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EAN : 9782020042598
158 pages
Seuil (25/03/2003)
3.96/5   92 notes
Résumé :
L'analyse critique de la société industrielle doit beaucoup à Ivan Illich. Il est l'un des premiers à avoir dénoncé le productivisme, le culte de la croissance, l'apologie de la consommation et toutes les formes d'aliénation nées du mode de production capitaliste. "La Convivialité" montre comment l'organisation de la société tend à produire des consommateurs passifs, qui ont délégué aux institutions le pouvoir de décider et renoncé à assumer la responsabilité des or... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Illich commence un peu là où les thèses de Günther Anders s'arrêtent : l'homme crée des outils qu'il ne comprend pas tout de suite, qui le dépassent, et qui modifient sa vision du monde et son comportement, l'entraînant à s'adapter, à se surpasser de manière désespérée pour concurrencer la machine. Là où Anders interroge prudemment – mais la réponse est évidente – la viabilité de ce futur dicté par les technologies, Illitch pose d'emblée ce détraquement et la nécessité de limites. Il se sert de la notion de seuil au-delà duquel une technologie devient néfaste.
Ilich part aussi de cet acquis – par exemple chez Franz Fanon – qu'il est inutile de s'opposer à la classe propriétaire des outils (telle qu'on le voit dans une compréhension simplifiée de la pensée de Marx), celle-ci sera remplacée par une autre élite qui fera le même usage des mêmes outils. Il faut s'opposer aux institutions qui soutiennent ce système et ont intérêt à la défense de ces techniques et technologies qui justifient leur spécialisation et donc leur supériorité de classe. L'école, l'administration, la santé, légitiment leur hiérarchisation, et donc le système d'inégalités qui va avec, par la maîtrise de certains outils techniques et technologiques. Rendre par exemple, la quête de diplôme moins valorisante, la culture perfectionnée et académique moins nécessaire, la possession de diplôme, de papiers, de permis… moins obligatoire, la prolongation de la vie en mauvaise santé et de la bonne santé dans un travail déséquilibrant moins obsédante, c'est retirer tout pouvoir à ces institutions. Or, pour ce faire, il faut retirer de l'importance à certains objets industriels qui légitiment la supériorité de ceux qui ont escaladé l'échelle de ces institutions : si l'on utilise moins les voitures, le permis perd donc de sa valeur, si l'on demande moins de services perfectionnés à l'hôpital, si l'on refuse le travail à l'usine pour des travaux conviviaux où l'outil ne détruit pas la santé ; si le boulot manuel que tout le monde peut exécuter et l'artisanat prennent plus de valeur marchande que la capacité à surveiller une machine, alors le diplôme perd de sa valeur et la société industrielle perd aussi ces forces qui la soutiennent.
Cette position très polémique de poser comme néfastes et même perverses les institutions officiellement reconnues comme les plus utiles et positives que sont l'école et la santé, est particulièrement difficile à expliquer car c'est bien là que se tient toute la complexité de la société de consommation. Les révolutionnaires se lèvent souvent contre les gouvernements et donc contre l'élite d'un temps, propriétaires des biens et des outils de production de richesse, s'insurgent devant les grandes entreprises leaders de la production industrielle, créateurs évidents d'une dépendance, d'une frustration, et d'inégalités terribles, responsables de la destruction de l'environnement, mais très rarement contre des institutions comme l'école et la santé, qui seraient pourtant celles à revoir en priorité pour redéfinir un monde convivial.
Illich dénonce tout simplement l'obligation scolaire, ainsi que la dépendance à la possession de diplômes pour occuper des fonctions importantes dans la société. Cette obligation rend donc obligatoire elle aussi une ségrégation entre diplômés et échoués du système scolaire, et donc la constitution de classes ou castes sociales.
de même, il dénonce le vice de la médecine qui s'approprie le droit de soigner – même les symptômes les plus évidents – de par ses diplômes, et surtout s'évertue à soigner des maladies et des blessures au lieu de s'attaquer à ce qui les provoque. L'institution sanitaire, et l'obligation de passer par elle, entretiennent ainsi un système déséquilibré et destructeur.
