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Critiques de Jacqueline Harpman (281)
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Moi qui n'ai pas connu les hommes

Une dystopie inclassable, court roman laissé en guise de mémoire par la dernière femme, dernière survivante d’on ne sait quel événement ou catastrophe. Elle ne sait pas quel nom ses parents lui avaient donné, elle n’est même pas sûre d’être sur la terre, il n’y a pas vraiment de saisons et aucun animal. Avec 39 autres femmes, plus âgées qu’elle, elle a passé des années dans une cage et quand la chance et le hasard leur permet de sortir, c’est pour parcourir une planète quasi stérile où elles sont apparemment les seuls êtres vivants. Au fil des années les femmes plus âgées meurent et la petite, la plus jeune, reste seule. Une histoire insensée, angoissante, sans espoir et pourtant terriblement prenante, et qui montre que même dans une telle situation l’homme a soif de comprendre, d’apprendre et garde une étincelle d’une forme ténue d’espérance. Il ne se passe rien d’extraordinaire et c’est bien cela qui rend le propos terrible. Et je ne me suis ennuyée à aucun moment, l’auteur a bien su rendre que dans une telle vie le moindre petit événement est susceptible d’influer la suite un tant soit peu. L’atmosphère est bien rendue, surtout celle entre ces femmes dans la cage. Triste et au premier abord anxiogène, cet ouvrage est assez salutaire, dans le sens où par sa curiosité insatiable et sa rage de vivre la dernière femme donne un sens sinon à sa mort, du moins à sa vie. Une sorte de conte philosophique percutant et très déstabilisant !
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Moi qui n'ai pas connu les hommes

Oh là, là.... voilà un livre dont j'aurai bien du mal à vous faire une critique, parce que je ne veux pas en dire trop !! Je referme la dernière page troublée par ma lecture... Un livre sans grands rebondissements, mais qui hypnotise complétement, qui captive... La qualité d'écriture est indéniable, mais c'est sombre, tellement pas rempli d'espoir... juste celui d'enfin comprendre et de trouver une explication... et le récit avance, et avance... et puis, la claque sur la dernière ligne, qui nous laisse complétement dans le... vide. Mais déjà, en disant ça, je me dis que j'en dis trop ! Je rajouterai seulement que malgré sa noirceur, se livre parle tellement bien de solidarité féminine, d'une communauté de femmes qui apprennent, malgré elles, à vivre confinées, d'abord dans un espace clos, et puis, ensuite, dans leurs âmes qui bien, qu'elles soient libérées, se referment peu à peu annihilant toute son envie de vivre... Voilà un roman d'anticipation qui m'habitera longtemps, je crois....
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Le bonheur dans le crime

Jacqueline Harpman nous a quitté voilà déjà 10 ans. A la fois romancière et psychanalyste cette auteure propose à son lecteur une plongée en apnée dans la psyché de ses personnages devisant sur l'amour, le désamour, la vieillesse, le mariage, la fidélité, la sexualité, le flou des identités, les codes de la société , les tabous, la religion , l'athéisme ...

Attirée par ce titre ambigu, le bonheur dans le crime , j'ai pénétré "par effraction" dans la maison des Dutilleul avenue Franklin Roosevelt à Bruxelles. Un narrateur, un embouteillage monstre, un arrêt forcé devant cette maison, un passager à qui narrer l'extraordinaire histoire de cette famille, une histoire où le bonheur, ou la quête insatisfaite du bonheur a conduit au drame , où le crime est resté impuni.

Ce roman à nul autre pareil m'a fascinée, je me suis laissée portée par les mots, j'ai lu et relu certains passages émerveillée par la profondeur des propos tenus .

Je ne résiste pas à partager une phrase de son roman Orlanda dont elle avait fait sa devise:

"Je n'ai jamais eu la prétention d'écrire des histoires moralement correctes."

Une devise parfaitement illustrée par ce roman le bonheur est dans le crime.





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Le bonheur dans le crime

J’ai sorti de ma PAL Le Bonheur dans le crime. Cela faisait longtemps que j’avais envie de relire ce roman qui, il y a longtemps (il a paru pour la première fois en 1993), m’avait éblouie et je me demandais avec un peu d’appréhension si le même bonheur de lecture serait au rendez-vous.



