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EAN : 9782843448744
Le Bélial' (30/05/2019)
3.85/5   79 notes
Résumé :
D’abord il y a les enchairés, ceux qui s’approchent le plus, sans doute, de ce que fut homo sapiens. Vivant au cœur des jungles terriennes et des océans, leur corps de chair et d’os est mortel, mais leur génome modifié leur assure une longévité exceptionnelle. Sur la Lune et divers astéroïdes sont les gleisners, créatures composites, androïdes potentiellement immortelles. Enfin, dans les entrailles chromées de superordinateurs au potentiel de calcul inimaginable, vi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
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Greg Egan, légende vivante du monde de la science-fiction moderne, revient aux éditions du Bélial' après de nombreuses années d'absence…du moins dans la forme longue puisque la dernière traduction d'un de ses romans remonte à 2012 avec Zendegi.
Auteur très prolifique, l'australien est également connu pour ses textes courts franchement formidables que l'on peut retrouver dans trois intégrales indispensables : Axiomatique, Radieux et Océanique.
Bien décidé à publier dans l'Hexagone l'un de ses romans les plus remarqués, Diaspora, le Bélial' a donc fini par confier la traduction de ce roman de hard-SF à Francis Lustman pour que le commun des mortels puisse enfin y avoir accès…enfin presque.

Rêver en cinq dimensions
Tous ceux qui ont approché Greg Egan le savent : sa science-fiction n'est pas des plus aisées, bien au contraire. Si la chose a tendance à moins se ressentir dans ses nouvelles (quoique…), dans la forme longue, il en va tout autrement.
Sorti en 1997, Diaspora s'aventure dans un terrain de hard-SF intergalactique multi-dimensionnelle qui a de quoi impressionner.
Posons d'abord le cadre.
Le récit commence par la naissance d'un citoyen de la polis Konishi — un réseau d'ordinateurs qui sert d'infrastructure à une communauté de logiciels conscients et où des personnalités numérisées peuvent vivre sans limite aucune dans des univers virtuels d'une complexité parfois extrême— et par son éveil à la « conscience ».
Dans ce fabuleux premier chapitre, Greg Egan plonge d'emblée son lecteur dans un monde totalement autre mais qui se déguste lentement comme une peinture abstraite où quelques points de repères permettent de comprendre le lent processus de maturation de l'entité appelée Orphelin et qui deviendra rapidement le citoyen Yatima. C'est beau, vertigineux…et passablement hermétique parfois. Mais soit.
Pour la suite, Greg Egan, par petites touches, dévoile une société post-Introde fascinante et vertigineuse.
Qu'est-ce que l'Introde ? La migration de masse des humains de chair et de sang qui a eu lieu vers la fin du XXIIème siècle pour intégrer les environnements virtuels des polis.
Il existe donc trois « populations » qui cohabitent : les citoyens numérisés des polis, les enchairés (ceux qui ont choisi de rester de chair et d'os) divisés eux-mêmes en statiques (uniquement composés de gênes naturels) et en exubérants (qui n'ont aucune limite dans la manipulation de leurs gênes), et les gleisners, des robots conscients qui ont une existence matérielle.
De ce cadre déjà fantastiquement riche, Greg Egan se charge de nous faire rêver sur les conséquences de ces modifications à la fois sur l'homme lui-même mais aussi sur sa perception de l'univers connu. Par le truchement de l'explosion de deux étoiles à neutrons surnommées le Lézard, l'australien disserte sur la quête de sens et l'origine de l'existence (et même de l'univers) en suivant les multiples vies de citoyens des polis tels que Yatima, Paolo, Blanca ou encore Orlando.

