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Citations de Guillaume Cuchet (32)


Alors que la mort était autrefois au cœur de la vie quotidienne et qu’elle s’inscrivait de manière forte dans le cadre symbolique et rituel de la vie collective, on assiste progressivement à son relatif effacement de l’espace public.
Le caractère public et particulièrement organisé du cérémonial qui entourait le mourant ou les rituels des funérailles au début du XXe siècle a disparu. D’un phénomène public, inscrit dans la vie collective, la mort est peu à peu devenue, comme le souligne Norbert Elias, le fait d’individus isolés, placés en dehors de la vie sociale.
La mort s’apparente de plus en plus à une expérience privée, intime, à distance du reste de la société.
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Tout se passe en fait comme si, assez soudainement, au terme de tout un travail de préparation souterrain, des pans entiers de l’ancienne doctrine considérés jusque-là comme essentiels, tels le jugement, l’enfer, le purgatoire, le démon, étaient devenus incroyables pour les fidèles et impensables pour les théologiens.
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J'aurais tendance à dire personnellement que le concile a non pas provoqué la rupture (en ce sens qu'elle n'aurait pas eu lieu sans lui), mais qu'il l'a déclenchée tout en lui donnant une intensité particulière. On a longtemps eu du mal à en convenir dans I'Église, notamment en France, en partie parce qu'on avait peur en le faisant de donner raison, ne serait-ce que sur la chronologie, aux intégristes et traditionalistes qui ont depuis longtemps planté leur drapeau noir sur cette fâcheuse « coincidence ». Même si le concile s'inscrivait dans l'axe d'un processus de modernisation déjà bien amorcé dans certains milieux et domaines, il n'en a pas moins constitué, pour la masse des catholiques ordinaires, un choc religieux dont l'entrée dialectique avec la mutation socioculturelle simultanée a donné à la période son explosivité particulière.
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Une conscience patrimoniale n'est certes pas I'équivalent de la foi, même si elle peut y conduire, mais elle est du moins une conscience là où, autrement, prévaut le plus souvent la liquidation sans phrase d'un héritage d'une richesse prodigieuse, qui me paraît bien relever, elle, d'une forme d'inconscience collective. Elle a d'ores et déjà commencé à déboucher sur une prolétarisation métaphysique de masse dont les symptômes éclatent de toute part, notamment dans le succès de cette très médiocre littérature psycho-spirituelle qui nous tient lieu de maître intérieur.
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[...] on peut se demander si, dans le processus de la réforme conciliaire et le prolongement d'une évolution au moins biséculaire, un certain nombre d'éléments de croyance comme l'enfer ou le diable, qui font partie de la doctrine chrétienne, n'ont pas été sacrifiés sur l'autel de la réconciliation de l'Eglise avec le monde moderne, plus ou moins victimes d'une opération de démythologisation ou d'euphémisation rampante qui ne disait pas son nom. C'est la part de vérité de la thèse traditionaliste. Le diable a fait les frais de cette opération de dédiabolisation dont le concile était aussi le nom, même si l'on assiste depuis, dans l'Eglise, à un processus de récupération progressif d'une partie de cet héritage, volontiers assimilé par certains à une forme de réaction.
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Si l’on compare la structure religieuse de la France d’hier avec celle d’aujourd’hui, trois faits principaux ressortent : le recul du catholicisme, la montée des non-affiliés (les nones des études américaines) qui représentent désormais près de 50 % des 18-50 ans, et celle de l’islam, devenu par immigration la deuxième religion du pays et qui rassemble environ cinq millions de fidèles et 7,5 % de la population.
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Nos sociétés sont traversées par un débat sur la « fin de vie » et l'euthanasie qui remonte aux années 1970. Le parallèle avec celui sur l'« interruption volontaire de grossesse » est suggestif. La loi Veil date du 17 janvier 1975 et le premier projet de loi sur l'euthanasie, de 1978. Les deux questions ont donc été posées en même temps et souvent par les mêmes, mais elles n'ont pas eu le même calendrier ni, provisoirement, la même issue, en partie parce que la naissance et l'officialisation du mouvement des soins palliatifs, dans les années 1980, ont fourni une réponse au problème de la mort, qui a retardé l'issue probable du débat. Tout le monde sent bien cependant qu'on y vient par étapes, comme on est venu au reste, la dernière en date étant celle de la « sédation profonde terminale ». On ne voit pas bien, en l'état de nos courbes, ce qui pourrait nous empêcher d'arriver à l'euthanasie.
Paul Yonnet est un des premiers à avoir souligné le lien entre ces deux « révolutions atomiques » dans la subjectivité contemporaine et, partant aussi, dans la culture, qu' ont été le contrôle quasi infaillible de la fécondité d'une part, et le recul de la mort de l'autre. Comment accepter, à partir du moment où on a délogé le hasard des origines de la vie, qu'il se maintienne à la fin, a fortiori quand le moment précis de la mort dépend de plus en plus d'une décision médicale ? Les contemporains voudront boucler la boucle et se donner le même niveau de maîtrise de la vie en amont qu'en aval.