Eh bien j’ai eu la même impression de brillance, d’élégance, d’intelligence. Jacqueline Harpman crée avec brio et pourtant elle s’inspire de la nouvelle éponyme de Barbey d’Aurevilly (que je n’ai pas lue), qui raconte elle aussi une relation amoureuse hors-normes dans une maison de maître. La romancière maîtrise la mise en abyme avec le récit dans le récit (un homme profite d’un arrêt forcé pour évoquer l’histoire d’une maison de l’avenue Franklin-Roosevelt à Bruxelles) et la maison dans la maison (des passages secrets mènent à des chambres cachées à l’intérieur de la maison). Ces mises en abyme sont enrichies par de multiples jeux de doubles et de miroirs dans lesquels évoluent les personnages, ceux des générations précédentes et ceux de la famille actuelle : des prénoms semblables, des couples, des rôles identiques, ceux qui regardent et comprennent, médusés, ceux qui voient sans voir, ceux qui se regardent et ignorent tout superbement autour d’eux. Simone et Philippe, Clément et Emma, Emma et Emma, Delphine et Hippolyte, Dutilleul et Gaveau : jeux de miroirs aussi entre intime et image de soi, dedans et dehors, le tout brillamment orchestré par une grande dame de la littérature belge qui était aussi psychanalyste, rien d’étonnant à cela quand on observe la complexité de ces personnages et les racines profondes qui gouvernent leurs actes, leur être tout entier. Cela concerne aussi le narrateur, à la fois prêtre et médecin. Malgré les nombreux effets d’annonce, le lecteur qui découvre ce texte ne manquera pas d’être surpris en découvrant l’identité de la personne qui accompagne ce narrateur : la finesse de Jacqueline Harpman va jusque là. Le tout servi par une écriture élégante (avec des imparfaits du subjonctif jouissifs), dont les périodes n’ont jamais ôté chez moi le sentiment de vivacité, de pétillement, un vrai bonheur de lecture, je e répète.



Ce fut une relecture passionnante !
Lien : https://desmotsetdesnotes.wo..
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Moi qui n'ai pas connu les hommes

Un roman très dérangeant pour lequel il m’est bien difficile de donner mon ressenti. En effet je n’ai eu que peu d’empathie pour ces femmes, qui demeurent très anonymes, hormis le personnage principal. 40 femmes enfermées dans une cave depuis … combien de temps ? Elles ne le savent pas. Peut-être dix ou quinze puisque « la petite », personnage principale de l’histoire, a atteint l’âge de la puberté.

Toutes nos questions, et les leurs aussi, restent sans réponse : pourquoi les garder là, les nourrir et les chauffer, sans leur parler, sans exiger quoique ce soit d’elles ? De quel projet font-elles partie ? Qui sont ces gardes et pourquoi s’enfuient-ils en entendant la sirène ?

Et cette clé restée sur la porte, est-ce enfin la liberté ? le retour à une vie normale ?

Je suis restée spectatrice de leurs efforts, de leur volonté de vivre en s’organisant, en continuant à avancer … mais avec quel but ?

Une lecture déroutante que je ne risque pas d’oublier de sitôt.

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Moi qui n'ai pas connu les hommes

Quarante femmes emprisonnées dans une cave depuis 10 ans, depuis la "catastrophe", et puis l'alerte, la fuite des gardiens la découverte du ciel, d'une maigre végétation, d'autres caves dont les prisonniers n'ont pas pu s'enfuir et sont morts. Elles construisent un village, vivent des 'réserves', s'éteignent une à une au fil des années.



L'auteure, élude la raison de cette incarcération, les tonnes de viande qui constituent les réserves et l'électricité alimentant indéfiniment la chambre froide car psychanalyste, elle s'intéresse surtout à la jeune narratrice, qui n'a d'autre souvenir que la cave et ce que les vieilles lui ont raconté du monde d'avant, amputée sentimentalement et qui attend la mort de sa dernière vieille compagne pour pouvoir enfin partir à la recherche d'autres humains.

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Récit de la dernière année



Delphine Maubert qui vient de fêter ses cinquante ans apprend peu après qu'elle est atteinte d'un cancer du poumon inopérable et insoignable et qu'il ne lui reste qu'entre 6 mois et 1 an à vivre.