Y'a pas de lézard, si ?
Le problème qui vient brutalement s'interposer entre le lecteur enthousiaste et cette histoire aux tenants et aboutissants gigantesques…c'est la propension à la hard-SF de Greg Egan.
Ce n'est une surprise pour personne mais l'australien n'a pas l'intention de modérer ses propos et l'on se retrouve vite immergé dans des théories physiques et quantiques de haut niveau, dans des mathématiques plus ou moins abstraits et des dialogues parfois…surréalistes du style :
« Confiner spatialement une onde produit l'effet inverse sur la répartition de son moment. L'énergie cinétique, étant proportionnelle au carré du moment, est donc en carré inverse. de sorte que la force effective, qui est égale au taux de variation de l'énergie cinétique avec la distance, est en cube inverse. »
Si la volonté d'appuyer les péripéties de son voyage vers l'inconnu et la recherche d'une vie extraterrestre peut amplement se comprendre, l'hermétisme gagne le récit au fur et à mesure des pages et fluctue selon les événements présentés. Lorsque Greg Egan nous fait découvrir une planète et se contente de décrire les formes de vies qui l'habitent, tout se passe plus ou moins bien. Dès lors qu'il plonge dans les mystères de l'univers, dans les bosons, fermions, macrosphère, horizon des événements et autres théories, le récit devient simplement indigeste au possible.
En privilégiant la pure construction scientifique au reste, il laisse le lecteur en plan qui se demande ce qu'il se passe et doit juste se contenter de rassembler quelques petits brins de compréhension décrochés ici ou là.
Il n'est pas impossible de suivre les événements de Diaspora, au contraire, mais l'on se trouve régulièrement empêtré dans des considérations qui nous dépassent totalement…et c'est particulièrement désagréable et épuisant.
D'autant plus que le récit n'est pas aidé par l'écriture traditionnellement aride de Greg Egan qui ne permet donc d'avoir aucune espèce d'empathie avec des personnages plus proches du robot que de l'être humain (forcément).

Vers l'infini et l'au-delà
Ce handicap majeur à la lecture n'empêche cependant pas l'ébahissement face au sense-of-wonder déployé par Greg Egan.
En visitant de multiples autres planètes, puis univers et en réfléchissant sur les chemins d'évolutions possibles de la post-humanité à travers les polis, l'australien impressionne. Sa capacité à imaginer un futur qui donne le vertige (notamment par les échelles temporelles employées ici) ne peut que réjouir le lecteur de science-fiction.
Xénobiologie et nouvelles dimensions, Diaspora offre des visions saisissantes qui marquent durablement. Si le reste du récit ne s'embourbait pas régulièrement dans de lassantes considérations physico-mathématiques, on aurait clairement à faire à un chef d'oeuvre du genre.
D'autant plus que l'australien réfléchit ici sur le rôle de la curiosité intellectuelle qui pousse l'homme (et le post-humain qui lui succède) à aller toujours et sans cesse plus loin. Diaspora renferme une frénésie intellectuelle particulièrement remarquable qui sait aussi s'interroger sur les vieux motifs de l'humanité (et sur ses croyances) ainsi que sur l'importance d'interagir avec le monde réel, ce monde physique où la chair rencontre la matière.
Doit-on expérimenter par le toucher et les quatre dimension pour véritablement exister ?
Greg Egan passionne quand il confronte ces points de vues, éblouit quand il nous fait rencontrer des civilisations extra-terrestres improbables, réjouit quand il tire vers l'infini son roman vers une fin ouverte qui veut à la fois aller plus loin et savourer l'instant.
Dommage qu'il ne comprenne simplement pas qu'un roman digne de ce nom fonctionne d'abord avec une trame narrative et des personnages plutôt qu'avec des nombres et des équations.
Les mathématiques ne suffisent pas.

Roman vertigineux qui offre du sense-of-wonder jusqu'à l'étourdissement, Diaspora expose un (des ? ) univers extraordinaire à son lecteur mais oublie que le commun des mortels n'a pas forcément l'envie qu'on lui parle de physique et de mathématiques pendant des pages et des pages pour apprécier le spectacle des atomes et des étoiles. Une grande déception qui dépendra aussi certainement de votre niveau de connaissance scientifique et/ou de votre persévérance.
Lien : https://justaword.fr/diaspor..
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Grosse déception.
C'est un livre extrêmement décousu où le traité d'astrophysique ou de cosmologie - appuyé par les mathématiques et notamment la topologie - et exobiologique, prend le pas sur l'histoire. Il manque largement le romanesque, ce petit plus qui fait qu'on suit en éprouvant du plaisir : des protagonistes, la trame du temps, des concepts importants.

Il n'y a malheureusement aucun sentiment car les intelligences ne ressentent pas grand-chose. On apprend qu'elles ont une conscience, surtout parce qu'elles sont capables de se suicider. Mais point de pensées sensibles alors que l'obsession est de ressembler aux hommes. Ces derniers ne sont pas non plus mis en valeur, réduits à de simples pantins bornés sur une Terre dévastée.

