique. Comment pourrait-elle en même temps abîmer ses mains aux lourds travaux ménagers de ce temps? Comment pourrait-elle se présenter à toute heure du jour avec une coiffure impeccable, tout en s’occupant des quatre enfants qu’elle doit fournir à la patrie?

Et le cercle vicieux se referme sur les femmes féministes qui, au début du 20ème siècle réclamaient des conditions de travail décentes pour les employées de maison. Mais faites donc le travail vous-mêmes! leur ont crié les hommes. C’est votre rôle!

Ainsi culpabilisées, les femmes se sont tues…. Jusqu’à ce que dans les années 1970, Benoîte Groult s’insurge: Les femmes sont victimes du devoir ménager et maternel qui les a toujours entravées pour obtenir un métier intéressant, victimes de la double journée de travail. Au nom de quoi faudrait-il les empêcher de se faire aider? Manipulation masculine: obligation de faire son métier de femme avant tout, moyen détourné de faire rentrer les femmes au foyer. Mépris pour le travail ménager, mépris exacerbé qui évite à l’homme de prendre conscience du nécessaire partage des tâches. Mépris pour celles qui s’y consacrent par goût ou par obligation. Les arguments s’additionnent et font enrager: l’employée de maison devient celle qui est nécessaire, de façon urgente, à la libération des autres. Elle est aussi celle qui fait tampon en attendant que les hommes changent…

Celles qui se font servir comme jadis, celles qui se font aider dans une maisonnée pleine d’enfants, celles qui font faire leur ménage pour s’assurer de bien rompre avec l’oppression traditionnelle, toutes sont bornées à leur situation individuelle. Elles ne sont ni coupables ni responsables, mais elles sont parties prenantes d’une situation bloquée (dans les années 1970, je le rappelle).

Quand cet essai est paru, on l’aura compris, les hommes, depuis la fin du 19ème siècle, renvoyaient dos à dos leurs femmes et leurs employées de maison pour régler leurs différents au sujet d’une affaire qui, pensaient-ils, ne les concernaient en rien: le ménage et la somme de travail et de temps que représente le fait de tenir une maison: enfants, ménage, etc…



Notes au hasard :



* 1791: la domesticité d’apparat est en partie masculine et mieux traitée que la domesticité féminine. Preuve: l’impôt sur le domestique homme est plus cher que celui sur la domestique femme.

1920, la taxe pour les hommes est double de celle pour les femmes.



* Au début du 19ème siècle, on proposait même qu’il n’y ait pas d’impôts quand on employait une domestique femme.

Ce qui veut dire que le travail de la femme est nécessaire, celui de l’homme superflu: on n’imagine bien la différences entre les tâches.



* 1973, jugement de divorce d’un tribunal anglais:

Les biens communs des époux ont été divisés:

2/3 au mari, 1/3 à la femme.

Motif: le mari est plus désavantagé par le divorce, car il devra désormais employer quelqu’un pour tenir sa maison!



* 1900, l’enseignement ménager:

Formation professionnelle en vue d’un travail salarié ou éducation générale de la femme, future épouse et mère?

Les deux: la femme au foyer doit croire qu’être ménagère n’est pas qu’une condition mais une profession, et la future domestique doit comprendre que ce travail colle à sa nature de femme.


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La fabrique du féminisme. Textes et entretiens

La Fabrique du féminisme est un recueil d’entretiens et de textes écrits par Gisèle Fraisse pendant les quatre dernières décennies. Philosophe et historienne impliquée dans la vie politique, elle mêle ses recherches et son expérience pratique. Le champ de ses interrogations est assez large, avec tout de même des thèmes récurrents, tels les questions linguistiques de féminisation des noms de métier et d’utilisation du terme « genre », la notion de service, la disparition d’enjeux essentiellement féminins derrière l’emploi d’expressions neutres, la parité versus l’égalité, le rôle de l’Union Européenne, l’approche nécessairement transversale – de son point de vue – du féminisme…



Cette récurrence permet certes une plus grande familiarisation avec ces sujets parfois sensibles et pointus, mais apporte dans le même temps une répétition un peu trop répétitivement répétitive. Il est normal qu’une auteure rédige plusieurs articles sur un même sujet, mais est-il alors nécessaire de tous les publier dans le même recueil ?



