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Citations de Henri Bergson (416)


En vain nous ferions observer que dans la série animale la souffrance est loin de ce que l'on pense : sans aller jusqu'à la théorie cartésienne des bêtes-machines, on peut présumer que la douleur est singulièrement réduite chez des êtres qui n'ont pas de mémoire active, qui ne prolongent pas leur passé dans leur présent et qui ne sont pas complètement des personnes ; leur conscience est de nature somnambulique ; ni leurs plaisirs ni leurs douleurs n'ont les résonances profondes et durables des nôtres : comptons-nous comme des douleurs réelles celles que nous avons éprouvées en rêve ? Chez l'homme lui-même, la souffrance physique n'est-elle pas due bien souvent à l'imprudence et à l'imprévoyance, ou à des besoins artificiels ? Quant à la souffrance morale, elle est au moins aussi souvent amenée par notre faute, et de toute manière elle ne serait pas aussi aiguë si nous avions surexcité notre sensibilité au point de la rendre morbide ; notre douleur est indéfiniment prolongée et multipliée par la réflexion que nous faisons sur elle.
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L'homme est le seul animal dont l'action soit mal assurée, qui hésite et tâtonne, qui forme des projets avec l'espoir de réussir et la crainte d'échouer. C'est le seul qui se sente sujet à la maladie, et le seul aussi qui sache qu'il doit mourir. Le reste de la nature s'épanouit dans une tranquillité parfaite. Plantes et animaux ont beau êtres livrés à tous les hasards ; ils ne s'en reposent pas moins sur l'instant qui passe comme ils le feraient sur l'éternité. De cette inaltérable confiance nous aspirons à quelque chose à nous dans une promenade à la campagne, d'où nous revenons apaisés. Mais ce n'est pas assez dire. De tous les êtres vivants en société, l'homme est le seul qui puisse dévier de la ligne sociale, en cédant à des préoccupations égoïstes quand le bien commun est en cause ; partout ailleurs (fourmis, ruche, plantes, cellules, etc...), l’intérêt individuel est inévitablement coordonné ou subordonné à l’intérêt général. Cette double imperfection est la rançon de l'intelligence.

L'homme ne peut pas exercer sa faculté de penser sans se représenter un avenir incertain, qui éveille sa crainte et son espérance. Il ne peut pas réfléchir à ce que la nature lui demande, en tant qu'elle a fait de lui un être sociable, sans se dire qu'il trouverait souvent son avantage à négliger les autres, à ne se soucier que de lui-même. Dans les deux cas il y aurait rupture de l'ordre normal, naturel. Et pourtant c'est la nature qui a voulu l'intelligence, qui l'a mise au bout de l'une des deux grandes lignes de l’évolution animale pour faire pendant à l'instinct le plus parfait, point terminus de l'autre. Il est impossible qu'elle n'ait pas pris ses précautions pour que l'ordre, à peine dérangé par l'intelligence, tende à se rétablir automatiquement. Par le fait, la fonction fabulatrice, qui appartient à l'intelligence et qui n'est pourtant pas intelligence pure, a précisément cet objet. Son rôle est d'élaborer la religion dont nous avons traités jusqu'à présent, celle que nous appelons statique et dont nous dirons que c'est la religion naturelle, si l expression n'avait pas pris un autre sens.

