Citations de Hugo Claus (31)
- Quand quelqu'un a faim, il est capable de tout.
- L'Anglais ne connaît que ce qui est anglais. C'est comme ça avec les insulaires.
Les Allemands, ça ce sont des ingénieurs et des poètes en même temps.
Je peux rester avec toi ce soir ? demande-t-elle.
— Et Bernard ?
— Il n’a qu’à se débrouiller. Je peux bien me permettre une friandise de temps à autre.
— Je suis ta petite douceur ?
— Non, lui est ma petite douceur ; toi, tu es ma faim et ma soif.
[...] c'est alors que le sol s'était fendu et que des veines ocre étaient apparues, ensuite étaient venus les Nerviens qui en avaient tiré de la terre pour construire leurs fours et consolider leurs huttes, plus tard un ancien Belge avait eu l'idée de cuire des blocs de glaise mouillée pour en faire des briques, alors que les Grecs utilisaient du marbre, ça a toujours été ainsi, les Belges préfèrent bricoler avec des boîtes d'allumettes, les autres construisent en marbre, en porphyre et en granit.
J’ai tout reniflé, de loin, et la peur au ventre. Je n’ai retenu, accumulé que de la pacotille. En chemin, à Paris déjà, j’ai oublié, perdu quelque chose qui aurait dû remplacer cee que je suis devenu. Des futilités, ma carrière, mon inertie, mes mensonges m’ont mené en douce, avec des doigts de nouveau-né, à ma destruction, et le pire, c’est que ça ‘est égal. Tu me paies un gin-tonicités, et je disserte sur tout ce que tu veux : Cimarosa, la danse minimale,, la dimension culturelle du patrimoine idéologique social-chrétien de la Communauté flamande.
J'ai réfléchi à ça. Parce que j'ai reçu son appareil photo. En fait, c'est sa femme qui y a droit. Mais comment on va expliquer ça ? Madame, votre jules a été aplati par un éléphant. Je ne vais pas pouvoir me retenir de rire. Toi non plus.
Chaque mort doit avoir une raison sérieuse, au contraire de la naissance, pour laquelle personne ne peut donner une raison valable.
(Le lapin a reçu de Dieu, à la création, un sourire qu'il perdit ensuite par négligence. Depuis lors, il cherche en vain ce sourire évaporé, en reniflant et en plissant le nez.)
Bernard ne veut pas que je lise un de ses propres poèmes. Il prétend que je n’en suis pas encore là. Par exemple, est-ce que je sais ce qu’est un choriambe ? Un trochée, un ïambe ?
“Je peux trouver ça dans un dictionnaire.
— Avec le dictionnaire, tu n’y es pas encore. Certainement pas. Il faut que tu aies intégré la forme et le rythme dans ton flux sanguin et ensuite que tu les détruises.
— Pourquoi détruire ?
— Tu es loin du compte si tu as besoin de poser une telle question .”
Son regard s’éclaircit, gris et froid, comme celui d’un chien-loup.
- Des puces blessées qui niquent encore, dit quelqu'un d'un ton rêveur.
- Mieux vaut la puce qui nique que l'anus qui pique, fit un spirituel.
- Ca nous fait combien de victimes maintenant ? demanda un anxieux.
- Madame, a fait le type après un moment, j’ai vu beaucoup de choses dans ma vie, mais jamais une gueule prétentieuse comme la vôtre.
- Monsieur, a fait ma mère lentement.
- Oui ? Dites.
Ma mère balançait sur ses genoux le petit René, tout étonné. « Vous, monsieur, vous avez une tête à trier la merde. »
L’homme a secoué la tête. Longuement. La gare de Termonde est progressivement apparue à la fenêtre [du train].
« C’est bizarre, a fait l’homme, on me l’avait déjà dit. »
Le jour reste coincé dans sa cage d'heures
Seul l'impatient veut atteindre son but sans avoir les moyens d'y parvenir. Il faut tenir compte de la durée du voyage, car chaque instant est indispensable.
Sa femme n’avait rien préparé de spécial à manger. Un bifteck et des frites. Peut-être la mayonnaise ? La Devos-Lemmens, mondialement connue dans tout le pays ?
« Qui veut un morceau de tarte aux noix ? » crie Maman, de la voix sonore et sauvage d’une fille qui joue au foot et qui vient de marquer un but.
"Et le bouc émissaire était un Agneau", disait le Caillou.
Envoi
Ils bâillent encore, mes vers.
Jamais je ne m’y ferai.
Ils ont assez vécu sous mon toit.
Assez. Je leur donne congé. Je n’attendrai pas
que leurs orteils refroidissent.
Délivré de leur tapage obscur,
je veux entendre le bourdonnement du soleil
ou celui de mon cœur, cette éponge traîtresse
qui durcit.
Mes vers – trivial charabia ou trop nobles
braillements- n’ont pas le coït classique.
L’hiver gerce leurs lèvres,
la première chaleur du printemps les terrasse,
ils me gâchent mon été,
et l’automne, ils ont une odeur de femmes.
Assez. Encore douze lignes
sur cette page pour les couver
et puis, le pied au cul.
Allez radoter ailleurs, rimes d’un centime,
trembler ailleurs pour douze lecteurs
et un critique ronfleur.
Allez maintenant, vers aux pieds légers,
vous n’avez pas pesé lourd sur la vieille terre
où les tombes rient de voir leurs hôtes,
cadavres sur cadavres entassés.
Allez maintenant, et titubez vers celle
que je ne connais pas.
***
Crime contre nature ? Ne suis-je pas nature moi-même ? Le tout-Puissant n'a-t'il pas crée Gilles comme partie de Sa nature illimitée ? Et à Son image ? La nature peut-elle se voir opposer chose qui ne soit pas de sa propre essence, c'est-à-dire qui ne soit nature ? Le crocodile, dans les contrées où les gens sont noircis par le soleil, est-il d'une nature criminelle parce qu'il mange ses enfants dans ses oeufs ? La nature du volcan qui vomit le feu et enfouit des pays entiers sous ses crachats brûlants peut-elle être autre que criminelle ?
- On ne trouve l'espoir que chez les inconsolables, dit Jacques.
- Adorno, dit le consul. Un-un.