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Citations de Henri Béraud (40)


Cette bière est excellente. À votre santé…

Oui, monsieur, j’ai toujours été gros, toujours… Voici une photographie, regardez-la. C’est moi-même, tout nu, âgé de cinq mois, assis sur un coussin de velours, et suçant mon pouce. Dites-moi si, dans le genre, vous avez jamais vu mieux ? On me pesait chaque semaine, sur les balances du boulanger, et il paraît que toutes les commères du quartier venaient voir ça. Ma sainte mère en tirait un grand orgueil.

Combien de fois m’a-t-on répété les paroles de l’accoucheuse qui m’attendait au seuil de la vie : « Madame ! s’était-elle écriée, madame, c’est un garçon : il est rond comme une quenouille ! »

Rond, vous entendez, j’étais rond en voyant le jour, et, depuis lors, on n’a cessé de me comparer à des objets renflés, à un pot-à-tabac, à un traversin, à Balzac. Et toujours aux mêmes, depuis trente-sept ans ! Il faut peser cent kilos, monsieur, pour savoir à quel point les hommes sont à court de comparaisons. Ah ! si les gens savaient ! À quoi bon toujours répéter une vérité désagréable ? Je suis gros, c’est entendu, c’est un fait, vous me l’avez tout assez dit. D’ailleurs je ne m’en cache pas.
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Pas un portrait de Trotsky.
Pas un seul.
L'homme qui, en 1919, sauva la Russie rouge assaillie par Denikine, Koltchak, les Ukrainiens de Petlioura, les Polonais en marche vers Minsk, les Allemands de Von Bermondt, les Lituaniens, les Lettons, les Estoniens et les Alliés à Mourmansk, le meneur de la révolution de 1905, l'évadé de Sibérie, le "Gourdin de Lénine", le soutien de la "Révolution permanente", Trotsky, enfin, est comme effacé de la vie moscovite.
Lorsque je partis pour la Russie, je ne croyais pas que les adversaires de Trotsky eussent osé le diminuer à ce point. La vérité est qu'en plusieurs semaines je ne pus obtenir qu'on lui transmît une demande d'entretien. Les obéissants sectateurs de la Troïka y apportèrent cette inertie déterminée, ce méticuleux désordre, ces oublis bien réglés que, de tout temps, la bureaucratie russe sut opposer à l'importune curiosité des reporters. Finalement, la veille de mon départ, les bureaux me firent remettre tout ensemble mon passeport et un rendez-vous avec M. Trotsky...pour la semaine suivante.

(Trotsky, trotskysme et Troïka - 1/10/1925).
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Là- dessus, j'ai une petite chose à dire, c'est qu'on aurait bénéfice à choisir les politiciens parmi les gens gras : ce serait le plus sûr moyen de ne point avoir à les engraisser.
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Tout Paris veut en être.
La semaine anglaise amène aux audiences du samedi, à Versailles, une affluence multipliée.
Rien au monde, pas même les wagons du métro, ne nous donnera pareillement la mesure de la compressibilité humaine.
On ne se fait aucune idée de ce qu'un simple mètre cube de Cour d'Assises peut contenir de dames, de fourrures et de chapeaux de velours.
Il fallait le procès de Landru pour nous en instruire ...
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A Lyon, rien de pareil. Le recrutement des peintres est purement local. Ce sont, en général, des artisans, dessinateurs de broderies et de soieries, décorateurs, lithographes qui ont abandonné leur état pour se livrer à la peinture.
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Aux derniers jours de l'an 1562, les bandes huguenotes, armées d'une artillerie prise à Grenoble, et venant de saccager la Grande-Chartreuse, s'avancèrent, à lentes étapes, vers les collines de Lieu-Dieu. Elles menaient si grand vacarme qu’une avant-garde de sauterelles, fuyant leur approche les devançait de deux heures en tous pays.