Nous opérons des bonds dans le temps qui nous permettent d'avancer dans le futur à pas de géant. Beaucoup d'exposés nous embarquent dans des démonstrations techniques donc certaines tombent à l'eau, comme la tentative de réaliser des trous de vers. Il faudrait a minima des illustrations ou une prise de recul pour éviter que l'article scientifique futuriste ne lasse. Nous sautons allègrement des périodes de centaines d'années mais les intelligences sont immuables. Quelle vie horrible que la leur, quel ennui, même si l'on peut accélérer le temps ressenti.

Je ne suis pas parvenu à adhérer par absente totale de plaisir, à une ou deux trop rares exceptions près. Probablement parce que ces exposés manquaient d'âme. A part la découverte des premières exo-créatures - vers le milieu du livre - et la naissance d'une nouvelle intelligence, au tout début du livre. Je suis resté globalement de marbre face à un livre pas forcément compliqué - bien qu'il nous perde à de nombreuses reprises - mais peu agréable à lire. Les phrases sont pénibles et l'absence d'histoire et d'attachement à la réalité qui nous est dépeinte nous y rend totalement étrangers.

Rien ne m'a émerveillé car un exposé d'une théorie ne produit pas des situations extraordinaires, du vécu. J'étais très content à la fin de ma lecture. Content que le supplice soit enfin fini. Je reste dans l'incompréhension là où l'on m'annonçait un chef d'oeuvre, je n'ai trouvé au plus qu'un amalgame désagréable entre histoires où il ne se passait rien et théories scientifiques exposées sans réelle mise en perspective, ce qui leur fait perdre toute valeur.

Quel intérêt peut-on donc trouver à lire ce livre ? Peut-être parce qu'il est totalement hors du commun (bien qu'il y en ait énormément d'autres dans le monde de la SF) et que c'est de la hard science (ou hard SF), ce qui rend plausible beaucoup de ses exposés. Mais dans ce cas il va beaucoup trop loin dans la démonstration technique et insuffisamment dans une projection sur les intelligences : il n'est pas possible qu'elles n'évoluent pas en mille ans.

Je vends mon exemplaire.
Lien : https://pdefreminville.wixsi..
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(il faut vraiment ajouter une sixième étoile pour ce genre de livre :D ).

Diaspora montre la dispersion, dans l'espace interstellaire puis beaucoup, beaucoup plus loin, des descendants d'une humanité mutilée par une catastrophe cosmique ayant frappé la Terre à la fin du trentième siècle. Roman vertigineux du fait de l'ampleur inégalée de l'ambition et du sense of wonder omniprésent dont fait preuve son auteur, il constitue sans aucun doute le chef-d'oeuvre d'une carrière pourtant riche en textes d'une envergure quasiment unique. On y trouve la description très poussée d'une évolution transhumaniste, celle des merveilles mais peut-être surtout des dangers de l'univers, celle de formes de vie extraterrestres dont le degré d'originalité et de complexité ridiculise pratiquement toutes les tentatives d'autres auteurs dans ce domaine (à part sans doute les Xeelees de Stephen Baxter). C'est certes un festival d'ultra-Hard SF, mais l'auteur n'en oublie pas (tout à fait) d'être compréhensible, ni l'aspect humain ou son intrigue en cours de route.

C'est donc à un roman de SF comme on n'en voit, au mieux, qu'une fois par décennie, auquel nous avons affaire, le pinacle de la carrière de son auteur, l'apogée de ce qu'à pu proposer la Hard SF, et, à mon avis, l'acmé de la science-fiction tout court. On ne pourra donc qu'en recommander chaudement la lecture à tout amateur de ce genre qui se respecte, sachant que si Diaspora n'atteint pas les sommets de complexité de Schild's Ladder, et que Greg Egan fait de réels efforts pour rester compréhensible, elle demeurera exigeante. Comme tout chef-d'oeuvre de la SF, celui-ci va se mériter, mais la récompense de vos efforts sera plus qu'à la hauteur des efforts consentis !