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Le fait est que l'on assiste alors, dès 1963-1964, à une dépénalisation tout à fait nouvelle au sein du catholicisme de l'abstention religieuse, considérée désormais comme secondaire au regard des « vrais » critères de christianisme que seraient la sincérité des consciences, T'engagement militant ou le service de la cité et des pauvres. Les pratiques religieuses - ce qu'on appelait jadis, dans les anciens catéchismes, les « commandements de l'Eglise »- ont alors cessé d'être présentées comme des devoirs impérieux dont il fallait s'acquitter, bon gré mal gré, parce que c'était l'habitude, que le clergé le demandait et qu'il en allait du salut. Désormais, au contraire, la pratique religieuse devait être d'abord volontaire, et mieux valait à la limite s'en abstenir si l'on ne s'en acquittait que pour de "basses" raisons, comme obéir à de vieilles habitudes ou par crainte de Dieu.
Il en est résulté un vaste phénomène de décompression collective dont toutes les pratiques se sont ressenties, mais tout particulièrement celle de la confession parce qu'elle avait toujours été, pour le grand nombre, la plus coûteuse et la plus problématique.
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Plus fondamentalement, le concile a ouvert la voie à ce qu'on pourrait appeler une « sortie collective de la culture de la pratique obligatoire sous peine de péché mortel, laquelle occupait une place centrale dans l'ancien catholicisme.
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Une autre raison probable de cette difficulté à penser la rupture en temps réel est ce qu'il faut bien appeler la sanctuarisation idéologique du concile Vatican II, qui, de facon plus ou moins consciente, a longtemps sous-tendu les raisonnements sur le sujet. On a voulu éviter d'apporter de l'eau au moulin intégriste ou traditionaliste en admettant qu'il ait pu avoir raison au moins sur la chronologie, un peu comme, dans les mêmes années, on avait tendance à minorer le rôle de la Révolution dans le décrochage religieux de la fin du XVIIIeme siècle, pour éviter d'avoir l'air de ressasser de mauvais souvenirs. La génération du concile, qui a vécu l'événement comme un progrès majeur dans sa conception du christianisme, a eu le plus grand mal à admettre qu'il puisse avoir joué un rôle dans la crise et, pour être plus précis, dans le décrochage de la pratique. Tout au plus a-t-elle bien voulu convenir généralement du fait que le sens de la pratique avait évolué (en bien), privilégiant désormais, comme critères du christianisme véritable, les comportements volontaires et les engagements "évangéliques" , de type social ou politique en particulier.
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Il est difficile de se figurer aujourd’hui qu’encore au début des années 1960, avec des nuances significatives selon les régions, les confessionnaux étaient pris d’assaut à la veille des grandes fêtes religieuses et que le sacrement de pénitence était considéré par le clergé comme l’un des plus chronophage de son ministère avec les enterrements. (p 200) (…) Cette chute de la confession constitue donc en soi un fait sociologique et spirituel majeur dont il est probable qu’historiens et sociologues n’ont pas pris toute la mesure. Rien moins, en somme, que la foudroyante mutation par abandon massif, en l’espace de quelques années seulement, d’une pratique qui a profondément façonné les mentalités catholiques dans la longue durée, ainsi que les formes culturelles de la culpabilité individuelle et collective.
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Si le spiritisme a eu tant de peine à pénétrer dans les campagnes, dans ses formes "pures", ce n'est pas seulement en raison de l'emprise plus forte du clergé mais aussi parce que l'ancien rapport aux morts continuait bien souvent d'y prévaloir et que personne, en dehors de quelques notables à l'affectivité déjà moderne, n'avait très envie de "faire" délibérément des revenants. Le soucis prédominant, le plus souvent, continuait à être de s'en débarasser.
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Par culture, j'entends quelque chose qui soit plus qu'une simple « identité», surtout si celle-ci devait devait n'être que réactive (antimusulmane, par exemple, à la manière du christianisme très douteux de certains leaders populistes européens), et moins qu'une « foi » proprement dite (si tant est qu'on puisse s'entendre Sur ce qu'elle est exactement) pour laquelle, en tant qu'historien, mais aussi chrétien d'une espèce très inférieure, je ne saurais plaider sérieusement. Plus aussi qu'un ensemble de «valeurs » (comme on dit volontiers), d'inspiration plus ou moins évangélique, qui existent indépendamment du christianisme (fort heureusement) et qui ne me paraissent pas remplir les conditions anthropologiques d'une véritable religion.
