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Critiques de Ivan Illich (38)
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Une société sans école







Une société sans école décrit mal l’état d’esprit du titre original donné par Ivan Illich à son essai. Plus littéralement, il aurait du s’intituler : Déscolarisons la société. Ce titre, un peu moins aguicheur, aurait pourtant eu le mérite d’indiquer plus pertinemment l’objectif poursuivi par Illich dans sa réflexion sur l’institution scolaire.



Publié en 1971, cet essai doit aujourd’hui éblouir pour sa lucidité et son intuition. Au fil des décennies, le constat appuyé par Illich s’est aggravé : la reconnaissance par les diplômes est devenue la seule que l’on puisse légitimement exiger pour l’accès à l’emploi ; la course aux études longues devient de plus en plus impitoyable ; la compétition s’accroît ; la confiance que l’on accorde aux autres et à soi-même diminue ; enfin, le système scolaire n’arrive plus à cacher ses faiblesses et peine à légitimer une consommation accrue de « connaissances » qui n’assurent même plus l’accès à une profession stable.



Je ne crois pas avoir été en désaccord avec le moindre constat qu’Illich dresse de notre société « scolarisée » et, plus généralement, « institutionnalisée » (car la critique adressée à l’école peut s’étendre à toutes les autres institutions de services telles, par exemple, les institutions de la santé ou le système carcéral).

Nous sommes engoncés dans le paradigme de l’éducation obligatoire, à tel point que plus personne ne pense à remettre en question un système éducatif qui semble aller de soi. La dangerosité se situe dans cette évidence. Elle rend l’individu passif en lui faisant croire que son instruction ne peut se faire en dehors de la consommation normalisée du savoir qu’on lui impose par la fréquentation régulière des « temples » de l’éducation, et elle lui fait croire que tout savoir capturé en-dehors de ce cadre précis ne possède aucune valeur. Elle détruit ainsi l’autonomie des individus et leur capacité à croire en eux-mêmes et en leurs semblables, et les force à se tourner vers l’offre proposée par l’institution. Toutefois, comme celle-ci ne fournit pas la même qualité et la même convivialité que l’apprentissage autonome, l’individu est marqué par un sentiment de frustration et de malaise.





« L’enseignement fait de l’aliénation la préparation à la vie, séparant ainsi l’éducation de la réalité et le travail de la créativité. Il prépare à l’institutionnalisation aliénatrice de la vie en enseignant le besoin d’être enseigné. Une fois cette leçon apprise, l’homme ne trouve plus le courage de grandir dans l’indépendance, il ne trouve plus d’enrichissement dans ses rapports avec autrui, il se ferme aux surprises qu’offre l’existence lorsqu’elle n’est pas prédéterminée par la définition institutionnelle. »





L’éducation, considérée comme un produit de consommation de nos sociétés modernes, est une conception qui peut de prime abord surprendre. Cet étonnement traduit justement la pertinence de l’hypothèse : remettre en question le système de l’éducation tel que nous le connaissons aujourd’hui ? Quelle idée ! Bien installé dans notre société, revendiqué comme un héritage précieux des luttes menées par nos ancêtres pour un libre-accès à l’éducation, ce système semble aller de soi.

Cette évidence est abrutissante. Nous absorbons sans nous poser de questions. Là où le système éducatif échoue, ses consommateurs sont désignés comme responsables. Si tu n’as pas réussi à obtenir le diplôme que tu préparais, c’est à cause de ta médiocrité ; si tu n’as pas réussi à gravir l’échelle sociale, c’est parce que tu n’as pas su profiter des opportunités que l’on te proposait. L’enseignement obligatoire, dispensant des cours formatés qui ont peu de chance de correspondre aux attentes des élèves au moment où on les leur propose, est assimilé à un gavage forcé qui dégoûte plus qu’il n’éduque. Tous remplis des mêmes connaissances, englouties à la va-vite, rarement avec envie, plus souvent par nécessité (une nécessité provisoire dont le terme dépasse rarement la préparation d’un examen), l’enseignement nous rend passif et annihile l’originalité de chacun.



On pourra dire que la critique est facile, et se demander ce qu’Illich propose pour remplacer ou améliorer le système éducatif. Une société sans école propose quelques pistes, qui s’appuient sur des exemples concrets qui ont fait leurs preuves (l’apprentissage d’une langue peut se faire en quelques semaines si les élèves sont soumis à des situations concrètes de la vie quotidienne dans laquelle ils pourront ultérieurement trouver leurs intérêts).

Plus généralement, Ivan Illich souhaite avant tout abolir la notion de maître et d’élève, de programmes définis et obligatoires et de fréquentation régulière des établissements du savoir. Rien ne doit obliger l’individu à apprendre ou à enseigner. Seule sa motivation doit le guider dans son processus d’apprentissage pour que celui-ci soit efficace. Le concept des universités libres répond peut-être déjà, de manière partielle, aux exigences scolaires d’Illich…





« Il serait possible de concevoir une solution plus révolutionnaire en créant une sorte de « banque ». Ainsi, on donnerait à chaque citoyen un premier crédit lui permettant d’acquérir des connaissances de base. Ensuite, pour bénéficier de nouveaux crédits, il lui faudrait lui-même enseigner, soit dans les centres organisés, soit chez lui, voire sur les terrains de jeu. Le temps passé à enseigner par l’exemple et la démonstration serait celui-là même qui lui permettrait de bénéficier des services de personnes plus instruites. Une élite entièrement nouvelle apparaîtrait, constituée de ceux qui auraient gagné leur éducation en la partageant avec autrui. »





Peut-être pourra-t-on reprocher à Illich de proposer des solutions irréalisables. Lui-même en est conscient, et il sait qu’une remise en question du système de l’éducation ne pourra se réaliser sans un chamboulement profond de toutes les institutions et valeurs qui façonnent notre société (autrement dit, il y a du boulot à l’horizon). Frisons-nous l’utopie ? Peut-être, mais je ne pense pas que cela soit rabaissant car Illich, même s’il frôle souvent l’idéalisation, a au moins le mérite de remettre en question un système dont rares sont ceux qui osent critiquer le caractère quasi-sacré.

