Citations de Jack Kerouac (1010)
Voilà ce que c'est de vivre dans la nuit, voilà ce que ça fait de vous. Je n'avais rien à offrir à personne que ma propre confusion.
Maintenant nous sommes en Amérique, c'est l'aube et nous voilà dans la ville appelée Los Angeles, bien qu'on se demande vraiment ce qu'elle a à faire avec les anges. [...] Il est cinq heures et c'est trop tôt, tout est encore fermé, tout ce qu'on découvre, ce sont des voyous hébétés et des poivrots complètement blindés qui titubent, épaves de la nuit. J'aurais voulu faire voir à Ma le Los Angeles brillant et joyeux que montre Art Linkletter à la télévision, ou lui donner de brefs aperçus d'Hollywood. Seulement, il n'y a rien que l'horreur macabre des camés et des putains déjetées, des feux de signalisation dans les rues vides, pas d'oiseaux ici ni de Maria — mais la boue et la mort. Pourtant, à quelques kilomètres, au-delà de ces atroces pavés d'amertume, s'étirait le clair et doux rivage d'un Pacifique à la Kim Novak qu'elle ne verrait jamais, où on lançait des hors-d'œuvre aux chiens de mer. Où les Producteurs et leurs épouses se confondent dans un film qu'ils ne réalisent jamais.
Chapitre 72.
- Comment peut-on introduire des pensées subtiles et bien mûries dans une effusion jaculatoire spontanée comme vous dites ? Ça ne peut aboutir qu'à du charabia. [...] Cela deviendra probablement un truc qui aura de la vogue, mais je préfère considérer ma poésie comme un art.
- L'art c'est l'art.
- C'est-à-dire ?
- Que c'est artificieux. Comment votre âme artificieuse peut-elle se confesser artistiquement.
Chapitre 38.
Raphael se lance à présent dans son poème, il s'est tu brusquement quand Irwin a allumé une bougie, on s'est tous assis et tandis qu'on est là à parler à voix basse, détendus, on entend les griffures délirantes de la plume qui court sur le papier. On " entend " réellement le poème pour la première et la dernière fois. Ces grincements sont tout à fait comme les cris de Raphael, même rythme protestataire, mêmes grandiloquentes explosions de lamentation. Mais on perçoit aussi dans ce grattement grinçant la naissance passablement miraculeuse de mots anglais dans la tête d'un Italien des bas quartiers de l'East Side qui n'a commencé à parler anglais qu'à sept ans. [...] Quand il griffonnait ses poèmes dans cette chambre à la lumière de la bougie, nous gardions le silence et je découvrais quel groupe d'ahuris nous étions — par ahuris, j'entends étranger à ce que devait être la façon de vivre selon les autorités. [...] Nous étions tous dans le même bateau — pauvres, en terre étrangère, notre art plus ou moins rejeté, extravagants, naïfs au bout du compte.
Chapitre 18.
Je lis le texte dans sa langue d´origine donc ma citation sera en anglais...
And I said, ´The last thing is what you can´t get, Carlo. Nobody can get to that last thing. We keep on living in hopes of catching it once for all.´
´No, no, no, you´re talking absolute bullshit and Wolfean romantic posh !´ said Carlo.
En Amérique, les garçons et les filles ont des rapports si tristes ; l'évolution des mœurs les oblige à coucher ensemble tout de suite, sans avoir parlé comme il faut. Non pas parlé-baratiné, mais parlé vrai, du fond de l'âme, parce que la vie est sacrée, et chaque instant précieux.
Je montais jusqu'à la crête des vagues puis redescendais dans leurs creux, goûtais les embruns salés, avançai mon visage et mes yeux à la rencontre du vaste océan, je le voyais arriver sur moi, riais tout haut, avançais, montais et descendais comme un bouchon, ce qui me donna la nausée ; je vis l'horizon dans la grisaille lointaine et pluvieuse, le perdis de vue au creux d'une vague monstrueuse, nageai vers un bateau ancré là et dont le nom était "Nous y sommes".
Au milieu de la nuit, je me suis levé parce que je n’arrivais pas à dormir, j’ai tiré la couverture sur l’épaule brune de ma chérie, et j’ai scruté la nuit de L.A. Nuits brutales, nuits chaudes, nuits de sirènes hurlantes !
La vie est malade
Les chiens toussent
Les abeilles voguent
Les oiseaux piochent
Les arbres scient
Les bois pleurent
Les hommes meurent
Les tiques y mettent du leur
Les livres sont menteurs
Les fourmis font du planeur
À tout à l’heure
Early morning with the
happy dogs -
I forgot the Path
Tôt le matin avec les
chiens joyeux -
J'ai oublié le Sentier
The poppies ! -
I could die
In delicacy now.
Les coquelicots ! -
Je pourrais mourir
En délicatesse maintenant.
Nuit pluvieuse,
les feuilles de la cime ondoient
Dans le ciel gris
Rainy night,
the top leaves wave
In the gray sky
Le ciel est toujours vide,
La rose est toujours
Sur les touches de la machine à écrire
The sky is still empty,
The rose is still
On the typewriter keys.
