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Critiques de Hélène Bessette (34)
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Ida ou le délire

Un des grands plaisirs en littérature est la découverte d'écrivains majeurs, de livres qui comptent dans l'histoire de la littérature mais aussi dans les histoires personnelles des lecteurs. On reconnaît souvent - mais pas toujours- un grand livre à ce qu'il se lit d'une traite, en une soirée et à la marque que l'on pressent qu'il va laisser en nous.

Hier soir, j'ai lu "Ida ou le délire", c'est le premier livre que je lis d'Hélène Bessette dont les éditions Léo Scheer ont entrepris de rééditer l'oeuvre depuis 2006, après Gallimard, son éditeur d'origine. Cela a été un choc.

Le style tout d'abord : on ne peut plus sec, comme un coup de poing à l'estomac avec une ponctuation très originale (réduite au point et pas toujours où on l'attendrait). On peut penser à l'écriture de Duras (à cause du discours en boucle et de certaines phrases qui reviennent comme des inacantations) mais en moins hermétique.

Le thème ensuite : la lutte des classes, quand elle s'inscrit dans les corps (ici, c'est le regard d'Ida toujours fixé sur ses pieds) et détermine des destins individuels.

L'héroïne enfin : Ida, une femme de ménage vivant au domicile de ses patrons, "oiseau de nuit" comme elle se définit quand elle entreprend d'arroser les fleurs en pleine nuit au grand dam de "Madame" (Madame, qui se croit dans son bon droit, qui confond le respect avec un infantilisme mêlé de dédain), Ida qui tient à avoir un beau manteau, plusieurs paires de chaussures, Ida qui lit des catalogues dans sa chambre aux stores baissés, Ida qui est morte.

Hélène Bessette : une nouvelle voix dans mon pandémonium.
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Ida ou le délire

Ida, vieille servante discrète, est morte, percutée par une voiture. Alors il ne reste que les mots de ses employeurs, les Besson, pour savoir qui elle était.



Même devenue cadavre, elle est l’objet de leur dévalorisation incessante, de leur mesquinerie, et de leurs reproches inépuisables, sous couvert de fausse bienveillance et de soi-disant tact, coupable inexpiable de sa pauvreté. Ils disent, ils se souviennent, de cette bonne ingrate, disparue sans prévenir, dans un récit de forme très particulière, succession de monologues et d’énoncés réjouissants et cruels.



Mais surtout ils questionnent, car l’objet de leur rancœur, et de leur jalousie, est la force qu’Ida enfin gagne, en disparaissant : elle reste ce qu’elle était au moment de l’impact de l’accident, une forme non identifiable, une femme inconnue.

Et ainsi par les mots de ses employeurs, Hélène Bessette la transforme en kaléidoscope de leurs préjugés et de leurs mépris : Ida automate, poupée mécanique exécutant les ordres, bras ballants visage blanc, Ida-oiseau de nuit arrosant les fleurs et sirotant un petit verre de cognac en pleine nuit, enfant-Ida servante infantilisée par ses employeurs, Ida-objet appartenant à ses propriétaires, Ida-femme aimant les chaussures et la lingerie, Ida-suicidée car elle avait compris qu’elle ne sortirait jamais de sa condition, le cadavre-Ida qui enfin devient forte car elle conserve son mystère en mourant.



Méconnue de son vivant, Hélène Bessette pensait qu’elle deviendrait célèbre longtemps après sa mort. Elle est morte en 2000. C’est le moment de la lire.



«Ida lucide

sait ce qu’elle fait lorsqu’elle entre chez les Besson.



Non par le mariage mais par la domesticité

Par l’appartenance.

Si l’on prend soin d’elle, au moins en paroles, c’est en tant que propriété. Ce qui d’ailleurs est énorme et représente un bon vouloir sincère.

Ida n’ignore pas sa haute position très objective.

L’objet-Ida.

Ida n’ignore pas les Besson. Que personne n’ignore au demeurant. Tout le monde sait tout, des Besson. Aussi ce petit livre ne sera pas consacré aux Besson dont on sait tout (toutes choses flatteuses cela va sans dire). Mais ce petit livre sera consacré à la pauvre Ida. À ses pieds notamment.

Car il est beaucoup plus intéressant de parler de ce qu’on ne sait pas que de parler de ce qu’on sait.

L’ignorance lève mille rêves mille brumes éthérées mille brouillards opaques. Où tremblent des lueurs. L’ignorance lourde de vertus inconnues, méconnues. Un monde de richesses en fusion.

