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Citations de Greg Egan (158)


Leila et Jasim étaient mariés depuis dix mille trois cent neuf ans quand ils commencèrent à envisager de mourir. Ils avaient connu l’amour, élevé des enfants et vu prospérer leur descendance, génération après génération. Ils avaient visité une dizaine de mondes et vécu au sein de mille cultures. Ils avaient plusieurs fois repris des études, démontré des théorèmes et acquis puis délaissé toutes sortes de sensibilités artistiques et de savoir-faire. Ils n’avaient pas tout vécu, loin de là, mais quel aurait été le sens de la pluralité des individus si chacun essayait d’épuiser toutes les permutations de l’existence ? Il y avait des expériences, ils en convenaient, que tout le monde devait faire, mais d’autres qui ne concernaient qu’une poignée de gens dans l’immensité de l’espace et du temps. Ils n’avaient aucune envie d’abandonner leurs particularités, ni de réformer des personnalités enracinées dans leurs niches depuis bien longtemps, et encore moins de se lancer dans une énumération mécanique de toutes les autres personnes qu’ils auraient pu devenir. Ils avaient été eux-mêmes, et à cette fin ils en avaient fait plus ou moins assez.
Avant de mourir, Leila et Jasim voulaient cependant tenter quelque chose de grandiose, d’audacieux. Ce n’était pas que leur vie fût incomplète, tendue vers une impérieuse, une ultime et grandiose manifestation. Si une quelconque catastrophe inattendue les avait privés de la possibilité d’organiser cette apothéose, leurs amis les plus proches n’auraient fait aucun commentaire et ne l’auraient certainement pas déploré. Ce n’était pas une compulsion, un vide existentiel à combler, mais c’étaient néanmoins ce que tous deux voulaient, et une fois qu’ils s’en furent ouverts l’un à l’autre, ils y mirent tout leur cœur.
Le choix du projet n’était pas un souci ; c’était une tâche qui ne demandait rien d’autre que de la patience. Ils savaient qu’ils le reconnaîtraient en son temps, quand il leur apparaîtrait. Toutes les nuits, avant de s’endormir, Jasim demandait à Leila : « Tu l’as trouvé ?
– Non, répondait-elle. Et toi ?
– Pas encore. »
Leila imaginait parfois l’avoir aperçu dans ses rêves, mais la transcription de ceux-ci prouvait le contraire. D’autres fois, Jasim était certain que le projet affleurait sous la surface de ses pensées, mais quand il s’immergeait dans celles-ci pour vérifier, cela s’avérait n’être rien d’autre qu’une illusion d’optique.
Les années passèrent, qu’ils occupèrent à des plaisirs simples : jardiner, nager dans les vagues, discuter avec leurs amis, prendre des nouvelles de leur descendance. La découverte de passe-temps supportant la répétition était devenue l’un de leurs champs d’expertise. Mais sans cette aventure mystérieuse qui les attendait, ils auraient jeté une paire de dés tous les soirs, d’accord qu’un double six signifieraient qu’ils en avaient fini.
Une nuit, Leila se trouvait seule dans le jardin à regarder le ciel. Depuis Najib, leur planète natale, ils n’avaient visité que les étoiles porteuses de mondes habités les plus proches, ne consumant à chaque voyage que quelques dizaines d’années. Ils s’étaient fixé ces limites afin de ne pas devenir étrangers à leurs amis, leur famille, et n’avaient jamais vécu cela comme une contrainte. Il était vrai que la civilisation de l’Amalgame courait sur l’ensemble de la galaxie, et qu’un voyageur motivé pouvait passer deux cent mille ans à en faire le tour avant de revenir chez lui, mais à quoi rimait une odyssée d’une telle démesure ? Leur voisinage, avec sa dizaine de mondes, comptait bien assez de variété pour n’importe quel voyageur. Savoir si des contrées plus lointaines recelaient des nouveautés dignes d’attention ou ne constituaient qu’une redite éternelle leur semblait de peu d’intérêt. Autant il était important d’avoir un but, une destination, autant il était vain de se noyer sans raison particulière dans la simple abondance des mondes.