Chargé du butin des églises, le baron des Adrets errait dans la campagne dauphinoise. II semblait n'obéir qu'à son caprice. En réalité, il cherchait les compagnies de Moncelar, et il enrageait de ne saisir qu'ombre et que vent. Sa troupe, qu'il n'épargnait point, puait la haine, le sang et le fauve. Entre toutes les soldatesques, on la reconnaissait à ce qu'elle cheminait en silence, sans chansons, au seul bruit des peaux d’âne et des coups de mousquet.
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Il entendit la messe étendu sur la dalle, entre deux tréteaux, les pieds tournés vers l'autel. Après le dernier amen, on lui donna ses habits de ladre. C'étaient des braies de tricot, une tunique de gros drap et, pour tout recouvrir, une housse noire à capuchon. Servais s'en revêtît, et le cortège se remit en marche par un frayé désert, qui, contournant le perron des Communiers, gagnait les cailloutis de l'Étang Rompu.

Là se trouvait un groupe de cabanes abandonnées. L'une, la plus proche de la forêt, allait recevoir ce vivant dont le nom, désormais, figurait aux registres abbatiaux parmi les morts de la paroisse. Servais Lubin entra. La masure, lavée à la chaux par les soins des clercs, contenait une table, un lit, un pot, un escabeau, un barillet. Sur la table, il y avait une baguette, un couteau, une lampe. Une ceinture de cuir pendait au mur. Soudain, le reclus frémit ; il venait d'apercevoir sur le lit une crécelle. Une cliquette de bois semblable à celles dont les Bouâmes accompagnaient leurs danses et leurs chansons.

Accablé, Servais Lubin s’assit.
⁃ Debout, lépreux ! ordonna le moine.

Et, criant ainsi, il lui jetait une pelletée de terre sur les pieds :

⁃ Lubin Servais, ajouta-t-il, d'une voix forte et qui couvrait les murmures de la foule et la rumeur du feuillage, au nom de Dieu, je te retranche et te défends de paraître dépouillé de ton brun chaperon. Cette maison est léproserie. Tu n'en sortiras pieds nu, ni sans que retentisse aux oreilles du passant et du voyageur cette crécelle. Aux fontaines et aux ruisseaux, tu ne lavera ni ton corps ni ton écuel!e. Tu n'entreras plus à l'église. Ton baril, que tu poseras aux portes, recevra aumônes de vin et nourriture. A ceux qui, dans le pays, t'interrogeront, tu ne répondras que sous le vent. Tu ne marcheras ni dans les chemins bordiers, ni dans les ruelles ; tu ne t’approcheras pas des enfants. Ta maison sera brûlée et tout ce que touchèrent tes mains. Cependant, Servais, frappé de Dieu, tu nous est sacré ! Que les anges te conduisent au paradis, que les martyrs t’accueillent, avec le pauvre Lazare, aux portes du ciel. Bats ta coulpe. Servais, afin que ton corps mortel ne souille point la terre chrétienne !... Requîem aeternam dona eîs. Domine... Requiescat in pace !

Les paysans, les clercs, le lépreux, répondirent d'une seule voix :
⁃ Amen !
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Le grand reportage est peut-être de tous les métiers, l’un des moins accessibles. Dans l’armée de la presse où les vieux sergents pullulent, le grand reportage était alors un bâton de maréchal. On ne le donnait qu’au choix, jamais à l’ancienneté. Et quelle école !

Faire du reportage, cela signifiait : regardez l’envers de la société, mêlez-vous aux hommes, percez les mobiles des grands, touchez les plaies des humbles ; observez de la coulisse les tragédies du monde et ses comédies, errez dans les villes de cristal où l’on voit les négociants dans leurs bureaux, les ouvriers dans leurs faubourgs, les prêtres dans leurs presbytères, les politiciens dans leurs couloirs, les assassins devant la guillotine, les diplomates en proie au vertige du néant et les grands hommes dans la misère de leur gloire.