D’où s’évadent mille images fantomatiques. Et peut-être les seules vraies. »
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Ida ou le délire





« Le cas Ida. Quelqu’un qui avait un nom. Ida. Née. Vécu. Morte. Le dernier mot seul retient l’intérêt. »



Avec cette phrase, non seulement il nous est permis de résumer ce roman de 130 pages mais surtout de découvrir, si tel n’a pas déjà été fait, son auteure. Hélène Bessette.



Des phrases courtes. Une ponctuation très importante basée majoritairement sur des points. Des points dont la place ne pourra que surprendre le lecteur.



Un texte ainsi construit que la lecture se fait immédiatement à voix haute ou plus exactement à lecture basse. Car oui, Hélène Bessette, bien que n’ayant écrit aucune pièce de théâtre, nous livre, une nouvelle fois, une histoire dont les acteurs sont face à nous, jouent un rôle, clament leurs pensées.



Auteure méconnue du grand public, morte dans le plus grand dénuement, elle reste selon Duras, Yourcenar et Queneau (son protecteur), excusez du peu, une des grandes et incontournables écrivains du XXème.



Alors pourquoi cet ostracisme? Le personnage: complexe et irascible parfois, l’écriture: avant gardiste, rebutante pour certains, les sujets polémiques: elle perdra un procès sur l’un de ses romans.

Difficile de dire pourquoi il aura fallu attendre plus de 10 ans après sa mort pour qu’elle soit sortie de l’ombre et rééditée.



Avec Ida, nous retrouvons les thèmes favoris d’Hélène Bessette. La lutte des classe, le cynisme de la bourgeoisie, une certaine médiocrité de la vie, le tout sur un fond où humour et révolte se côtoient sans cesse.

Ida vient de mourir, écrasée en dehors des clous. Cette bonne résumée à sa manie de ne regarder que ses pieds, devient en réalité, avec sa mort, un mystère pour la famille bourgeoise qui l’employait.

La crise va alors éclater dans ce milieu de bien-pensants.



Suite et fin après 141 pages.

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Le bonheur de la nuit

Déconcertant par le style au premier abord puis on se rend compte petit à petit que Hélène Bessette sous un air de ne pas y toucher avance ses mots et d'un mot à l'autre, d'un ton badin elle fait mouche et a la dent dure pour tous ces êtres superficiels, frivoles qui s'agitent dans le vide, virevoltent préoccupés avant tout d'eux-mêmes, snobs et méprisants. Mais ils se prennent à leur propre piège.

Merci à 270778 (Marianne Desroziers) pour m'avoir donné envie de découvrir cette écrivain que je n'avais jamais lu.
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N'avez-vous pas froid ?

La plume d’Hélène Bessette est un scalpel et lire ses textes est un choc.



Hélène Bessette (1918-2000), auteur restée trop obscure, malgré ses treize livres publiés chez Gallimard, fut mariée à un pasteur protestant. C’est aussi le métier de l’auteur des lettres qui composent ce livre de 1963, «N’avez-vous pas froid», qui fut à l’époque sur les listes du Goncourt et du Médicis.



G. écrit à sa femme Dora, malade et partie en Suisse pour se faire soigner. Les réponses sont absentes du récit mais on les devine dans les lettres de G. Cette correspondance lue à sens unique ouvre les portes d’une chambre noire, intérieur d’un homme en morceaux : il veut se séparer de son épouse, il en aime une autre, mais, pasteur, est écrasé par les institutions du mariage, de l’Église et le respect des conventions. Désemparé, fracturé, il avance dans une valse-hésitation, introspection dans laquelle il se perd, mais en même temps manipule, a recours à des tactiques déloyales, accuse et porte des coups faits de mots.



Le changement de registre, des banalités courtoises de deux êtres devenus étrangers l’un à l’autre, en passant par l’espoir, les regrets, la disgrâce ou les accusations, sont des sauts, des déséquilibres qui nous plongent au cœur de ce qui fait un homme.



«Et t’ai-je jamais aimée ? Je me le demande.

Mon Amour était comme ma Foi.

Rien du tout.

Des mots. De l’air. De la jeunesse. Sans raison. Des forces.

À dépenser.

Maintenant je terminerai ma vie avec

ce rien-amour

ce rien-foi.

Parce que je ne veux pas souffrir la Condamnation sans appel de l’Eglise au visage cadavérique et violet.»