Sa réflexion, loin de toucher uniquement aux problèmes de l’éducation, s’étend également à la condition de l’homme dans la société institutionnalisée moderne, et ouvre de nombreuses œillères que nous conservions parfois par manque de regard critique. Si Illich ne convaincra pas tout le monde par l’extrémisme de ses idées, il mérite tout du moins qu’on le respecte pour sa détermination.



« Le but qu’il faut poursuivre, qui est réalisable, c’est d’assurer à tous des possibilités éducatives égales. Confondre cet objectif et la scolarité obligatoire, c’est confondre le salut et l’Eglise. »









Pour conclure, un très beau passage de cet essai :



« Vivre à New-York suppose l’apparition d’une conception particulière de la nature de l’existence et de ses possibilités. Sans cette vision, la vie à New-York devient impossible. Un enfant des rues n’y touche jamais rien qui n’ait été scientifiquement conçu, réalisé et vendu à quelqu’un ; les arbres qui existent encore sont ceux que le service des jardins publics a décidé de planter. Les plaisanteries que l’enfant entend à la télévision ont été programmées à grand frais. Les détritus avec lesquels il joue dans les rues de Harlem ne sont que les emballages conçus pour attirer le consommateur. L’éducation elle-même se définit comme la consommation de diverses matières, faisant partie de programmes, objets de recherche, de planification et de promotion des ventes. Tous les biens sont le produit de quelque institution spécialisée et ce serait sottise, par conséquent, que d’exiger quelque chose qu’une institution quelconque ne saurait produire. L’enfant de la ville n’a rien à attendre, rien à espérer, sinon ce que lui promet le développement possible des méthodes de fabrication. Pour satisfaire son imagination, on lui fournit au besoin quelque récit d’ « anticipation » ! Et que connaît-il, d’ailleurs, de la poésie de l’imprévu ? Son expérience en ce domaine se limite à quelque découverte dans le caniveau : une pelure d’orange qui flotte sur une flaque. Il en vient à attendre l’instant où l’ordre implacable s’interrompra : une panne d’électricité, une échauffourée dans la rue. »
Lien : http://colimasson.over-blog...
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H2O, les eaux de l'oubli

Tout d'abord, merci à Masse Critiques et à Gallimard pour l'envoie de ce livre.

Je n'avais rien lu d'Ivan Illich, même si j'en avait entendu parlé, si j'avais étudié ses idées en éco et en théories de l'éducation.

C'est une lacune en partie comblée aujourd’hui, merci !

Illich est un personnage, prêtre catholique, penseur critique de la modernité et de la société industrielle, relevant partout les paradoxes de notre modèle.

Sa pensée se nourrit des dogmes postulés par ses adversaires et démontre leur incomplétude.

Pour ce livre, qui est une conférence accompagnée de notes donnée à Dallas à propos de la création d'un lac urbain, il se sert du projet des habitants de la ville pour développer sa pensée autour de ce qu'est l'eau en tant que symbole (en partant de Bachelard), ce qu'elle représente, ce qu'elle a représenté, ce qu'est le nu, son rapport à l'espace, donc à l'habitat, au "vivre", à la propreté, à la pureté et aux odeurs. Enfin, arrive pour conclure la pollution.

Et Illich de terminer en soulignant le fait que l'eau en tant que produit du capitalisme qui sort du robinet et l'eau dont on parle en chimie (H²O) ne sont plus du tout la même chose, et qu'un citadin ne sait pas ce qu'est la véritable eau, il ne connait que la création moderne, ressource à gérer, fluide et marchandise, sentant le chlore et transportant des polluants...



Un bouquin surprenant, qui n'aborde que de coté le sujet du lac de Dallas, mais brasse d'immense question autour de notre mode de vie en seulement quelques pages. On y perçoit une puissance de pensée et de réflexion énorme, une capacité de questionnement et de bouleversement de notre société immense et une culture gigantesque.



Une invitation à lire Illich intégralement.

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Libérer l'avenir

Ivan Illich est surtout connu pour ses essais critiques sur la société technique qui laissent assez peu transparaître explicitement le catholicisme de leur auteur. « Libérer l’avenir » constitue une exception puisque cet ouvrage permet de prendre connaissance des réflexions que développa Ivan Illich dans le cadre d’une mission à laquelle il participa en tant que prêtre et vice-recteur de l’université catholique de Porto Rico dont l’objectif était de former des prêtres de culture latino-américaine.