Nous n'avons donc qu'à nous résumer pour définir cette religion en termes précis. C'est une réaction défensive de la nature contre ce qu'il pourrait y avoir de déprimant pour l'individu, et de dissolvant pour la société, dans l'exercice de l'intelligence.
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Le besoin toujours croissant de bien-être, la soif d'amusement, le goût effréné du luxe, tout ce qui nous inspire une si grande inquiétude pour l'avenir de l'humanité parce qu'elle a l'air d'y trouver des satisfactions solides, tout cela apparaîtra comme un ballon qu'on remplit furieusement d'air et qui se dégonflera aussi tout d'un coup.
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Que si, au contraire, on veut que l'idée du Bien soit la source de toute obligation et de toute aspiration, et qu'elle serve aussi à qualifier les actions humaines, il faudra qu'on nous dise à quel signe on reconnaît qu'une conduite lui est conforme; il faudra donc qu'on définisse le Bien; et nous ne voyons pas comment on pourrait le définir sans postuler une hiérarchie des êtres ou tout au moins des actions, une plus ou moins grande élévation des uns et des autres: mais si cette hiérarchie existe par elle-même, il est inutile de faire appel à l'idée du Bien pour l'établir; d'ailleurs, nous ne voyons pas pourquoi cette hiérarchie devrait être conservée, pourquoi nous serions tenus de la respecter; on ne pourra invoquer en sa faveur que des raisons esthétiques, alléguer qu'une conduite est "plus belle" qu'une autre, qu'elle nous place plus ou moins haut dans la série des êtres: mais que répondrait-on à l'homme qui déclarerait mettre au-dessus de tout la considération de son intérêt?
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Nous nous représentons donc la religion comme la cristallisation, opérée par un refroidissement savant, donc que le mysticisme vient déposer, brûlant, dans l'âme de l'humanité.
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Je ne sais pas si vous avez déjà essayé d'analyser le sentiment que le spectacle d'une danse gracieuse, par exemple, fait naître dans l'âme. C'est d'abord de l'admiration pour ceux qui exécutent avec souplesse, et comme en se jouant, des mouvements variés et rapides, sans choc ni secousse, sans solution de continuité, chacune des attitudes étant indiquée dans celles qui précédent et annonçant celles qui vont la suivre. Mais il y a quelque chose de plus, il entre dans notre sentiment de la grâce, en même temps qu'une sympathie pour la légèreté de l'artiste, l'idée que nous nous dépouillons nous-mêmes de notre pesanteur et de notre matérialité. Enveloppés dans le rythme de sa danse, nous adoptons la subtilité de son mouvement sans prendre notre part de son effort, et nous retrouvons ainsi l'exquise sensation de ces rêves où notre corps nous semble avoir abandonné son poids, l'étendue sa résistance, et la forme sa matière.
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Il faut bien qu'il y ait dans la cause du comique quelque chose de légèrement attentatoire (et de spécifiquement attentatoire) à la vie sociale, puisque la société y répond par un geste qui a tout l'air d'une réaction défensive, par un geste qui fait légèrement peur.
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Il faut en prendre son parti: c'est le réel qui se fait possible, et non pas le possible qui devient réel.
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Si franc qu'on le suppose, le rire cache une arrière-pensée d'entente, je dirais presque de complicité, avec d'autres rieurs, réels ou imaginaires.
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p. 27 : Définition d'une république idéale selon Bergson : "Il semble donc que la politesse sous toutes ses formes, politesse de l'esprit, politesse des manières et politesse du coeur, nous introduise dans une république idéale, véritable cité des esprits, où la liberté serait l'affranchissement des intelligences, l'égalité un partage équitable de la considération, et la fraternité une sympathie délicate pour les souffrances de la sensibilité."
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Notre représentation des choses naîtrait donc, en somme, de ce qu'elles viennent se réfléchir contre notre liberté.
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Henri Bergson
Le plaisir est une ruse que la nature a inventé pour la survie de l'espèce.
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Mais de même qu’on pourra intercaler indéfiniment des points entre deux positions d’un mobile sans jamais combler l’espace parcouru, ainsi, par cela seul que nous parlons, par cela seul que nous associons des idées les unes aux autres et que ces idées se juxtaposent au lieu de se pénétrer, nous échouons à traduire entièrement ce que notre âme ressent : la pensée demeure incommensurable avec le langage.
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Notre répugnance à concevoir des états psychologiques inconscients vient surtout de ce que nous tenons la conscience pour la propriété essentielle des états psychologiques, de sorte qu'un état psychologique ne pourrait cesser d'être conscient, semble-t-il, sans cesser d'exister. Mais si la conscience n'est que la marque caractéristique du présent, c'est à dire de l'actuellement vécu, c'est à dire enfin de l'agissant, alors ce qui n'agit pas pourra cesser d'appartenir à la conscience sans cesser nécessairement d'exister en quelque manière.
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La durée est le progrès continu du passé qui ronge l'avenir et qui gonfle en avançant... L'amoncellement du passé sur le passé se poursuit sans trêve. Tout entier, sans doute, il nous suit à tout instant: ce que nous avons senti, pensé, voulu depuis notre première enfance est là, penché sur le présent qui va s'y joindre, pressant contre la porte de la conscience qui voudrait le laisser dehors...
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Mais de loin en loin, par distraction, la nature suscite des âmes plus détachées de la vie. Je ne parle pas de ce détachement voulu, raisonné, systématique, qui est oeuvre de réflexion et de philosophie. Je parle d’un détachement naturel, inné à la structure du sens ou de la conscience, et qui se manifeste tout de suite par une manière virginale, en quelque sorte, de voir, d’entendre ou de penser. Si ce détachement était complet, si l’âme n’adhérait plus à l’action par aucune de ses perceptions, elle serait l’âme d’un artiste comme le monde n’en a point vu encore. Elle excellerait dans tous les arts…
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La conscience est un trait d'union entre ce qui a été et ce qui sera,un pont jeté entre le passé et l'avenir.
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Partout où quelque chose vit, il y a, ouvert quelque part, un registre où le temps s'inscrit.
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D'où venons-nous ? Que faisons-nous ici-bas ? Où allons-nous ? Si vraiment la philosophie n'avait rien à répondre à ces questions d'un intérêt vital, ou si elle était incapable de les élucider progressivement comme on élucide un programme de biologie ou d'histoire, si elle ne pouvait pas les faire bénéficier d'une expérience de plus en plus approfondie, d'une vision de plus en plus aiguë de la réalité, si elle devait se borner à mettre indéfiniment aux prises ceux qui affirment et ceux qui nient l'immortalité pour des raisons tirées de l'essence hypothétique de l'âme et du corps, ce serait presque le cas de dire, en détournant de son sens le mot de Pascal que toute la philosophie ne vaut pas une heure de peine.
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Or, je crois bien que notre vie intérieure toute entière est quelque chose comme une phrase unique entamée dès le premier éveil de la conscience, phrase semée de virgules, mais nulle part coupée par des points.
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