Outre ceci l’organisation chronologique des papiers permet de bien appréhender ces sujets dans une approche historique, qui situe les enjeux des différentes périodes – courtes, puisque l’on parle d’une quarantaine d’années, mais entre 1970 et 2010 les revendications et interrogations féministes ont beaucoup évolué.



À l’évidence, l’auteure manie bien mieux que moi les concepts, et je ne saisis sûrement pas toutes les nuances de son propos. Mais j’en ai assez compris pour être à peu près sûre que je ne suis pas en totale symbiose avec son approche de la question féminine et féministe. Reste que cette lecture a été instructive et se présente essentiellement comme un témoignage – ou du moins, j’ai choisi de l’aborder de cette manière pour y trouver un vrai sens.
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La fabrique du féminisme. Textes et entretiens

« Les plus extravagants assurent que mes ouvrages ne m’appartiennent pas, qu’il y a trop d’énergie et de connaissance des lois dans mes écrits pour qu’ils soient le travail d’une femme » Olympe de Gouges (citation de l’auteure)



Je ne saurait faire une analyse détaillée de l’ensemble de ces textes « au long court », articles et entretiens publiés entre 1975 et 2011. Mais à travers quelques réflexions et citations de l’auteure, inciter à (re)lire et poursuivre les débats autours des élaborations féministes.



Geneviève Fraisse propose trois conditions devenues nécessaires pour poursuivre l’investigation du « comment ça pense » : « la matérialité des discours, la dualité des sexes et la politique féministe ». Et l’auteure d’ajouter « ”Ça pense” est une affirmation polémique au regard de la méfiance renouvelée à l’encontre d’un féminisme réduit à l’hystérie ou à l’activisme »



L’ouvrage est découpé en quatre parties :



La rue et la bibliothèque (1976-1984)



L’historicité des sexes (1984-1997)



Intellectuelle spécifique (1997-2004)



Critiques et synthèses (2004-2011).



Dans le premier texte choisi de 1976, Geneviève Fraisse écrit « Les femmes se retrouvent souvent dans un paragraphe ou dans un chapitre : or, nous, nous voulons un livre, non plus pour souligner nos rôles ou nos vies, mais parce que l’histoire des femmes, ce n’est pas compléter un savoir mais le mettre en cause. ». Près de quarante ans après, la proposition reste d’actualité. En ce début de XXIème, combien de livres, en sciences dites sociales, où les femmes n’apparaissent pas, sont donc rendues invisibles, sont neutralisées « Personne ne l’ignore mais le neutre (masculin), censé les représenter, n’est malheureusement pas crédible », ou mesquinement traitées dans un petit paragraphe ? Surdité, avez-vous dit ?



J’ai particulièrement été intéressé par les analyses de l’auteur autour de l’histoire, de l’historicité, à commencer par « on ne se réapproprie rien tant qu’on vit encore l’incertitude du mouvement aujourd’hui » et le rappel de 1848 « On a bien assisté à une explosion du féminisme en pleine révolution de 1848 ! » (Voir l’indispensable ouvrage de Maurizio Gribaudi et Michèle Riot-Sarcey : 1848 la révolution oubliée (Réédition La Découverte poche, Paris 2009)

Plus généralement l’auteure explicite sa démarche sur cette dimension. « Entre ce vide conceptuel de la philosophie (qui n’est pas, bien entendu, une absence de pensée), l’anhistoricité des représentations traditionnelles du sexe et de la sexualité, et la promesse de l’histoire contemporaine, j’imaginais, puis j’affirmais que l’hypothèse de l’historicité ouvrait une perspective nouvelle ; et ce doublement : en rendant possible une lecture des philosophes et de leur traitement de la question des sexes ; en déjouant la facticité, l’empiricité infrathéorique qui fait qu’aujourd’hui encore toutes les recherches sur les femmes n’ont pas modifié l’a priori (le préjugé) contre la conceptualisation de la différence sexuelle ». Oui l’histoire est sexuée et « Le travail de construction de l’aporie passe par la reconnaissance du conflit ».



