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Citations de Giorgio Agamben (100)


Les règles monastiques sont donc considérées ici comme des tentatives de construire une forme-de-vie, « c’est-à-dire une vie si étroitement liée à sa forme qu’elle s’en montre inséparable ».
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Ni grec, ni hébreu, ni lasˇon hakodesˇ, ni idiome profane : c’est en cela que la langue de Paul est aussi intéressante (même s’il est encore prématuré de poser le problème d’un statut messianique de la langue).
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En l'année 529 de notre ère, l'empereur Justinien, poussé par le fanatisme des conseillers du parti anti-hellénique, prononça un édit qui fermait l'école philosophique d'Athènes. C'est ainsi qu'il revint à Damascius, scholarque en titre, d'être le dernier diadoque de la philosophie païenne. Il avait bien cherché à conjurer l'événement, grâce à des fonctionnaires de la cour qui lui avaient promis leur bienveillance, mais tout ce qu'il avait obtenu, en échange de la confiscation des biens et des revenus de l'école, c'était un salaire de surintendant dans une bibliothèque de province. Aussi, pour prévenir de probables persécutions, le diadoque et six de ses collaborateurs les plus proches chargèrent une charrette avec les livres et le mobilier, et s'en allèrent chercher refuge à la cour du roi de Perse, Khosrô Anôcharvan. Les barbares auraient ainsi sauvé cette très pure tradition hellénique que les Grecs - ou plutôt les «Romains», comme ils s'appelaient alors - n'étaient plus dignes de garder. Le diadoque n'était plus jeune, et le temps était loin où il avait cru pouvoir s'occuper d'histoires merveilleuses et de l'apparition des esprits; à Ctésiphon, après les premiers mois de vie de cour, il laissa à ses élèves Priscianus et Simplicius le soin de satisfaire, grâce à des commentaires et des éditions critiques, la curiosité philosophique du souverain. Reclus dans sa maison au nord de la ville, en compagnie d'un scribe grec et d'une domestique syrienne, il décida de consacrer les dernières années de sa vie à une oeuvre qu'il projetait d'intituler : «Apories et solutions à propos des principes premiers.»
II savait parfaitement que la question qu'il entendait affronter n'était pas une question philosophique parmi d'autres. Platon en personne, dans une lettre que même les chrétiens (en vérité, sans la comprendre) considéraient comme importante, n'avait-il pas écrit que la question du Commencement est précisément la cause de tous les maux ?
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La certitude d‘être condamné d’avance ; tendance complaisante à s’abîmer dans sa ruine.
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Le fait dont tout discours éthique doit partir, c’est qu’il n’existe aucune essence, aucune vocation historique ou spirituelle, aucun destin biologique que l’homme devrait conquérir ou réaliser. C’est la seule raison pour laquelle quelque chose comme une éthique peut exister : car il est clair que si l’homme était ou devait être telle ou telle substance, tel ou tel destin, il n’y aurait aucune expérience éthique possible - il n’y aurait que des devoirs à accomplir.
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La singularité quelconque, qui veut s’approprier de l’appartenance même, de son propre être dans le langage et rejette, dès lors, toute identité et toute condition d’appartenance, est, dès lors, le principal ennemi de l’État. Partout où ces singularités manifesteront pacifiquement leur être commun, il y aura une Tienanmen et, tôt ou tard, les chars d’assaut apparaîtront.
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Propriétaire » est le nom qu’on donne en général à un certain type de forme de vie. Il décrit un rapport au monde qui procède par absorption et identification et non pas par appartenance : le propriétaire est ce qu’il possède et ce qu’il possède le constitue. Le propriétaire n’a pas un jardin avec une haie, il est le jardin et la haie, et les oiseaux qui y nichent, et les fleurs qui y poussent.
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Les sociétés contemporaines se présentent ainsi comme des corps inertes traversés par de gigantesques processus de désubjectivation auxquels ne répond aucune subjectivation réelle. De là, l'éclipse de la politique qui supposait des sujets et des identités réels (le mouvement ouvrier, la bourgeoisie, etc.) et le triomphe de l'économie, c'est-à-dire d'une pure activité de gouvernement qui ne poursuit rien d'autre que sa propre reproduction. Aussi la droite et la gauche qui se succèdent aujourd'hui pour gérer le pouvoir ont-elles bien peu de rapports avec le contexte politique d'où proviennent les termes qui les désignent. Ils nomment simplement les deux pôles (un pôle qui vise sans le moindre scrupule la désubjectivation et un pôle qui voudrait la recouvrir du masque hypocrite du bon citoyen de la démocratie) de la même machine de gouvernement.
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Le paradoxe dont part Arendt, c'est que le réfugié, figure qui aurait dû incarner par excellence l'homme des droits, masque au contraire la crise radicale de ce concept.
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La vie est sacrée uniquement en tant qu’elle est prise dans l’exception souveraine ; et la confusion entre un phénomène juridico-politique et un phénomène proprement religieux est à l’origine de toutes les équivoques qui, à notre époque, ont aussi bien marqué les études sur le sacré que celles sur la souveraineté.
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Contrairement à ce que la modernité est habituée à se représenter comme espace de la politique en termes de droits du citoyen, de libre volonté et de contrat social, seule la vie nue est authentiquement politique du point de vue de la souveraineté. C'est pourquoi, chez Hobbes, le fondement du pouvoir souverain consiste moins dans la cession par les sujets de leur droit naturel, que dans le fait que le souverain conserve son droit naturel d'agir sans limites vis-à-vis de n'importe qui et de n'importe quoi; prérogative qui se présente désormais comme droit de punir.