Ivan Illich se pose la question de la légitimité du pouvoir que s’accorde celui qui pense bien faire en œuvrant pour modeler la culture d’un sujet (ici latino-américain) selon les valeurs d’une culture considérée comme supérieure (américano-européenne ou OTANisée). Il aperçoit dès ses premières heures la constitution d’un « Empire du Bien », soit des bonnes intentions qui dissimulent en réalité la recherche d’une fonctionnalité qui, par l’élimination de toute figure de la dissonance, de l’inconnu, de l’imprévisible – soit de la mort – fait de l’homme une machine comme les autres. « Les Américains du Nord se sentent irrésistiblement poussés à faire le bien. Trait de caractère inné puisqu’ils sont les seuls à sembler croire qu’il leur faut constamment choisir quelqu’un avec qui partager leurs avantages. Et ils sont persuadés d’être capables de faire ce choix. Cette conviction les conduit au besoin jusqu’à bombarder certains peuples pour qu’ils acceptent leurs cadeaux. » Le lien de ce constat à la critique de la société technique est évident.





Le processus d’asservissement à la bonne pensée se grime de légitimité en se diffusant à travers des institutions. Ivan Illich critiquera ainsi dans la même foulée le système scolaire et l’Église telle qu’elle est rencontrée au 20e siècle, comme instrument mis au service d’ambitions séculaires. Bien que ces institutions prétendent fournir des services à ceux qui y recourent, elles installent surtout la dépendance, la perte d’autonomie voire l’impuissance. Elles se font le vecteur d’idéologies qui ne correspondent bien souvent pas à la réalité immédiate des personnes à qui elles s’adressent mais elles finissent toutefois par créer à la longue des besoins, imaginaires quant à leur objet, mais réels quant au manque qu’ils exacerbent. Par ailleurs, par l’unilatéralité de l’échange que ces institutions mettent en place, elles finissent par rendre leurs « usagers » complètement débiles, asservis à un discours, incapables d’imaginer qu’il pourrait être possible de faire autrement que de fonctionner dans le cadre des possibilités reconnues par l’autorité. Enfin, les institutions créent de nouvelles catégories artificielles entre les sujets et servent la justification de toutes les formes de dominations sociales et d’inégalités économiques. L’école et l’Église moderne, soient l’inverse de l’étonnement et la destruction des projets dont elles se revendiquent (la connaissance, l’harmonie).





La libération de l’avenir telle qu’envisagée dans cet essai concerne donc la libération des chaînes des institutions, des administrations et des gouvernements qui, à la recherche de l’efficacité, conçoivent des programmes qui ignorent tout du génie propre à l’imprévisibilité humaine.

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Némésis médicale, l'expropriation de la santé

Le grand Ivan Illich avec son essai Nemesis medicale, un classique des sciences sociales. Une véritable réflexion sur la médecine qui rend malade. Écrit il y a plus de 35 ans, le sujet est toujours d'actualité.
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Une société sans école

Plus que les propositions d'Illich pour une société déscolarisée, qui semblent aujourd'hui irréalisables, j'ai apprécié son questionnement sur le sens de l'école et de l'éducation. L'école ayant fondé un monopole de cette dernière, les hommes ont abandonné l'idée qu'ils pouvaient par eux-même s'éduquer et apprendre, sans avoir pour seul objectif d'obtenir un diplôme, fameux sésame d'entrée dans la société et permettant la reconnaissance des pairs. Illich nous rappelle que l'on apprend d'abord par envie, par notre curiosité naturelle. Il nous montre l'importance de recréer des liens entre les hommes, et dans sa critique de l'école c'est une critique de la société en général qu'il dépeint. Malgré quelques longueurs, c'est un essai accessible et enrichissant. Illich fait partie de ces hommes qui, il y a près de cinquante ans, ont sur porter un regard lucide sur l'avenir de nos sociétés et son essai résonne aujourd'hui avec beaucoup de justesse.
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Une société sans école

UNE SOCIÉTÉ SANS ÉCOLE d'Ivan Illich





Cet essai a été publié en 1971 après une étude de la part de l'auteur et de multiples rencontres. Ivan Illich propose des solutions pour une société où l'école serait désinstitutionnalisée et séparée de l'état tout comme l'a été l'église. 



Une société où l'élève erait seul maître de sa progression, de sa compréhension, de son savoir. L'école ne serait plus un produit de consommation. 



Ivan Illich compte sur la curiosité naturelle des hommes et sur les réseaux qu'ils auraient constitué (facile aujourd'hui avec internet).



L'homme peut apprendre sans un professeur diplômé qui soit payé précisément pour cela, cela reviendrait moins cher à la société d'après Illich.



Chacun de nous bénéficierait d'un crédit d'apprentissage, qui se rechargerait lorsque son bénéficiaire transmettrait à son tour son savoir, ou savoir-faire. Ce transmetteur serait un passionné.



On en revient à l'une de mes récentes lectures : Chagrin d'école de Pennac qui propose l'amour comme solution : L'amour de l'humain, de la transmission, de la matière enseignée, de la compréhension. 



Apprendre sans diplôme pour récompense.



Juste le bonheur de s'élever en comprenant. 



Illich voudrait que l'Homme soit plus épanouis, dans une société qui nous permettrait d'explorer ce qui nous intéresse et nous passionne, en remettant l'entraide et la curiosité au centre, alors l'homme deviendrait meilleur, et ce que l'un recevrait ou donnerait serait plus qualitatif du fait de la valeur affective mise dans l'apprentissage/transmission. Utopie je vois ce mot se former en vous... malgré vous ?!



Cela vous semble-t-il réalisable aujourd'hui ? Pour ma part, j'aurais voulu que cela soit comme cela dès le début… j'ai rêvé souvent à ce monde, dans le sens où l'Homme va vers ce qui fait écho en lui, je pensais être dingue, je me sens moins seule. Et ça ne m'empêchent pas d'être admirative des profs.