Je souligne aussi les pages autour de la soit disant nature, sur la différence entre gouverner et représenter, la double morale, les rapports entre égalité « L’égalité n’existe pas sans preuves tangibles et concrètes » et liberté « il faut penser la liberté en plus de l’égalité », la parité « La parité est vrai en pratique et fausse en théorie », le consentement « Question : que ceux qui connaissent la frontière entre liberté et contrainte, entre liberté intime et liberté sociale, me l’expliquent », la domination masculine « Si l’on veut vraiment mettre en cause la domination masculine, il faut la traiter comme un continuum, comme un système qui ne fonctionne que parce que c’est un puzzle dont on ne connaît pas le dessin et dont les morceaux sont épars », l’universel et la question des sexes « En fait, il faut penser l’universel avec la question des sexes. Les sexes ne sont pas un obstacle, c’est ce avec quoi on peut penser ; ce n’est pas une question contingente, anecdotique, juste bonne pour les sciences physiques et la psychanalyse. J’ai envie de dire : ne faites pas comme s’il n’y avait rien à voir. »



Je reprends un exemple de l’auteur pour montrer les implications des choix de vocabulaire « Mieux vaux dire ”famille monoparentale” que ”mère célibataire”, mais avec la conséquence, inéluctable, qu’on perd de vue la proportion, massive, de femmes concernées. C’est comme un tour de passe-passe où le catégoriel stigmatise et où le général masque le problème »



L’apport est considérable « je dois pouvoir a posteriori avoir déplacé quelque chose chez le lecteur et l’auditeur ». Et, personnellement, c’est sur des points où mes divergences avec l’auteure sont les plus importants, que j’ai trouvé matière à réflexion, à reformulation, à élargissement des compréhensions. « La fabrique du féminisme, affirmer ”ça pense”, implique autant les sujets, individuels et collectifs, que les lieux, les espaces, les situations ».



Une mise en perspective très utile. « Il ne suffit pas de prendre le recto d’une page pour faire disparaître son verso », sans oublier que « L’égalité, cela s’impose par des rapports de forces, par des voies, par des issues à des conflits, etc. mais de toute façon cela s’impose ».



Pour terminer, cette affiche du Planning familial de Marseille, citée par Geneviève Fraisse, « où un homme disait : ”Ah, j’aimerais partir dans un pays où je ne vais jamais” et la femme lui répondait : ”Viens donc dans la cuisine !” »



En complément, je propose le beau texte, le « sans conclure » de l’auteure au Le féminisme à l’épreuve des mutations géopolitiques(Sousla direction de Françoise Picq et Martine Storti, Editions iXe, 2012)
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La fabrique du féminisme. Textes et entretiens

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La sexuation du monde : Réflexions sur l'émanci..

En ces temps où la question des femmes est mise à toutes les sauces pour des intérêts électoraux, ce recueil de réflexions d’une des plus éminentes spécialistes des recherches féministes nous apporte de quoi remettre les rapports sociaux de sexe dans un cadre réflexif stimulant. Geneviève Fraisse nous propose ainsi de penser réellement l’égalité des sexes et, à travers l’histoire, d’interroger certains concepts jusqu’à leur difficile mise en oeuvre.
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La sexuation du monde : Réflexions sur l'émanci..

Challenge ABC 2017-2018

24/26



C'est un recueil d'articles, lucides sur ce qu'est réellement la libération, ou l'émancipation des femmes aujourd'hui. Et surtout les contradictions qui accompagnent depuis la Révolution française l'égalité. Oui à l'égalité, mais celle des sexes... Du coup, exclusion des femmes mais sans réellement le dire... Ce qui leur permet de revenir, en se glissant dans les interstices Mais cela ne profite qu'à certaines, celles qui savent, qui sont éduquées Heureusement, le 19è siècle, puis le 20è, malgré des atermoiements, viennent apporter l'éducation à tous et toutes.

Et pourtant, les femmes restent otages, à la fois de la politique et de l'histoire. Parce que le grand combat de Fraisse, c'est de remettre l'histoire des femmes dans une perspective historique, seul moyen pour elle de vraiment avancer dans les différentes luttes et de peut-être obtenir un événement qui fasse rupture, comme l'abolition de l'esclavage ou le suffrage (vraiment) universel. Otage du politique parce qu'il y a toujours quelque chose de plus important à combattre, de plus urgent.