Veuve depuis 11 ans, elle trouve auprès de sa mère âgée de 77 ans et de ses 2 enfants, Mathilde et Paul, la force de surmonter ces longs mois d'agonie, d'abord leur avouer sa maladie et puis le courage de vivre ses derniers instants de vie.



Son médecin, François Letellier, tombe amoureux d'elle, lui qui ne l'a jamais été de personne en particulier mais leurs rapports en resteront aux conversations philosophiques au sujet de la mort et de la vie.



De la vie principalement car Delphine partage ses derniers mois dans un "jeu" entre sa mère et sa fille, un jeu consistant à se faire rire en se rappelant les bons souvenirs de leurs vies et en s'en informant l'une l' autre , une manière de se transmettre tout le bon avant l'inéluctable séparation.



Un roman sans pathos ni tremolo où la mourante dotée d'un caractère positif et très bien entourée vit ses derniers instants comme peut-être les meilleurs de sa vie.



Faible mais ne ressentant nulle souffrance physique, on souhaiterait une mort pareille, hormis l'âge. Trois générations de femmes, la mère, Pauline, la malade, Delphine et sa fille, Mathilde passent leurs derniers mois ensemble à rire plutôt qu'à pleurer même si les larmes surgissent parfois dans leur intimité. Résolues à absorber tous les bons souvenirs de leurs vies, elles font semblant (et ça devient réalité) de vivre une période chaleureuse et resserrent les derniers liens que le temps leur accorde.



Entourée également d'un médecin qui ne peut sauver sa patiente mais l'aime de tout son coeur, Delphine connaîtra une mort douce chez elle, entourée des siens.



Un livre tout en pudeur, en retenue, qui donne la meilleure part aux souvenirs, à la famille. Des gens qui s'aiment de tout leur coeur et qui, dignes au plus haut degré, ne veulent retenir de la vie que le meilleur qu'elle leur a offert, des gens qui s'écoutent, se souviennent et rient malgré leur chagrin. Profitons de ce qu'on a et qu'on a eu avant l'éclipse finale.



Une écriture fine, pudique, réaliste qui caractérise si bien Jacqueline Harpman, qui, il ne faut pas l'oublier, était psychanaliste. Une personne que j'ai rencontrée et davantage admirée encore.
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Moi qui n'ai pas connu les hommes

J'ai lu quelque part : "On a pu parler de Kafka, de Paul Auster ou du Désert des Tartares au sujet de cette œuvre à la fois cauchemardesque et sereine, impassible et bouleversante." C'est en effet impossible de classer cette œuvre, hors du temps et de l'espace connu : aucun indicateur ne nous permet de déterminer où l'action prend place ni quand. Harpman a créé un monde surréaliste, angoissant, où le lecteur est, de manière frustrante, cantonné aux faibles connaissances de la narratrice qui consigne ces faits à la fin de sa vie. Or, elle ne sait rien. On ne peut donc que postuler, et c'est ce gouffre de suppositions qui rend cette lecture vertigineuse : pourquoi ces femmes - et ces hommes - ont-elles été enfermées tout ce temps ? qui sont les gardiens ? sont-elles même encore sur Terre ? pourquoi les gardiens ont-ils fui ? Finalement, tout le long du roman, on attend une explication qui ne viendra jamais.



Cela fait trois semaines que je l'ai lu maintenant et je n'ai pu trouver de réponse. Et au bout d'un moment, je me suis dit : et si l'auteur ne savait pas non plus ? alors j'ai accepté de réfléchir avec les seuls éléments qu'elle nous donne et les questions qu'elle soulève.



Car il me semble que c'est un fait exprès qu'elle se soit détachée de toute contingence de détails quelconque, souhaitant aller à l'essentiel, mais sans nous guider dans nos questionnements.



Parmi tant d'autres mystères, elle interroge la notion de féminité et de relation homme/femme. En effet, la plus jeune, qui n'a jamais connu les hommes ( à la fois l'humanité et le sexe masculin) ne développe pas une puberté normale, comme si son corps ne savait pas quel cours suivre et ne s'était pas préparé.



