Mercredi 30 novembre Avec la participation de l'autrice Maïa Brami, des auteurs Hervé Giraud, Taï-Marc le Thanh et de l'auteur-illustrateur Geoffroy Monde.
L'engagement et la lutte comme désir de monde, comment le faire bouger pour s'émanciper
Avec la participation de Cécile Ribault Caillol pour Kibookin.fr
Avec la séquence La Tête dans les images
Sara Lunderg, L'oiseau en moi vole où il veut, trad. du suédois Jean-Baptiste Coursaud, La Partie
Avec le soutien du Swedish Arts Council et de l'Institut suédois.
+ Lire la suite
(...) on marche courbés, serrant les rangs et protégeant nos poitrines fragiles en tenant le fusil tout contre, comme si un fusil ça protégeait celui qui le tient. (p. 11)
Les familles c'est comme les icebergs, il y une partie immergée que l'on ne voit jamais... sauf pour les enterrements.
La guerre est une façon un peu différente de faire de la politique. C'est plus vivant, mais ça fait des morts. (p. 10)
A quelques pas de moi, le porte-drapeau, allongé dans les larges feuilles répète "Maman" entre deux sanglots, de son torse déchiré le sang s'écoule, c'est un vase qui se vide. Bientôt un râle idiot et il ne sanglote plus. Sa mère ne viendra pas. Il avait le même âge que moi. (p. 15)
Nous voilà devant le commissariat. Après avoir cadenassé le scooter devant la porte, Joseph se met à avoir la tremblote :
- Mentir à ma mère, OK, mais mentir à la police, je ne l'ai jamais fait. Je ne vais pas y arriver, me dit-il.
- C'est pareil, t'as qu'à faire comme si ta mère elle avait un uniforme.
- Oui, mais elle a pas de flingue, ma mère.
- Elle a pas de flingue, mais elle te file encore des baffes. Les flics, ils n'ont pas le droit de nous taper et leurs flingues, c'est juste en cas de légitime défense après les sommations d'usage... un deux trois, rendez-vous ou bien on tire, tu vois le genre ? Allez vas-y quoi !
(p. 70-71)
Comme chaque soir, je raccompagne Eyup chez lui, ensuite il me raccompagne chez moi et puis je n'ai plus qu'à le raccompagner chez lui. Ce soir, on me dit de rapporter du pain, "ça optimisera tes déplacements interurbains", ajoute-t-on.
Faute de trouver une place acceptable [à la cantine], je m'assieds à côté de Jason Plantier. Il doit se parfumer avec du jus de transpiration pour puer autant. (...) Plantier, c'est le Français de base. Il aime le foot, les dénonciations et les combines. (p. 30-31)
Pour être humain, on a besoin de l'inhumain, on a besoin de se faire mal et de faire mal aux autres, on a besoin de toucher pour voir si ça brûle, de grimper pour voir si c'est haut, de crier même si on ne nous entend pas. (p. 185)
Ce matin, toute la classe est réunie sous le préau et il y a une excitation qui ne dit rien qui vaille, la prof de musique est toute pimpante, elle a sorti un chemisier transparent de derrière les fagots, elle se tient droite comme un i en donnant des ordres aimables et elle tient ses avant-bras tendus devant elle avec les coudes le long du corps. Joseph me demande :
- Tu sais ce qu'elle fait avec ses vieux rideaux, la prof de musique ?
- Non ?
- Des fringues hyper sexy pour attirer les chanteurs mâles.
- Oups, faisons gaffe.
(p. 80)
Je me dis : Si le père du père du père de mon père était mort à la guerre quatorze, son fils n'aurait pas eu de fils et le fils de son fils non plus et ainsi de suite, de fait, je ne serais pas né. Je suis donc, par héritage, un survivant de cette guerre. Un héros de l'armistice régénéré. Quatre générations à moi tout seul. Grandiose. Je cherche mon nom sur le monument, je n'y suis pas, normal, je suis vivant. Si je ne l'étais pas, c'est que mon père ne serait pas né, n'aurait jamais rencontré ma mère, ni eu moi ni roulé en Jaguar. (p. 116-117)