La deuxième partie (un peu plus accessible) présente des femmes artistes et créatrices (y compris les philosophes Beauvoir et Weil), dans un changement de rapport à l'art. Elles ne sont plus uniquement muses, mais prennent le droit, transgressent les règles pour faire vivre elles aussi leur art. Ce n'est pas facile, on le sait avec certains couples d'artistes (les Fitzgerald) ou personnalités (comme Camille Claudel). Mais ces pionnières ont permis à leurs suiveuses d'oser (même si la parité tout ça...) Et enfin, l'émancipation en ce qui concerne la guerre : le tabou est levé, une femme peut tuer, et torturer, y compris sexuellement.

Attention, c'est du lourd ; je n'ai pas tout tout compris, il me manque des notions de philosophie. Ce n'est pas une critique, juste une mise en garde (ça vous évitera de vous dire : "trop facile, il est fin, ça me remplira l'aprem". Oui, en effet et quelques autres). C'est du lourd, et c'est une bonne chose . Surtout en ces temps où le féminisme est mis à toutes les sauces, que cela soit justifié ou non.
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La sexuation du monde : Réflexions sur l'émanci..

Il n’y a pas de « toust temps »…



Un recueil de textes sur les femmes citoyennes, les femmes artistes, les « quelques », les « toutes », les « chacune »…



Après la Révolution, « on rompt avec une idée de l’égalité des sexes qui se contenterait d’être possible grâce à la liberté d’un petit nombre. Dès lors, la rigueur mathématique s’applique en toute logique, par l’addition (toutes) et par le dénombrement (chacune). Seul le chiffre fait preuve, mot de comptable, disais-je au moment politique de la parité. Pourquoi, en effet, ne pas penser ainsi l’émancipation des femmes ? Cela va de soi qu’il est hors de question que le matérialisme comptable suffise ; simplement il est clair qu’il empêche de mentir ».



Libre déambulation et arrêts subjectifs parmi les textes, les idées fortes, les questionnements, loin de « l’optimisme progressiste » qui « se contente de ce principe de chance… sans faire de statistiques ». (Le « toust » du titre est volontaire). Une lecture intégrant d’autres livres et d’autres énoncés de l’auteure.



Politique, démocratie « exclusive » et non excluante, préjugé et non stéréotype, dérèglement, (« Dérégler, c’est s’introduire dans la machine existante pour lui faire exécuter une tâche autrement, ou pour la rendre inutilisable »), ce qui montre puis occulte, tabou de la sexualité, indécence de l’égalité des sexes, « Enoncer en toute rigueur l’égalité, c’est bien ; il faut, après, faire face à ses opposants. Trois « noeuds » problématiques, qui seront développés dans les textes ci-après, méritent alors notre attention dans le monde d’aujourd’hui : celui de la prévalence argumentative entre critique de la domination masculine et affirmation de l’émancipation égalitaire ; celui du croisement des catégories, exclues ou dominées, entre contiguïté des situations et contradictions des luttes ; celui de la mesure politique de l’égalité des sexes et de la liberté des femmes, transversale géopolitiquement »…



L’exigence d’égalité ne peut se compromettre dans des à-peu-près, « L’égalité ne souffre pas de limite, et son affirmation, « l’égalité des sexes », doit assumer toutes les conséquences pratiques, c’est à dire sociales et politiques, qu’elle entraine », retour sur Poulain de la Barre, confrontation avec les révolutionnaires masculins, « Expérience de l’égalité, mise en procès de l’inégalité, et constatation du danger encouru, peur des démocrates devant la subversion des femmes », ce qui fait histoire, les contradictions, un-e et multiple…



Déconstruire les préjugés, l’esprit libre, la charge contre l’émancipation des femmes au lendemain de la révolution française, le lien entre le civil et le domestique, Alexis de Tocqueville, Pierre-Joseph Proudhon, Jean Jacques Rousseau et son refus de faire entrer l’égalité dans la famille, « Or cette frontière, toujours racontée comme celle du privé et de l’intime (à distinguer évidement), doit toujours être désignée dans ce qu’elle a de politique ». La peur du démocrate masculin face au « pour toutes », la parole politique des femmes prise comme parole privée…



Je souligne particulièrement le texte Voir et savoir la contradiction des égalités.