Elle questionne également les relations entre les femmes. La narratrice remarque par exemple "l'ardeur qu'elles mettaient à redire dix fois la même chose sous une autre forme pour ne pas s'apercevoir qu'elles n'avaient, en fin de compte, absolument rien à se dire depuis une éternité, mais il faut qu'un être humain parle, sinon il perd son humanité". Ce n'est finalement qu'au seul contact de ces femmes que la jeune fille apprend ce qu'est la nature humaine, et les codes qui vont avec. Or, elle va se mettre à se raconter des histoires, avec le peu qu'elle sait, elle invente - miracle de l'esprit humain. Jusqu'à ce qu'elle se rende compte que "dans mes histoires, il y aurait toujours des événements; dans ma vie, il n'y en aurait jamais." Lorsqu'elle découvre les livres, de la même façon, elle prend conscience qu'il lui manque tous les éléments pour les comprendre. Et elle s'interroge : "aurai-je mieux compris le théâtre de Shakespeare ? ou l'histoire de Don Quichotte de la Manche ?". Elle ouvre ainsi l'interrogation de la relativité du savoir et de la littérature, qui ne sont que des reflets de la société telle que nous la vivons aujourd'hui, mais qui n'auront peut-être plus aucun sens dans un ou deux siècles.



De la même façon, ce sera la seule à accepter de donner la mort aux femmes malades, sans rien ressentir. La mort est elle aussi une construction humaine, tout comme le meurtre ou plutôt ici l'euthanasie qui a du sens dans une société où on ne peut sauver ou empêcher les gens de souffrir et de vouloir partir.



C'est donc un roman très complexe, qui, à travers cette histoire plus qu'étrange, interroge en réalité l'ensemble de la nature et de la condition humaine.



En bref, un roman difficile à décrire, mené par un style agréable, en tout cas adapté au récit, et qui m'a profondément marqué. A lire.
Lien : http://wp.me/p1Gkvs-CQ
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La Dormition des amants

À une époque imaginaire qui ressemble à s'y méprendre au XVIIe siècle, la jeune Maria Concepción, infante d'Espagne, se voir offrir le jeune Girolamo, huit ans, enfant châtré rescapé d'un navire d'esclaves.

Ils grandissent ensemble, comme deux âmes jumelles, partageant la même solide éducation promettant Maria à un grand destin, car son père ambitionne de la voir reine. À quinze ans, elle épouse le roi d'une France déchirée par les guerres de religion. Girolamo accompagne la jeune souveraine dans sa quête de pouvoir.



Ayant lu à plusieurs reprises des textes de Jacqueline Harpman, j’ai abordé celui-ci avec un sentiment d’impatience et une légère appréhension.

Que voulez-vous, je ressens toujours la crainte d’une déception lorsqu’il s’agit d’un auteur que j’aime particulièrement.

Mais, dès les premières pages, j’ai été emportée par cette belle histoire.

Les personnages sont très attachants, que ce soit Girolamo eunuque ou Maria farouchement attachée à sa liberté d'expression et de penser. Sans oublier Edouard, roi de France amoureux et homme prêt à beaucoup pour contenter son épouse.

Si l'histoire d'amour entre Maria et Girolamo tient une grande place dans ce récit, j'ai également aimé tout ce qu'il se passe autour. Les personnages secondaires, la vie à cette époque.



Toute cette histoire est portée par la plume toujours aussi agréable de Jacqueline Harpman qui mériterait plus ample notoriété.

N’hésitez pas à découvrir son meilleur roman à mon avis : « Moi qui n’ai pas connu les hommes » qui reste gravé dans ma mémoire.





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Moi qui n'ai pas connu les hommes

Chacun aimerait bien savoir ce qu’il y a de l’ « autre côté » … Le parcours est tantôt long, tantôt bref,

tantôt simple, tantôt étrange, à chacun le sien mais personne n’en est jamais revenu pour nous le décrire mais cette fois peut-être ….

Le chemin que vous allez découvrir ici est outre le temps plus qu’étrange, l’imagination et la façon dont vous est conté l’itinéraire du personnage central de ce roman est hors normes et prenant, sidérant, anxiogène au point de vous rendre quelque fois vraiment mal à l’aise sans pour autant vous lâcher !