Ce qui précède n'est qu'un résumé : retrouvez la critique complète sur mon blog.
Lien : https://lecultedapophis.com/..
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Oyez damoiseaux et buveurs
C'est la complainte du pauv'conteur
Critiquant l'oeuvre à ses confrères
C'est une année d'études qui s'perd

Toujours à lire dans les couloirs,
En marchant ou dans sa baignoire
Passant dans sa chambre sa vie
Ou à rédiger ses avis

Il troqua Montaigne et Ronsard
Contre Conan le vieux Barbare
L'Heptaméron et l'Esthétique
Contre des vaisseaux en plastique

S'gavant d'chips au fond du grenier
Sa barbe commença à pousser
Vers ses tout derniers tours de piste
On aurait presque dit un rôliste…

Bon, bah ça y est c'est la fin du challenge de 48 livres que je m'étais fixé pour cette année. le problème, c'est que le dernier livre va pas être du tout, du tout facile à critiquer…

Intérêt scientifique

Donc Diaspora, c'est l'histoire de l'Humanité dans le futur qui se fait la malle suite à un phénomène cosmique qui réduit à néant le Système solaire. Les enchairés (les humains) ont péri, restent les gleisners (les robots) et les citoyens de polis (des IA ou des humains transcendés en IA) ; chacun de leurs côtés, ils partent sur les traces de civilisations extraterrestres, sauf qu'il y en a une, les Transmutateurs, qui semble plus intrigante que toutes les autres…
On vous l'a sûrement déjà dit : Diaspora, c'est le roman de hard-SF le plus ambitieux de toute la hard-SF. On y découvre des formes de vie extraterrestres surprenantes, d'autres dimensions, d'autres univers, le tout s'étalant sur des durées de temps devenant à la fin impossibles à mesurer. le sense of wonder va crescendo, avec à chaque fois des découvertes plus extraordinaires que la fois précédente : la destruction de la Terre dans un carnaval de couleurs vives ! des civilisations vieilles de plus d'un milliard d'années ! des personnages qui se dédoublent, se décuplent, se milluplent, ou bien fusionnent entre eux !
Mais bon ça, des tas de gens l'ont déjà dit avant moi, et en bien mieux. Diaspora est un roman dingue, c'est vrai, par moments éblouissant, mais on oublie trop souvent le côté romanesque, justement, pour faire passer en avant l'excellence de l'aspect spéculatif. Et du coup, ce qui m'embête, c'est que s'il s'agit d'un chef-d'oeuvre dans son genre, d'autres l'ont trouvé parfaitement imbuvable, et moi… bah comme d'habitude je me suis un peu retrouvé entre les deux. Alors me faites pas dire ce que j'ai pas dit, j'ai adoré beaucoup de passages, c'est une excellent lecture pour clore enfin ce challenge… mais c'est un livre qui ne parlera pas à tout le monde. Car Diaspora est non seulement ambitieux dans son genre, mais c'est aussi le livre-testament de son auteur Greg Egan, où il va mettre absolument tout ce qui faisait sa magie, sa force et sa faiblesse. Et donc la physique, la chimie, l'informatique, la géométrie, et toutes sortes d'autres sciences compliquées. Et ça va très, très loin.

