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Citations de Gérard de Nerval (508)


Aurélia Chapitre VI:

Je me trouvai tout à coup dans une salle qui faisait partie de la demeure de mon aïeul. Elle semblait s’être agrandie seulement. Les vieux meubles luisaient d’un poli merveilleux, les tapis et les rideaux étaient comme remis à neuf, un jour trois fois plus brillant que le jour naturel arrivait par la croisée et par la porte, et il y avait dans l’air une fraîcheur et un parfum des premières matinées tièdes du printemps. Trois femmes travaillaient dans cette pièce, et représentaient, sans leur ressembler absolument, des parentes et amies de ma jeunesse. Il semblait que chacune eût les traits de plusieurs de ces personnes. Les contours de leur figure variaient comme la flamme d’une lampe, et à tout moment quelque chose de l’une passait dans l’autre ; le sourire, la voix, la teinte des yeux, de la chevelure, la taille, les gestes familiers s’échangeaient comme si elles eussent vécu de la même vie, et chacune était ainsi un composé de toutes, pareille à ces types que les peintres imitent de plusieurs modèles pour réaliser une beauté complète.

La plus âgée me parlait avec une voix vibrante et mélodieuse que je reconnaissais pour l’avoir entendue dans l’enfance, et je ne sais ce qu’elle me disait qui me frappait par sa profonde justesse. Mais elle attira ma pensée sur moi-même, et je me vis vêtu d’un petit habit brun de forme ancienne, entièrement tissu à l’aiguille de fils ténus comme ceux des toiles d’araignées. Il était coquet, gracieux et imprégné de douces odeurs. Je me sentais tout rajeuni et tout pimpant dans ce vêtement qui sortait de leurs doigts de fée, et je les remerciais en rougissant, comme si je n’eusse été qu’un petit enfant devant de grandes belles dames. Alors l’une d’elles se leva et se dirigea vers le jardin.

Chacun sait que dans les rêves on ne voit jamais le soleil, bien qu’on ait souvent la perception d’une clarté beaucoup plus vive. Les objets et les corps sont lumineux par eux-mêmes. Je me vis dans un petit parc où se prolongeaient des treilles en berceaux chargées de lourdes grappes de raisins blancs et noirs ; à mesure que la dame qui me guidait s’avançait sous ces berceaux, l’ombre des treillis croisés variait encore pour mes yeux ses formes et ses vêtements. Elle en sortit enfin et nous nous retrouvâmes dans un espace découvert. On y apercevait à peine la trace d’anciennes allées qui l’avaient jadis coupé en croix. La culture était négligée depuis de longues années, et des plants épars de clématites, de houblon, de chèvrefeuille, de jasmin, de lierre, d’aristoloche étendaient entre les arbres d’une croissance vigoureuse leurs longues traînées de lianes. Des branches pliaient jusqu’à terre chargées de fruits, et parmi des touffes d’herbes parasites s’épanouissaient quelques fleurs de jardin revenues à l’état sauvage.
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Aimez qui vous aima du berceau dans la bière ;
Celle que j'aimai seul m'aime encor tendrement :
C'est la mort - ou la morte... Ô délice ! ô tourment !
La rose qu'elle tient, c'est la Rose trémière.
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Arrivé sur la place de la Concorde, ma pensée était de me détruire. À plusieurs reprises, je me dirigeai vers la Seine, mais quelque chose m’empêchait d’accomplir mon dessein. Les étoiles brillaient dans le firmament. Tout à coup il me sembla qu’elles venaient de s’éteindre à la fois comme les bougies que j’avais vues à l’église. Je crus que les temps étaient accomplis, et que nous touchions à la fin du monde annoncée dans l’Apocalypse de saint Jean. Je croyais voir un soleil noir dans le ciel désert et un globe rouge de sang au-dessus des Tuileries. Je me dis : « — La nuit éternelle commence, et elle va être terrible. Que va-t-il arriver quand les hommes s’apercevront qu’il n’y a plus de soleil ? » Je revins par la rue Saint-Honoré, et je plaignais les paysans attardés que je rencontrais. Arrivé vers le Louvre, je marchai jusqu’à la place, et, là, un spectacle étrange m’attendait. À travers des nuages rapidement chassés par le vent, je vis plusieurs lunes qui passaient avec une grande rapidité. Je pensai que la terre était sortie de son orbite et qu’elle errait dans le firmament comme un vaisseau démâté, se rapprochant ou s’éloignant des étoiles qui grandissaient ou diminuaient tour à tour. Pendant deux ou trois heures, je contemplai ce désordre et je finis par me diriger du côté des halles. Les paysans apportaient leurs denrées, et je me disais : « Quel sera leur étonnement en voyant que la nuit se prolonge… » Cependant, les chiens aboyaient çà et là et les coqs chantaient.
Brisé de fatigue, je rentrai chez moi et je me jetai sur mon lit.

