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Critiques de Hugues Pagan (185)
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Le carré des indigents

Quel plaisir d’avoir pu échanger de longues minutes avec Hugues Pagan aux derniers QDP !

Ses anecdotes qui datent de son époque de flic à Dijon où il courait après les voyous et il entendait un de ses collègues évoquer un partage équitable des butins, sont un vrai régal .



C’est en clair la même verve poétique que l’on retrouve dans ce roman magistral qui témoigne de manière romancée d’une époque révolue.

Une époque - celle du début des années 70 - dans laquelle l’inspecteur principal Schneider officiait , revenant dans sa ville de sa jeunesse après une période où l’armée puis son entrée dans la police parisienne l’ont accaparé et où la guerre d'Algérie l’a marqué à vie. Un retour aux sources dans un nouveau bunker avec des patrons grisés par le pouvoir mais dont lui n’avait que faire car “ il n’avait pas de plan de carrière, ni rien qui pût y ressembler. Il poursuivait un chemin insondable, silencieux, et qui de toute évidence ne menait nulle part.”

Schneider n’est pas un homme d’appareil , il fait son boulot pour lequel il est payé le plus consciencieusement possible. Et ça suffit à forcer le respect de ses collègues.

Dès son arrivée il va être confronté à une sale affaire : la disparition de la jeune Betty Hoffmann. Une adolescente prête à croquer la vie à pleine dent . Un visage d’ange qui va hanter Schneider bien après l’avoir retrouvée sauvagement assassinée et qui va le pousser à poursuivre cette enquête coûte que coûte. Un crime comme un autre , ni le premier ni le dernier. Un crime à résoudre parce qu’il le faut , parce qu’il le doit à son père , parce qu’il ne peut laisser un crime impuni ou pour tenter de racheter tous ceux qui ont été commis en Algérie devant ses yeux.

Schneider n’est pas un flic comme les autres : c’est un artiste au propre comme au figuré. Pianiste émérite et homme à femmes , doté d’un charme et d’un charisme hors pair , il cache au fond de sa grande carcasse des blessures de celles qui ne se referment pas de si tôt.

On va le suivre avec son équipe du Groupe Criminel bigarrée dans ces enquêtes qui se suivent mais ne se ressemblent pas. Des sordides affaires où il faut avoir le cœur et les tripes bien accrochés pour continuer. Des affaires de flics et d’assassins qui usent les plus endurcis.



Atmosphère poisseuse, celle des bas-fonds, odeurs nauséabondes des relents fétides et des corps en décomposition, corps ensanglanté supplicié d’une jeune victime innocente. Telles sont quelques images et quelques sensations que l’on retrouve dans ce roman noir, très noir,

Dans ce décor désincarné, déambule cet anti -héros magnifique qui trimballe sa mélancolie et son caractère imprévisible, cette ombre énigmatique et impassible qui, tel un oiseau de nuit, déploie, solitaire, son ramage crépusculaire. Personnage miroir de l’auteur, Schneider trace sa route, déterminé à faire éclater la vérité, aussi rude soit-elle.

L’écriture est flamboyante et poétique dans tout ce que la saleté du monde et des hommes a de pire. On est marqué par ce récit qui autopsie avec minutie ces terribles faits divers dans leur plus terrible laideur.

L’auteur reprend avec un certain panache le style des pionniers du polar américain, où les surnoms se succèdent à l’envie et où les protagonistes de second plan surgissent au premier dans une harmonie parfaite. Je n’oublie pas les stars atypiques qui éblouissent de leur aura flamboyante comme ici Schneider et la journaliste Laura Traven dans leurs péripéties amoureuses.

Un roman noir certes mais d’où l’émotion peut nous prendre aussi par surprise.

Un futur classique du genre sans aucun doute.







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Dernière station avant l'autoroute

« Un homme en train de s'enfoncer dans le sable. » Cette phrase résume parfaitement le roman. Nous assistons à une longue descente aux enfers du héros dont nous savons peu de choses. Profession : inspecteur divisionnaire en charge de la nuit à la « Douze », une division de police judiciaire de Paris. Un goût prononcé pour la musique (classique, jazz, blues), les livres (sa bibliothèque en contient plus de trois mille), l'alcool et les cigarettes. Des douleurs articulaires, un mal de dos et des fantômes plein la tête. Les traumatismes sont nombreux : son expérience de sous-officier pendant la guerre d'Algérie et sa fonction d'officier de Police Judiciaire qui le conduit à côtoyer les morts chaque jour. le héros évoque notamment un accident ferroviaire qui s'apparente à celui de la gare de Lyon du 27 juin 1988 où il a eu pour mission d'identifier des dizaines de victimes.



L'histoire est secondaire. Un sénateur se suicide dans une chambre d'hôtel. Notre policier arrivé le premier sur les lieux du drame est soupçonné d'avoir mis la main sur une disquette contenant des informations compromettantes. Il sera soumis aux pressions de sa hiérarchie et d'officines secrètes. Mais ce qui prévaut, c'est le voyage personnel du narrateur au bout de sa propre nuit.



L'ambiance est sombre, étouffante. Un récit aux tons gris. Une météo pas très engageante :« C'était un jour gris et peu contrasté », « il faisait un froid extrême », « c'était mortellement triste sous la pluie ». Une citation de Cioran en épigraphe annonce la couleur : « Toute existence est, nécessairement, un processus de décomposition. » J'ai été gêné au départ par cette atmosphère étouffante et la succession de sentences, comme par exemple : « Je ne pressentais rien de bien folichon. Nos attachements, pour brefs et limités qu'ils soient, portent à chaque fois la marque d'une lâcheté infinie. ». C'est beau, oui, mais en trop grand nombre, ça devient indigeste. J'ai parfois eu du mal à m'y retrouver avec l'argot policier. Si certains termes sont évidents, d'autres se réfèrent à l'organisation du Quai des Orfèvres ou à celle de la hiérarchie policière et paraîtront obscurs au béotien.



Et puis, j'ai été saisi par les scènes d'une très grande force : l'assassinat d'une prostituée, l'incendie d'un squat, une expédition punitive organisée par un commissaire ripoux, une arrestation musclée dans une cité du nord de Paris, etc. C'est puissant et servi par un style impeccable. Je dirais avec emphase que certains passages sont "céliniens". Les plus réussis sont ceux qui livrent des anecdotes sur des personnages de la rue : une trapéziste de cirque devenue putain, un ancien combattant au visage dévasté par une mine antipersonnel reconverti en pilier de bar, un ancien informaticien chez Gaz de France qui dort dans la rue. Le récit de ces destinées brisées est gorgé d'humanité.