L’écriture est chargée d’une souffrance écrasante malgré son dépouillement, et les mots d’une acuité et d’une cruauté cinglantes. Dans ces phrases détachées sur la page comme un texte poétique, chaque mot se défait de sa banalité.



«Dialogue des cœurs à demi-mort. A du mal à prendre fin.

Et nos cœurs en cendre ont du mal à mourir.

À se consumer.

Jour par jour.

Lettre par lettre.»
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On ne vit que deux fois

Cet ouvrage est une autobiographie de l'écrivaine Hélène Bessette, née en 1918 et morte en 2000 : je ne lui attribue que trois étoiles et demi parce qu'elle y apparaît comme une femme aigrie par la non-reconnaissance et la misère de sa vie.

Pourtant elle est un auteur de tout premier ordre, l'égale au moins d'Alain Robbe-Grillet et de Georges Perec. Queneau, Duras, Grenier et quelques autres ne s'y sont pas trompés. Sa littérature, assez expérimentale mais néanmoins lisible, aurait dû lui assurer une renommée considérable. Hélas, petit bout de femme de 1,50 m, mère engluée dans des problèmes matériels, institutrice mal notée parce que trop rebelle, non issue de l'Ecole Normale Supérieure, diffamée, malade, mal embouchée et survivant grâce à des ménages, rien ne lui permettait d'accéder au sérail. Elle fait elle-même le portrait du poète à succès qui apparaît comme son négatif, ou pour mieux dire son positif : homme de salon, jeune, prospère, diplômé, communiste, partout accompagné de femmes grandes et belles. Il lui manque à peu près tout pour s'ouvrir les portes, la prestance, le sexe, le milieu social, les études universitaires prestigieuses. Sauf le talent qu'elle est consciente de posséder mais qui ne suffit pas. Bien pire, qui gêne : on ne peut la classer dans aucune catégorie en "isme" car elle déteste les chapelles, elle n'est même pas féministe. Vraiment, elle n'y met pas du sien !

Il faut rendre hommage à Raymond Queneau grâce à qui elle fut publiée, et lui rendre doublement hommage d'avoir persévéré autant qu'il était humainement possible face aux contraintes de l'édition : les oeuvres ne se vendirent qu'au compte-goutte, prirent trop vite le chemin du pilon et Hélène Bessette, il faut bien le reconnaître, ne cultivait pas la gratitude.

On la re-découvre aujourd'hui à travers ses oeuvres complètes entièrement ré-éditées. Lulien Doussinault lui a consacré une biographie intitulée "Bessette" et le mois prochain (août 2018), son oeuvre sera abordée pendant une semaine dans un colloque à Cerisy.

Ses oeuvres sont étonnantes. L'un de ses romans, "MaternA" m'avait ébahie : publié en 1954, republié depuis, il paraît encore aujourd'hui une oeuvre d'avant-garde.
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La Tour

«De nos jours, Bessette se lit encore et toujours au futur.» (Noëlle Renaude)



Laure Limongi raconte dans «Indociles», son essai littéraire consacré notamment à Hélène Bessette, sa première rencontre incongrue, fruit d’un hasard extraordinaire, avec un livre de cet auteur littéralement tombé du ciel. Toute rencontre avec Hélène Bessette est un choc halluciné, un traumatisme heureux, tant cet «auteur maudit», publiant ce roman «La Tour» en 1959 totalement à contrepied au cours d’une époque de croissance glorieuse, était en avance sur son temps, et le reste toujours des décennies plus tard.



Ce cinquième roman d’Hélène Bessette (publié en 1959 aux éditions Gallimard, aujourd’hui disponible dans la collection Laureli chez Léo Scheer, avec une belle postface de Noëlle Renaude) met en scène deux couples en face-à-face, Marcel et Louise qui, au début du livre, dans un chapitre d’une modernité et d’une actualité inouïes (en écho prémonitoire au pire de la téléréalité et des jeux télévisés actuels), gagne une somme d’argent très importante à un jeu radio, et leur couple d’amis fidèles Fernande et André.



«Les voici partis dans la vie pour être Monsieur et Madame. En nickelé. En chromé. En plexiglas. En técalémit. En plein aux as. En sécurit.

– Attention ! crient ensemble Fernande et André. Attention !

Voix aigres. Vent du nord.

Attention ! au revers (de la fortune). Tout a un revers. La splendeur des saisons. La blancheur des hivers. La richesse des floraisons. Le bonheur dans la maison. Les médailles. Les épousailles. Attention !