Intérêt littéraire

Trop loin sans doute pour nombre de lecteurs : Greg Egan se montre patient avec nous, il vulgarise souvent, mais expose tellement de détails techniques pour rendre son multivers plus riche et plus mastoc qu'à un moment ou un autre il est obligé d'utiliser du vocabulaire et des calculs que ne comprendront pas forcément les non-matheux. Moi, par exemple, le passage sur les dimensions, j'étais complètement largué. D'ailleurs, s'il y en a qui se manifestent que dans l'infiniment petit… pourquoi après on voit l'univers entier en 5D ?!
Mais même ce défaut, au final, je l'ai trouvé peu rédhibitoire : parce que même si le livre a beau se sentir obligé d'exposer en permanence et de devenir verbeux par moments, même si les passages sur la géométrie non-euclidienne relèvent pour moi de l'ésotérisme pur, contrairement à mes premières appréhensions, eh ben ça vient pas plomber le reste du récit. Les personnages ont une âme, je dis pas qu'ils sont super-développés, mais oui, ils ont leur vie personnelle, leurs aspirations philosophiques. Yatima le candide, Inoshiro l'impulsif, l'ancien enchairé regrettant son passé tout en partant explorer le lointain futur… Alors oui, au final, on finit par s'attacher un peu à toutes ces IA, qui partent convaincues qu'elles vont tout comprendre l'univers entier maintenant qu'elles ont l'éternité devant elles… mais qui se rendent compte qu'au final c'est pas si simple.
Parce que oui, c'est aussi un peu ça, Diaspora : un roman sur la finition humaine. Les polissiers (on va les appeler comme ça pour faire plus simple) sont les maîtres de tout le savoir qu'ils veulent, mais les seules choses qu'ils maîtrisent réellement ne sont jamais que leurs univers virtuels (le terme « solipsisme » revient d'ailleurs en boucle tout au long du roman). Et lorsqu'un malheur arrive, ils sont incapables de sauver la plupart des enchairés, ni de stopper cette catastrophe cosmique. Alors que leur savoir s'accroît, alors qu'ils commencent à appréhender des races extraterrestres toutes plus incroyables les unes que les autres, alors qu'ils partent à la découverte de nouvelles dimensions, ils découvrent l'imminence d'une catastrophe vingt trilliards de fois pires ; et alors que le lecteur pourrait penser qu'ils sont tout près de devenir des dieux, on se rend compte que d'autres les ont précédé de manière infiniment plus vertigineuse.
Alors dans des moments pareils, il reste quoi ? La solitude de l'espace. L'immensité de l'univers abstrait et celle de l'univers physique. Et l'envie, pour quelques rares élus, de transcender tout ça par l'art.
Je n'ai jamais été sensible à la beauté des nombres. On me l'a décrit un peu comme moi je vois la philo durant les longues balades en forêt, mais je n'arriverais sans doute jamais à une abstraction aussi lointaine. Ma passion pour l'arithmétique, elle s'est arrêtée au CE1, quand on m'a grondé sur le fait que Théo et Léa n'avaient pas franchi le nombre exact de cases de la marelle du manuel scolaire. Alors, pourquoi j'aime autant la hard-SF ? Pour ce qu'elle fait découvrir. Pour les perspectives qu'elle offre avec tous ses éléments nouveaux, dont nombre d'entre eux que n'ont jamais épousé les autres genres littéraires. Pour cet art, justement, que les auteurs tentent de créer en parlant des trésors de l'Univers non plus sur le ton froid et sévère d'un essai, mais avec la poésie que se doit d'avoir toute oeuvre de fiction.
Parce que oui, c'est pas parce qu'Egan a un style sec et froid qu'il lui arrive pas un peu de se soucier de la manière dont il raconte son histoire. La naissance d'une IA, par exemple, comparée à la fois à une fractale et une fleur ; la création de délires géométriques virtuels, par une héroïne pour qui art et mathématiques ne forment qu'un ; mais surtout, malgré tous les problèmes qui viennent ensuite pour parvenir à les comprendre pleinement, cette histoire de dimensions. On est des êtres en 3D, on a jamais réussi à en voir d'autres ; les plus savants d'entre nous arrivent tout juste à les concevoir. Comment faire ressentir toute cette verve de la découverte, toute cette démesure hallucinogène impossible à représenter même avec les meilleurs effets spéciaux ? Quelque chose de hors-champ qu'on nous brandit juste sous le nez. Quelque chose d'implicite qu'on nous hurle au visage. Une idée à jamais inaccessible à l'imagination du lecteur, qu'on lui demande pourtant d'envisager.
Et Greg Egan y parvient, à faire vivre ces dimensions. La première fois qu'on nous immerge dedans, il exprime avec un réalisme ultra-immersif toute la stupeur, l'effroi et l'émerveillement ; le fait qu'on ait eu droit à une révélation fracassante juste avant ne fait qu'accentuer l'aspect émotionnel. Je me cramponne et tente d'imaginer à mon tour ces formes impossibles. Et alors seulement, je crois que je la touche, cette beauté des nombres, juste l'espace d'un instant.