« Reconnaitre les contradictions inhérentes aux pensées et pratiques dès qu’il s’agit de l’émancipation des femmes, mettre en lumière les outils conceptuels propres à penser le féminisme ».



Les rapports des femmes et des hommes, non pas « d’un lieu sans temporalité (« de tous temps »), donc sans histoire » mais bien situés car « La raison peut être comprise simplement : appartenir à l’histoire, c’est imaginer sa possible transformation, un demain différent d’aujourd’hui. C’est ainsi que ma seule ambition philosophique est de convaincre de l’historicité des sexes. Et la subversion, toute subversion en est la conséquence logique ». Histoire des sexes, sexuation du monde…



Les expériences, la généalogie de la pensée de l’égalité des sexes, la mauvaise foi et le déni, ne pas éluder les contradictions, « la domination subsiste à l’intérieur même des dynamiques d’émancipation. » et la contradiction sera « d’autant plus forte que la pensée révolutionnaire sera radicale », encore une fois les révolutionnaires hommes, Sylvain Maréchal et sa loi portant défense d’apprendre à lire aux femmes… Ne pas prendre à la légère le sens de ces positions (comme celles de ceux cités plus haut), « Suggérer qu’un texte ne doit pas être lu au premier degré consiste à neutraliser sa valeur offensive »1 et relier cela à leurs conceptions, forcément émoussées, de l’émancipation. Nous n’en avons pas fini aux limites « internes » posées par les démocrates hommes.



Critiques des catégories, des images, « les images ne sont pas des « en soi » », des identités, des stéréotypes… poser, encore et toujours, la question de l’historicité…



Nommer, expliquer, formuler, contre la ritournelle (voir plus bas).



La dualité sexuelle comme « catégorie vide », les sexes ne sont pas « hors du temps politique »…



Emancipation, domination, Jacques Rancière, « lorsque l’émancipation, la subversion se pratique, et prend corps », la réalité de la domination masculine, « la localiser, la visualiser, la rendre visible », la Révolution française et la « démocratie exclusive », Olympes de Gouges et sa Déclaration des droits de la femme, « ces droits-là ne vont pas de soi, que, justement, les femmes auront l’échafaud plus que la tribune », les corps et l’émancipation, « « Connaître » la domination, c’est accepter la contradiction, avec le plus proche »…



Sur le texte « La commune mesure : le MLF a 40 ans », j’avais antérieurement indiqué dans ma note de lecture de Le féminisme à l’épreuve des mutations géopolitiques (Sous la direction de Françoise Picq et Martine Storti)que Geneviève Fraisse souligne les liens entre « d’une part l’idée de radicalité, d’autre part celle de subversion » et incitait à « ne pas cliver les analyses de la domination et celles de l’émancipation ». Dans cette « conclusion », elle « propose quatre thèmes qui nous serviront de repères : la temporalité et l’historicité, la mesure et la démesure, la marchandise et sa représentation, l’un et le multiple ». Geneviève Fraisse indique aussi « Il me semble que nous nous sommes trop peu situées, pendant ces deux jours, face à l’analyse de la domination ». Et en effet, pour certaines contributions, le manque de contextualisation ou d’historicisation, entraîne des présentations euro-centrées, drapées dans un universalisme un peu rabougri.



L’auteure évoque aussi la ritournelle « La ritournelle c’est comme refrain, en pire. Il est en effet frappant de voir à quel point, les stratégies de domination, comme celles d’émancipation, se réfugient dans la répétition argumentative, idéologique… Reconnaître l’historicité, c’est avant tout lutter contre l’atemporalité, toujours supposée, du rapport des sexes. »



Geneviève Fraisse note, entre autres « nous avons acquis des droits et nous savons qu’ils sont réversibles », « nous sommes devenues des sujets sans cesse d’être des objets », « il faut non pas dénoncer, mais désigner les deux repères du rapport au réel, la marchandisation et la fétichisme de la marchandise », « L’universel n’est pas une essence, et il n’est pas non plus, comme d’aucun-e-s le pensent, une norme », « Rabattre l’universel sur une norme, c’est œuvrer à une dépolitisation »…



Je souligne, aujourd’hui, particulièrement ce dernier paragraphe fait de citations.