Fernande au visage angélique. Chante le refrain nostalgique d’une voix caverneuse dans la lutte pour la vie algébrique. Elle déguste de mauvaise humeur le Martini qu’on lui offre pour fêter la fin des sombres années.»



Mademoiselle Louise, tendue de désir, d’ardeur et d’anxiété, hypnotisée par cet argent qui devient le nœud central et unique de son existence, prenant la place de l’amour, de la culture, du bonheur, son jeune époux Marcel transformé en accessoire du nouveau statut auquel elle aspire, Fernande et André confits dans la critique et l’envie, tous les personnages, dépouillés de toute authenticité, semblent être réduits aux rôles qu’ils jouent ou rêvent de jouer, dans cette société entièrement soumise à l’argent et aux apparences.



«La rue est indiscutablement belle. La rue est millionnaire. Attirante. Captivante. Ensorcelante. Envoûtante. Louise tire son mari vers les images, les vitrines, les bazars, les arcades, les boulevards, les trottoirs, les éclairages, les conversations au néon, les signaux alarmants, excitants, les sémaphores insolites, les panneaux publicitaires et sensationnels. L’extravagante nuit. Comme-en-plein-jour.

Dans la rue, on croise les autres. Pressés. Inquiets. Avides. Quêtant du regard les cascades de lumière. Les yeux éblouis. Papillotants. Fascinés. Les autres. Des Fernande. Des Louise. Des Marcel. Des André.

La rue tentatrice ouverte à tous gratuitement. La rue spectacle permanent. Sans entrée. Sans sortie. Sans porte. Sans guichet. Châteaux illuminés éclatants. Châteaux du vingtième siècle. Pour les yeux éperdus d’étonnement. Ciel neuf et bariolé. À grands traits dessinés. Vite lu. Vite exploré. Ciel facile. Dans la cire molle de l’esprit paresseux, ciel facilement imprimé.

Comme de vastes écrins béants s’étalent des boulevards brillants.»



Avec son écriture radicale, désarticulée et lancinante, utilisant les mots comme des projectiles, l’écriture de Bessette est un choc à chaque phrase, et ses transformations incessantes semblent refléter la versatilité des humeurs, les non-dits, les nœuds insidieux de la pensée et de la parole, refléter les mouvements de girouette des personnages mus par leur désir insatiable de consommer, par la jalousie enfouie sous le visage de l’amitié bienveillante, par la frustration de ne pas pouvoir accéder au luxe, des personnages consumés par l’envie et les feux de la marchandise, par la peur du déclassement et de la médiocrité.



Aucune des phrases d’Hélène Bessette n’a été écrite pour séduire, et près de soixante ans après sa publication, la puissance, la modernité et la liberté de «La Tour» restent éblouissantes.



Retrouvez cette note de lecture sur mon blog ici :

https://charybde2.wordpress.com/2016/01/17/note-de-lecture-la-tour-helene-bessette/



Pour acheter ce roman à la librairie Charybde, sur place ou par correspondance, c'est par là :

http://www.charybde.fr/helene-bessette/la-tour

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Le bonheur de la nuit

Ce n’est pas la première fois que je lis un livre d’Hélène Bessette : c’est la cinquième – il y eût par ordre de lecture « Ida ou le délire », « Materna », « Suite suisse » et « N’avez-vous pas froid » - et pourtant le charme opère toujours comme si c’était la première fois que je rencontrais cette écriture si particulière, précise, rapide, qui ne manque jamais sa cible.

Une fois encore, elle pose un regard cru et souvent cruel sur une galerie de personnages « en crise »

La suite sur le blog : http://lepandemoniumlitteraire.blogspot.com/2011/04/le-bonheur-de-la-nuit-dhelene-bessette.html
Lien : http://lepandemoniumlitterai..
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Lili pleure

Lili, jeune fille, vit chez sa mère.

Charlotte, sa mère, tient une pension de famille.

Le berger, qui ne dit rien, est le confident de Lili.

Marthe et Elise sont les amies de Lili, les seules.

Lui, c'est le mari de Lili; il tient un garage.



Charlotte ne veut pas que sa fille la quitte; mais Lili décide de partir à Nîmes, pour l'épouser, lui. Charlotte refuse ce départ, hurle, supplie, méprise et lui demande de choisir : ce sera elle ou lui.

Mais Lili n'aura pas à choisir : la guerre arrive, les gendarmes viendront le chercher pour Dachau.