Ces positions supérieurs des cadres, justifient l'usage de certaines technologies : comment imaginer tous les professeurs, les médecins, les cadres supérieurs… sans leur voiture, sans leur ordinateur, sans internet, sans colloque à l'étranger… Illich critique ainsi l'illusion des transports rapides : la voiture permet de se déplacer plus loin en moins de temps, étendant donc la possibilité de travailler, de se procurer les biens de première nécessité, etc. ; or, le travailleur ne gagne donc pas de temps puisqu'il s'installe plus loin – provoquant au passage la fermeture des commerces de proximité, le groupement des écoles et des administrations… – il devient même dépendant à sa voiture et aux dépenses d'entretien qui y sont attachées, si la voiture casse, il devient défectueux pour le patron. Illich pose ainsi le seuil de perversion des outils de transport au vélo qui seul reste convivial car il ne nécessite pas d'énergie extérieure, ni de compétence particulière, dont la technologie peut être réparée et maîtrisée par les usagers…
Mais Illich n'est pas totalement opposé à toute production industrielle, mais au monopole que celle-ci peut acquérir, et donc à l'écrasement et à la destruction quelle provoque sur le reste du champ sociétal – production artisanale, anciens outils ne nécessitant pas d'énergie, etc. Ainsi, si Illich critique les transports en commun et le train, souvent vus comme des outils moins polluants et plus positifs socialement, car créateurs également d'une dépendance à l'énergie et à la technologie, d'une obsession du temps, il ne leur enlève pas tout intérêt mais leur enlève le rôle de solutions technologiques à la dérive d'une société technologique. C'est presque cinquante ans plus tard qu'apparaissent l'évidence de ces fausses solutions technologiques : le nucléaire comme fournisseur d'énergie propre, le TGV comme moyen de transport ultra rapide pour une élite… le bus comme réponse à la voiture individuelle est un leurre pour Illich, le transport collectif n'est qu'un des outils de l'ensemble du pack transport à haute vitesse qui rend possible et même nécessaire une société accélérée, polluante, énergivore, urbaine… En rendant populaires et accessibles même aux plus pauvres les transports rapides comme le métro, la société impose à ses pauvres cette utilisation, cette disponibilité dans l'espace – vous ne pouvez refuser un job à l'autre bout de la région.
Autre forme de faux progrès dénoncée par Illich, ce sont les normes attendues pour la construction d'un logement décent qui empêchent ainsi l'auto-construction peu coûteuse pour les classes pauvres et renforcent le pouvoir des architectes diplômés seuls à même de valider une construction. Illich montre ainsi comment les normes et les droits sont maintenant devenus les défenseurs de la société industrielle. Pourtant, c'est aussi par eux – la justice, la police – que peuvent se renverser l'équilibre de cette société. En faisant appel au vrai rôle de ces institutions protectrices, on peut renouer avec ce qui fait le coeur identitaire d'une société et donc influencer les lieux de décision. La redéfinition et réorientation de la justice et de la police, est nécessaire pour l'avènement d'une nouvelle société.
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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Les visions d'illitch sont originales et souvent enrichissantes. La notion de « seuil », généralisé à tout les domaines de la vie courante, est extrêmement pertinente et apporte un complément aux dires des autres « auteurs radicaux » de la modernité occidentale.

!!! ATTENTION DANGER !!! : en personnes responsables, on saura mettre prudemment de côté de nombreuses idées absolument intolérables (des opinions bien suspectes que je n'ai pas besoin de citer ici). Il semble que l'on se réfère à cet auteur bien trop légerement.
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La pensée d'Ivan Illich est dérangeante car elles est largement datée par des raisonnements et le jargon des années 70 et 80 donc avant l'apparition d'internet qu'il a rendu largement obsolète.
Elle contient cependant une analyse visionnaire, qui reste plus actuelle que jamais basé sur l'existence d'échelles et de limites naturelles, de seuils à ne pas franchir au-delà desquelles l'outil, les structures, les organisations ne sont plus au service de l'homme mais deviennent des despotes. Une idée déjà présente dans la philosophie grecque antique, manifesté par l'hubris
Les exemples qu'il donne sur l'école publique, la médecine, la construction ou les transports résonnent avec les problématiques du développement durable, la bureaucratisation paralysante, l'Etat omnipotent et donc impotent et la nécessité de mettre la subsidiarité au coeur de la construction de l'avenir : « Small is beautiful », le gigantisme et le centralisme aliènent, la convivialité nous indique une voie de sortie à explorer.