Un roman que j'ai hésité à abandonner et qui finalement m'a comblé par sa puissance sombre et poétique.

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Profil perdu

« Profil perdu » est un polar, un vrai, procédurier, dans l’enfer d’un commissariat au milieu des flics qui se supportent, supportent leurs collègues, supportent leurs conditions de travail avec son cocktail de violence, de misère humaine, et de malheur et commandés à la brigade criminelle par Schneider, flic incorruptible, mais terriblement seul et implacable. Son côté "samouraï" de Melville interprété par Delon dans les années 60 et son aspect "Bayard sans peur et sans reproche" pourront un peu énerver certains lecteurs… ou pas. Le roman est situé dans une ville de l’Est de la France en 1979, dans cette France de Giscard dont l’époque est bien rendue.



Le roman raconte avant tout l’enquête sur le meurtre d’un flic, crime qui prévoit la guillotine au coupable à l’époque et le déroulement est très réussi, avec moult investigations et sans réels coups d’éclat hollywoodiens dans une atmosphère très sombre atténuée par la rencontre entre Schneider et Cheroquee dans ce qui ressemble à un coup de foudre.



Manifestement, Hugues Pagan maîtrise son art et sa connaissance parfaite des milieux policiers permet une plongée très enrichissante dans l’univers des commissariats de police de la fin des années 70 tout en montrant les tourments de son héros dans un roman prenant.
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Le carré des indigents

Comme la forme géométrique, Le carré des indigents a quatre côtés, le froid, la faim, la maladie, l’usure, qui assemblés, conduisent à la pauvreté.



On entre dans ce roman d’Hugues Pagan pour son ambiance, celle des années 1970, où tout le monde fume et boit, une époque antérieure à la loi Evin, où les politiques de santé publique et de circulation routière étaient traitées différemment.



On y reste pour le Bunker, ce commissariat auquel le restaurant d’en face, les Abattoirs, sert d’annexe. Son groupe criminel qui résout des enquêtes qui s’entrechoquent ou restent indépendantes, est emblématique, notamment avec son jeune étalon, son photographe, son méthodique et son invisible, avec tous ceux qui gravitent autour, magistrats, journalistes, policiers d’autres services plus ou moins véreux, avec des chefs trop politiques.



On en redemande pour l’humanité de Claude Schneider, le chef de ce groupe criminel qui réussit toujours à avoir un coup d’avance dans sa vie professionnelle, mais ne cesse de regarder les trains passer dans sa vie personnelle.



On y repense, car décidément on ne pourra pas oublier de sitôt Betty et son petit visage aigu de chaton ébouriffé qui n’aura pas eu le temps de vivre sa vie.



Hugues Pagan a travaillé dans la police une vingtaine d’années avant d’écrire ses romans policiers et des scénarios de films et de séries télévisées. Cette expérience donne un réalisme et un rythme de roman noir à la française dont les atouts ne se restreignent pas à l’intrigue.



Le prix Landerneau polar qui lui a été attribué début 2022 me paraît largement mérité !

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Le carré des indigents

Hugues Pagan est un écrivain assez discret qui n’est pas très prolifique. Je l’avais repéré lors d’une émission dans laquelle il parlait de son dernier roman, après 20 ans d’absence. C’était en 2017. Par curiosité, j’avais tenté ce « Profil perdu » et je n’avais pas regretté mon choix.



Avec cet auteur, l’ambiance est au cœur du roman. Il a été inspecteur de police pendant de longues années. Il sait de quoi il parle. Pour raconter ce métier, il ne cherche pas à faire de la surenchère. Pas de descriptions sanguinolentes, pas de poursuites effrénées, pas de tueur en série démoniaque, pas de rebondissements à répétition, seulement une réalité. Le lecteur est au plus près du quotidien d’un service de police.



On retrouve son personnage récurrent, Schneider, dans le début des années 70 alors qu’il n’était encore qu’un jeune officier. Plusieurs dossiers atterrissent sur son bureau et il met un point d’honneur à les résoudre. A ses côtés, on déambule dans toute la structure judiciaire, où l’on croise les effluves du pouvoir, de la politique, de l’information. Chaque partie du système déplace ses pions pour défendre ses intérêts. Dans ce monde d’ambition, Schneider apparaît comme un chien dans un jeu de quilles, incontrôlable. Il n’est pas prêt à lâcher ses convictions même sous la pression.



L’auteur a conservé son écriture envoutante, qui alterne entre élégance et crudité. Par les mots, il sait cerner les maux d’une société. Loin d’être nostalgique, ce roman sombre est le témoignage d’une époque, sans concession. Même si l’intrigue peut paraitre un peu faible et qu’il ne se passe pas grand-chose, Hugues Pagan a encore réussi à me passionner, en m’immergeant dans la vie tourmentée de son antihéros taciturne. Je suis heureux que ce maître du roman noir soit revenu aux affaires !
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Dernière station avant l'autoroute

Ce roman raconte le quotidien d'un officier de police judiciaire qui sombre dans une descente aux enfers. On assiste à sa dérive dans les plus durs moments de sa carrière. L'alcool, la violence, la vulgarité sont toujours présents dans son univers, et on comprend son besoin de se laisser aller.

L'auteur sait captiver le lecteur, à travers une écriture forte, des personnages attachants, un rythme soutenu. Il arrive à nous entraîner dans la spirale dépressive de son personnage principal et à nous donner envie d'en savoir plus, d'en lire plus.

Une œuvre dans son ensemble dédiée au côté obscur de la profession de flic, d'une partie défavorisée de la population et surtout d'une société dont l'avenir aux yeux de l'auteur n'est guère reluisant.