Alors Charlotte va profiter de "l'absence de son ennemi, du désarroi de l'adversaire". Elle veut récupérer Lili : c'est donc à elle "de jouer".



Avec Lili pleure, Hélène Bessette recevra le prix du premier roman.

Son écriture est d’abord et avant tout basée sur le rythme, sur l’oralité, avec beaucoup de lucidité, de culot et parfois d’humour, fil rouge de son œuvre.

La lecture est surprenante, avec une disposition typographique très proche de la poésie; une grande importance est laissée au blanc sur la page; les phrases sont accidentées, sismiques; les thèmes très autobiographiques.



Suite à ce premier roman, Hélène Bessette sortira encore 12 romans en 20 ans chez Gallimard; aucun n'aura de succès et durant 25 ans, l'auteure cessera toute publication.

Voilà comment né le cas Bessette.

Elle recevra très tôt les soutiens de Raymond Queneau, Simone de Beauvoir, Mauriac, Sarraute.

Elle sera sur les listes du Goncourt, Marguerite Duras en 1963 tentera d’imposer cette auteure qu'elle considère comme un écrivain incontournable du XXeme: « La littérature vivante, pour moi, pour le moment, c'est Hélène Bessette, personne d'autre en France. »



Mais rien n'y fera.

Les raisons: une littérature exigeante, un procès pour son ouvrage Les petites Lecocq (1), la porosité entre les 2 univers que sont le roman et la poésie, un classement dans la catégorie des « romans d’avant garde ».



Pousser à démissionner de son poste d’institutrice et deviendra femme de ménage notamment chez la veuve de Mussolini (livre encore à paraître sur sa période de vie en Angleterre).

Sa vie sera une forme d’errance, frôlant des périodes de folie probablement du fait des ingratitudes vécues. Retirée au Mans à partir de 1973, elle mourra dans le plus grand dénuement.



MA RECOMMANDATION : lire les citations pour découvrir le style Bessette



(1) https://www.lefigaro.fr/livres/2006/11/30/03005-20061130ARTFIG90205-cette_eternelle_inconnue.php

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Suite suisse

Le style percutant d'Hélène Bessette décode férocement les stratégies à mettre en oeuvre pour se maintenir dans une hiérarchie sociale fondée sur l'argent, la morgue, le mensonge et la frime.

Il faut savoir écraser ceux qui occupent le palier inférieur, bluffer ses égaux et courber l'échine devant les autres.

C'est la règle du jeu. Les rétifs n'ont pas grand avenir.
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Vingt minutes de silence

Bessette interroge l'honnête lecteur par le sujet et par la forme. Elle confronte à la mort, au corps soudain sans vie, et explore le déséquilibre d'après dans une oeuvre subversive qui ne veut plus distinguer roman et poésie.
Lien : https://lesfeuillesvolantes...
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N'avez-vous pas froid ?

Comme d’habitude, c’est encore une voix forte que donne à entendre Bessette dans ce roman qui vient d’être réédité par les éditions Léo Scheer. Mais, une fois n’est pas coutume, c’est celle d’un homme, un pasteur de trente ans qui écrit des lettres à sa femme partie se faire soigner en Suisse. Habile processus littéraire qui contraint le lecteur à deviner en creux la personnalité de cette femme absente et la réalité de l’histoire de ce couple qui est en train de se séparer.



La suite sur le blog :

http://lepandemoniumlitteraire.blogspot.com/2011/01/navez-vous-pas-froid-dhelene-bessette.html
Lien : http://lepandemoniumlitterai..
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Elégie pour une jeune fille en noir

Un étrange et long poème où la narratrice rend hommage et se morfond du suicide de son amante. La langue est belle et triste à la fois, certaines figures reviennent et témoignent d'une sorte d'obsession dont ne parvient pas à se soustraire celle qui vit avec une culpabilité insupportable.



Une étrange découverte d'Hélène Bessette, adulée par ses pairs et notamment Queneau, et qui finira pourtant dans un total oubli, jusqu'à ce qu'elle soit redécouverte récemment.
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Lili pleure

"Lili pleure" est le premier roman de la méconnue Hélène Bessette, paru chez Gallimard en 1954 et qui reçut le prix Cazes. L'histoire est celle d'une jeune femme et de sa mère possessive et fusionnelle. Empêchée de vivre avec le garçon qu'elle aime, elle épouse plus tard un homme qu'elle n'aime pas tandis que sa mère se sent trahie. Elle souhaite ensuite divorcer alors qu'elle vit une aventure avec un berger mais les éléments se retourne contre elle, et Lili pleure...