Inclassable, mais à lire absolument, sachant que vous n’en sortirez pas indemne !



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Moi qui n'ai pas connu les hommes

Un roman futuriste qui nous empoigne dès les premières pages, une illustration d'un néant qui enlève à l'homme toute la fierté de son humanisme! Moi qui n'ai pas connu les hommes est un roman troublant qui nous présente un univers où à chaque évolution de nos personnages, plusieurs interrogations n'arrêtent pas de saisir notre esprit...
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La fille démantelée

237 pages de haine.

Haine pour une mère méchante et non-aimante.

Un long cri de 237 pages.

Et il n'en faut pas moins, en espérant que cela puisse suffire, pour exorciser ces années ou la froideur et la cruauté de sa mère l'ont plongée dans l'incompréhension et la souffrance.

Comment réussir à se construire, à construire soi-même une famille quand enfant et adolescente on n'a rien connu de l'amour ?

L'auteur semble fort heureusement y être parvenue, mais il y a encore toute cette haine pour cette mère Folcoche à évacuer.

D'où ce livre.

Un livre fort bien écrit, qui règle ses comptes avec cette marâtre.

J'ai beaucoup aimé le début, puis après j'ai un peu eu la sensation de tourner en rond.

En tout cas, même s'il fait souvent froid dans le dos, c'est le portrait réussi d'une mère calamiteuse qui n'aura pas réussi à avoir raison de sa fille.
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L'Orage rompu

La vie de lectrice est pleine de rencontres imprévues et improbables. Aujourd'hui j'ai croisé la plume de Jacqueline Harpman et ce fut une très belle rencontre.

Cornélie aussi fait une très belle rencontre. En ce jour de novembre elle rentre sur Bruxelles. Elle revient de l'enterrement de son ex-mari. Au wagon-restaurant il ne reste qu'une seule place .. En face d'elle un homme en complet gris 3 pièces attaché-case. L'improbable surgira t'il?

Rien d'original à priori, un homme, une femme, un train, une complicité qui s'établit. Mais voilà le talent de Jacqueline Harpman est là et le charme opère.Le propos léger et pétillant se fait précis et percutant et fait mouche. Une très belle réussite.

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Orlanda

Aline, est une jeune femme apparemment heureuse, elle est professeur de littérature et mène une vie sereine bien que sans passion.

Lucien, lui est un jeune journaliste, sans grandes ambitions, célibataire, il partage sa vie entre sa mère, sa sœur et sa petite amie.

Alors qu’ils s’ennuient, chacun à une table, dans un café Parisien, la jeune femme décide « d’envoyer » la part masculine de sa personnalité à l’intérieur du corps du jeune homme.



Ainsi naîtra Orlanda et à travers lui Aline vivra ses fantasmes toujours refoulés.

Mais pour combien de temps ?

Est-il possible de vivre en étant amputé d’une partie de soi-même ?

Jacqueline Harpman signe là un roman complexe et très original et me donne envie de poursuivre ma découverte de l’œuvre de cette grande dame de la littérature Belge.

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Moi qui n'ai pas connu les hommes

Elles sont quarante. Quarante femmes, enfermée dans entre quatre grilles, dans un cave. Elles sont surveillées par 3 gardiens qui pourvoient à leurs besoins les plus primaires (manger, boire, se laver et s'habiller). Elles ne savent ni comment ni pourquoi elle sont arrivées là.

La narratrice de ce roman fait partie des 40 femmes enfermées. D'aussi loin que remonte sa mémoire, elle a toujours vécu dans cette cave et ne connaît rien d'autre. Elle n'a même pas de nom et les autres femmes l'appellent "la petite" car c'est la plus jeune d'entre elles.

Après près d'un quinzaine d'années enfermées, elles se retrouvent enfin libre, sans aucune explications. Leurs geôliers se sont volatilisés après qu'une étrange alarme ait retentit.

Commence alors une nouvelle vie, faite d'explorations, de questions et de déconvenues.



La quatrième de couverture de ce livre le qualifie de thriller logique. De mon côté, il s'agit plus d'un thriller psychologique.

Ce livre est un véritable coup de coeur pour moi et la fin de ma lecture m'a laissée désemparée et remplie de questions, comme celles que se posaient la narratrice tout au long du livre.