C'est du bon polar, sombre, noir, amer et efficace, avec un réalisme extraordinaire. Très bon pour les amateurs du genre, à lire sans modération...
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Le carré des indigents

Afin d'amorcer la rentrée littéraire sous les meilleurs auspices, les éditions Rivages/Noir ont pris pour habitude de convoquer en début d'année l'un des ténors de leur prestigieuse collection comme cela avait été le cas en 2021 avec Hervé Le Corre qui publiait Traverser La Nuit, un roman d'une noirceur latente dont chacune des pages est imprégnée d'une humanité saisissante émanant de personnages bouleversants. Pour cette année, c'est Hugues Pagan qui revient sur le devant de la scène, pour notre plus grand plaisir, avec Le Carré Des Indigents signant ainsi le retour de l'inspecteur Schneider. Il importe de souligner que l'on découvrait ce personnage dans La Mort Dans Une Voiture Solitaire (Rivages/Noir 1992), premier roman de l'auteur publié en 1982 dans la défunte collection Engrenage de Fleuve Noir. Avec un sort scellé au terme du récit, la série Schneider prend dès lors la forme d'une remontée dans le temps avec Vaine Recherche (Rivages/Noir 1999) dont l'action se déroule en 1982. Après un silence d'une vingtaine d'année où il travaille comme scénariste pour des séries télévisuelles comme Police District, Mafiosa ou Nicolas Le Floch, Hugues Pagan reprend son personnage de Schneider que l'on retrouve en 1979 dans Profil Perdu (Rivages/Noir 2018). Au cours d'un récit débutant en novembre 1973, Hugues Pagan poursuit donc sa remontée dans le temps avec Le Carré Des Indigents, dont l'intrigue est imprégnée d'une atmosphère de fin de règne de l'ère Pompidou qui colle parfaitement à l'ambiance d'un roman noir captant cette misère quotidienne des petites gens.



En novembre 1973, l'inspecteur principal Claude Schneider est de retour dans la ville de sa jeunesse en trimbalant les stigmates de la guerre d'Algérie dont il revient avec le grade de lieutenant assorti d'une légion d'honneur qu'il se refuse de porter. Un tournant dans sa carrière de policier qu'il aurait pu poursuivre à Paris au sein de brigades prestigieuses. Mais en intégrant le "Bunker", nom désignant l'hôtel de police de l'agglomération, il prend la tête du Groupe criminel et se retrouve confronté à la disparition de Betty, une jeune fille sans histoire dont son père, un modeste cheminot, est sans nouvelle depuis plusieurs jours ce qui n'a rien d'habituel. Les deux hommes, sans illusion, partagent le même pressentiment, pour eux il ne fait aucun doute que Betty est morte. Et les faits ne vont pas tarder à leur donner raison avec le signalement d'un cadavre découvert à l'extérieur de la ville. Schneider a beau être flic, il ne s'habitue pas à la mort ceci d'autant plus lorsqu'il s'agit d'une adolescente de 15 ans dont le visage de chaton orne désormais le tableau mural de son bureau. Mais au-delà de la résolution de l'affaire, il ne reste que les souvenirs et les regrets dont on ne se remet jamais vraiment et qui vous collent à la peau comme un vieil imperméable trop étriqué dont on ne peut plus se débarrasser.



Quand on lit Le Carré Des Indigents on ne peut s'empêcher de se référer, sur le fond, à La Misère Du Monde de Bourdieu, tant Hugues Pagan parvient à saisir l'indigence de ces petites gens qu'il dépeint avec un réalisme saisissant que l'on retrouve également dans le quotidien de ces policiers dont il a fait partie durant de nombreuses années et qui ne l'ont pas empêché de jeter un regard critique sur le métier comme c'est d'ailleurs le cas avec ce roman dénonçant notamment les descentes de la police à l'encontre des indigents qui dérangent les notables et les édiles de la ville. On retrouve ce réalisme, cette humanité dans les rapports qu'entretient Schneider avec André Hoffmann, père de la victime, et tout son entourage au cours des repas avec la famille qui se réunit autour du souvenir de Betty. Ce sont ces instants qui donnent encore davantage de dimension au personnage central de Schneider, dont le caractère mutique révèle quelques failles que l'on décèle autour de ce fait divers tragique qui touche l'ensemble de l'équipe du Groupe criminelle. Ce réalisme, on en prend également la pleine mesure autour du profil des criminels et des marginaux qui vont intervenir tout au long d'un récit où les affaires, parfois sordides, s'enchainent au gré d'une intrigue habilement construite. Mais au-delà du réalisme qui s'incarne aussi dans le cliquetis des machines à écrire rythmant les interrogatoires, il y a toute cette déclinaison d'émotions que Hugues Pagan distille par le biais d'une écriture à la fois intense et pudique prenant la forme d'un long blues suintant d'une noirceur troublante qui imprègne l'ensemble des personnages. S'entrecroisent ainsi affaires de meurtres et de braquages que l'inspecteur Schneider va démêler avec l'aide d'une équipe soudée qui doit composer avec une hiérarchie autoritaire voyant d'un très mauvais oeil l'attitude charismatique de ce chef de groupe mutique refusant de composer avec ses supérieurs. Tous ces aspects se déclinent donc autour de cet individu emblématique à la séduction discrète et dont les rapports avec les femmes et plus particulièrement l'une d'entre elle va sceller son destin et donner une tout autre dimension à l'ensemble d'une série qu'il faut découvrir impérativement.



Ainsi, Le Carré Des Indigents nous donne à nouveau l'occasion de nous retrouver au coeur de cette ville du bord de mer qui ne porte pas de nom, pour croiser la route de Schneider, cet inspecteur à la fois emblématique et énigmatique, dont le parcours crépusculaire n'a pas fini de nous séduire. Envoûtant.



Hugues Pagan : Le Carré Des Indigents. Editions Rivages/Noir 2022.



A lire en écoutant : Saint James Infirmary Blues interprété par Jon Batiste. Album : Hollywood Africans. 2018 Naht Jona, LLC.
Lien : https://monromannoiretbiense..
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Le carré des indigents

Le roman policier « Le carré des indigents » d’Hugues Pagan nous plonge dans les années 70, en plein cœur d’une ville de l’Est de la France, alors que la Guerre d’Algérie marque encore les âmes. L’inspecteur principal Claude Schneider débarque dans cette ville où il vient d’être récemment muté mais qu’il connait bien pour y avoir vécu.

Par de nombreux détails, que ce soit par les éléments du décor de l’époque (les objets du quotidien -du polaroïd en passant par la Renault 1-, les tenues, les comportements) mais surtout par le langage appartenant au milieu policier, l’impression d’être à côté et d’observer ces hommes de terrain est immédiate.

Le répertoire lexical employé est des plus savoureux, imagé, plein d’argot. Le langage est tellement prégnant que cela m’a rappelé certains films noirs cultes au point que ce roman pourrait, sans conteste, être adapté en film ou série policière. L’auteur a d’ailleurs participé à l’écriture de plusieurs scenarii dont des séries à succès.