À relire : le meilleur des mondes de Aldous Huxley.





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La Convivialité

Illich commence un peu là où les thèses de Günther Anders s’arrêtent : l’homme crée des outils qu’il ne comprend pas tout de suite, qui le dépassent, et qui modifient sa vision du monde et son comportement, l’entraînant à s’adapter, à se surpasser de manière désespérée pour concurrencer la machine. Là où Anders interroge prudemment – mais la réponse est évidente – la viabilité de ce futur dicté par les technologies, Illitch pose d’emblée ce détraquement et la nécessité de limites. Il se sert de la notion de seuil au-delà duquel une technologie devient néfaste.

Ilich part aussi de cet acquis – par exemple chez Franz Fanon – qu’il est inutile de s’opposer à la classe propriétaire des outils (telle qu’on le voit dans une compréhension simplifiée de la pensée de Marx), celle-ci sera remplacée par une autre élite qui fera le même usage des mêmes outils. Il faut s’opposer aux institutions qui soutiennent ce système et ont intérêt à la défense de ces techniques et technologies qui justifient leur spécialisation et donc leur supériorité de classe. L’école, l’administration, la santé, légitiment leur hiérarchisation, et donc le système d’inégalités qui va avec, par la maîtrise de certains outils techniques et technologiques. Rendre par exemple, la quête de diplôme moins valorisante, la culture perfectionnée et académique moins nécessaire, la possession de diplôme, de papiers, de permis… moins obligatoire, la prolongation de la vie en mauvaise santé et de la bonne santé dans un travail déséquilibrant moins obsédante, c’est retirer tout pouvoir à ces institutions. Or, pour ce faire, il faut retirer de l’importance à certains objets industriels qui légitiment la supériorité de ceux qui ont escaladé l’échelle de ces institutions : si l’on utilise moins les voitures, le permis perd donc de sa valeur, si l’on demande moins de services perfectionnés à l’hôpital, si l’on refuse le travail à l’usine pour des travaux conviviaux où l’outil ne détruit pas la santé ; si le boulot manuel que tout le monde peut exécuter et l’artisanat prennent plus de valeur marchande que la capacité à surveiller une machine, alors le diplôme perd de sa valeur et la société industrielle perd aussi ces forces qui la soutiennent.

Cette position très polémique de poser comme néfastes et même perverses les institutions officiellement reconnues comme les plus utiles et positives que sont l’école et la santé, est particulièrement difficile à expliquer car c’est bien là que se tient toute la complexité de la société de consommation. Les révolutionnaires se lèvent souvent contre les gouvernements et donc contre l’élite d’un temps, propriétaires des biens et des outils de production de richesse, s’insurgent devant les grandes entreprises leaders de la production industrielle, créateurs évidents d’une dépendance, d’une frustration, et d’inégalités terribles, responsables de la destruction de l’environnement, mais très rarement contre des institutions comme l’école et la santé, qui seraient pourtant celles à revoir en priorité pour redéfinir un monde convivial.

Illich dénonce tout simplement l’obligation scolaire, ainsi que la dépendance à la possession de diplômes pour occuper des fonctions importantes dans la société. Cette obligation rend donc obligatoire elle aussi une ségrégation entre diplômés et échoués du système scolaire, et donc la constitution de classes ou castes sociales.

De même, il dénonce le vice de la médecine qui s’approprie le droit de soigner – même les symptômes les plus évidents – de par ses diplômes, et surtout s’évertue à soigner des maladies et des blessures au lieu de s’attaquer à ce qui les provoque. L’institution sanitaire, et l’obligation de passer par elle, entretiennent ainsi un système déséquilibré et destructeur.

Ces positions supérieurs des cadres, justifient l’usage de certaines technologies : comment imaginer tous les professeurs, les médecins, les cadres supérieurs… sans leur voiture, sans leur ordinateur, sans internet, sans colloque à l’étranger… Illich critique ainsi l’illusion des transports rapides : la voiture permet de se déplacer plus loin en moins de temps, étendant donc la possibilité de travailler, de se procurer les biens de première nécessité, etc. ; or, le travailleur ne gagne donc pas de temps puisqu’il s’installe plus loin – provoquant au passage la fermeture des commerces de proximité, le groupement des écoles et des administrations… – il devient même dépendant à sa voiture et aux dépenses d’entretien qui y sont attachées, si la voiture casse, il devient défectueux pour le patron. Illich pose ainsi le seuil de perversion des outils de transport au vélo qui seul reste convivial car il ne nécessite pas d’énergie extérieure, ni de compétence particulière, dont la technologie peut être réparée et maîtrisée par les usagers…

Mais Illich n’est pas totalement opposé à toute production industrielle, mais au monopole que celle-ci peut acquérir, et donc à l’écrasement et à la destruction quelle provoque sur le reste du champ sociétal – production artisanale, anciens outils ne nécessitant pas d’énergie, etc. Ainsi, si Illich critique les transports en commun et le train, souvent vus comme des outils moins polluants et plus positifs socialement, car créateurs également d’une dépendance à l’énergie et à la technologie, d’une obsession du temps, il ne leur enlève pas tout intérêt mais leur enlève le rôle de solutions technologiques à la dérive d’une société technologique. C’est presque cinquante ans plus tard qu’apparaissent l’évidence de ces fausses solutions technologiques : le nucléaire comme fournisseur d’énergie propre, le TGV comme moyen de transport ultra rapide pour une élite… Le bus comme réponse à la voiture individuelle est un leurre pour Illich, le transport collectif n’est qu’un des outils de l’ensemble du pack transport à haute vitesse qui rend possible et même nécessaire une société accélérée, polluante, énergivore, urbaine… En rendant populaires et accessibles même aux plus pauvres les transports rapides comme le métro, la société impose à ses pauvres cette utilisation, cette disponibilité dans l’espace – vous ne pouvez refuser un job à l’autre bout de la région.