J'y vois plutôt un ensemble de « ressources », ordinaires et extraordinaires, personnelles et collectives, intellectuelles et rituelles, comportant au minimum et par ordre d'importance : une identité (non exclusive), des connaissances (sans lesquelles une bonne partie de notre culture est inintelligible), une sociabilité (car la religion est aussi un fait communautaire et social), une distance critique vis-à-vis du monde moderne et du monde tout court, une exigence radicale d'altruisme, le moyen de faire face aux épreuves de l'existence, notamment celles qui sont, apparemment, les plus insolubles, et, in fine, une forme d'intensification du sentiment de l'existence qui la replace dans un drame cosmique grandiose, proportionné à sa complexité et à son mystère qui, pour le coup, me paraît faire presque partie de l'histoire « naturelle » de l'esprit humain, sans bien s'expliquer par des causes du même ordre.
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La France, en effet, a longtemps été un pays de vocations pléthoriques, sans beaucoup d'équivalents dans le monde, au point d'avoir pu en défrayer toute la planète sous forme de vocations missionnaires aux XIX° et XX° siècles. En 1830, sommet séculaire de la courbe, on a ordonné 2 357 prêtres en France, contre une centaine aujourd' hui tous les ans avec trente millions d'habitants en plus. Soit, mutatis mutandis, un ratio d'un à quarante entre les deux.
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On a vu que la sociologie de l'époque, du moins celle de Boulard, ne s'attendait pas à cette rupture et encore moins à ce qu'elle vienne des jeunes. Elle s' intéressait bien davantage au destin religieux des paysans et des ouvriers ; les enfants – le tout-venant de la communion solennelle étaient considérés par elle comme une sorte de clientèle captive qui, une fois dégonflée la bulle artificielle du rite de passage, avait tendance à s'aligner mécaniquement sur le niveau de pratique de ses parents. De même s'intéressait-elle davantage aux hommes qu'aux femmes, toujours plus pratiquantes que les premiers, surtout dans les régions déchristianisées.
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Les polémiques suscitées par la réforme liturgique et la messe, qui ont davantage retenu l'attention des contemporains et des historiens, ont masqué cet événement fondamental (la sortie de la culture de la pratique obligatoire) dont les effets ont été d'autant plus puissants qu'il a eu lieu à l'intérieur d'une mutation générale des formes de l'autorité dans la société, en particulier dans le domaine familial et scolaire, amplifiée par la baisse du contrôle social liée à l'exode rural.
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Dans le domaine de la piété, des aspects de la réforme liturgique qui pouvaient paraître secondaires, mais qui ne l'étaient pas du tout sur le plan psychologique et anthropologique, comme I'abandon du latin, le tutoiement de Dieu, la communion dans la main, la relativisation des anciennes obligations, ont joué un rôle important. De même que les critiques de la communion solennelle qui se sont multipliées à partir de 1960 et surtout de 1965, ainsi que la nouvelle pastorale du baptême (à partir de 1966) et du mariage (en 1969-1970), qui avait tendance à hausser le niveau d'accès aux sacrements en exigeant des candidats davantage de préparation et d'investissement personnel.
Dans le domaine des croyances, sans doute plus encore que les nouvelles orientations de la théologie et de la catéchèse débattues en octobre 1966 à l'occasion de la publication projetée de « nouveaux catéchismes >, c'est le fait même du changement de discours qui a compté.
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D'où cette rupture, puisque rupture il y a eu, a-t-elle donc bien pu venir ? II faut qu'il y ait eu un événement derrière un phénomène de cet ordre, au moins pour le provoquer. Mon hypothèse est qu'il s'agit du concile Vatican II. On ne voit pas en effet quel autre événement contemporain aurait pu engendrer une telle réaction. La chronologie montre que ce n'est pas seulement la manière dont le concile a été appliqué après sa clôture qui a provoqué la rupture. Par sa seule existence, dans la mesure où il rendait soudainement envisageable la réforme des anciennes normes, le concile a suffi à les ébranler, d'autant que la réforme liturgique, qui concernait la partie la plus visible de la religion pour le grand nombre, a commencé à s'appliquer dès 1964.
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En 1947, les campagnes rassemblaient encore 45 % de la population. Pour prendre la mesure de la spécificité française dans ce domaine, il convient de rappeler que cette barre symbolique des 50 % de population urbaine avait été franchie autour de 1850 en Angleterre et de 1890 en Allemagne.
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Pour le reste, l'historien (tel que je le conçois du moins) ne sait rien du christianisme « réel ». II laisse le soin aux théologiens ou aux moralistes de nous dire ce qu'il est et qui en est, s'ils l'osent. Saint Augustin au début du Ve siècle disait que les frontières de I'Église visible ne recoupaient pas celles de l'Église invisible, que certains qui étaient apparemment « dehors » étaient en réalité « dedans », et inversement, même s'il estimait malgré tout qu'il devait bien y avoir un certain rapport de proportion entre les deux, sans quoi l'institution ne servirait à rien. Pour l'historien, le chrétien est simplement celui qui se déclare tel et qui s'efforce de se mettre en règle avec ce qu'il estime être les devoirs de son état. Moyennant quoi, il me semble que les courbes de pratique à la manière de Boulard, avec leur austérité de bon aloi, continuent d'avoir des choses à nous apprendre sur notre monde et, pourquoi pas - qui sait ? -, sur nous-mêmes.
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