Un premier roman au style affirmé et maîtrisé qui se rapproche du Nouveau Roman et de Marguerite Duras. Le texte est construit en quatre parties comme des actes au théâtre.

Je n'ai pas été très touchée par l'histoire en elle-même et les personnages mais l'ambiance et le style sont forts et novateurs.
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Si

Hélène Bessette est née en 1918 et décédée en 2000. Ce roman, "Si" a été écrit dans les années 1950 et narre à la première personne l'histoire banale d'une femme dépressive.



Car Desira est une femme de 30 ans, seule, ce qui, au milieu du 20ème siècle, se porte encore assez mal. Déclassée, espionnée, soupçonnée de moeurs dissolues (il est vrai qu'elle va seule au cinéma, marche seule dans la rue, occupe seule son logement, ce qui ne laisse pas d'être suspect ) ; victime de campagnes de calomnies, quoiqu'elle fasse, de la part de voisins soudainement attachés à la morale quand il s'agit de la sienne ; soumise aux tentatives de subornation des hommes, de tous les hommes, mariés ou non, surtout mariés : médecins, commerçants, employeurs, simples passants, tous reniflent en elle la proie solitaire... Accusée d'être entretenue si elle arbore une robe neuve, ou de glisser vers le ruisseau si sa tenue semble plus négligée : tout cela fleure bon les années cinquante, leur petitesse, leur esprit pornographique, sinon quant à la forme, du moins quant au fond : ne pense-t-on pas, lorsque les toilettes collectives se bouchent par défaut d'entretien, qu'elle y aurait jeté le produit d'une fausse couche ?

A peine aurais-je cru possible une telle persécution si je n'y avais retrouvé, avec amusement et consternation, le tableau de l'époque brossé par ma propre mère, avec moins de talent il est vrai, et dont le patronyme, par un incroyable hasard, était à une lettre près celui de l'auteur.



Toutes ces misères et cette solitude mènent la narratrice au suicide. Elle se rate ( un échec de plus ! ) et continue à caresser obsessionnellement l'idée d'échapper à la vie pour notre plus vif intérêt, car elle fait vraiment le tour de la question : pourquoi vivre si la vie ressemble à la mort et la mort à la liberté ? pourquoi mourir si Dieu existe et si nous sommes ses éternels otages dans l'au-delà ? Ces réflexions balancent entre le tragique, le parodique et fouaillent le cerveau et le coeur du lecteur jusqu'au découragement ( vraiment cette fille est insupportable ! ), jusqu'à l'énervement ( qu'elle se débrouille ! ) : c'est vrai qu'elle a le talent de réveiller nos angoisses enfouies.



Hélène ne gémit pas sur son sort comme on pourrait s'y attendre mais se contente d'une description sèche, blanche de la situation. Elle sait avec jubilation se rendre encombrante pour son entourage (si lointain, cet entourage, si tiède, qu'elle en crève de rage et de désespoir). Alors pas question de lui faciliter la vie, à ce si lâche entourage et de lui épargner les questions de mauvais goût, celles qui font peur, celles qui touchent le plus intime de l'être : elle ne partira pas sans emm... le monde, pour ça, on peut lui faire confiance, c'est sa vengeance ! Hélène Bessette n'essaie pas de se montrer sympathique, ne ligote pas son lecteur dans la toile d'araignée du sentiment, ne cache pas son aigreur, son orgueil, son mépris. Elle ne falsifie pas son image, elle sait qu'elle n'a pas forcément un "bon fond" comme on dit, et ne le cache pas. Bref elle est une femme qui pourrait être chacune/chacun d'entre nous ( eh oui ! même toi, viril lecteur, car ce qu'elle vit est avant tout une expérience humaine : qui ne s'est jamais senti un jour insuffisamment homme, insuffisamment doué, insuffisamment ceci ou cela et projeté du fait de cette insuffisance même, réelle ou supposée, "du mauvais côté de la barrière" ? )



Tout cela ne suffirait pas à faire un bon livre s'il n'y avait le style, toujours lui, le style généreux, fort, poétique d'Hélène Bessette. Style résolument moderne, qui emprunte beaucoup au genre théâtral, usant avec efficacité de la répétition, de la scansion, du leitmotiv, de la narration en cercle pour dénoncer avec véhémence une condition pleine d'injustices. Style qui a fasciné Raymond Queneau et on comprend pourquoi… Marguerite Duras quant à elle la considérait comme une grande novatrice et l'un des auteurs majeurs du 20ème siècle (avec elle-même, cela va de soi).