Les « envoyés spéciaux », de qui pouvaient dépendre, en certains cas, de véritables coups de théâtre internationaux, formaient, en ce temps-là, une élite où, pour ces raisons, on n’engageait que des hommes d’une sourcilleuse probité. Le talent nécessaire ne venait qu’ensuite. On choisissait avec soin, mais le choix fait, l’homme était libre de ses mouvements.
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Ils se gâtaient. Hitler agissait point par point comme je l’avais tant de fois annoncé : après le réarmement du Reich, l’occupation de la rive gauche du Rhin, puis l’annexion de l’Autriche et enfin celle des Sudètes. On se décida à bouger. Trop tard ou trop tôt. Ce fut Munich. Gringoire adopta une double attitude. André Tardieu se déclarait adversaire du pacte. Je l’approuvais sans réserve. C’est qu’entre l’homme d’État et le reporter il y avait toute la distance de la doctrine à l’information.

Ce que je venais d’observer par toute l’Europe me criait le danger que faisait courir à notre pays son isolement et son impréparation. Je parlais en voyageur qui, voyant les choses de loin, les peut mesurer dans leur ensemble ; en soldat qui sait le prix d’un combat engagé sans armes suffisantes, en paysan qui pense d’abord à la terre, en Français qui, bien loin de mésestimer sa patrie, la voulait assez forte pour vaincre et demeurer digne de trois siècles de gloire militaire.

Gagner du temps ! A tout prix ! Article après article je luttai. Mais qu’est la voix d’un homme en présence d’une multitude folle et sourde ? Le monde acceptait la guerre : la guerre vint.

Ai-je besoin de dire que mon choix fut aussitôt fait. J’écrivis en citoyen du pays au combat. Il suffira de feuilleter la collection de Gringoire pour juger la façon dont j’ai traité l’envahisseur. Ces écrits, par leur violence même, étaient dans le droit fil de mes sentiments antigermaniques. Quelque éditeur se trouvera bien pour les réunir un jour. Les Allemands, eux, les ont lus et bien lus. Ce fut le prétexte initial du pillage de mes biens.
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Les auteurs que notre propagande offrait à l’admiration étrangère étaient, pour la plupart, des auteurs ennuyeux. Il en faut. Or, il se trouvait qu’en ce temps-là les gens du bel air n’aimaient rien tant que de lire en bâillant, si ce n’est de s’endormir en lisant. C’est une forme d’admiration très ombrageuse.

Nos beaux esprits, donc, nos précieux et nos snobs crièrent au sacrilège. Ils feignirent de croire qu’en demandant des comptes à quelques fonctionnaires je cachais mon dessein, lequel était de dénigrer leurs auteurs préférés. Cela ne me fit ni chaud ni froid, car je n’en savais rien, attendu qu’ils exhalaient leur courroux en des lieux où je ne mets jamais les pieds.
[...]
Gide ? Que venait faire ici l’auteur de Corydon ? Que me voulait ce calviniste égrillard, à la poursuite d’une liberté morale qu’il confondait volontiers avec le pervertissement. Qu’avais-je à fiche du fameux « acte gratuit » manifestation d’impuissance, inévitable résultat de ses masturbations de toutes sortes ? Et quelle sorte de rapports pouvait-il exister entre un authentique fils des champs et cette fleur vénéneuse ?

Je n’avais nul souci de sa gloire, et les méditations qu’il proposait à l’élite sur son expérience de l’onanisme seul et à deux ne me convertissaient pas plus à ses doctrines qu’elles ne me guérissaient d’aimer les femmes. Franchement, ces confessions me donnaient plutôt envie de vomir.