2044 - [Le Livre de poche n° 690, p. 263/264]
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Bientôt les peuples furent décimés par les maladies, les bêtes et les plantes moururent, et les immortels, eux-mêmes, dépérissaient sous leurs habits pompeux. - Un fléau plus grand que les autres vint tout à coup rajeunir et sauver le monde. La constellation d'Orion ouvrit au ciel les cataractes des eaux ; la terre, trop chargée par les glaces du pôle opposé, fit un demi-tour sur elle-même, et les mers, surmontant leurs rivages, refluèrent sur les plateaux de l'Afrique et de l'Asie ; l'inondation pénétra les sables, remplit les tombeaux et les pyramides, et, pendant quarante jours, une arche mystérieuse se promena sur les mers portant l'espoir d'une création nouvelle.
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Je vais au-devant du printemps, je vais au-devant du soleil... Il flamboie à mes yeux dans les brumes colorées de l'Orient. - L'idée m'en est venue en me promenant sur les hautes terrasses de la ville* qui encadrent une sorte de jardin suspendu. Les soleils couchants y sont magnifiques.

p. 54
* Il s'agit de Genève.
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« Je me trouvai sur une côte éclairée de ce jour sans soleil, et je vis un vieillard qui cultivait la terre. Je le reconnus pour le même qui m’avait parlé par la voix de l’oiseau, et, soit qu’il me parlât, soit que je le comprisse en moi-même, il devenait clair pour moi que les aïeux prenaient la forme de certains animaux pour nous visiter sur la terre, et qu’ils assistaient ainsi, muets observateurs, aux phases de notre existence. »

« — Eh quoi ! dis-je, la terre pourrait mourir, et nous serions envahis par le néant ?

— Le néant, dit-il, n’existe pas dans le sens qu’on l’entend ; mais la terre est elle-même un corps matériel dont la somme des esprits est l’âme. La matière ne peut pas plus périr que l’esprit, mais elle peut se modifier selon le bien et selon le mal. Notre passé et notre avenir sont solidaires. Nous vivons dans notre race, et notre race vit en nous.

Cette idée me devint aussitôt sensible, et, comme si les murs de la salle se fussent ouverts sur des perspectives infinies, il me semblait voir une chaîne non interrompue d’hommes et de femmes en qui j’étais et qui étaient moi-même ; les costumes de tous les peuples, les images de tous les pays apparaissaient distinctement à la fois, comme si mes facultés d’attention s’étaient multipliées sans se confondre, par un phénomène d’espace analogue à celui du temps qui concentre un siècle d’action dans une minute de rêve.
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J'ai contenu des émotions à briser l'âme, et je me suis couvert d'un masque souriant, moi dont le cœur haletait et brûlait.
(Octavie)
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Une femme est l'amour, la gloire et l'espérance;
Aux enfants qu'elle guide, à l'homme consolé.
Elle élève le cœur et calme la souffrance,
Comme un esprit des cieux sur la terre exilé.
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Les Chimères

VERS DORÉS


Eh quoi ! tout est sensible !

Pythagore.


Homme, libre penseur ! te crois-tu seul pensant
Dans ce monde où la vie éclate en toute chose ?
Des forces que tu tiens ta liberté dispose,
Mais de tous tes conseils l’univers est absent.

Respecte dans la bête un esprit agissant :
Chaque fleur est une âme à la Nature éclose ;
Un mystère d’amour dans le métal repose ;
« Tout est sensible ! » Et tout sur ton être est puissant.

Crains, dans le mur aveugle, un regard qui t’épie :
À la matière même un verbe est attaché…
Ne le fais pas servir à quelque usage impie !

Souvent dans l’être obscur habite un Dieu caché ;
Et comme un œil naissant couvert par ses paupières,
Un pur esprit s’accroît sous l’écorce des pierres !
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Le ballet des heures

Les heures sont des fleurs l’une après l’autre écloses
Dans l’éternel hymen de la nuit et du jour ;
Il faut donc les cueillir comme on cueille les roses
Et ne les donner qu’à l’amour.