Autre forme de faux progrès dénoncée par Illich, ce sont les normes attendues pour la construction d’un logement décent qui empêchent ainsi l’auto-construction peu coûteuse pour les classes pauvres et renforcent le pouvoir des architectes diplômés seuls à même de valider une construction. Illich montre ainsi comment les normes et les droits sont maintenant devenus les défenseurs de la société industrielle. Pourtant, c’est aussi par eux – la justice, la police – que peuvent se renverser l’équilibre de cette société. En faisant appel au vrai rôle de ces institutions protectrices, on peut renouer avec ce qui fait le coeur identitaire d’une société et donc influencer les lieux de décision. La redéfinition et réorientation de la justice et de la police, est nécessaire pour l’avènement d’une nouvelle société.
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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Némésis médicale, l'expropriation de la santé

Un texte écrit dans les années 70, une critique acerbe du système médical... Curieusement un constat qui peut se lire encore de nos jours et qui ne semble pas avoir beaucoup perdu de son actualité... Beaucoup de ces remarques me semblent encore valable mais, il faut bien le constater, ces recommandations n'ont pas vraiment été suivies...

Intéressant, un livre qui fait réfléchir à la place de la médecine et qui raisonne particulièrement chez moi qui ait une proche qui vient de traverser une grave maladie...



Lu à haute voix pour la bibliothèque sonore romande.
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Énergie et équité

On n'ignore plus les ordres de grandeurs énergétiques liés aux contraintes environnementales. Je pense que c'était déjà le cas dans les années 70. On se garde pourtant bien de rattacher l'empreinte environnementale individuelle à des problématiques purement sociales. Ce polémiste oublié de la plèbe, mais pas de ceux qui considèrent sérieusement la question, nous a pourtant prévenu de la vacuité de la planification écologique orientée uniquement vers le "milieu", c'est-à-dire lorsqu'elle a choisie d'ignorer le rôle destructeur des hauts niveaux d'énergie sur la matrice même de la société et de la civilisation.



Personne il me semble n'a si bien mis en évidence, dans une démonstration difficile à contrer, à quel point les effets de l'automobile qui tombent pourtant sous le sens sont ignorés de la manière la plus trompeuse - le moyen joue encore une fois contre la fin -.



"elle s'enfonce comme un coin dans le coeur de la ville et sépare les anciens voisins. La route fait reculer les champs hors de portée du paysan mexicains qui voudrait s'y rendre à pied. Au Brésil, l'ambulance fait reculer le cabinet du médecin au-delà de la courte distance sur laquelle on peut porter un enfant malade. A New York, le médecin ne fait plus de visite à domicile, car la voiture a fait de l'hôpital le seul lieu où il convienne d'être malade. Dés que les poids lourds atteignent un village élevé des Andes, une partie du marché local disparaît."



Voilà bien l'effet du monopole radical de la vitesse. La démonstration est cinglante et implacable. Chaque accélération induit à l'habitant une distance toujours plus importante dans ses deplacements, entre son lieu de vie et son activité professionnelle qui est par là même déportée et re-concentrée sous l'effet de la vitesse. Il vient ensuite une impossibilité croissante de se deplacer aussi simplement qu'autrefois du fait de l'autoroute qui lui barre le passage. Enfin, par l'effet de tout ceci, il est imposé au pauvre un outil des plus couteux qu'il a maintenant l'obligation de posséder. Les plus riches ne sont réelement riche que de leur dépendance à l'outil, les pays pauvres en restent à jamais frustrés.





"S'il exerce une activité professionnelle, l'Américain moyen dépense mille six cents heures chaque année pour parcourir dix mille kilomètres ; cela représente à peine 6 km/h. Dans un pays dépourvu d'industrie de la circulation, les gens atteignent la même vitesse, mais ils vont où ils veulent à pied, en y consacrant non plus 28 %, mais seulement de 3% à 8%"



On ressort bien dépité que ces faits élémentaires ne suscite que fort peu d'indignations alors que les subventions publiques et privées continuent d'arroser le financement d'outils mis "hors sol" de leur finalité, et persistants parfois dans leur version électrifiée, simple relooking laissant inchangée la structure même de l'escroquerie fondamentale sous-jacente - et toujours au bénéfice de quoi, de qui et dans quel but ?



Sûrement un des textes le plus important de l'auteur, un manifeste de haute volée, au langage soigné, qui ne se réduit pas à un brûlot moralisateur sur la vitesse, mais qui poste bien la règle du "savoir ce qui est assez" comme la racine de toute vision réellement et simplement humaniste au-delà des discours écologistes creux.
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La Convivialité

Les visions d’illitch sont originales et souvent enrichissantes. La notion de « seuil », généralisé à tout les domaines de la vie courante, est extrêmement pertinente et apporte un complément aux dires des autres « auteurs radicaux » de la modernité occidentale.