Avec cette ambiance qui nous colle à la peau et ce petit crachin qui nous refroidit les os dès les premières pages, le personnage principal Schneider est l’autre carte maîtresse qui explique que le lecteur s’accroche à l’histoire avec autant de plaisir et d’intérêt.

Schneider, c’est un taciturne. Bien rares sont ceux qui le voient vraiment sourire. C’est un taiseux, et lorsqu’il dépense son énergie pour faire deux phrases, c’est cas exceptionnel, au point de n’être peut-être pas dans ses bons jours. Dans son rapport aux autres, ses expressions impassibles pourraient le faire passer pour un pince-sans-rire, voire un être froid. Par son physique et ses yeux clairs également sans expression, il réussit à ensorceler bon nombre de femmes qui gravitent autour de lui. Dit comme cela, il pourrait sembler un portrait de flic un peu cliché maintes fois croisé auparavant, au cours de nos lectures. Mais c’est loin d’être le cas.

Schneider a fait la guerre d’Algérie et a perdu son amour à cette époque (jeune femme d’origine algérienne, son frère n’a pas supporté qu’elle vive une histoire d’amour avec un Français). Cette perte fait du flic un écorché vif, un peu en retrait des autres. Mais il sait pouvoir compter sur ses adjoints et également sur Monsieur Tom, qui a la main sur la ville, et avec qui il a fait la guerre d’Algérie. Et cet esprit de corps est ce qu’apprécient également les adeptes des enquêtes policières.



De par son passé, Schneider va avoir à cœur de résoudre la disparition récente d’une jeune fille Betty Hoffmann et aider son père à retrouver la jeune fille.

Le père Hoffmann est ouvrier, presque un pauvre bougre, désormais seul depuis la disparition de sa fille et la mort de sa femme. Et c’est aussi cette plongée dans le milieu plus défavorisé (que rappelle le titre du roman) qui en fait un roman social, en mettant en exergue le fossé, les disparités entre le ‘’milieu d’en haut’’ et celui d’ ’’en bas’’. L’auteur fait une analyse de ce dernier milieu avec beaucoup de sensibilité et de pudeur. Ce savant mélange du quotidien des flics (parfois grossier et sans concession) allié à l’observation subtile des milieux sociaux donnent à cette histoire beaucoup de profondeur.



J’ai rapidement accroché au style de Pagan, caractérisé par une intelligence dans l’écriture, une connaissance politico-historique fine, sans parler de sa familiarité avec le monde policier. Et rapidement on devient, nous lecteurs, un peu comme ces louloutes aimantées par le regard de Schneider. On suit Pagan sans broncher, ressemblant à un tout jeune bleu, grandement impressionné tout autant que subjugué par son supérieur.

Les différents flics, que ce soit les supérieurs ou ceux sous les ordres de l’inspecteur principal, par leur large palette de styles et de caractère, ne manquent pas non plus d’intérêt. Tous les personnages du roman, même ceux de prime abord plus secondaires, ont le droit à des portraits des plus ciselés, parfois très attachants.

Au niveau sociologique, l’utilisation constante de l’argot fédère à ce corps professionnel. L’humour -même ‘’abyssal-lement’’ noir-, est un moyen de garder une certaine distance avec la réalité et la violence des hommes ; un moyen d’évacuer ce trop-plein émotionnel et stressant. J’ai à cette occasion découvert bon nombre d’expressions familières et argotiques (qui m’ont demandé quelques recherches dans le dictionnaire).

Chacun des membres de l’Usine porte un ou des surnom(s), révélant ses traits de caractères les plus marqués, surnom connu de tous, sauf parfois de l’intéressé. Ces noms de code, pas toujours des plus délicats et obligeants, dépeignent le niveau de confiance ou de respect aux yeux des collègues. Certains sont si imaginatifs et moqueurs que le lecteur ne peut s’empêcher d’en sourire. Ces surnoms ont l’autre avantage pour le lecteur de permettre de suivre assez facilement les différents protagonistes dans cette galerie de portraits.



Ce roman policier de Pagan est selon moi de haute volée, d’une profondeur et d’une densité qui m’ont ravie. Les prix reçus par ce roman (prix de Landerneau, Grand prix de la littérature policière en 2022) sont amplement mérités.

Pagan a vécu jusqu’à ses 16 ans en Algérie. Diplômé d’une maîtrise de philosophie, il a enseigné un temps avant de devenir flic et enfin auteur de romans policiers. Et en 1998, il a été élevé Chevalier des arts et des lettres. Si mon billet ne suffit pas à convaincre de la plume aiguisée et piquante de cet écrivain, ces différents éléments biographiques devraient, je l’espère, finir de le faire.



J’avais découvert Hugues Pagan il y a pas mal d’années avec « Dernière station avant l’autoroute ». J’avoue ne plus trop me souvenir de l’histoire. Mais « Le carré des indigents » m’a particulièrement impressionné pour que, il va sans dire, je souhaite suivre même dans le désordre les enquêtes de Scheider…

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Tarif de groupe

Flics ou voyous ? La différence entre ces mondes est en effet ténue au début des années quatre vingt dix en tout sous la plume de Hugues Pagan. Il nous offre un polar hommage aux romans noirs américains de Hammet ou Chandler. On y retrouve les mêmes ingrédients privilégiés : une police (ultra) corrompue, des personnages hors du temps qui luttent pour un idéal ou pour une cause personnelle. Mais l’argent et le pouvoir sont bien les uniques valeurs. Des dialogues percutants, un rythme survolté et des surnoms à la sauce US auxquels il faut s’accrocher si on veut ne pas perdre le fil . Entre Bingo, Fortune, Starsky( mais sans Hutch) , Charley ,Squirrel ou Duke on peut parfois être un peu largué …

Des surnoms qui vont comme un gant à ses individus à la peau froide qui savent s’accommoder avec la justice tant qu’ils peuvent la manœuvrer à leur guise.

Je ne vous ai pas encore parlé de l’inspecteur Chess - comme son surnom l’indique c’est un fin tacticien - ex flic qui s’est retrouvé sur la touche et mis en préretraite par sa direction. Fin connaisseur du milieu et des joueurs en présence, il est contacté par un mac de première envergure dont l’une des protégées, Velma, s’est fait assassiner. L’affaire a été étonnamment vite classée . Fortune, qui avait une relation privilégiée avec la prostituée , demande à Chess de reprendre l’enquête à son compte et de découvrir qui l’a tuée. L’ex inspecteur va donc remuer la boue, fouiller dans les poubelles, utiliser ses contacts à l’Usine et dans les rues pour tenter d’élucider cette affaire qui pue et ne présage rien de bon.