Hélène Bessette est une grande artiste trop méconnue. Elle tend à sortir aujourd'hui de son oubli littéraire grâce aux efforts de réimpression des Editions Leo Scheer, d'articles de presses ( le n° 28 de la Revue Littéraire lui est consacré ), de la biographie éclairée de Julien Doussinault, des nombreux colloques autour de son oeuvre ( celui de Cerisy notamment, a lieu du 20 au 27 août prochain en présence des deux fils de l'auteur.)



Découvrez Hélène Bessette, auteur original et échelon important dans la littérature contemporaine au même titre que Queneau, Grenier, Duras, Sarraute et quelques autres. Que vous l'aimiez ou non, elle vous surprendra.

https://www.youtube.com/watch?v=UGIGSJk68KU
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Suite suisse

Ce livre est le deuxième que je lis d'Hélène Bessette : à nouveau c'est le choc et la certitude d'être en présence d'une grande voix de la littérature. Ici, ce n'est plus Ida qui délire mais Hélène elle-même (ou faut-il l'appeler Fi Bess, comme elle le fait dans ces pages ?).



http://lepandemoniumlitteraire.blogspot.com/2010/09/suite-suisse-dhelene-bessette-leo.html
Lien : http://lepandemoniumlitterai..
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Lili pleure

En apprenant que cet ouvrage était un premier roman, j'ai été soufflée. En effet, l'écriture réussit divinement à allier musicalité et théâtralité, et c'est un texte que l'on a ainsi envie de parcourir à voix haute. Sa structure, découpée en véritables scènes, rappelle elle aussi le théâtre, tout en parvenant à retranscrire parfaitement des atmosphères et des sentiments. Magnifique.
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Vingt minutes de silence

La Feuille Volante n° 1271

Vingt minutes de silence – Hélène Bessette (LNB7) – Éditions Le Nouvel Attila..



Je ne dois pas être le seul, mais l'auteure Hélène Bessette [LNB7] (1918-2000) m'était complètement inconnue. Elle a pourtant publié une vingtaine de romans dont treize chez Gallimard, a été en lice par deux fois pour les prix Goncourt et Médicis et a un temps été acclamée par la critique et par certains auteurs comme Raymond Queneau ou Marguerite Duras. Pourtant, et la chose n'a rien d'exceptionnel, elle a fini par être lâchée par tous et ainsi être oubliée. Son parcours est résumé, à grands traits et à grandes flèches, sur le couverture de ce livre.



« Étonne-moi » dit un jour Diaghilev à Jean Cocteau et cette petite phrase décida de sa démarche créatrice future. J'avoue que j'ai été étonné moi aussi par ce roman dit « policier » même si sa présentation sous forme de poème en prose ne m'a pas tellement parue poétique, mais quand même assez originale pour qu'elle retienne mon attention dès l'abord simplement parce que cela sortait des sentiers trop souvent battus.



De quoi s'agit-il donc ? Comme souvent, une fiction part d'un fait réel et là, compte tenu de la nature humaine, il n'y a rien d'étonnant. Dans une villa sur les côtes de la Manche, un milliardaire est assassiné et la police soupçonne son fils de quinze ans qui n'aimait pas son père, mais est-ce une raison pour le tuer, et sa femme dont le lecteur ne tardera pas à apprendre qu'elle lui est infidèle ; Là non plus rien de très original. Il faut dire que le mari-père avait tout fait pour cela sans doute parce qu'au fil des pages, le lecteur apprend par la bouche de son épouse qu'il n'a pas eu une conduite irréprochable pendant la guerre et que lui-même est volage. Il y a aussi la domestique, Rose Trémière(eh oui !) et le mystère qui entoure cette affaire et que l'auteur ne cesse d'épaissir de page en page. Il est question d'un revolver qui a bien souvent changé de place qu'on n'a même pas cherché à dissimuler, alors que la mer était toute proche, de bougie, de coffre-fort de voiture et de beaucoup d'autre choses aussi et de ces vingt minutes, temps qu'il a fallu à cette famille pour prévenir le médecin de la mort de cet homme. Et pourtant ce praticien était leur voisin. Ces précieuses minutes ont peut-être servi a organiser une mise en scène et simuler un cambriolage...allez savoir !