L'organisation de la vie en société lorsque l'on est privé de tout ce qu'on connaît et l'apprentissage ou le réapprentissage des choses les plus élémentaires m'ont particulièrement fasciné. Cela remet en perspective notre vie d'aujourd'hui, remplie de technologie et d'éléments de confort.

Ce roman possède une particularité que je n'ai vu dans aucun autre livre : celle de n'avoir aucun chapitre. Ce qui lui donne un rythme soutenu, même lorsqu'il n'y a aucune action.

Pour finir, je dirai que ce livre ne peut pas laisser indifférent. Pour ma part, il m'a "trituré le cerveau" et même après l'avoir fini depuis quelques heures, je ressasse encore des passages et je me pose plein de questions.
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Ce que Dominique n'a pas su

Julie est amoureuse de Dominique, lequel l’est de Madeleine qui ne s’en rend pas vraiment compte et épouse Alfred qui ne l’aime pas et la traite « comme une fille de ferme ».



Une légère inquiétude me saisit tout à coup. Dans quelle histoire me suis-je embarquée ? Un tel scénario à priori « facile » risque de basculer rapidement dans un marivaudage sans intérêt.



Mais voilà, je suis dans un roman de Jacqueline Harpman qui a le talent de nous plonger dans une histoire banale avec un regard empli de finesse et de sensibilité.



Julie est terriblement attachante, observatrice sans concessions, en rébellion constante avec les impératifs du « savoir-vivre ». Elle vient nous livrer des confidences que Dominique n’a semble-t-il pas perçu ni seulement imaginé. Dès le début, Julie nous prévient en déclarant que Dominique est « un homme aux idées étroites qui se croit large d’esprit car il a souffert ».



Ces analyses subtiles confèrent aux personnages une vraie profondeur et les « seconds rôles » (notamment le père et le cousin) ont une présence réelle et indispensable. Au-delà de la qualité narrative, Jacqueline Harpman par la maitrise d’une plume tellement précise offre un pur bonheur de lecture.



Je me suis laissée emporter par cette histoire où l’on découvre les contraintes que s’imposait à elle-même une certaine société avec le culte de la pureté et de la fidélité comme vertus cardinales jusqu’à en arriver à une hypocrisie malsaine.



Après le magistral « Moi qui n’ai pas connu les hommes » j’ai eu envie de découvrir un autre texte de l’auteure et mon choix s’est porté sur « Ce que Dominique n’a pas su ».

Un peu par hasard je dois dire car j’ai découvert ce roman chez un bouquiniste alors que je n’y cherchais rien de précis.

Ce fut une belle découverte.

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Moi qui n'ai pas connu les hommes

Qui ne s'est jamais réveillé, déboussolé, se demandant où il était (après une soirée un peu trop arrosée ou pas) ?

C'est ce qui arrive à un groupe de femmes de tous âges et de tous horizons, et qui ne se connaissent pas.

Que font-elles là, dans cette cave ? Qui sont ces gardes muets qui les surveillent et les nourrissent ? Pourquoi les a-t-on emprisonnées et pourquoi les maintient-on en vie ?

Qui est celle qui n'a pas de nom mais que l'on appelle La Petite, qui ne se souvient de rien et qui semble n'avoir jamais connu le monde extérieur ?

La plus jeune du groupe qui n'a pas de souvenirs à partager avec ses compagnonnes d'infortune.



Dans cet environnement, il leur est interdit d’être tactiles les unes avec les autres, interdit de se suicider malgré le désespoir, les notions du temps sont floues.

Ces femmes sont déshumanisées, humiliées presque car ne disposent d'aucun moment d'intimité, même pour aller aux petits coins.



Comment vivre en groupe, privé de toute liberté,

Comment vivre simplement lorsqu'on est emprisonné,

Comment donner un sens à sa vie lorsqu'elle est remplie de routine forcée,

Comment faire pour s'échapper ?



BIIIIIP

Une alarme retentit,

Subitement les gardes s'enfuient

Mais ont au préalable ouvert la grille

Elles sont libres ! LIBRES ! Enfin de l'enfer sorties !



A moins que ce ne soit que le début d'un autre enfer extérieur...