!!! ATTENTION DANGER !!! : en personnes responsables, on saura mettre prudemment de côté de nombreuses idées absolument intolérables (des opinions bien suspectes que je n’ai pas besoin de citer ici). Il semble que l'on se réfère à cet auteur bien trop légerement.

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H2O, les eaux de l'oubli

Avec Ivan Illich, les mouches peuvent trembler, à moins d'apprécier la sod.... en position passive !



D'un sujet d'urbanisme concret et intéressant (est-il opportun de créer un lac artificiel au centre de Dallas ?) l'auteur a fait de courts récits très abscons (en tout cas les 9 premiers chapitres, les seuls que j'ai lus). Ses multiples citations montrent son érudition et son honnêteté intellectuelle, puisqu'il ne s'approprie pas la paternité des idées des autres. Néanmoins, devoir relire plusieurs fois la même phrase pour comprendre le propos, n'est pas un exercice fait pour moi. Les références étymologiques et mythologiques sont très nombreuses mais j'attendais des arguments concrets, pas des détours philosophiques.



J'en resterai là avec cet auteur.
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H2O, les eaux de l'oubli

L'eau ou H2O ? Que s'est il passé comme l'écrit Ivan Illich, pour que l'eau qui entre dans nos villes soit devenue un produit et en ressorte comme un déchet ?

Peut-elle encore transporter quelque rêve ? Urbanisme, sociologie, mythologie, histoire des corps, anthropologie des miasmes et des odeurs, cet essai ouvre le regard sur nos villes et nos sociétés , sur ce qu'un nouvel urbanisme nous a fait perdre de nos rêves, de notre imaginaire, de la poésie de notre habitat. Habiter, vivre, demeurer, quel sens aujourd'hui donnons-nous encore à ces mots? Écrit en 1984 , cet essai reste totalement d'actualité, et cela peut être plus que jamais.



Astrid Shriqui Garain
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La Convivialité

Ivan illich explique dans ce livre l'aliénation que représente l'existence dans une société où l'on dépend d'un système de production reposant sur l'utilisation d'outils qui ne sont maîtrisés que par une minorité d'experts. Il introduit dès lors la nécessité selon lui d'instaurer un seuil, quand l'utilisation de l'outil est acceptable car facilement maîtrisable et accessible à tout le monde, seul horizon souhaitable concernant l'usage de la technologie.
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Le travail fantôme

Le Travail fantôme est constitué de cinq essais qui découlent des expériences atypiques vécues par Ivan Illich en Amérique latine. On imagine très bien que c’est à partir de son décloisonnement d’avec les sociétés conventionnelles de l’Occident que le sociologue a réussi à prendre un recul tel que sa pensée peut prétendre à être unique. En observant les différences qui régissent les structures dans lesquelles il a passé une durée plus ou moins longue de sa vie, Ivan Illich a réussi à faire ressortir les tournants majeurs des sociétés occidentales au cours des siècles passés.





Dans cet essai, le sociologue progresse pas à pas. Ils nous propose tout d’abord de réfléchir à la colonisation du secteur informel, avant d’évoquer les valeurs vernaculaires, la répression du domaine vernaculaire et son opposé de la recherche conviviale qui mènera enfin à la définition du concept qui donne son titre au livre : le travail fantôme.





Le développement est logique. Suivant un constat selon lequel le secteur de l’informel –ce qui relève de la vie privée et des occupations non-productives (du point de vue économique)- serait sans cesse envahi par le monnayable –l’école pour l’apprentissage et l’éducation, l’hôpital pour la convalescence, les biberons pour l’allaitement, les maisons de retraite pour les parents âgés, le psychologue pour le lien social…- Ivan Illich introduit la notion du « vernaculaire ». Il explique son choix par l’étymologie :





« Le mot « vernaculaire », emprunté au latin, ne nous sert plus qu’à qualifier la langue que nous avons acquise sans l’intervention d’enseignants rétribués. A Rome, il fut employé de 500 av. J.-C. à 6OO ap. J.-C. pour désigner toute valeur engendrée, faite dans l’espace domestique, tirée de ce que l’on possédait, et que l’on se devait de protéger et de défendre bien qu’elle ne pût être un objet de commerce, d’achat ou de vente. Je propose que nous réactivions ce terme simple, vernaculaire, par opposition aux marchandises et à leur ombre. »





Toujours en restant dans le domaine du langage, Ivan Illich s’empare du cas Nebrija pour illustrer sa notion. Cet « espagnol », auteur d’une grammaire castillane, a insisté sur l’importance d’uniformiser la langue et d’éliminer ses patois locaux afin d’affermir la puissance royale et chrétienne de la nation, qu’il s’agisse d’assujettir ses habitants ou de faire une démonstration de sa puissance vis-à-vis des étrangers. Ivan Illich y voit le présage de toutes les métamorphoses à venir au sein de la société industrielle :





« Ce passage du vernaculaire à une langue maternelle officiellement enseignée est peut-être l’évènement le plus important –et pourtant le moins étudié- dans l’avènement d’une société hyperdépendante de biens marchands. Le passage radical du vernaculaire à la langue enseignée présage le passage du sein au biberon, de la subsistance à l’assistance, de la production pour l’usage à la production pour le marché, des espérances divisées entre l’Eglise et l’Etat à un monde où l’Eglise est marginale, la religion privatisée, et où l’Etat assume les fonctions maternelles auparavant revendiquées uniquement par l’Eglise. »





Pour se définir à l’opposé de cet exemple nocif, Ivan Illich cite Hugues de Saint-Victor. Doit-on l’appeler « philosophe », « homme de sciences », « penseur » ? On n’oserait trancher, en tout cas pas devant Ivan Illich qui semble vouer à Hugues de Saint-Victor une admiration sans faille qui dépasse l’expression verbale. Il définit le type même de la recherche conviviale -qui avait déjà fait l’objet d’un essai d’Ivan Illich-, image de l’homme qui se livre à l’apprentissage dans le plaisir, non dans l’objectif de soumettre l’inconnu à sa domination humaine, mais afin de poursuivre plus loin vers l’inconnu dans une quête dénuée de tout aboutissement. Bien sûr, on comprend tout de suite en quoi la recherche conviviale s’oppose aux bureaux de R&D ou à la science des machines, entièrement tournée vers la production pour l’homme et pour la rentabilité économique.