Pour se consoler il pourra mettre un bon disque de jazz et se laisser dorloter par Dinah…



Hugues Pagan est un ancien flic mais il ne ménage pas son ancienne maison surnommée ici « L’Usine» ni ses anciens collègues qui passent dans ce roman pour des ripoux de première classe.

Le début du roman peut déstabiliser avec ces personnages qui sortent de partout … mais une fois le pli pris, on se laisse porter par ce récit d’une noirceur mélancolique. Par ces personnages de la nuit , anachroniques qu’on imagine aisément avec un imper et un feutre sur la tête . Des personnages sans visage mais dont les yeux luisent dans l’obscurité à l’affût du mauvais coup. Chess tient le haut du pavé où le fossé entre gentils et méchants est flou. Un solitaire amoureux de jazz et de sa Lady Day accompagnée d’un verre de J&B. Un loup parmi les loups qui a pris trop de coups pour ne pas voir le prochain venir. Rusé et nonchalant il navigue à vue dans cette faune interlope tel le héros baugartien , beau ténébreux dont les belles filles sauvages sont folles.

Un roman qui a la nostalgie de cette époque mais qui sait la rendre vivante , passionnante voire par moment émouvante quand l’amour s’en mêle .

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Dernière station avant l'autoroute

Un roman graphique noir...très noir. Le "héros", officier de police judiciaire, chef du groupe nuit est un homme blasé, asocial, déshumanisé (on ne saura même jamais son nom), trop de fantômes le hantent, son milieu l'écoeure. Ce récit ne relate pas vraiment une enquête mais bien une descente aux enfers ou ...

Un dessin très soigné dans cet univers nocturne.

L'ambiance est pesante, peu de dialogues mais une "voix" off omniprésente nous expose les états d'âme du héros, son histoire. On s'imagine beaucoup plus dans un film noir américain en compagnie d'un détective privé que dans les locaux de la P.J. française. J'ai pas mal pensé à Dashiell Hammett en suivant cette aventure

Dernière station... ? Je fais le plein et je continue !



pour le titre :

http://www.youtube.com/watch?v=r4fqrlNC9rw



pour l'ambiance :

http://www.youtube.com/watch?v=cXJP1xp5FH8&feature=related
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Le carré des indigents

Un livre magnifique, un chef-d'oeuvre du roman noir, et de la littérature tout court. On en reste étourdi, on cherche des références, des termes de comparaison. Alors, bien sûr, on peut citer le Hammet de Moisson Rouge, Chandler, Goodis, Jim Thompson.. Peut-être, mais ce n'est pas tout à fait cela. Alors il faut bien en parler. Dans une ville de bord de mer du Nord de la France, jamais nommée dans le livre, noyée de brumes et de pluie, on suit les enquêtes et errances de l'inspecteur Schneider, dans une autre vie officier parachutiste en Algérie, dont il a ramené quelques blessures inguérissables. Car elle est bien proche, cette guerre d'Algérie, au début des années 70 de l'autre siècle. Ce n'est pas tout à fait notre monde, mais cela n'en est pas si loin. Au milieu des intrigues des notables, des lâchetés et compromissions de la hiérarchie, de la brutalité de beaucoup de ses camarades. Schneider essaie de rendre justice. de rendre justice à tous, même aux petits et aux humbles, surtout aux petits et aux humbles, surtout aux petits et aux humbles, victimes ordinaires du crime et de l'indifférence. Pour Schneider, comme en d'autres lieux et temps pour l'inspecteur Harry Bosch de Connelly, tout le monde compte, même ce clochard raffle par la police et jamais revenu.

Et bien sûr la petite victime, et son père, ancien cheminot, poignant dans sa douleur et sa dignité. Oui, Schneider leur rend justice à tous, à ces '"gens de peu" dont parle Aragon ("J'en ai connu qui s'en allèrent/ Ils se contentaient de si peu/; Ils ne demandaient que du feu/ Ils avaient si peu de colère"). Et il continue son chemin dans la nuit et dans sa nuit, accompagné de ses fantômes, tel le chevalier de la gravure de Dürer. Au cours du livre, son escorte va s'enrichir.

Mais le livre n'est pas manichéen. Il y a des bons, il y a des méchants, mais ceux qui oeuvrent pour le bien ont leurs fissures, tel Catala, Monsieur Tom, Laura.. Et les méchants sont souvent plus bêtes que méchants. Qu'on ne s'y trompe pas, ce n'est pas non plus politiquement correct, Schneider ne donne pas dans la culture de l'excuse et sa pitié n'est pas pour les assassins.

Alors, de grâce, posez un peu Thilliez, Chattam, Bussi et consorts (au besoin,envisagez même d'en faire donation à votre oeuvre préférée), et lisez de vrais romans noirs. Par exemple Pagan, et surtout le carré des indigents, magnifique et indispensable.
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Dernière station avant l'autoroute

Si tu veux du style, de l’écriture chiadée, alors voici ce qu’il te faut lire.



L’intrigue passe presque au second plan. Pas d’adrénaline électrisante mais une ambiance et surtout surtout une grande plume. Adeptes du page-turner fuyez, adeptes de romans noirs intimes filez en librairie.



Pagan nous faut suivre la descente aux enfer d’un officier de police judiciaire, chef de groupe nuit. Un homme désabusé, fatigué, amer, chargé de lassitude, absent à lui même et aux autres.



Il y a du James Elroy et du Fante dans ce texte.



Je ne trouve pas les mots pour rendre compte de la beauté du style Pagan mais « magistral » est ce qui se rapproche le plus de mon ressenti.
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Dernière station avant l'autoroute

Rencontre avec Hugues PAGAN au Festival du Polar de Villeneuve-lès-Avignon, fin septembre 2017, organisé à la Chartreuse pontificale du Val-de-Bénédiction, fondée au XIVème siècle par Innocent VI, 5e pape avignonnais, et aujourd'hui résidence culturelle.

J'avais choisi un de ses livres mis en avant sur son comptoir, mais prestement, il me l'a retiré des mains. Effarée, j'ai cru qu'il s'opposait à la lecture de la 4e de couverture ! Non, c'était pour me proposer, de façon singulière et plutôt directive, un autre polar , celui-ci précisément, plus intéressant me dit-il .

Nous avons discuté quelques instants en multipliant les quiproquos cocasses, rencontre plutôt drôle au final .