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Les chevaliers blancs secrètent ses cytokines qui leurs permettent de pénétrer la barrière hémato-encéphalique.
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Elle s'assit , écoutant les gazouillis et les bourdonnements étranges émis par des créatures dont elle ne savait rien. Elle aurait pu assimiler en un instant tous les faits enregistrés à leur sujet, mais elle ne s'en souciait pas, elle n'avait pas besoin de savoir.
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La nature de la réalité. Les usages de l'existence. Les raisons de vivre et les raisons de ne pas vivre.
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peut-être que l' "infini" n'avait pas de sens ... et que l' "immortalité" était un mirage auquel nul humain ne devrait aspirer.
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Je n'aurais jamais pensé, dit-elle, les joues empourprées, le souffle coupé, que j'assisterais... à la désintégration d'un univers... avec un banquier... tout nu... sur les bras...
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Mais, savez-vous, même à l'heure actuelle, nous sommes beaucoup moins traînés dans la boue que les gens qui s'escriment à obtenir une hyperlongévité organique - à coups de transplantations d'organes, de rajeunissement cellulaire, etc.- parce que nous, au moins, ne faisons plus grimper le coût des soins médicaux, ni ne disputons aux autres l'accès à des établissements hospitaliers surchargés. Et encore moins consommons-nous les ressources naturelles à la vitesse à laquelle nous les consommions de notre vivant. Si la technologie progresse suffisamment, l'impact sur environnement de la plus riche des Copies pourrait en fin de compte se révéler inférieur à celui de l'humain le plus ascétique.
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[Maddy critique avec ironie les théories sociologiques loufoques de sa mère adoptive]
- le féminisme marchait, et le mouvement des droits civiques marchait, et tous les autres mouvements de justice sociale recevaient de plus en plus de soutiens. Alors dans les années 1980, la CIA a embauché des linguistes vraiment futés pour inventer une arme secrète : une façon incroyablement compliquée de parler de la politique, qui ne voulait rien dire, mais qui s’est répandus dans les universités du monde entier parce qu’elle en jetait. Et, au début, les gens qui parlaient comme ça ont pris au vol le train du mouvement de la justice sociale, et on les a laissés faire, vu qu’ils paraissaient inoffensifs. Mais ensuite c’est dans le train de la paix qu’ils sont montés, et, là’ ils ont jetés le conducteur dehors, (…) Tous les autres ont dit: qui sont ces zigotos ? (…) Et la CIA était contente. Et les gens au pouvoir étaient contents.
- Tu n’as peut-être pas bien compris la leçon, Maddy. Ce sont des idées complexes et tu es encore très jeune.
- Oh ! non, Amita ! J’ai compris. c’était très claire.
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"Je vois. Donc, trois ans sous perfusion intraveineuse au lieu de nourriture et d'air, ce n'est pas un gros problème : c'est aussi naturel que la puberté ou la ménopause."
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Leila et Jasim étaient mariés depuis dix mille trois cent neuf ans quand ils commencèrent à envisager de mourir.
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Une particule longue constituée d'un nombre impair de fermions garderait les deux premières propriétés des fermions, mais si elle incluait des bosons, leur présence serait détectable par les changements de phase induits lors des rotations de la particule.
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Quand la loi même est au diapason de vos actions, c’est que celles-ci ne sont probablement pas très radicales, ou très profondes.
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La question qui m’obsédait plutôt était la suivante : en supposant que les autres personnes existaient, comment appréhendaient-elles cette existence ? Comment ressentaient-elles le fait d’être ? Pourrais-je jamais vraiment comprendre ce qu’était l’expérience de la conscience pour quelqu’un d’autre, mieux que je ne pouvais le faire dans le cas d’un singe, d’un chat ou d’un insecte ?
Si ce n’était pas le cas, j’étais donc seul.
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J’avais six ans lorsque mes parents m’ont dit que j’avais dans le crâne un petit cristal sombre qui apprenait à être moi.