Tout cela posé, Ivan Illich arrive enfin à la dernière partie de son essai et nous retrace l’historique de l’apparition du travail fantôme, qui ne doit être confondu ni avec le chômage, ni avec le travail salarié :





« Pour saisir la nature du travail fantôme, nous devons éviter deux confusions. Il n’est pas une activité de subsistance : l’économie formelle s’en nourrit mais non la subsistance sociale ; il n’est pas non plus un travail salarié sous-payé. Il est un travail non-payé dont l’accomplissement permet précisément que des salaires soient payés. »





Le constat d’Ivan Illich est donc effrayant : plus aucune dimension de notre vie privée ne serait épargnée par le travail de la machine économique, dont nous dépendons entièrement, jusque dans la constitution de notre famille ou dans nos choix de vie les plus anodins. Sous une apparence maternelle, la société s’introduit jusque chez nous et nous impose, sous couvert de bons sentiments, des services soumis aux règles de l’économie classique qui viennent rendre obsolètes ce qui relevait jusqu’alors du « vernaculaire ». Ivan Illich répond aux contestations qu’on pourrait lui faire : non, nous ne sommes pas obligés de souscrire à tous les services « obligatoires » ou « recommandés » par la société (transports publics, école, hôpital, alimentation industrielle, etc.). Mais tout de même…rares sont ceux qui peuvent s’en détourner, et ceux-ci constituent les derniers privilégiés de notre société moderne.





La réflexion est intéressante, cela ne fait aucun doute, et explique une partie du malaise dont la population occidentale se dit aujourd’hui largement victime. Malheureusement, Ivan Illich n’échappe pas aux propres travers qu’il dénonce. Je pense aux nombreuses dualités qu’il met en jeu et qui opposent par exemple vernaculaire et économique, convivialité et travail, industriel et individuel… dans une vision parfois réductrice qui semble n’avoir qu’un seul objectif : se faire le contempteur d’une société moderne qui a perdu le charme des siècles précédents. En ce sens, le discours du sociologue sonne souvent sur le ton du désespoir et tout son texte est bercé par cette litanie : « C’était mieux avant », ou par sa variante : « C’est mieux ailleurs ». Mais hormis le voyage dans le temps, ou le déménagement hors de la société occidentale, Ivan Illich ne propose pas de solution concrète. On se contente alors de sa réflexion pure, qui ne remplit aucun critère du rendement productif. Totalement stérile mais d’une beauté absolue, elle correspond tout à fait à sa démarche de la Recherche conviviale, et il faut avouer qu’on y goûte avec un triste plaisir.
Lien : http://colimasson.over-blog...
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La Convivialité

La pensée d’Ivan Illich est dérangeante car elles est largement datée par des raisonnements et le jargon des années 70 et 80 donc avant l’apparition d’internet qu’il a rendu largement obsolète.

Elle contient cependant une analyse visionnaire, qui reste plus actuelle que jamais basé sur l’existence d’échelles et de limites naturelles, de seuils à ne pas franchir au-delà desquelles l’outil, les structures, les organisations ne sont plus au service de l’homme mais deviennent des despotes. Une idée déjà présente dans la philosophie grecque antique, manifesté par l’hubris

Les exemples qu’il donne sur l’école publique, la médecine, la construction ou les transports résonnent avec les problématiques du développement durable, la bureaucratisation paralysante, l’Etat omnipotent et donc impotent et la nécessité de mettre la subsidiarité au cœur de la construction de l’avenir : « Small is beautiful », le gigantisme et le centralisme aliènent, la convivialité nous indique une voie de sortie à explorer.
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Une société sans école

L'école obligatoire, la scolarité prolongée, la course aux diplômes, autant de faux progrès qui consistent à produire des élèves dociles, prêts à consommer des programmes tout à fait préparés par les « autorités » et à obéir aux institutions. A cela il faut substituer des échanges entre « égaux » et une véritable éducation qui prépare à la vie dans la vie, qui donne le goût d'inventer et d'expérimenter. L'auteur de Libérer l'avenir poursuit ici sa recherche, pour les nations riches ou pauvres, d'un autre mode de vie : or l'école doit pouvoir devenir le principal lieu d'une rupture avec le conformisme.
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Une société sans école

Un titre provocateur et qui va à l'encontre des idées reçues sur l'école écrit en 1971.

En vrac, dénonce la toute puissance du diplôme encore plus criant aujourd'hui que les emplois se font rares.

Critique du monopole de la transmission de la connaissance vs réseau de pairs ayant des connaissances à partager.

Fait écho d'un certain côté aux mouvements Do It Yourself / FabLab /logiciel libre qui prône le contrôle des objets qui font notre quotidien par le plus grand nombre.