Lecture quelque peu éprouvante parce que très réaliste - je m'y suis accrochée avec difficulté – mais j'ai compris ce choix imposé, mieux qu'une discussion, il offrait une lecture -décodage permettant de mieux percer cet auteur car c'est un peu, beaucoup d'éléments personnels que Pagan y dévoile, Pagan, l'ex-prof de philo, (pas vraiment camusien !) l'ex flic, qui joue, surjoue ce personnage de comédie noire, ce bouffon tragique, fumeur invétéré, ce baltringue « baltringue on naît, baltringue on meurt » comme il le répète sans cesse dans le roman .

Ce qu'il raconte, dans un décor où suinte le noir, sent à plein nez son vécu, remugles de ses propres souffrances, de sa désespérance, mais aussi, oui, de la nostalgie du pays natal avec sa cohorte de drames, qui reste collée à ses semelles . Un livre qui dévoile son auteur. C'est ce que je crois avoir compris après cette lecture et qui se cache vraiment derrière l'ironie et le sarcasme qu'il affiche …

Des passages poétiques, - lyrisme subtil- , qui permettent de reprendre respiration avant de poursuivre la lecture et, entre les lignes, des valeurs humaines qui réchauffent… On peut aussi entendre le staccato du zippo de l'OPJ , l'écho sans cesse renouvelé de quelques accords de blues, et le vibrato de Billie Holiday -Lady Day - qui s'échappent des pages enfumées par le tabac blond de Virginie celui des Navy Cut et des Dunhill …

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Le carré des indigents

L’intrigue se déroule dans les années 70. L’inspecteur principal Schneider vient d’être muté dans une petite ville de l’est de la France, au sein du “Bunker” dirigé par “Dieu”. Alors qu’il prend ses quartiers en tant que chef du Groupe criminel, un homme vient signaler la disparition de sa fille Betty, quinze ans. Devant la certitude de ce père qui pense que sa fille est morte, Schneider décide de prendre l’affaire en main.

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Contrairement à tous ces livres policiers qui suivent toujours le même schéma, Hugues Pagan nous emmène plus loin dans son récit. L’enquête principale de ce roman n’en est pas forcément le coeur. Elle est une partie d’un tout, d’une histoire qui évoque plusieurs sujets, donnant à cette oeuvre une dimension plus sociétale, digne d’un roman noir. Un réalisme renforcé par le contexte historique de l’époque, avec la peur encore très présente du communisme et la guerre d’Algérie qui a laissé des séquelles irréversibles.

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J’ai beaucoup apprécié le personnage de Schneider, un type plutôt taiseux, à l’attitude très neutre, presque froide, qui attise la curiosité. Quelques pages suffisent pourtant à détecter la carapace, la sensibilité sous le masque de fer. Un flic comme je les aime, au passé chargé, aux convictions fortes, doté d’un sens moral à l’épreuve des balles. Un flic en qui on aimerait croire, ne serait-ce que pour redorer un peu l’image de la police, qui en aurait bien besoin parfois. J’ai apprécié sons sens de la justice, sa façon d’interroger les témoins, de voir les opprimés et les invisibles, d’accompagner les douleurs, sans paroles superflues ni hypocrisie. Chez lui, pas de réactions enflammées, mais un culte du détachement. “Poker face”, comme diraient les autres. Bien entendu, il y a quelquefois des signes annonciateurs de montée en pression, comme les doigts qui remuent doucement, la “crispation des omoplates, le léger tassement des épaules”, mais généralement étouffés dans l’oeuf grâce à des équipiers prévoyants.

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Un roman qui raconte aussi les coulisses de la police, les rivalités, les hiérarchies corrompues, les comportements déplacés mais aussi les braves gens, investis corps et âme dans leur mission. D’ailleurs, certains s’intéressent à ceux d’en bas, de la prostituée au sdf, allant même jusqu’à s’inquiéter si l’un d’eux vient à manquer à l’appel. Pour eux, ces laissés-pour-compte ont un (sur)nom, un visage, une personnalité. Forcément, cette humanité nous touche de plein fouet, on s’émeut de leur sort, ce ne sont pas de lointaines figures abstraites mais bien des protagonistes à part entière. Le titre du roman prend alors tout son sens.

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Par ailleurs, j’ai été touchée par cette façon d’aborder “l’après”. Ici, l’histoire ne s’arrête pas à la résolution de l’enquête, il y a tout le reste, jusqu’à la victime qui reste en tête, la peine et la tristesse de la famille qui laissent leur empreinte. J’imagine que les enquêteurs ne peuvent pas toujours passer à autre chose si facilement. Il arrive que la photo reste épinglée sur le tableau d’affichage un peu plus longtemps, histoire de ne pas oublier.

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Et puis il y a le décor et l’ambiance. “Un commissariat-bunker qui ressemble à un tribunal de commerce délabré où échouent toutes les faillites de la société”, une atmosphère sombre, la fumée des cigarettes, les silences, la mélancolie, un piano qui joue un air de blues. Un roman dans un pur style polar noir, qui m’a définitivement conquise. Je m’attendais presque à entendre une voix-off, à l’instar de ces films de détectives des années 60.

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Avec Le carré des indigents, nous ne sommes pas dans un rythme haletant, dans une enquête sous tension menée tambour battant, pourtant, j’ai été captivée jusqu’à la dernière minute. Je n’avais aucune envie de terminer ma lecture. Je voulais rester dans cette ambiance, continuer à suivre ces flics dans le quotidien de leur profession, m’immerger encore dans les pensées de Schneider.

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J’ai frôlé le coup de coeur pour ce polar noir et profond, qui m’a totalement séduite. Cette incursion dans le style d’Hugues Pagan a été une réussite, aussi j’ai désormais l’envie irrépressible de partir à l’assaut de toute sa bibliographie.

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Mon avis sur la version audio :

Dans la version Audiolib, le comédien Cyril Romoli donne le ton. Alors que j’étais déjà tombée sous le charme de sa voix dans “Entre fauves” de Colin Neil, il m’a de nouveau subjuguée par son interprétation. Il excelle particulièrement dans le rôle de Schneider, révélant tout le charisme et la sincérité de ce personnage complexe. Son timbre se prête parfaitement à l’ambiance de ce polar noir. J’ai également été très sensible aux interludes musicaux entre les différents chapitres. Une version audio vraiment très réussie !

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Roman lu dans le cadre du Prix Audiolib 2023.

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Ma chronique complète est sur le blog.