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Leur génie accorde aux grands artistes d’apercevoir un monde différent de celui dans lequel nous vivons. Un monde transcendantal, situé en dehors du temps. Existe-t-il ? Pouvons-nous nous y rendre ? Non ! Nous devons l’obliger à exister à l’intérieur du nôtre, autour de nous. Nous devons nous saisir de ces fragments entre aperçus et les rendre solides, tangibles, les faire vivre et respirer et marcher parmi nous. Nous devons importer l’art dans la réalité et, ce faisant, transformer notre monde pour qu’il devienne celui de la vision de l’artiste.
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Je me suis enrôlé dans la police à l’âge de douze ans. J’ai poursuivi mes études normalement mais c’est à ce moment qu’il faut entreprendre la série d’injections d’hormones de croissance ainsi que l’entraînement spécial pendant les vacances et les week-ends si l’on veut être déclaré bon pour le service actif. (Ce n’était pas un engagement irréversible. J’aurais pu changer d’orientation plus tard et rembourser ce qu’on avait investi sur moi, en versements d’une centaine de dollars par semaine pendant les trente années suivantes. Ou j’aurais pu échouer aux tests psychologiques – auquel cas on m’aurait exclu sans que je doive un centime. Mais les tests que l’on passe avant même de commencer ont tendance à éliminer quiconque est susceptible de faire l’un ou l’autre.) C’est logique. Plutôt que de limiter le recrutement à des hommes et à des femmes qui remplissent un certain nombre de critères physiques, on choisit les candidats en fonction de leur intelligence et de leurs aptitudes psychologiques – et ensuite, on ajoute, de manière artificielle, les caractéristiques physiques secondaires mais utiles, telles que la taille, la force et l’agilité.
Nous sommes donc des monstres, fabriqués et conditionnés pour remplir les exigences de notre travail. Mais moins que les soldats et les athlètes professionnels. Et bien moins encore que les membres des gangs de rues – qui n’hésitent pas un instant à utiliser des facteurs de croissance illégaux qui abaissent leur espérance de vie à environ trente ans. Sans armes, mais bourrés d’un mélange de Berserker et de Timewarp – qui les rend insensibles à la douleur ainsi qu’à la plupart des traumatismes physiques, et qui divise leur temps de réaction par vingt – ils peuvent liquider en cinq minutes une centaine de personnes dans une foule avant de se mettre à l’abri pour redescendre et affronter les deux semaines d’effets secondaires qui les attendent. [...]
Oui, nous sommes des monstres. Mais si nous avons des problèmes, cela vient du fait que nous sommes restés encore bien trop humains.
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Le simulacre de reporter dit : "Eh bien, Sénateur, il me semble que les téléspectateurs aient voté pour un spot publicitaire, alors merci de nous avoir accordé cet entretien.
- Je vous en prie."
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Dans la mesure où La Caresse avait été peint en 1896 par le symboliste belge Fernand Khnopff -beaucoup de gens me l'ont dit, et j'ai pu le vérifier moi-même par la suite-, le tableau ne pouvait pas être basé sur la chimère vivante. Ce devait donc être le contraire.
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Tout le monde est manipulé, tout le monde est un produit de son époque. Et vice versa..
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Je sais que nous sommes « biologiquement » programmés pour aimer les bébés. Et alors ? On peut dire la même chose de quatre-vingt-dix pour cent des activités humaines. Nous sommes également paramétrés pour prendre plaisir aux relations sexuelles : ça n'a pas l'air de gêner qui que ce soit. Personne ne prétend se faire entuber par la nature qui nous pousse avec perversité à des actions que nous n'aurions pas entreprises autrement. Quelqu'un parviendra bien un jour à expliquer, étape par étape, les bases physiologiques du bonheur que l'on ressent à écouter du Bach : est-ce que cela transformera tout à coup cet instant en réaction « primitive », en escroquerie biologique, en expérience aussi stérile que de planer grâce à une drogue euphorisante ?
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