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On peut apprécier ou pas Illicht mais difficile de ne pas le voir comme visionnaire. Il y a de la prophétie à la Orwell dans ses prévisions énoncées voici un demi-siècle. Véritable bible verte, Illicht avait tout prévu de l'écologie actuelle. Rien que cela justifierait déjà la lecture. Mais Illicht est intéressant pas la radicalité de ses propos. Sans la moindre concession, il coule au pilori toutes les institutions de notre monde moderne, de l'école qu'il propose de supprimer, à l'industrie dominante en passant par la médecine qui fait plus souffrir qu'elle ne soigne. Radical, avons-nous dit !

D'emblée Illicht nous prévient que son opus ne donnera pas de solution concrète de remplacement de notre société, il faut l'inverser au profit d'une convivialité qui reste à construire. Comment n'est pas le propos ici.

Tous le livre sert donc de réquisitoire de notre société moderne, aveugle, intoxiquée au produit industriel et dominée par cette seule logique. Si les institutions faillissent sans être inquiétées c'est qu'elles dépassent des seuils qui l'éloignent de sa fonction initiale. D'abord, dès qu'elle commence à se mesurer à grand coup de statistiques, elle dérive vers ses propres objectifs et sert à elle-même. le deuxième seuil est dépassé lorsqu'elle produit peu à peu plus de mal qu'elle n'apaise de bien. Ensuite, bien installée, elle façonne nos vies en entravant notre autonomie et notre créativité, en un mot notre liberté.

La convivialité se présente comme seule réponse possible à ces dérives, seule planche de salut pour respecter l'être humain, créatif, unique, personnel et libre, une priorité qui ne se négocie jamais.






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Ivan illich explique dans ce livre l'aliénation que représente l'existence dans une société où l'on dépend d'un système de production reposant sur l'utilisation d'outils qui ne sont maîtrisés que par une minorité d'experts. Il introduit dès lors la nécessité selon lui d'instaurer un seuil, quand l'utilisation de l'outil est acceptable car facilement maîtrisable et accessible à tout le monde, seul horizon souhaitable concernant l'usage de la technologie.
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Citations et extraits (63) Voir plus Ajouter une citation
Aujourd'hui, figée dans le monopole d'une hiérarchie monolithique, la médecine protège ses frontières en encourageant la formation de paraprofessionnels auxquels sont sous-traités les soins autrefois dispensés par l'entourage du malade. Ce faisant, l'organisation médicale protège son monopole orthodoxe de la concurrence déloyale de toute guérison obtenue par des moyens hétérodoxes. […] Dans une société où l'on naîtrait et mourrait chez soi, où l'infirme et l'idiot ne seraient pas bannis de la place publique, il se trouverait des gens pour aider les autres à vivre, à souffrir et à mourir.
L'évidente complicité du professionnel et de son client ne suffit pas à expliquer la résistance du public à l'idée de déprofessionnaliser les soins. À la source de l'impuissance de l'homme industrialisé, on trouve l'autre fonction de la médecine présente qui sert de rituel pour conjurer la mort. Le patient se confie au médecin non seulement à cause de sa souffrance, mais par peur de la mort, pour s'en protéger. L'identification de toute maladie à la menace de mort est d'origine assez récente. En perdant la distinction entre la guérison d'une maladie curable et la préparation à l'acceptation du mal incurable, le médecin moderne a perdu le droit de ses prédécesseurs à se distinguer clairement du sorcier et du charlatan ; et son client a perdu la capacité de distinguer entre le soulagement de la souffrance et le recours à la conjuration. Par la célébration du rituel médical, le médecin masque la divergence entre le fait qu'il professe et la réalité qu'il crée, entre la lutte contre la souffrance et la mort d'un côté et l'éloignement de la mort au prix d'une souffrance prolongée de l'autre. Le courage de se soigner seul n'appartient qu'à l'homme qui a le courage de faire face à la mort.