Dans la seconde partie de l’ouvrage « Pour chacune », Genevieve Fraisse aborde, entre autres, le « dérèglement de la tradition », la subversion comme déplacement, la nudité, le geste d’élaboration, la conscience d’agir, le libre droit « à l’expression artistique, à la jouissance existentielle », la copie, l’accession à la vérité, le pluriel et l’individuel, l’universel et le singulier, la sculpture, le bavardage et la causette, l’aiguille de la couturière et le pinceau de l’artiste masculin, « Comme à chaque avancée d’égalité, on se méfie alors beaucoup de l’indépendance des femmes qui pourrait en découler », le dehors et le dedans, Camille Claudel, Simone de Beauvoir, les « femmes divisées », les livres, le « travail d’auto-effacement des femmes comme actrices de l’histoire ».



Des questions essentielles, l’historicité, les contradictions, le dérèglement, l’égalité, les mesures de l’émancipation des femmes, le droit et la jouissance revendiquée, pour toutes et pour chacune… Des repères à partager.



L’égalité « ne peut être fractionnée par un adjectif restrictif ou par une limite à sa mise en pratique ».



Sommaire :



Introduction : Toutes et chacune



PARTIE I – POUR TOUTES



Chapitre 1 : Poulain de la Barre, un logicien de l’égalité – temps du préjugé et sexe de l’esprit



Chapitre 2 : Rousseau, et les « moitiés » de la République



Chapitre 3 : Voir et savoir la contradiction des égalités



Chapitre 4 : Emancipation versus domination – lecture de Jacques Rancière



Chapitre 5 : La commune mesure : le MLF a 40 ans



PARTIE II – POUR CHACUNE



Chapitre 6 : le dérèglement des représentations



Chapitre 7 : La sculptrice à l’oeuvre au XIXe siècle (extrait)



Chapitre 8 : Causer ou bavarder, à deux et à plusieurs, à propos d’un tableau de Vuillard



Chapitre 9 : Simone de Beauvoir : étude, souffrance, jouissance



Chapitre 10 : Simone de Beauvoir, Simone Weil, Simone Fraisse – le temps historique de la pensée des femmes



Chapitre 11 : Conversation entre Marwa Arsanios et Geneviève Fraisse
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La suite de l'histoire

Le modèle redevenu sujet, l’égalité et la création



Des créatrices, malgré les interdits, « des préjugés et des imaginaires apeurés quant à la liberté de créer, jouissance des femmes toujours en suspens », les philosophes, les penseurs de la politique ou les écrivains…



« Pour Louise Bourgeois, il faut remonter le temps. Remonter le temps, c’est indiquer des provenances, des lieux antérieurs, anciens, qui font sens ; ou plutôt non, qui font signe. Ces lieux ne sont pas des points de d’origine, des lieux de commencements, simplement des points de repère nécessaires parce que pertinents. Désigner la provenance permet de se fabriquer une lignée. Ce que j’aime, dans l’idée de lignée, c’est le désir qu’elle porte de s’adosser à l’Histoire, avec un sentiment d’appartenance au monde ».



En adresse, Geneviève Fraisse évoque certaines femmes… pour montrer « la complexité du lieu où l’on part pour s’émanciper, pour créer par soi-même »…



« Ceci n’est pas de l’histoire, ceci n’est pas exhaustif, ceci est une traversée de questions liées à l’art et aux artistes femmes à l’ère démocratique, de l’après Révolution française à aujourd’hui »



En préambule, Geneviève Fraisse aborde l’exception et la règle, la lignée, « La lignée de femmes choisies est une image plurielle et essentielle, car elle offre des repères tout en semant des graines. Fabriquer sa lignée, tel est mon objectif, objectif que je souhaite partager », l’accès à la culture, la reconnaissance et l’inclusivité, des femmes « qui furent, malgré leurs productions artistiques, oubliées, effacées », la visibilité, « il est bien question de les intégrer dans la continuité de l’histoire de l’art ; et pas seulement comme des femmes « extraordinaires » », la symbolique masculine, l’égalité, l’émancipation…



L’autrice identifie quatre disputes récurrentes au long des deux siècles précédents :



« * L’injonction à ne pas quitter la place de muse au regard du génie masculin, partage imaginaire des rôles, quasi immuables.