Que cette vieille poule penseuse, entourée de ses poussins, fît l’admiration des volières les plus distinguées, je n’y voyais, quant à moi, aucun inconvénient. Mais j’eus la faiblesse de répondre à leurs piailleries. Et alors ce ne fut (paroles et musique) plus tout à fait la même chanson.
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Blaise partait. Il courait le long des boutiques, ses petits poings enfoncés dans les poches de sa culotte. À côté de lui, son image bondissait en ombre rapide dans les carreaux plombés des devantures ; et quand il sautait les flaques de la rue, l’enfant riait de se voir traversant, la tête en bas, ce ciel de nacre et de fumée qui est le ciel de Lyon.
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A l'âge des arrestations sans mandat et des enquêtes sans perquisitions pouvait bien se juxtaposer l'ère des inculpations sans interrogatoires. Et, puisqu'il fallait à cette purge un minimum d'apparat judiciaire, ne devait-on pas, en bonne logique, tailler dans le drapeau de l'émeute la robe des magistrats ?
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Pour voisin de gauche, j'ai le commandant Paul Chack, qui sera fusillé ; pour voisin de droite un des frères Ledanseur, qui sera fusillé. En face, comme par un guignol, je vois aller et venir la tête toute en poils du vieux de Puységur, octogénaire hilare et bougon, doyen des condamnés à mort, qu'on ne se décida jamais à gracier, ni à exécuter, et qui resta six mois dans les fers.
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Qu'est-ce, dans une pareille tourmente, que la douleur d'une femme ? Ceux qui s'arrogent le droit de verser le sang sont-ils capables de se représenter le calvaire infligé à leurs plus innocentes victimes ? Se sont-ils jamais souciés de ce que deviendront les veuves de fusillés ? Savent-ils que, de toutes les responsabilités humaines, celles de la justice politique sont les plus accablantes ?
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Où qu'on aille et quoi qu'il arrive, il y a toujours un copain renseigné. Le nôtre est un truand nasillard et barbu, la gueule en coup de pelle, l’œil farce, un étonnant sosie de Michel Simon. Comme on franchit le porche, il se penche vers moi, pour me dire :
- C'est là qu'ils interrogent à la châtaigne...
- Non ?
- Si. Et tous les jours, mon vieux. Une corrida formidable !
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Il y a peu de chances que vous connaissiez les caves de l'hôtel de ville. Bénissez votre ignorance et choisissez un autre lieu de villégiature.
C'est un énorme labyrinthe, où, dans une profusion de bacs, de chaudières et de réservoirs, se tortillent des kilomètres de boyaux. On dirait, grossie des milliers de fois, la planche abdomen du Larousse. Tel est le ventre de Topaze. Quelques rares soupiraux versent une lumière de catacombes. A peine si l'on distingue, entre de goudronneux et suintants contreforts, une rangée de portes à judas qui, selon toute apparence ont jadis clos les oubliettes.
Les deux fifis marchent à mes côtés. Ce sont deux jeunes faubouriens, beaucoup plus goguenards que méchants. Leurs mitraillettes sous le bras, ils me font un brin de conversation. Tantôt ils me donnent du "grand-père" et tantôt du "docteur".
- Pourquoi docteur ?
- Vous ne l'êtes pas ?
- Pas du tout.
- C'est rigolo. J'aurai cru.
Mais l'autre :
- Alors, qu'est-ce que vous êtes ?
- Écrivain.
Il réfléchit, hoche la tête et conclut :
- Il en faut...
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N'empêche que j'étais arrêté. Fait comme un rat. Rien de plus simple. Il paraît que cela se passe toujours ainsi. A de très rares exceptions près, l'homme renonce sans résistance à sa liberté. Pourquoi ? Cela tient-il à cette soumission quasi machinale que l'éducation chrétienne nous a, d'âge en âge, infligée ? Ou bien à cette lassitude sans fond née d'une attente qui vient à bout de n'importe quel système nerveux ?
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"Au travail on fait ce qu'on peut, mais à table on se force !"
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...il se passait en moi ce qui se serait passé en vous, en n'importe quel homme, puisque nous sommes tous des cochons, des cochons vaniteux.
Pour cela, les gros valent les minces et les pelés valent les tondus. Ils se croient tous irrésistibles pour si peu qu'ils puissent penser que l'on en veut à leur peau.

page 22
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Le propre d'une grande passion c'est de donner de l'importance aux espoirs les plus puérils.
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