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On considère à juste titre Jan Amos Comenius, évêque morave du XVIIe siècle, pansophiste et pédagogue ainsi qu'il se nommait lui-même, comme l'un des fondateurs de l'école moderne. Il fut l'un des premiers à proposer sept ou douze degrés d'apprentissage obligatoires. Dans sa "Magna Didactica", il décrit l'école comme un instrument pour « tout apprendre entièrement à tous » (omnes, omnia, omnio) et il esquisse le projet d'une production en chaîne du savoir qui diminue le coût et augmente la valeur de l'éducation, afin de permettre à chacun d'accéder à la plénitude de l'humanité. Mais Comenius ne fut pas seulement l'un des premiers théoriciens de la production de masse, ce fut aussi un alchimiste qui adapta le vocabulaire technique de la transmutation des éléments à l'art d'élever les enfants. L'alchimiste veut raffiner les éléments de base en purifiant leurs esprits à travers douze étapes successives d'illumination. Au terme de ce processus, pour leur plus grand bien et celui de l'univers, les éléments sont transformables en métal précieux : le résidu de matière ayant subi sept classes de traitement donne de l'argent, et ce qui subsiste après douze épreuves donne de l'or. Naturellement les alchimistes échouaient toujours, quelle que fût la constance de leurs efforts, mais toujours leur science en fournissait une nouvelle bonne raison, et ils se remettaient à la tâche avec ténacité. L'échec de l'alchimie culmine dans l'échec de l'industrie.
Le mode industriel de production a été pour la première fois pleinement rationalisé à l'occasion de la fabrication d'un nouveau bien de service : l'éducation. La pédagogie a ajouté un chapitre à l'histoire du Grand Art. L'éducation devint la quête du processus alchimique d'où naîtrait un nouveau type d'homme, requis par le milieu façonné par la magie scientifique. Mais, quel que fût le prix payé par les générations successives, il se révéla chaque fois que la plupart des élèves n'étaient pas dignes d'accéder aux plus hauts degrés de l'illumination, et devaient être exclus du jeu parce qu'inaptes à mener la « vraie » vie offerte en ce monde créé par l'homme.
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La réduction souvent spectaculaire de la morbidité et de la mortalité est due surtout aux transformations de l'habitat et du régime alimentaire, et à l'adoption de certaines règles d'hygiène toutes simples. Les égouts, le traitement au chlore de l'eau, l'attrape-mouche, l'asepsie et les certificats de non-contamination exigés du voyageur ou des prostituées ont eu une influence bénéfique bien plus forte que l'ensemble des « méthodes » de traitements spécialisés très complexes. L'avance de la médecine s'est traduite davantage dans le contrôle des taux d'incidence que dans l'accroissement de la vitalité des individus.
Dans un certain sens, c'est l'industrialisation, plus que l'homme, qui a profité des progrès de la médecine : les gens sont devenus capables de travailler plus régulièrement dans des conditions plus déshumanisantes.
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On employa des sommes colossales pour éponger les dégâts incommensurables produits par les traitements médicaux. Ce n'est pas tant la guérison qui coûte cher que la prolongation de la maladie : des mourants peuvent végéter longtemps emprisonnés dans un poumon d'acier, dépendants d'un tube de perfusion, ou suspendus au fonctionnement d'un rein artificiel.
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Si nous voulons pouvoir dire quelque chose du monde futur, dessiner les contours théoriques d’une société à venir qui ne soit pas hyper-industrielle, il nous faut reconnaître l’existence d’échelles et de limites naturelles. L’équilibre de la vie se déploie dans plusieurs dimensions ; fragile et complexe, il ne transgresse pas certaines bornes. Il y a certains seuils à ne pas franchir. Il nous faut reconnaître que l’esclavage humain n’a pas été aboli par la machine, mais en a reçu figure nouvelle. Car, passé un certain seuil, l’outil, de serviteur, devient despote. Passé un certain seuil, la société devient une école, un hôpital, une prison. Alors commence le grand enfermement. (…) J’appelle société conviviale une société où l’outil moderne est au service de la personne intégrée à la collectivité, et non au service d’un corps de spécialistes. Conviviale est la société où l’homme contrôle l’outil.
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Videos de Ivan Illich (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ivan Illich
Et si l'école n'était qu'un instrument destiné à produire des élèves dociles, prêts à obéir aux institutions ? C'était la thèse du philosophe Ivan Illich, dès les années 1970.
#école #éducation #cultureprime _____________
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