Citations de Hannah Kent (146)
Etait-ce cette nuit-là que tout avait commencé ? Etait-ce cette nuit-là que Nance avait découvert les étranges charnières du monde, les seuils séparant le connu de l'inconnu ? Cette nuit-là, à l'âge de dix ans, elle avait enfin compris pourquoi les hommes redoutent l'obscurité. C'est une porte ouverte : sitôt le seuil franchi, on est changé. Affecté. Transformé.
Ce n'est pas lui, pensa Nora quand on lui apporta le corps de son mari. Ce mort hissé sur les épaules moites des hommes qui se tenaient devant sa porte, suffoquant dans l'air glacé, n'était qu'une cruelle imitation - un change-lin !
C'est injuste. Les gens prétendent vous connaître sous prétexte qu'ils savent ce que vous avez fait, mais ont-ils pris la peine d'écouter ce que vous avez à dire? Bien sûr que non! Dans cette vallée, vous aurez beau vous démener pour vivre en bon chrétien, si vous commettez une erreur, elle ne vous sera jamais pardonnée. Même si vous avez opté pour ce qui semblait être la meilleure solution. Même si une voix s'écrie au plus profond de vous-même "Je ne suis pas celui que vous croyez!" Seule compte l'opinion que les gens ont de vous. Elle définit qui vous êtes. page 151
Indridi, le nourrisson à tête de chardon dont j'ai coupé le cordon, est mort quelques années après. Il était assez grand pour parler. Assez grand pour savoir qu'il avait faim. Steina a-t-elle vu des enfants mourir? Cette fille n'a rien de commun avec moi. De la vie, elle n'a vu que les arbres. Moi, j'ai vu leurs racines tordues enlacer les pierres et les cercueils. Page 240
Mais Nathan n'est pas venu vers moi, je l'ai vu s'asseoir sur un tabouret pour ôter ses bottes.Ensuite, il a quitté son pantalon et passé sa chemise par-dessus sa tête.Ses vêtements formaient un petit tas sur le sol.lorsqu'il s'est levé, j'ai cru qu'i se dirigeait vers moi, mais il a fait deux pas vers la fenêtre .Et dans la pénombre ,j'ai vu qu'il se glissait sous les couvertures de Sigga.
J'ai compris alors ce que Rósa avait voulu dire en nous traitant de gueuses.J'ai du faire un violent effort sur moi-même pour ne pas crier quand je l'ai entendu chuchoter à l'oreille de Sigga pour la tirer du sommeil.
Un ange était passé .Margrét avait échangé un regard avec Agnes .Puis un sourire bref, un peu crispé.
Le bébé s'était présenté par le siège, comme l'avait prévu Agnes.Elle avaient d'abord vu apparaitre ses orteils couverts de sang, puis ses jambes, son corps et enfin sa tête.Le cordon était enroulé autour de son bras et du cou, mais il respirait
Le Bebe se présentait mal.c'est Agnes qui le leur avait annoncé, après avoir brusquement posé ses mains sur le ventre de Róslin. Celle ci avait hurlé , ordonnant aux autres de l'éloignerais ni Margret ni Ingibjörg n'avaient obtempéré.
les âmes passionnels sont rares, je vous l'accorde.Mais Agnes est deux fois plus âgée que Sigga .Un an avant le meurtre , elle a quitté cette vallée ,où elle avait passé toute sa vie ,pour se rendre à Illugastir
Vous serez sans doute pardonné d’àvoir cru que l’amitié vous aiderait à guider cette meurtrière sur la voie de la vérité et du repentir. Vous êtes jeune et dénué d’expérience . J’aurais dû me montrer plus circonspect avant de vous confier cette mission.Je partage donc avec vous la responsabilité de cette situation.
C'est étrange ,dit-elle en s'aidant de son petit doigt pour enrouler le brin de laineux bout de l'aiguille à tricoter.La plupart de mes souvenirs d'enfance sont flous.Comme si je les regardais à travers un panneau de verre fumé.Alors que la mort d'inge,et tout ce qui s'est passé ensuite .... j'ai l'impression que c'est arrivé hier.
je n'ai q'un souhait vers toi,
prisonnière de ton chagrin et de tes douleurs:
ne viens pas rouvrir mes blessures
je ne peux croire à ce que je vois.
Ah ,quelle peine est la mienne!
Puisse Dieu m'accorder son pardon
Souviens-toi que Jesus nous a portés
Tous les deux et pour la même raison.
je me suis trompée .Ils me condamnent à mort et c'est à un gamin que je demande de m'aider! Un gamin aux cheveux rouges, qui engloutit sa tartine beurrée et trottine jusqu'à son cheval dans son pantalon mouillé.Et c'est lui qui est censé m'apprendre à prier pour mon salut! C'est lui dont j'espère recevoir de l'aide-mais qu'elle aide au juste? Et comment s'y prendra-t-il?Je n'en sais rien.
elle ferma les paupières et repensa à la prisonnière.A l'avidité bestiale avec laquelle Agnes avait lapé l'eau de la marmite.A sa faiblesses grande qu'elle n'avait pu se déshabiller seule:elle avait essayé de dénouer sa robe ,mais ses doigts enflés refusaient se plier .Magrét avait été contrainte l'aider, grattant la boue séchée du bout des ongles pour pouvoir desserrer les lacets.
Ils m'ont ficelé en travers de la selle comme un cadavre qu'on mène au cimetière.Pour eux, je suis déjà morte.juste bonne pour la tombe.mes bras entraves sont tendus devant moi.les fers me cisaillent les poignets :je les vois empourprer tout au long de cette parade interminable.
Parfois,je me demande si je ne suis pas déjà morte.Est-ce vivre que d'attendre ainsi dans le noir et le silence, enfermée dans une pièce si fétide que j'en oublie l'existence de l'air frais?Le pot de chambre est si plein de mes propres déjections qu'il débordera bientôt si personne ne vient le vider.
Pour avoir recueilli ses aveux, je peux attester de son caractère borné et intransigeant. Son apparence physique résume à elle seule son tempérament : il est couvert de tâches de rousseur et - pardonnez-moi, mon révérend - doté d'épais cheveux roux, signe d'une nature traitresse.
C'était assez macabre, à vrai dire, mais Margrét avait éprouvé un certain soulagement à évoquer la mort à voix haute, comme si le simple fait de la nommer suffisait à la tenir à distance. Etait-ce pour cette raison qu'Agnès passait plus de temps à parler au révérend qu'à l'écouter ?
- Sais-tu ce que cela signifie, d'avoir un creux dans la paume ? C'est signe de mystère. Il y a en nous quelque chose de secret, d'impénétrable...mais ce petit espace vide peut se remplir de malchance si nous n'y prenons pas garde . Si nous exposons le creux de notre paume au monde, à sa noirceur, à son infortune.
Je devine en le regardant qu'il s'interroge, qu'il laisse cette pensée tourner dans son esprit, qu'il la savoure avec délectation, comme un gamin suçant un os à moelle. Il risque d'être déçu. En fait d'os à moelle, il est tombé sur une pierre.
Il fait un temps exécrable, la pluie nous glace et le vent nous mordille les talons comme un loup, nous rappelant que l'hiver est proche. (p.272)