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Le sujet ne doit pas être conçu comme une substance, mais comme un tourbillon dans le flux de l'être.
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La conception moderne de la démocratie est le pouvoir par le vote, la capacité de prendre des décisions conformément à la loi de la majorité, à la loi du "plus grand nombre". Mais une autre conception, qui sera familière aux lecteurs du Maître ignorant de Jacques Rancière, évoque une notion de pouvoir qui n'est ni quantitative ni axée sur le contrôle.
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à moins d'imaginer les conditions spatiales et temporelles d'une démocratie immédiate au sens stricte – sans médiations – permettant que le peuple soit en permanence assemblé, ou encore une procédure de tirage au sort par laquelle l'élu serait censé remplir une fonction sans être investi d'un mandat ne représenter personne, la délégation et la représentation sont inévitables.
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Giorgio Agamben
Comme face au terrorisme on affirmait qu’il fallait supprimer la liberté pour la défendre, de même on nous dit qu’il faut suspendre la vie pour la protéger.
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Dans les procès romains, où le ministère public avait un rôle limité, la calomnie représentait pour l'administration de la justice une menace tellement grave que les faux accusateurs devaient porter une marque sur le front comme punition : la lettre K (l'initiale de Kalumniator). Il revient à Davide Stimili d'avoir su montrer l'importance de ce fait pour toute interprétation du Procès de Kafka, que l'incipit représente sans la moindre réserve comme un procès calomnieux ("Il fallait bien que quelqu'un ait calomnié Joseph K. puisqu'il fut arrêté un beau matin, alors qu'il n'avait rien fait de mal"). La lettre K., selon Stimili, qui rappelle que Kafka avait étudié l'histoire du droit romain alors qu'il se préparait à être conseiller légal, n'est donc pas l'initiale de Kafka, selon une opinion commune qui remonte à Max Brod, mais celle de la calomnie.
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Giorgio Agamben
Si les hommes avaient à se communiquer toujours et seulement des informations, toujours telle ou telle autre chose, il n’y aurait jamais, à proprement parler, de politique, mais uniquement échange de messages. Mais puisque les hommes ont avant tout à se communiquer leur ouverture, c’est-à-dire une pure communicabilité, le visage est la condition même de la politique, ce en quoi se fonde tout ce que les hommes se disent et échangent. Le visage est, en ce sens, la vraie cité des hommes, l’élément politique par excellence. C’est en se regardant en face que les hommes se reconnaissent et se passionnent les uns pour les autres, perçoivent ressemblance et diversité, distance et proximité.
Un pays qui décide de renoncer à son propre visage, de couvrir avec des masques en tout lieu le visage de ses propres citoyens est, alors, un pays qui a effacé de soi toute dimension politique. Dans cet espace vide, soumis à chaque instant à un contrôle sans limites, se meuvent maintenant des individus isolés les uns des autres, qui ont perdu le fondement immédiat et sensible de leur communauté et peuvent seulement échanger des messages adressés à un nom désormais sans visage. (Quodlibet, le 8 octobre 2020)
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Giorgio Agamben
Du moment que la peur précède et anticipe la connaissance et la réflexion, il est inutile de chercher à convaincre l’apeuré avec des preuves et des arguments rationnels : la peur est, avant tout, l’impossibilité d’accéder à un raisonnement qui ne soit par suggéré par la peur elle-même. (Qu'est-ce que la peur ?)
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La muséification du monde est aujourd'hui achevée. L'une après l'autre, progressivement, les puissances spirituelles qui définissaient l'existence des hommes – l'art, la religion, la philosophie, l'idée de nature et jusqu'à la politique – se sont retirées docilement dans le Musée. Musée ne désigne pas ici un lieu ou un espace physiquement déterminé, mais la dimension séparée où est transféré ce qui a cessé d'être perçu comme vrai et décisif. En ce sens, le Musée peut coïncider avec une cité tout entière (comme Evora ou Venise déclarées pour cela patrimoine de l'humanité), avec une région (déclarée parc ou oasis naturel) et parfois même avec un groupe d'individus (en tant qu'ils représentent une forme de vie disparue). Mais de manière plus générale, tout aujourd'hui peut devenir Musée à partir du moment où ce terme nomme tout simplement l'exposition d'une impossibilité de l'usage, de l'habitat et de l'expérience.
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Le jeu comme organe de la profanation connaît partout une décadence. Que l'homme moderne ne soit plus capable de jouer est prouvé précisément par la multiplication vertigineuse des jeux, des nouveaux comme des anciens. En fait, dans le jeu, comme dans les danses et les fêtes, il recherche désespérément et obstinément exactement le contraire de ce qu'il pourrait y trouver : la possibilité de retrouver l'ancienne fête perdue, un retour au sacré et à ses rites, ne fût-ce que sous la forme des vaines cérémonies de la nouvelle religion spectaculaire, ou d'une leçon de tango dans une salle de province. En ce sens, les jeux télévisés de masse font bien partie d'une nouvelle liturgie ; ils sécularisent une intention religieuse qui s'ignore. Restituer le jeu à sa vocation purement profane est une tâche politique.
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