Fait aussi écho aux nouvelles formes de partage des connaissances via le réseau et les MOOC (décloisonne les lieux de partage des connaissance).

Critique des enseignants décrit comme tout puissant dans leur classe, avec leur manuel, les programmes officiels et la transmission sous forme de gavage horizontal.

Critique aussi de la société qui est organisée en corporation de professionnels possédant un savoir faire et le privatisant.

Donne aussi des pistes pour expliquer le taux de jeunes en situation d'échec ou déscolarisé dans une société ou l'on leur demande d'être étudiants "hors sol" jusqu'à leur 25 ans.

L'école est décrite comme producteur de consommateurs dans une société consumériste de biens et de services aliénants et profondément inégalitaire qui ne peut déboucher que sur une frustration généralisée des individus.

Pour conclure, une lecture déstabilisante, remettant en cause une des institutions la plus structurante/centrale de notre société mais terriblement d'actualité.
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Une société sans école

A lire absolument pour mieux comprendre le malaise que l'on ressent à l’école sans trop savoir pourquoi.
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Némésis médicale, l'expropriation de la santé

Le taux de mortalité de la tuberculose avait fortement décru alors que Koch était encore en train de cultiver ses premiers bacilles. Son éradication n’a donc pas été obtenue uniquement grâce à la vaccination généralisée. Même chose pour le choléra, la dysenterie et la typhoïde qui ont atteint leur maximum de la même manière avant de disparaître en échappant à toute action médicale. 90% de la diminution de la mortalité pour la scarlatine, la diphtérie, la coqueluche et la rougeole s’est produite avant l’arrivée des antibiotiques et l’immunisation à grande échelle. Une meilleure hygiène de vie, une meilleure alimentation et de meilleures conditions de logement ont eu plus d’influence sur la santé des populations que les médications. Il suffit d’observer la situation du tiers-monde pour s’en convaincre. Etrangement, plus une société se médicalise, plus elle donne de l’importance aux médecins, moins bien elle se porte. Il faut des médicaments et des vaccins pour tout et n’importe quoi. À croire que les industriels de la pharmacie et les médecins n’ont qu’un but, nous maintenir dans des états de santé médiocre pour engranger le plus de profit possible. Et que dire des maladies iatrogènes provoquées par des traitements inadaptés ou des médicaments aux effets indésirables ou des maladies nosocomiales contractées lors de séjours à l’hôpital…

« Némésis médical » est un essai que vulgarisation scientifique datant des années 80, mais qui n’a pas pris une ride. Ivan Illich se place à la fois en historien de la médecine, en sociologue et même en philosophe. Après un réquisitoire sévère mais juste sur la médecine, il propose de longs développements sur la douleur puis sur la mort. Comment ces deux réalités de la condition humaine ont été perçues et vécues au cours des âges. Pourquoi l’homme moderne, aveuli dans son confort et médicalisé à outrance, n’accepte plus d’affronter la souffrance, et pourquoi il cache la mort de toutes les manières possibles. La partie consacrée à la paradoxale contre-productivité de la médecine allopathique moderne est certainement la plus intéressante. Elle fut même révolutionnaire en son temps. Illich participa à la prise de conscience générale et à l’essor des médecines parallèles dites « douces » que l’on croyait alors promises à un bel avenir. Presque un demi-siècle plus tard, il est assez triste de constater que nous en sommes toujours au même point. Nous avons peut-être même un peu reculé. L’horreur sanitaire de la crise covid avec son rejet de l’immunité naturelle en constitue malheureusement la nouvelle preuve.
Lien : http://www.bernardviallet.fr
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Némésis médicale, l'expropriation de la santé

Ce livre, tous les médecins devraient le lire mais pas qu'eux.



C'est un essai publié en 1975 qui parait actuel, écrit aujourd'hui en 2023, tant ce qui est écrit est d'une actualité criante.



Mais combien de professionnel de santé l'ont lu?

Très peu sans doute.

Et encore moins s'inspirent de ce qui est écrit, pour exercer la médecine.

C'est même plutôt le contraire qui se passe.

La médecine a transformé chaque citoyen en « patient à vie » qui aujourd'hui ne peut pas se passer des médecins et de leurs médications.

La crise de l'hôpital et des urgences est le symptôme de cette transformation.

Symptôme de la marchandisation de la santé.



Ce livre est très dense.

« Des gens qui ne sont pas malades en arrivent à se livrer à l'institution médicale pour le bien de leur santé à venir. » écrit Illich

Qui peut le contester quand le dépistage de maladie de tous ordres est promu?



Et cette problématique : « le certificat médical un moyen puissant de contrôle social ».

Qui peut contester qu'elle est d'actualité quand les médias nous parlent de la chasse aux arrêts de maladie par la CPAM et les médecins des certificats médicaux pour l'école ou le sport, abusifs et consommateurs de temps médical?



Citer l'analyse de Illich sur le système serait trop long temps tant il est pertinent tout le long de ce livre.



Je ne peux que conseiller à tout un chacun de lire cet ouvrage, réédité en 2021.

Vous « tomberez de votre chaise » tellement ce qui est écrit est incroyable de justesse sur notre système de santé.



Pour terminer une petite citation :

« Némésis médicale, c'est l'autodérégulation institutionnelle de l'homme vers le cauchemar. C'est l'expropriation du vouloir-vivre de l'homme par un service d'entretien qui se charge de le maintenir en état de marche au bénéfice du système industriel. »
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