Caroline - Le murmure des âmes livres
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Le carré des indigents

Le carré des indigents, l'espace que les cimetières peuvent mettre à disposition des défunts dont les corps n'ont pas été réclamés par la famille, ça ne devrait pas exister.



Pour l'inspecteur principal Claude Schneider comme pour Harry Bosch, tout le monde compte ou personne ne compte.



C'est lui qui paye (en secret) les obsèques d'une dénommée Gloria, morte dans l'indifférence générale. «Personne ne connaissait Gloria, elle avait disparu de longue date de la mémoire des hommes pour entrer dans la triste cohorte de ceux qui ont cessé de compter une fois pour toutes, très au –dessous de la couverture radar » (…) « Schneider (…) se sentait furieux et démuni. Les pauvres n'ont pas droit à de longues oraisons funèbres. Ils n'ont même droit à rien. »



C'est lui qui lance à une jeune femme qui le provoque : «Soyez sympa : oubliez le flic »





Nous sommes dans les années 70, dans une petite ville française. Il n'y a pas si longtemps, Schneider était en Algérie. C'est son quotidien, noir, de jour comme de nuit, que nous conte Hugues Pagan, avec élégance. Le sien et celui de ceux qu'il croise. Des personnages secondaires qui ne le sont pas parce que personne ne l'est. Ou parce que nous le sommes tous, cabossés, chacun à notre façon.



Son enquête principale porte sur le triste sort d'une jeune fille, Betty, partie à la bibliothèque et jamais revenue chez son père qui s'occupait d'elle, tout seul. Son corps est retrouvé, elle est morte, sauvagement agressée.



D'autres drames jalonnent la route de Schneider, toujours hanté par la disparition d'une jeune femme, en Algérie. Amertume et tendresse particulière pour elle. De l'intérêt pour chacun. Un homme dans la rue. « Personne n'avait prétendu que la vie de clochard fût un tapis de rose». Un flic ripoux. Une prostituée qui réclame son dû.





Passionné d'arts martiaux (qu'il enseigne) et de piano (qu'il joue sans réussir à désarmer le malheur), Schneider a le blues communicatif, c'est un solitaire à l'écoute de tous sauf de sa hiérarchie. Désenchanté et attachant.





« Puis la pluie se remit à tomber, éparse d'abord, puis monotone et silencieuse, intarissable et sourde comme un chagrin d'enfant ».



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Le carré des indigents

En 1973 dans une ville qui n'est pas nommée, Betty jeune fille de 15 ans à l'air de chaton ébouriffé" disparaît. Schneider inspecteur de la criminelle mène l'enquête persuadé que la jeune fille est déjà morte.

Ce pourrait être un polar de plus mais Hugues Pagan en fait un petit bijou de roman noir.



Il nous plonge "avec l'application d'un entomologiste neurasthénique" (M. Embareck, dans la préface) dans cette ville à l'atmosphère désenchantée peuplée de notables peu sympathiques et de petites gens aux vies banales.

Schneider, son inspecteur, ancien para pendant la guerre d'Algérie, beau gosse élégant au regard gris, bousculé par la vie, désabusé, plutôt taiseux, intègre veut rendre justice aux plus humbles même si cela doit prendre du temps. Il se moque des rappels à l'ordre autoritaires de sa hiérarchie. Il va son chemin escorté d'une equipe de policiers disparates qu'il sait mobiliser pour mener à bien l'enquête.

Par son écriture minutieuse, parfois poétique, ses dialogues percutants Hugues Pagan nous place en immersion dans la noirceur de cette enquête. Nous sommes au plus près. Nous partageons les doutes, les avancées, les temps morts, les reculs, les espoirs et les surprises. Nous nous retrouvons "aux Abattoirs" pour un débrief autour d'un café, d'un ou deux pastis ou d'un plat du jour. Nous pénètrons dans le bunker pour écouter les ordres et subir les sermons de la hiérarchie. Nous partageons avec émotion l'empathie de Schneider pour le père de Betty ancien cheminot si digne dans sa colère et sa douleur.

La scène du repas d'anniversaire de la jeune morte est magnifique, des personnages forts, solidaires, d'une épaisseur touchante, émouvants dans leur douceur, leur bienveillance les uns envers les autres. Quel contraste avec la fin du récit qui nous replonge avec horreur dans la laideur du monde.



C'est beau et c'est bouleversant.
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Dernière station avant l'autoroute

Un sénateur se suicide, emportant avec lui quelques secrets d'état, et laissant une veuve bien trop jeune et séduisante. Il n'en faudra pas plus pour accélérer la descente aux enfers de l'officier de police judiciaire appelé pour les premières constations. Jusqu'à ce que mort s'en suive, ou presque...



En introduction du livre, la présentation de l'auteur dit : "Il est considéré comme l'un des grands stylistes du polar français". Deux possibilités : soit ce n'est pas cet ouvrage qui lui a valu cette appréciation, soit c'est un style qui ne me convient pas.



Une écriture un peu à la Audiard (le père !), mais loin d'égaler le maître. Une narration lente, très lente, trop lente, qui finit par lasser. Un abus de référence au blues (la musique), que le lecteur ne peut vérifier, et qui donne un sentiment de pédanterie... Bref, beaucoup de défauts qui ont généré de l'ennui à la lecture.



En positif, car il y en a quand même, j'ai beaucoup aimé le côté humain, la façon dont sont dépeints la vie et les états d'âme des acteurs du roman. J'ai aussi apprécié le dernier chapitre, numéroté "0", au rythme plus soutenu et à l'écriture plus alerte, que les 21 précédents.
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Dernière station avant l'autoroute

Michel Neyret, grand ponte de la PJ lyonnaise est tombé en entrainant dans sa chute une cohorte de supers flics. Et c'est la stupeur au sein des services de police où l'on peine à comprendre ce qu'il s'est passé. Pourtant ces mêmes flics ne cessent de dénoncer le manque de moyen, contrebalancé par cette culture du résultat qui perdure depuis bien des années. Cette ambivalance ne saurait excuser ces flics qui franchissent la ligne, mais permettrait tout au moins, si l'on s'en préoccupait, de prévenir les risques. Mais voilà, avec une hiérarchie qui, pareille à Ponce Pilate, préfère se laver les mains et fermer les yeux sur les moyens pour mettre en lumière les résultats, il n'est pas certain que cette hypocrisie ne cesse du jour au lendemain.