Conclusion

Dans la vie, il y a des grands romans qui nous touchent moins qu'on le pensait ; mais bien souvent on n'en reconnaît pas moins le prestige et on ne s'en estime pas moins contents de les avoir lus. D'avoir parcouru toutes ces pages de grandiose, d'avoir couru dans les immensités désertes de ce palais de mots. J'ai passé une superbe année, où quelques trucs n'ont pas pu se faire, mais jalonnée par la découverte d'oeuvres bluffantes, et celle-ci n'en est pas des moindres. Diaspora n'a pas pour moi été la claque attendue, mais elle a été un pour moi un bon moment. Un très, très bon moment.
Alors si vous vous en sentez le courage, allez vous aussi financer ce genre de SF ambitieuse ! C'est le genre de machins que je veux voir dans cette décennie dont tout le monde parle, alors que ça va quand même être la 202ème, ça va au bout d'un moment. Allez vous aussi découvrir les tréfonds du cosmos et contribuer à l'arrivée d'un grand Imaginaire en France, fait de ces rêves que notre époque a oublié pour ne plus se pencher que sur l'utilitaire. Après, je dis ça, c'est pour votre culture…
Lien : https://cestpourmaculture.wo..
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La Science-Fiction évolue entre 2 poles.
L'un est la “SyFy” ou les héros prennent un spaceship comme on prend un taxi, et ou la science est juste un background permissif qui s'apparente à de la magie.
L'autre est la Hard-Science ou les héros n'en sont pas, et ou le respect des lois physiques universelles est exigé, avec une attention maniaque à la plausibilité des transgressions qui y sont proposées...
Cela étant posé, Diaspora est à la Hard-Science, ce que le Death-Noise-Metal est au Hard-Rock. En clair, faire de la musique avec du bruit, c'est comme faire de la narration avec de la prospective scientifique, avec un fort risque que ça se termine par un abasourdissement stupéfactionné...

Dans un avenir très lointain, l'humanité est divisée en 3 parties : des humains mortels de chair et de sang, de naturels à génétiquement hyper-modifiés, des humains artificiels aux corps d'androides quasi immortels, et des humains IA purement digitaux positivement immortels, et qui habitent des villes virtuelles logées dans des super-ordinateurs planétaires.

L'histoire débute par une psychogénèse, à savoir la « naissance » d'un être humain digital totalement désincarné, sans corps. On assiste à l'engendrement de Yatima, personnage que le lecteur pense principal à ce moment la, et qui le sera toute la première partie, mais que l'histoire relègue ensuite au second plan, sans raison propice au récit, et surtout au détriment de l'attachement que le lecteur lui a octroyé, et qui se retrouve éteint, ce qui met quelque peu la suite de l'histoire à distance d'implication… le roman polyphonique ne fonctionne que si ce choix narratif est instauré dés le début, auquel cas le lecteur le sait d'entrée et prend ainsi en compte toutes les voix : mais ici, le narratif devient polyphonique à la moitié du récit, on lache Yatima d'un coup, alors qu'on avait appris à l'apprécier, et on ne le/la reverra qu'épisodiquement… On sent bien qu'à un moment donné, Greg EGAN en du en avoir marre d'iel, peut être aprés une longue pause dans l'écriture, et il a décidé de le/la lacher pour se tourner vers ses compagnons, attrait de la nouveauté...
Cette « naissance » de Yatima s'étale donc sur un premier gros chapitre, et est racontée avec un extraordinaire souci de crédibilité, détaillée à l'extrème dans des termes techniques originaux, et soutenue par une approche rationnalisée, ce qui octroie un bon tournis, et dés le départ, fait émmerger cet incoercible et vertigineux « sense of wonder ». Greg EGAN commence son roman avec ce génial coup d'éclat, mais qui restera hélas orphelin...

On comprend rapidement aux libéllés des dates en début de chaque chapitre, que l'unité temporelle est loin d'être anodine pour les humains numériques, et on franchit ainsi les décennies, et plus tard des siècles et des millénaires, en suivant Yatima qui commence sa vie infinie, jusqu'à ce qu'arrivent les problèmes, sous la forme d'un cataclysme stéllaire qui promet de noyer le systeme solaire sous des tsunamis de rayons gamma.
Seul échappatoire, migrer l'Humanité ailleurs et loin : donc tandis que les humains naturels périssent dans la catastrophe cosmique, les humains androides survivent en s'expatriant pour explorer l'espace dans leurs machines corporelles, et les humains numériques trouvent le moyen de voyager presque aussi vite que la lumière dans leurs villes virtuelles.
L'histoire suit les habitants d'une, parmis des milliers, de ces villes virtuelles clonées et envoyées de part l'Univers pour essaimer la race humaine, la seule ville qui ira plus loin et plus fort que toutes les autres, aux confins des confins des univers, la ou l'existence même devient indicible…