Il y a les aveux, les témoignages qui changent en fonction des circonstances et des états d'âme, ce qui compliquent la tâche des enquêteurs, la conduite de l'épouse, la psychologie du fils, le manque d'amour de la part de ses parents, sa volonté de tuer son père, l'incompréhension dont il souffre et son esprit de vengeance, des souvenirs obsessionnels... et là interviennent les professionnels, les psychologues et autres psychiatres qui vont fouiller dans son âme, expliquer et justifier, et leur rapport nourrira les plaidoiries des avocats. Rien de bien original. On sent bien que, en ce qui la concerne, la mère n'aime guère ce mari, elle l'a peut-être aimé au début de leur mariage, comme tout le monde, mais rapidement tout cela a changé parce que;l'amour ne dure pas toujours, comme on voudrait nous le faire croire, alors elle a fait bon ménage avec la fidélité conjugale, au point que la paternité du père n'est qu'une éventualité bien mince...Alors, pourquoi ne pas s'en débarrasser ?



Puis entre en scène Marie-Rose Decortembert, ou à tout le moins son cadavre...



Loin de m'avoir étonné, le livre m'a plutôt ennuyé et a bien failli me tomber des mains à plusieurs reprises. J'en ai poursuivi la lecture peut-être pour connaître l'épilogue, qui m'a bien déçu ! Je suis peut-être passé à côté d'un chef d’œuvre ?







© Hervé Gautier – Août 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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Ida ou le délire

Cruelle et drôle, théâtrale et savoureuse, une plongée dans l'extrême violence sociale quotidienne.



Dernier roman d'Hélène Bessette, auteur "maudite" protégée de Raymond Queneau, et récemment redécouverte grâce au travail de Laureli / Léo Scheer, "Ida ou le délire", publié en 1973, ne peut laisser indifférent.



Dans une langue très particulière, puissamment théâtrale, qui évoque à la fois la subversion des lieux communs opérée par un Jean-Charles Masséra dans "United Emmerdements of New Order", et paradoxalement, l'invective guerrière des "Slogans" de Maria Soudaïéva / Antoine Volodine, le roman met en scène l' "éloge funèbre", si l'on ose dire, d'Ida, femme de chambre âgée d'une famille des beaux quartiers, morte dans un accident de la circulation dès la première page.



"Eh bien non personne ne sait comment c'est arrivé. Personne n'était là. Sans témoin.

On peut toujours causer épiloguer supposer affirmer ressasser.

Tout est faux.

Aussi les dames au cœur invisible chargé d'un cercueil clos avalent sec le whisky brûlant.

Crime parfait. Personne ne peut parler (avec exactitude).

Un terme à la sottise séculaire des petits mots échangés."



"Le bon employeur choqué de ce qu'on ait ignoré ses mérites

Choqué par son employée irrévérencieuse qui part sans excuses.

Impossible même de lui faire un reproche

Ce qui est une impossibilité douloureuse

Cruauté mentale envers le possédant.

Par exemple (voix sèche) : "Vous auriez pu téléphoner".

Non seulement elle ne revient pas mais elle donne un surcroît de travail."



Un travail des mots à la fois cruel et drôle, au service d'une plongée dans l'extrême violence sociale quotidienne, dont on sort difficilement indemne.



En prime, Léo Scheer nous offre "Le résumé", manifeste littéraire écrit et sans cesse remanié par Hélène Bessette entre 1950 et 1970, tentative pas tout à fait aboutie de définir le "roman poétique" : passionnant, bourré d'éléments d'une profonde lucidité littéraire, souvent obérés par une amertume et un ressentiment hors normes, témoins du destin ballotté et cruel de l'auteur.



Ce roman a été présenté par Claro lors de la soirée "Libraire Invité" de la librairie Charybde le 30 septembre 2011, qu'il en soit ici à nouveau remercié !
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maternA

Dans cet excellent roman, Hélène Bessette fait parler des femmes en A : toutes travaillent dans la même école maternelle et le moins que l’on puisse dire c’est que de la directA (directrice) aux adjointes, elles ne sont pas très charitables avec lolA, la jeune institutrice qui ose réclamer des pauses et prétend faire un mariage d’amour. Hélène Bessette se serait inspirée de son expérience professionnelle et aurait mis beaucoup d’elle dans cette lolA, moquée, rejetée (on dirait aujourd’hui qu’elle a subit le harcèlement au travail).

la suite sur : http://lepandemoniumlitteraire.blogspot.com/2010/10/materna-dhelene-bessette-leo-scheer.html
Lien : http://lepandemoniumlitterai..
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