* L’injonction pour une femmes artiste à rester à distance de la copie du nu, privilège masculin sur le corps, féminin notamment, objet plus que sujet.



* La dénonciation de la pratique créatrice des femmes, trop centrées sur leurs affaires personnelles, pratique incapable dès lors de passer à l’universel.



* La contradiction ancienne et vivace entre produire et se reproduire, entre faire œuvre et faire enfant, entre engendrer et enfanter »



Il ne s’agit pas ici d’identité ou de norme, mais bien de la liberté et de la jouissance à créer, de contestation, d’émancipation des femmes, de politique historique, « Il ne s’agit pas de subversion politique frontale, plutôt d’un bouleversement à l’intérieur de la tradition, plutôt d’une marche temporelle, de l’histoire en train d’inventer le moyen d’avancer »…



J’ai choisi de m’attarder sur les passages précédents, comme invitation à lire ce petit livre du coté de l’histoire, de l’égalité, « de l’égalité pour toutes et de non celle pour quelques-unes, comme ce fut parfois réfléchi au temps de la monarchie », de la création, « Et intéressons-nous uniquement ici à l’accès aux arts, à la créativité des femmes, à leur rapport à l’esthétique » et de l’émancipation. Je ne connais que certaines des créatrices présentées ici (il en est de même des philosophes et des écrivains – mais n’est-ce pas le lot commun de bien des lectrices et des lecteurs). Je ne parcours donc que certaines pistes et lignées.



Geneviève Fraisse analyse les positions de Jean-Jacques Rousseau, Emmanuel Kant, Stendhal, Francisco de Goya, August Strindberg, Friedrich Nietzsche, donc au XVIIIe et au XIXe siècle. « Tous savent lire l’époque qui se transforme, et leur résistance à l’émancipation des femmes ne les empêche ni de dire ce qu’ils lisent, ni d’identifier les évolutions ».



L’autrice examine, entre autres, l’exclusion des arts, le partage entre les sexes, le beau et le sublime, l’entendement et la sensibilité, le danger potentiel pour les deux premiers auteurs cités, « L’égalité des sexes, futur possible, est agitée comme un chiffon rouge ».



Elle poursuit avec la séparation des sexes et des arts, la nudité, les régimes de « vérité », « La vérité sera désormais historique », la place de sujet, la sécularisation, « porte ouverte à la liberté », la peur de la puissance féminine, la misogynie non pas psychologique mais bien politique d’August Strindberg, la pensée de l’historicité…



J’ai particulièrement apprécié le chapitre « Une artiste, une voix, un mouvement », l’enjeu politique de l’égalité des sexes en matière esthétique, la place de la voix, les trois écrivaines Germaine de Staël, George Sand, Flora Tristan, « toutes trois décrivent la femme artiste par leur voix comme lieu de création », avoir une voix et être une voix, la voix exceptionnelle d’Ondine ou de la petite sirène (à regarder de nouveau la couverture du livre), le retour sur 1848 et le journal des féministes, le chant en solo, le corps qui danse, la performance d’un art inédit, les inventions, « la singularité est à distance de la personnalité de l’artiste ; question secondaire que celle de l’identité »…



Sortir de l’immobilité, continuer l’histoire (la fin de l’histoire est toujours un mensonge idéologique), refuser la double disqualification, lire ce qui s’invente, « il faut juste se reconnaître le droit d’inventer, et de s’approprier le récit en cours », refuser la répétition mélancolique des assignations dans les décors, affronter la structure de représentations des sexes, transformer un imaginaire « qui a fait bien des dégâts dans le réel », l’enfantement (et sa soustraction) et l’engendrement, enfin vouloir et l’enfant et le livre, « L’émancipation ne dissout pas d’un coup de baguette magique le passé qui aimait les représenter en tant qu’objet. Devenir sujet coexiste toujours encore aujourd’hui, avec la permanence de l’objet », l’espace libre multiplié et approprié par des femmes…