J'avais prévu qu'au bout de cinq jours passés à Paris, je descendrais dans cette auberge au bord de l'Océan, dans le Finistère, et sortirais à minuit, enveloppé dans mon imperméable, coiffé de mon chapeau, muni de mon carnet et d'un crayon et d'un sac en plastique pour écrire à l'intérieur – en somme, en mettant la main, le carnet et le crayon dans le sac – écrire au sec pendant que la pluie tomberait sur le reste de mon corps. Et je transcrirais les sons de la mer, cette seconde partie du poème « La Mer« , intitulée « La Mer, dernière partie, les sons de l'Atlantique, Bretagne » […]
[…] je pris le car à Washington. Une fois là, je perdis du temps à me balader ; je me détournai de mon chemin pour visiter les Monts Bleus, entendis l'oiseau de Shenandoah et visitai le tombeau de Stonewall Jackson ; au crépuscule, me voici en train de cracher dans la rivière Kanawha puis c'est la nuit folklorique de Charleston, en Virginie de l'Ouest ; à minuit, Ashland, au Kentucky, et une fille charmante sous la marquise d'un cinéma fermé. L'obscur et mystérieux Ohio et Cincinnati à l'aube. Puis de nouveau les champs de l'Indiana et Saint-Louis, comme toujours au milieu de ses grands nuages vallonnés de l'après-midi. Les galets boueux et les troncs d'arbres du Montana, les vapeurs démolis, les vestiges antiques ; les herbages et les filins le long du fleuve. Le poème incessant. De nuit, le Missouri, les champs du Kansas, les vaches nocturnes du Kansas dans de mystérieux espaces, des villes de boîtes de biscuits avec une mer au bout de chaque rue ; l'aube à Abilene. Les herbages du Kansas de l'Est cèdent la place aux prairies du Kansas de l'Ouest qui gravissent les pentes de la nuit occidentale.
Les trois musulmans qui voyageaient avec les soldats bondirent sur leurs pieds au beau milieu de la nuit, ouvrirent des sacs de papier pleins de victuailles et se mirent à casser la croûte en jacassant joyeusement : c'était le Ramadan. Ils n'avaient le droit de manger qu'à partir d'une certaine heure. Je fus à nouveau frappé par ce qu'a de stéréotypé l' " histoire du monde " selon les journaux et les officiels. Voilà trois malheureux Arabes étiques troublant en pleine nuit le sommeil de cent soixante-cinq soldats français, en armes par-dessus le marché, sans que le moindre sous-lieutenant leur crie : " Tranquille ! " Ils supportent le tapage et l'inconfort en silence, un silence qui est respect de la foi et de la personnalité de ces trois Arabes. Alors, pourquoi cette guerre ?
Chapitre 59.
(N. B. : Ce passage est capital pour comprendre la biographie de Kerouac.)
C'est au cours de ce voyage que ma vie prit son grand virage, une " volte-face totale " comme je l'ai écrit plus haut, passant d'un goût merveilleusement juvénile de l'aventure à un écœurement complet quant à l'expérience du monde en tant que telle, une révulsion dans tous les sens du terme. Et le premier signe de cette révulsion s'était manifesté, ainsi que je l'ai dit, au cours des deux mois de consolante solitude et de rêves que j'avais passés dans la montagne de la Désolation, avant l'épisode mexicain, puis j'avais retrouvé mes amis et les vieilles aventures, on l'a vu, et ce n'était plus aussi " délicieux " mais maintenant j'étais à nouveau seul. Alors j'éprouvai le même sentiment. Évite le Monde, il n'est que poussière et poids mort, il est au bout du compte dépourvu de signification.
Chapitre 50.
Au départ, on ne peut pas dire que j’avais fait bonne impression au maitre : le jour où il était venu rendre visite à Hal, un dimanche matin, à New York, j’étais ivre et je dormais sur le plancher. " Qui est-ce, celui là ? – C’est Jack. – Allons bon, le célèbre Jack ? Et qu’est ce qu’il fait endormi par terre ? – Ça lui arrive tout le temps. – Vous ne m’aviez pas dit que c’était un génie, dans son genre ? – Tout à fait. Ça ne saute pas aux yeux ? – je dois vous avouez qu’il me faut faire un petit effort d’imagination. Je croyais qu’il était marié, où est sa femme ? " En effet, j’étais marié, à l’époque. " Oh, elle passait son temps à lever le pied, jack à dû renoncer. En ce moment elle est au bar du West End avec un croque mort qui a deux cents dollars en poche et paye une tournée générale. " Là-dessus, je me suis levé pour serrer la main de Mr. Brierly.
Ça me donnait l'impression que tout allait arriver - ces moments où l'on comprend que tout a été décidé pour toujours.
Où était Bill? Où était Neal ? Où étaient-ils tous ? Où était la vie?.Moi j'avais un foyer qui m'attendait, un lieu où reposer ma tête, me remettre des pertes subies, et évaluer les gains , qui, je le savais, se trouvaient inscrits dans cette expérience, eux aussi (page 312)