Citations de Isabelle Aupy (111)
« Tous les enfants possédaient tous les parents de chaque clan. C’était comme ça que le monde courait sous nos pieds. » (p. 13)
Pendant ce temps, ils finissaient de nous les prendre ces choses-là, des choses dont nous n'avions pas besoin pour vivre, mais qui étaient tellement nécessaires : la liberté d'être soi, et non comme les autres ; la vérité du monde aussi, celle qui se glisse dans la mer et dans le vent, cette réalité qui vous colle les pieds sur terre une bonne fois pour toutes, qui décoiffe les cheveux et vous rappelle qu'une mèche qui dépasse, ce n'est pas important, qui nous rappelle en revanche à notre nature.
Ils nous les prenaient parce qu'on les avait laissés faire.
Ils nous les prenaient parce qu'ils avaient mis des mots sur des besoins qui n'étaient pas les nôtres.
- Les colimaçons, c'est bon pour les bigorneaux, quelle idée d'en faire un escalier !
Incipit de L’En-Haut :
Je suis né comme tous les autres enfants, pondu au bord d’une plateforme dans un effort qui coûtait très souvent la vie au mères. C’était un événement entouré de solitude : la venue au monde d’un être insignifiant et inutile, une bouche braillarde réclamant d’être remplie quand nous manquions tellement de nourriture. Pourtant, il a bien fallu un élan de pitié pour le minuscule tas de chair que j’étais, à moins que ce ne fût un quelconque instinct de survivance de l’espèce. Toujours est-il que je suis en vie, c’est donc que ma mère, ou quelqu’un d’autre, a fait taire mes cris en apaisant mon ventre.
« Cette marque est un saut de ligne… Notre refuge en cet instant de répit où le Livre se pose et le Lecteur prend le temps de penser ce qu’il vient de lire. Nous sommes où le Paragraphe se termine pour changer de Sujet. » (p. 145)
« Une histoire ne survit que si elle est entendue, et ne sera écoutée que si elle contient celui qui l’écoute, ne fût-ce qu’en partie, ne fût-ce que dans son mensonge. » (p. 111)
« Je me sens comblée, emplie pour la première fois, sans doute parce que L’Ouïe me voit comme le sujet de mon verbe. » (p. 71 & 72)
« Les Correcteurs signent leur présence par l’effacement qu’ils imposent. » (p. 107)
À ce moment, je n’aurais pas su dire si on en avait besoin de nos chats. Est-ce qu’on a besoin des nuages dans le ciel, des papillons au printemps ou des mouettes sur le port ? Sans doute que s’ils sont là, c’est qu’il y a une bonne raison. Sans doute que non, on en a pas besoin, que oui, on peut vivre sans. On arrivait à vivre sans nos chats, mais on n’en avait pas envie.
Il parlait le "convaincu". C'est une lange étrange ça, le "convaincu", une langue à sens unique faite des mêmes mots que nous, mais un peu différente : elle ne connaît pas les points d'interrogation. Et puis, c'est une langue qu'on ne remarque pas sur le coup. Elle change celui qui la parle, ça oui, elle le transforme, et quand on s'en rend compte, c'est déjà trop tard.
Combien de temps s'est écoulé ? Le temps ici est une notion aléatoire. Parfois, il s'accroche aux lettres, comme un regard plus posé, plus intense; parfois, il s'interrompt comme une page qui se referme avant de s'ouvrir à nouveau. Le rapide peut s'étaler en longues phrases, et la durer ne s'imprimer qu'en saut de lignes. Le temps passe en écho de mots plus qu'en minutes.