Livrées à elles-mêmes dans le désert sans fin, elles ont peur.



Personne à l'horizon,

Où sont-elles, quel est cet endroit loin de la civilisation ?

Toujours pas de réponse à leurs questions,

Rien de pire que l'incompréhension

Menant à la résignation et la désolation.



Heureusement qu'elles peuvent compter sur La Petite, la cadette,

Celle qui est à part, sans passé, mais maline fillette,

Elle va les motiver à faire des maisonnettes,

Fouiller les alentours à la recherche d'explications et d'autres âmes et silhouettes.



Sont-elles seules ici ?

Triste dystopie

De la solitude l'allégorie

Seul, sans personne à qui

Parler... Comment donner un sens à sa vie ?



Pourquoi vivre si notre vie n'aura compté pour personne ?

Qui se souviendra de notre passage dans ce désert que l'on sillonne ?



Finir poussière, finir sable

Malgré notre soif insatiable

De vivre et savoir pourquoi

Mourir dans l'ignorance d'avoir vécu toute notre vie dans cet endroit

Sans savoir pourquoi

Sans savoir pourquoi.





Cette dystopie haletante

Sans chapitres, comme pour montrer que même le livre est construit d'une façon inhabituelle

Elle m'a emmenée avec ces femmes désespérées, ces femmes battantes, solidaires malgré leurs conditions de survie précaires.

Un vrai voyage intérieur, comme une introspection et qui permet de se poser les questions essentielles sur le sens de notre vie, la solitude, et la difficulté de ne pas se résigner face à l'adversité.

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La Dormition des amants

Je remercie très chaleureusement Babelio et les éditions Espace Nord pour ces quelques jours de bonheur de lecture. J'ai découvert une auteure de talent, un style original, une écriture de toute beauté et une histoire d'amour poignante. J'ai toujours peur de lire une histoire d'amour mièvre et « cucul », passez-moi l'expression, mais ce roman est beau, touchant et émouvant. On se prend à aimer ces deux « amants ».



Pourquoi avoir choisi ce roman parmi la longue liste de romans proposée lors de la masse critique de la rentrée littéraire de septembre 2020 ?

Cela ne tient parfois à pas grand chose. J'ai trouvé le titre magnifique et plein de poésie.

Le mot « dormition » m'a interpellée. Je l'ai trouvé très beau. Il désigne la mort de la vierge Marie, est-ce une référence à l'héroïne qui se nomme Maria ?

Et la couverture mystérieuse et intrigante des amants de René Magritte est tout simplement sublime. Leurs visages voilés peuvent être interprétés de différentes façons : comme un amour interdit, un amour secret, ou un amour profond entre deux personnes qui ont une parfaite connaissance l'un de l'autre.

J'ai lu très succinctement le résumé qui souvent en dit trop et j'ai cliqué en espérant le recevoir.



Ce roman ressemble à un roman historique qui se déroulerait au 17ème siècle.

Le décor, l'art de vivre de l'époque et quelques faits historiques maintiennent l'illusion. Mais « lorsque, le 14 mai 1610, le roi Henri IV tomba sous le poignard de Ravaillac, une parenthèse s'ouvrit. Une maille sauta dans l'étrange tricot du temps, l'espace s'y engouffra, créant d'imprévisibles distorsions. ». L'auteure va alors jouer avec l'anachronie pour nous raconter l'histoire imaginaire de l'infante d'Espagne, Maria Conception de Los Lloros, qui deviendra reine de France en épousant le jeune roi Edouard.



Au moment de mourir, Maria va demander à son fidèle serviteur, Girolamo, de coucher par écrit ses mémoires. Ainsi, le récit débute et finit par les derniers instants de sa vie. Même au seuil de la mort, cette belle personne, fière et combattante, surprend par sa force et son orgueil. Vous ne saurez qu'au terme du récit les sentiments qui l'ont animée et qu'elle a gardé secret.



Rescapé d'un bateau d'esclaves, amputé de sa virilité et gravement malade, Girolamo, alors âgé de 8 ans, est offert à Carlos, roi d'Espagne. Cet enfant devenu eunuque sera sauvé par l'infante et deviendra son confident, son homme de confiance, intelligent et instruit, vivant dans son ombre, « serviteur plus fidèle que l'amant le plus enchaîné ».