De l'étonnement ? Pourtant d'anciens flics comme Olivier Marchal n'ont pas cessé de parler de ces flics qui passent les bornes pour plonger dans la boue et franchir définitivement la frontière sans espoir de retour. Il n'y a qu'à revoir l'excellent 36 quai des Orfèvres ou la saison 1 de Braquo (la saison 2 sera diffusée sur Canal + dès le mois de novembre). Quand la fiction rejoint la réalité. Ou inversément...



Le pendant littéraire d'Olivier Marchal, n'est autre que Hugues Pagan, également ancien fonctionnaire de police, devenu écrivain et scénariste. Au fil de ces écrits, cet auteur talentueux n'a eu de cesse de dénoncer et décrire le mal-être qui règne depuis des années au sein de la Grande Maison. Vous trouverez le même langage de flic que dans les films de Marchal et une certaine exactitude des procédures judiciaires. Et puis il y a cette ambiance poisseuse qui émane de chaque page pour décrire le quotidien de ces flics torturés qui bien souvent flirtent avec la bouteille pour noyer leurs maux.



Cet auteur se fait bien trop rare et son dernier roman date de 1997. Dernière Station avant l'Autoroute relate la vie d'un OPJ de nuit qui se rend sur les lieux d'un suicide. Une mission bien ordinaire si ce n'est que le suicidé est un membre influent du gouvernement qui semblait compromis dans de sombres histoires de corruption. Une disquette disparue et c'est l'OPJ qui est soupçonné. L'intrigue devient un prétexte pour assister à la longue descente aux enfers de ce flic torturé et désabusé qui sombre, au grand dam de ses collégues, dans une espèce de folie intérieure qui fera remonter en lui des souvenirs qu'il aurait préféré rester enfoui au plus profond de son âme. Un homme dangereux pour ses supérieurs et les officines politiques car n'ayant plus rien à perdre, il refusera toute compromission. Des dialogues teintés d'humour au vitriole, une petite musique jazzy et une belle description d'un Paris très sombre, le tout parsemé d'anecdotes que l'auteur ou ses anciens collègues doivent probablement avoir vécus, font la force de ce roman qui, du polar vire au roman noir. Beaucoup de flics retrouveront dans ces pages l'univers qui est le leur et apprécieront la verve du personnage principal et ses confrontations avec une hiérarchie étouffante.



Pour ceux qui auraient vu Diamant 13 (encore une histoire de flics corrompus) avec Gérard Depardieu et Olivier Marchal, je ne peux que recommander d'oublier ce film médiocre pour se concentrer sur le livre dont il a été adapté : L'Etage des Morts (jeu de mot pour Etat-Major) du même Hugues Pagan.



Tout le monde s'étonne donc de la chute de Michel Neyret ?! Hugues Pagan, Olivier Marchal et bien d'autres vous racontent, chacun à leur manière et ceci depuis bien des années, l'histoire de ces flics qui franchissent la ligne. Mais bien sûr tout cela n'est que de la pure fiction.
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Le carré des indigents

Je ne suis pas un grand lecteur de romans policiers, je ne sais pas vraiment pourquoi, mais il aurait été dommage que je passe à côté de celui-ci. On est ici dans le polar réaliste : pas de grands effets, d'intrigues alambiquées ou de sectes plus ou moins sataniques, simplement le quotidien morne et désolant d'une ville moyenne de province à la fin des années Pompidou, le genre d'endroit où on est presque certain de tomber sur des connaissances en allant au restaurant. Ce qui distingue Hugues Pagan, outre le fait qu'il sache de quoi il parle, puisque c'est un ancien de la maison, c'est son écriture : de façon assez surprenante, il parvient à mettre une véritable élégance dans sa plume, tout en relatant des faits qui vont du navrant au sordide, et dont on a une sorte de certitude amère qu'ils sont plus qu'inspirés de souvenirs bien réels. Ce carré des indigents se double d'une fine description d'un autre carré, celui des relations entre police, justice, presse et politique, où l'on est toujours proche de la ligne rouge par la force des choses humaines. Proches de la ligne rouge, sans trop bien savoir de quel côté, parfois.



Pour conclure, je me suis régalé, mais c'est un livre qu'il vaut mieux lire de bonne humeur, ce n'est pas lui qui vous mettra le sourire aux lèvres.
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Le carré des indigents

Attention « coup de cœur »

Dès les premières lignes, j’ai été happée dans ce roman !

Une impression de « déjà vu » dans le bon sens du terme : comme si cette histoire me racontait mon quotidien, mon enfance… comme si ce livre me disait « bienvenue chez toi ! »

Tout dans ce roman m’évoque mon enfance : les personnages, leurs dialogues, leur langage, le ton gouailleur, l’atmosphère… avec une intrigue à la Exbrayat, des expressions à la Audiard et une ambiance des films policiers des années 60, …

Tiens, l’impression de voir et d’entendre Lino Ventura une scène sur deux 😊

Mais bon, je ressors de mes pantoufles où ce roman m’a plongée pour vous en dire quelques mots.

1973 : Un flic brisé par sa participation à la guerre d’Algérie, une petite ville de province où il choisit d’aller s’enterrer, …

Pas de grandes explications, pas d’envolées lyriques, pas de phrases péremptoires (pas de phrases du tout d’ailleurs !), Schneider est un taiseux : « Beaucoup trop de mots » ; il fait son job, point barre, plutôt bien d’après ce que l’on dit, sans négligence ni emphase.

Une fillette disparait et son père est vite convaincu qu’elle est morte, assassinée…

Pas de débauche d’hémoglobine ni de meurtres en rafale… mais un seul meurtre qui emporte tout un pan de vie pour quelques personnes

Pas de violence exacerbée, pas de surenchère dans l’horreur… mais la violence d’un quotidien pour de nombreux citoyens anonymes : les « petites gens » comme on dit ☹

Je découvre ce livre au moment où les meurtres sordides d’une fillette et d’une jeune femme « anonymes » secouent la France… et il résonne encore plus justement en moi

Une ambiance lourde, page après page, qui remue le lecteur au plus profond par ce qu’elle a de réel ! Pas de surfait, pas d’emphase, pas d’excès.

Un univers de flics avec des bons et des mauvais côtés, jour après jour, enquête après enquête.

Pendant toute ma lecture, j’ai redouté que la « magie » où m’a plongée votre monde ne disparaisse, comme un soufflet qui retombe… et pas du tout !

Bravo M. Hugues Pagan : avec ce livre, vous avez ouvert une résonnance dans mon cœur dont je n’avais pas conscience et gagné votre ticket pour mon île déserte !

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