Ainsi que de l’éclair, rien ne reste de l’heure,
Qu’au néant destructeur le temps vient de donner ;
Dans son rapide vol embrassez la meilleure,
Toujours celle qui va sonner.

Et retenez-la bien au gré de votre envie,
Comme le seul instant que votre âme rêva ;
Comme si le bonheur de la plus longue vie
Était dans l’heure qui s’en va.

Vous trouverez toujours, depuis l’heure première
Jusqu’à l’heure de nuit qui parle douze fois,
Les vignes, sur les monts, inondés de lumière,
Les myrtes à l’ombre des bois.

Aimez, buvez, le reste est plein de choses vaines ;
Le vin, ce sang nouveau, sur la lèvre versé,
Rajeunit l’autre sang qui vieillit dans vos veines
Et donne l’oubli du passé.

Que l’heure de l’amour d’une autre soit suivie,
Savourez le regard qui vient de la beauté ;
Être seul, c’est la mort ! Être deux, c’est la vie !
L’amour c’est l’immortalité !
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Ils ont de beaux palais sans aimer l'art, de beaux jardins sans aimer la nature, de belles femmes sans comprendre l'amour.
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Je crois que l'imagination humaine n'a rien inventé qui ne soit vrai, dans ce monde ou dans les autres.
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Arrivé vers le Louvre, je marchai jusqu’à la place, et, là, un spectacle étrange m’attendait. À travers des nuages rapidement chassés par le vent, je vis plusieurs lunes qui passaient avec une grande rapidité. Je pensai que la terre était sortie de son orbite et qu’elle errait dans le firmament comme un vaisseau démâté, se rapprochant ou s’éloignant des étoiles qui grandissaient ou diminuaient tour à tour. Pendant deux ou trois heures, je contemplai ce désordre et je finis par me diriger du côté des halles. Les paysans apportaient leurs denrées, et je me disais : « Quel sera leur étonnement en voyant que la nuit se prolonge… » Cependant, les chiens aboyaient çà et là et les coqs chantaient.
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Dans les rêves, on ne voit jamais le soleil, bien qu'on ait la perception d'une clarté beaucoup plus vive. Les objets et les corps sont lumineux par eux-mêmes.
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Une allée du Luxembourg

Elle a passé, la jeune fille
Vive et preste comme un oiseau
À la main une fleur qui brille,
À la bouche un refrain nouveau.

C'est peut-être la seule au monde
Dont le cœur au mien répondrait,
Qui venant dans ma nuit profonde
D'un seul regard l'éclaircirait !

Mais non, ma jeunesse est finie…
Adieu, doux rayon qui m'as lui,
Parfum, jeune fille, harmonie…
Le bonheur passait, il a fui !
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Gérard de Nerval
Le matin n'est plus ! le soir pas encore :
Pourtant de nos yeux l'éclair a pâli.
Mais le soir vermeil ressemble à l'aurore,
Et la nuit plus tard amène l'oubli !
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Avril

Déjà les beaux jours, – la poussière,
Un ciel d’azur et de lumière,
Les murs enflammés, les longs soirs ; –
Et rien de vert : – à peine encore
Un reflet rougeâtre décore
Les grands arbres aux rameaux noirs !

Ce beau temps me pèse et m’ennuie.
– Ce n’est qu’après des jours de pluie
Que doit surgir, en un tableau,
Le printemps verdissant et rose,
Comme une nymphe fraîche éclose
Qui, souriante, sort de l’eau.

Gérard de Nerval, Odelettes.
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Comment, me disais-je, ai-je pu exister si longtemps hors de la nature et sans m’identifier à elle ? Tout vit, tout agit, tout se correspond ; les rayons magnétiques émanés de moi-même ou des autres traversent sans obstacle la chaîne infinie des choses créées ; c’est un réseau transparent qui couvre le monde, et dont les fils déliés se communiquent de proche en proche aux planètes et aux étoiles. Captif en ce moment sur la terre, je m’entretiens avec le chœur des astres, qui prend part à mes joies et à mes douleurs !
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On l’a dit justement : rien n’est indifférent, rien n’est impuissant dans l’univers; un atome peut tout dissoudre, un atome peut tout sauver!
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"Rebâtissons, ami, ce château périssable
Que le souffle du monde a jeté sur le sable.
Replaçons le sopha sous les tableaux flamands…"

Arsène Houssaye
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