le récit est globalement constituté de deux versants.
D'un coté, il y a les idées et notions scientifiques futuristes proposées, qui structurent l'histoire et les évenements, et qui sont éminement le point fort de Greg EGAN, tant il va au dela de tout de qui s'est fait dans ce domaine, en orginalité comme en plausibilité. Des chapitres entiers à théoriser comment les trous-de-vers se forment et peuvent servir à voyager entre univers, ou comment parvenir à la découverte qu'une bactérie géante de plusieurs dizaines de métres est en fait un ordinateur biologique hébergeant des intelligences virtuelles organiques, ou comment modifier ses sens pour percevoir en N dimensions, etc...
Et d'un autre coté, il y a les personnages, êtres virtuels mais concrets, qui restent étonnament humains dans leurs interrogations et choix, leurs aspirations et désirs, leurs contradictions et platitudes...
Et ces deux faces créent un contraste étourdissant entre l'inimaginable scientificité des concepts hallucinés developpés, et les états d'ames des personnages somme toute assez triviaux et prosaïques, qui pratiquent toujours les relations sexuelles virtuelles, ont des chagrins d'amours, sont jaloux, nostalgiques, etc... A tel point que leurs relations s'apparentent par moment à du soap télévisuel, sans épargner la dose de miévrerie inoxydable bien dégobillante propre au genre...

En compensation, ou presque, l'extrème austérité des digressions conceptuelles apparait plus qu'ardue, et il faut s'accrocher sévère pour enfin parvenir à toucher par moment une certaine poésie proto-absurde à la saveur femtomique. Car étant donné qu'il est bien évidement totalement vain pour le lecteur, de tenter de se figurer et de comprendre tout ces concepts, la seule façon de les traverser sans être largué comme un sac de sable de mongolfière, est de se laisser porter par leurs étranges et logiques musiques propres, de gouter à leur folie syllogiste, de les accepter dogmatiquement et croire qu'on les a compris, et d'ainsi naviguer à vue pour progresser doucement dans cet océan de spéculations débauchées…
Subséquement, la prose scientifico-prospectivo-vaticinatrice de Greg EGAN va aller s'intensifiant au fur et à mesure que le récit avance, jusqu'à la dernière partie radicalement incommensurable, ou toutes les limites de toutes choses sont pulvérisées, et ou la surenchère d'abstractions conceptuelles confine à l'insanité littérale, et littéraire.
Néanmoins, cette accelération exponentielle du final apparait passablement en roue libre, comme si l'auteur réalisant qu'il est allé peut être un peu beaucoup trop loin, se retrouve quelque peu démuni pour ficeler tout le truc de manière satisfaisante, d'ou cette fin ouverte en pseudo-queue de poisson à 36 dimensions, qui tombe comme un couperet sur sa planche...

Conclusion : dans sa démiurgique tentative de dramatiser ses élucubrations scientifico-anticipatrices, Greg EGAN réussi à moitié, et selon la moitié du verre que verra le lecteur, il sera séduit et emporté par l'exigence folle de cette expérience de pensée disjonctive, ou il sera navré et contrit par l'hermétisme cabalistique ultime du jargon aruspicien des discordances abracadabrantesques de ce texte granitique et sibérien, au minimum…
Me concernant, c'est verre à moitié plein, genre à 51%...
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Restez donc enfermés dans vos citadelles d’ennui infini et laissez-nous en paix. Nous autres humains sommes des créatures déchues, mais nous ne viendrons jamais ramper dans votre ersatz de jardin d’Eden. Je vous le dis : la chair continuera toujours d’exister, et le péché, les rêves, la folie, la guerre, la famine, la torture et l’esclavage aussi.
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Confiner spatialement une onde produit l’effet inverse sur la répartition de son moment. L’énergie cinétique, étant proportionnelle au carré du moment, est donc en carré inverse. De sorte que la force effective, qui est égale au taux de variation de l’énergie cinétique avec la distance, est en cube inverse.
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Une particule longue constituée d'un nombre impair de fermions garderait les deux premières propriétés des fermions, mais si elle incluait des bosons, leur présence serait détectable par les changements de phase induits lors des rotations de la particule.
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Tous les orphelins étaient des explorateurs, envoyés cartographier un territoire inconnu. Et chaque orphelin était lui-même le territoire inconnu.
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Nous avons besoin de comprendre ce que cela signifie que d’habiter l’univers.
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Livre audio: AXIOMATIQUE de Greg EGAN...
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