Geneviève Fraisse discute des aventurières de la photo et du cinéma, du possible par un changement de décor, l’élargissement de « l’espace privé bien au-delà des murs de la maison », de l’objet regardé, « le cinéma remet la femme à sa place d’objet regardé », du corps, des scriptes et des actrices, « Etre objet plutôt que sujet, être au service du créateur, petite main irremplaçable ; retour à la tradition bien connue », d’Ida Lupino réalisatrice (une invitation à (re)voir The Hitch-Hiker – Le voyage de la peur)…



Nommer, inscrire, décrire les femmes oubliées ne suffit pas, un catalogue de « femmes célèbres » ne suffit plus, il faut faire rupture, dissocier nudité et vérité, « Le corps nu féminin n’est plus l’allégorie où la vérité, figue statique, mais un lieu de passage par où la vérité peut se chercher. Le lieu où les femmes artistes se placent, peut-être, en face de l’histoire de l’art, fabriqué au masculin, ou encore dédouble cette histoire pour en proposer une autre, ou des autres », sortir de la clandestinité, briser la symbolique de la production littéraire et intellectuelle où les femmes n’ont pas d’existence légitime, artistes dans les couples de créateurs/créatrices et le refus du partage (« je ne fais pas le récit précis de leurs souffrances respectives »), égalité et conflit, muse, « fonction essentielle pour occulter, dénier la rivalité », respirer, « L’égalité est fondée sur l’autonomie du créateur, de la créatrice », (se) multiplier et échapper à la représentation maitrisée de soi…



Le particulier et l’universel, Wanda de Barbara Loden, le dédoublement et le redoublement, « L’impersonnel fondé sur le personnel s’impose de multiples façons et va nous emmener vers l’universel », le déploiement de l’autonomie, le corps « comme externe à soi et non comme récit de soi », la réplique d’égale à égal…



Comment ne pas citer Elfriede Jelinek ou Ingeborg Bachmann, « C’est pourquoi des lignées se créent et continuent l’histoire commencée », les traumas et les souffrances, « Mise en avant par l’historiographie encline à plaindre les femmes pour conserver une hiérarchie sexuelle, ou lieu de libération du corps meurtri que le sujet femme se réapproprie pour le transformer ? », le sexe qui parle, la transmission d’un langage différent de celui construit par les hommes, « Le sexe ouvert n’est plus un lieu de passage mais la place d’un sujet libre, libéré, apte à la parole », le modèle détachée de l’oeuvre peinte (Deborah de Robertis citée en début de note) « il peut regarder le spectateur du tableau, qui, lui aussi regarde », le retour sur l’histoire de l’art et ce qu’elle a représenté…



En conclusion, Geneviève Fraisse revient sur le « pour toutes » et le « pour chacune », l’écriture de l’histoire, la tension entre le sujet et l’objet, le dérèglement, le travail à l’intérieur de la tradition, les principes démocratiques, l’égalité et la liberté, le partage des jouissances, l’égalité en acte et le conflit ouvert avec la suprématie masculine…



« Ces artistes fabriquent une histoire incontournable où l’altérité déployée entre le Multiple et l’Universel oblige à l’interrogation sexuée, genrée. Par-delà la « suite de l’Histoire », cette perspective nous offre « la mesure d’un monde à venir ».


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Le féminisme, ça pense !

À l'intersection de l'histoire et de la philosophie, Geneviève Fraisse relate la manière dont le féminisme a percuté son existence personnelle et imprégné sa pensée.
Lien : http://www.nonfiction.fr/art..
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Le féminisme, ça pense !

Dans son dernier ouvrage intitulé « Le féminisme, ça pense !», la philosophe Geneviève Fraisse livre un témoignage fort sur sa vie et son œuvre, qui n’ont cessé de nourrir ses engagements.
Lien : https://www.ouest-france.fr/..
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