Leur histoire d'amour sera bien étrange car leur amour est pur, chaste, leur intimité d'esprit accepté de part sa mutilation qui leur interdit tout rapport charnel.

« Pour moi, l'amour fut toujours dans l'âme, jamais dans le corps. »



Cette reine est une petite femme au caractère trempé, érudite et intelligente qui sait charmer, même les hommes les plus endurcis. Elle n'aura de cesse de transgresser les normes sociales, militer pour l'instruction des femmes, abroger la loi salique, et lutter contre l'intolérance religieuse.



Jacqueline Harpman, décédée en 2012, nous plonge dans un fiction aux allures de roman historique et s'attache à dépeindre des personnages forts et consistants. La psychologie des personnages, leurs sentiments sont mis en avant. Les thèmes chers à l'auteure comme la passion amoureuse, l'émancipation de la femme, le plaisir sexuel sont au coeur de ce beau roman. Ecrit avec un humour fin très agréable, c'est un magnifique roman que je vous invite à découvrir.

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Moi qui n'ai pas connu les hommes

Jacqueline Harpmann a une formation de psychanaliste et ça se sent dans la façon dont elle écrit .

Ici , on est dans un monde imaginaire où les femmes n'ont plus qu'un lointain souvenir de leur vie d'antan , pourtant , il y a une note d'espoir car même dans cet univers déshumanisé ,une jeune fille va donner la vie .

Malgré l'aprêté du sujet , le livre n'est pas rébarbatif , c'est un livre d'une grande originalité .
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Moi qui n'ai pas connu les hommes

"Je ne lui souhaitais pas de mourir : mais comment lui aurais-je souhaité de vivre ?"



La vie était normale quand soudain elle s’est arrêtée : personne ne se souvient avec précision de ce qui s’est passé, tout au plus des bribes de sensations, des cris, des flammes, le milieu de la nuit et puis pouf, plus rien jusqu’au réveil dans une cage, sans ouverture vers l’extérieur. Elles sont 39 femmes, aucune ne se connaît "d’avant", plus une fillette. Elles sont surveillées nuit et jour par 3 gardiens experts en maniement de fouet pour empêcher tout contact physique et toute agitation. On ne leur demande rien, on ne leur dit rien, elles ignorent où elles sont, pourquoi, ce qui les attend. La narratrice n’a aucun souvenir d’une vie en dehors de la cage, elle était une très jeune enfant sans doute avant et a grandi dans cette cage, sans aucun contact ni amour. Elle est étrange, au sens premier du terme, et elle sera la seule survivante pendant un laps de temps, des années après que les autres se seront éteintes…



Est-on un être humain quand on est seul ou plus exactement, peut-on se construire sans altérité ? Tout est étrange dans ce roman et pourtant il donne des réponses, à la situation elle-même (mais sans jamais rien expliquer réellement) et aux interrogations de la narratrice (que l’on partage évidemment). A son instar, on comprend vite que se poser une question EST une réponse, dans la mesure où c’est neuf, où cela sort de la routine asphyxiante. Mais à son contraire on laisse affleurer l’émotion, et c’est un morceau plutôt tragique, tout ça (avec plein de choses mêlées, des touches comme ça postapo ou Robison Crusoé ou SF ou encore psychanalyse, que du bon !).



"Ce dont on se souvient compte-t-il moins que l’activité de se souvenir ?"



"Elles étaient toujours aussi promptes à rire et je commençais à comprendre que ce n’était pas de la sottise ou de la futilité, mais un moyen de survivre."



"- Savoir sert à savoir ! Parfois avec ce qu’on sait, on peut faire, mais ce n’est pas l’essentiel. Je veux savoir tout ce qu’il y a à savoir, pour rien, pour le plaisir."



"En fait, je me dis que j’avais été hypocrite et, comme je n’avais personne à qui mentir, je découvrais qu’on peut mentir à soi-même, ce qui me sembla très étrange. La compagnie me manquait-elle donc plus que je ne le croyais, que je fisse de moi une autre, un témoin, fût-ce pour le tromper ? Je restai longtemps sur cette pensée, mais je ne voyais pas comment la développer davantage."
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